20.1.23

d'un opéra l'autre

à  Myriam et Manon

    J'ai fini le 12 ou 13 janvier L'île des âmes, le roman où mon marque-page était une demi-feuille, partie de la bibliographie d'une thèse de physique quantique, où j'avais trouvé les références L. Mandel et A. Migdall quelques minutes après une association entre "mandoline" dans un roman de Queen et "(a)mygdale" dans ma lecture de La mort et la boussole de Borges.
  Détails ici, et dans le billet suivant.

  Après L'île des âmes, emprunté à Volx, j'ai commencé un thriller judiciaire emprunté le même jour, et me suis rendu compte que je l'avais déjà lu. Alors j'ai commencé un autre roman toujours emprunté le même jour, mais à Gréoux, Artifices de Claire Berest.
  Il était au rayon policier, et je doute que l'auteure approuve ce classement, mais sinon son existence me serait probablement restée inconnue.
  Je ne l'aurais sans doute pas emprunté non plus si son flic ne s'était pas nommé Abel Bac, et ma passion pour le thème Caïn-Abel m'a ainsi fait lire tous les Barbara Abel, bien que je n'y ai guère trouvé jusqu'ici matière à commentaire, mais ce sont néanmoins des polars souvent recommandables.

  Mes CRITERES ABEL semblent mieux se justifier avec les CEREBRALITES de CLAIRE BEREST (anagrammes), mais un petit préalable est souhaitable avant d'y venir.
  Le billet du 11 mentionnait le substitut courant du Tétragramme JHVH "kuzu", obtenu en décalant ces lettres d'un rang. J'envisageais notamment les lettres KZ en rapport avec les initiales JV de Jules Verne.
  Le 13, j'ai ajouté au billet cette note:
A propos de KZ, il m'est revenu ce matin que Klaus Kinski (KK) jouait Yavé dans Zoo Zéro (ZZ), un film dont les noms de tous les personnages sont calqués sur YHWH (et Eve).
  Ceci m'a donné envie de revoir ce film d'Alain Fleischer visionnable sur YouTube, avec des sous-titres anglais. La scène initiale est marquante: au cabaret L'arche de Noé, Eva (Catherine Jourdan) chante La dompteuse du cirque de Berlin devant des spectateurs portant des masques d'animaux.
  Cette dompteuse est tombée amoureuse d'un lion fou, qu'il a fallu abattre.
 

 
  L'un des spectateurs est Yavé (Klaus Kinski), directeur du zoo (de Vincennes), portant une perruque rousse et un masque de lion.
  Eva ira au zoo à la fin du film, et elle et Yavé en libèreront les animaux.

  J'ai capturé l'image ci-dessus pour les mots "mad lion" qui me sont importants, particulièrement "mad" dans les billets récents, sous cette forme, ou dans l'ordre ADM, Adam en hébreu.
  Fleischer révèle dans Le carnet d'adresses que le cinéaste Jean-François Adam l'a aidé à trouver le financement du film. Lorsqu'il l'a vu, Adam s'est dit ébloui par la première séquence, puis déçu par tout le reste.
  La fiche Wikipédia ne mentionne qu'une critique du film, celle d'Eve Lowins dans Fiction n° 304 (Lowins pourrait être lié à l'allemand Löwe, "lion").

  Sans connaître l'avis d'Eve, je suis assez d'accord avec Adam, mais une autre séquence a attiré mon attention. Le ventriloque Yves (Rufus) récite un texte: il m'a semblé que c'était une fable de La Fontaine, et j'ai vérifié que c'était Le Lion amoureux.

  Après avoir fini de regarder Zoo zéro, j'ai repris Artifices, dont je n'avais lu que quelques chapitres, et me suis aperçu que les titres de chapitres formaient un texte autonome, qu'une recherche m'a fait identifier comme étant une autre fable de La Fontaine, Le Renard, le Loup et le Cheval.
  De fait la fable est explicitement convoquée dans le roman, dont un personnage essentiel est l'artiste Mila, célèbre pour ses performances provocantes. Elle fait rentrer un cheval à Beaubourg, monte une réunion de loups costumés au musée de la Chasse. Quant au renard, ce pourrait être Abel, dans l'immeuble duquel elle a loué une chambre sous son vrai nom, Elsa, et a débuté une relation avec lui.
  Dans sa jeunesse, Elsa-Mila a vécu une tragédie, l'assassinat de ses parents dans un massacre commis par un jeune homme, lequel avait pour seul ami Abel, qui portait alors un autre nom, lequel n'est pas révélé. Pense-t-elle qu'Abel avait une responsabilité? Toujours est-il qu'il ne sortira pas indemne de la confrontation, et, qu'après les 68 chapitres égrenant la fable, l'épilogue le montre interné en psychiatrie, s'apprêtant à lire une lettre où Elsa-Mila l'informe qu'ils s'étaient rencontrés jadis, après les épreuves du bac, où ils avaient discuté du sujet sur lequel ils avaient disserté, Le Renard, le Loup et le Cheval.

  Je me suis renseigné sur Claire Berest, et appris que son compagnon était aussi un écrivain, Abel Quentin, nom de plume d'Albéric de Gayardon.
   Le pseudo est inspiré par le diminutif Albé d'Albéric, et par le personnage d'Albert Quentin dans le livre Un singe en hiver (Jean Gabin dans le film).
   Ce lien entre Albert et Abel m'a rappelé l'importance de ces prénoms dans divers romans à thématique voisine évoqués dans les précédents billets, Albert Lessing dans La bibliothèque de Villers, Albert Fnak dans mon roman, Abel Brigand, Monsieur Abel...

   J'ai appris que la soeur de Claire, Anne Berest, était aussi auteure, notamment de La carte postale, un titre qui avait attiré mon attention, mais un rapide coup d'oeil m'avait dissuadé. La Shoah est un sujet qui me bouleverse trop.
   Me renseigner plus avant m'a convaincu, et le 14 j'ai emprunté le livre à Gréoux, commencé une fois fini Artifices.


  Lélia, la mère d'Anne et Claire, a reçu en 2003 une carte postale déposée le 4 janvier à la poste du Louvre. Son texte se bornait à quatre mots, Ephraïm Emma Noémie Jacques.
  Ephraïm et Emma Rabinovitch étaient les grands-parents de Lélia, Noémie et Jacques leurs enfants. Tous ont été déportés en 1942 et ne sont pas revenus. Seule la fille aînée, Myriam, a été sauvée, par un passage rocambolesque en zone non-occupée, serrée contre Jean Arp dans le coffre d'une voiture.
  J'avais été marqué ado par une sculpture de Arp dans un numéro de Planète, et par son titre, Contre les froids géométriques si ma mémoire ne défaille pas. Voici ce que j'ai trouvé de plus proche.

  15 ans après la réception de la carte, un incident conduit Anne à vouloir découvrir son origine, et sa mère Lélia l'y aide.
  Myriam, qui avait donné naissance à Lélia en 1945, est morte en 1995.
  Lélia, historienne, avait déjà reconstitué l'histoire de sa famille et fournit l'essentiel de la première partie. Les Rabinovitch ont fui les pogroms russes pour rejoindre Riga, où ils ont passé quelques années, mais l'antisémitisme croissant les a fait partir en 1924 pour la Palestine où le père d'Ephraïm avait une orangerie.
  Où ça? à Migdal précisément, la Magdala des Evangiles. Lorsque j'ai vu ce nom, page 44, au début du chapitre 7, je me suis demandé si Ephraïm allait planter des amandiers.
  Non, mais Ephraïm ne s'adapte pas au climat palestinien, et contacte son frère à Paris, Emmanuel. Sous le pseudo Manuel Raaby, c'est un acteur qui a notamment joué dans plusieurs films de Renoir. Il est signalé dans ce même chapitre, page 49, qu'il vit avec sa fiancée, la peintre Lydia Mandel.
  C'était le 16 janvier, 5 jours après la coïncidence Mandel-Migdall du 11, 26 après celle Mydagel-Hellequin (Caïn!) du 21/12.

  Lydia Mandel est une peintre cotée, et j'ai choisi parmi ses oeuvres celle-ci, car son format 19x38 cm est un carré long (hauteur double de largeur), or c'est le format privilégié du peintre Alain Vogt dans le roman Abel Brigand, mentionné dans le précédent billet, ce qui joue un rôle essentiel dans l'intrigue.
  Son nom n'apparaît qu'une seule autre fois dans La carte postale, au chapitre 16 où est signalée sa rupture avec Emmanuel.

  Les 5 Rabinovitch arrivent donc à Paris à l'été 1929. Le petit dernier Itzhaaq, né à Migdal, est rebaptisé Jacques. J'ai vu dans la nouvelle de 1942 de Borges une prémonition de l'assassinat de Yitzhak Rabin en 1995, elle est contemporaine de celui de cet Itzhaaq Rabinovitch.

  Bien que ce soit mentionné à plusieurs reprises dans le récit, bien que le recto de la carte postale soit au verso de la jaquette du livre (dont le recto donne le verso de la carte, mais les voici ensemble ci-contre dans une autre édition), ce n'est que le matin du 17 janvier que j'ai réalisé à quel point cette photo de l'Opéra Garnier pouvait m'être significative (et l'être à d'autres).

  Pourtant j'ai parlé à maintes reprises depuis mars 2017 de l'article Ecrire en colonne de Cyril Epstein, un texte qui évoque à mots couverts la Shoah à partir d'une carte postale représentant la place de la Bastille. Le nom Wagner et la construction de l'Opéra sur l'emplacement de l'ancienne gare SNCF y font allusion aux wagons de la déportation.
  L'article donne le recto et le verso de la carte, expédiée par un soldat en février 1915,


et il en tire un "roman", un carré de 9x9 lettres composé avec les lettres GENIE-OPERA, plus M et W. 
  Voici ce carré, où c'est moi qui ai coloré 3 colonnes, Epstein s'étant borné à mettre en gras le M central.

G A R E O P E R A
I W A N M A N O N
R O M A N P R I A
A W A G N E R E G
R E N E M A I N R
E I N E R O I M A
R I A G E M I R M
O O N W O M A N M
I O I M P R I M E

  Epstein se contente ensuite de donner sa lecture de cette grille,
Gare opéra iwan. Manon roman pria à Wagner égrène main reine roi, mariage mir. Moon woman M. IO imprime
et une interprétation peu satisfaisante,
Ainsi la France et l'Allemagne se retrouveront à travers les opéras de Wagner et de Massenet (Manon, d'après le roman de l'abbé Prévost).
  J'en ai parlé pour la première fois dans Wow!, et ai eu l'occasion d'en discuter avec Cyril, qui est quelqu'un d'assez compliqué... Je suis arrivé aujourd'hui à une conclusion: la seule directive consciente de Cyril pour construire sa grille a été d'inscrire en première colonne GIRARE ROI, et en dernière ANAGRAMME. Mes autres lectures sont "fortuites":
- la colonne centrale donne l'anagramme PRENOM NOM, alors qu'un prénom, Manon, et un nom, Wagner, sont essentiels dans la grille;
- la rangée centrale donne l'anagramme MARIE RENN, auteur imaginaire; Cyril a été ébahi de cette possibilité, car il s'intéresse aux apparitions mariales, mentionnées dans son texte (Marie est la "Reine du ciel" pour les catholiques);
- renversée, la colonne 3 livre INANNA MAR, qui m'a fait penser à Inanna Marduk, Inanna étant un autre nom d'Ishtar; Ishtar et Marduk sont reconnaissables en Esther et Mardochée, les héros du livre d'Esther;
- cette formulation permet de lire AMAN, le méchant du livre d'Esther, préfiguration des Hitler et autres fomenteurs de pogroms;
- juste à côté d'AMAN figure WOW dans la colonne 2, or un formidable retournement a conduit Aman à finir pendu sur le gibet qu'il avait préparé pour Mardochée; l'exégèse juive a vu ce gibet symbolisé par une grande lettre waw, ou wow, ו, dans le texte hébraïque traditionnel.

  De colossales coïncidences sont associées à cette grille, publiée en 2005 dans le n° 9 de Formules, qu"on peut lire en ligne ou télécharger sur le site de la revue. Ainsi, dans ce même numéro, j'étais présent avec une double grille basée sur une "carpe tostale" signée Rémi, alors que Cyril voyait sa carte de 1915 signée Rémy (je lis plutôt Henry):



  Trois mois plus tard je découvris une autre grille "ferroviaire" de 9x10 lettres, construite sur le nom d'une gare dans les première et dernière colonnes, évidemment consciemment, mais son auteur démentit formellement avoir planifié la présence des lettres NOM PRENOM dans la colonne centrale...

  Je ne reviens pas sur ces grilles commentées à maintes reprises, avec par exemple un récapitulatif ici, pour étudier l'incidence des nouveaux éléments.
  Anne parvient à résoudre l'énigme. C'est Myriam, la soeur survivante, atteinte d'Alzheimer, qui avait noté sur une carte adressée à elle-même les noms des 4 siens disparus, pour perpétuer leur souvenir, et avait demandé à une amie de la poster, ce que l'amie avait oublié avant de la retrouver 10 ans plus tard.
  Myriam est devenue Marie chez nous, et Manon est le diminutif provençal de Marie.

  Un émouvant passage est un échange de lettres entre les deux soeurs, formant le Livre III, Les prénoms.
  Anne écrit à sa cadette Claire en commençant par lui citer une phrase de Daniel Mendelsohn dans L'étreinte fugitive:

Comme de nombreux athées, je compense par la superstition et je crois au pouvoir des prénoms.
  Ce nom "Mendelsohn" pourrait signifier "fils de l'amande", mais Mendel est plutôt un diminutif de l'hébreu menahem, "consolateur". Cet Emanuel Mendel Almond est néanmoins significatif.
  Dans les premiers livres bibliques, les personnages sont identifiés par un seul mot. Ensuite vient la forme "Machin fils de Truc", et dans bien des cultures c'est ainsi que sont apparues les identités composées, "prénom" fils d'un autre "prénom", lequel est devenu un "nom" de famille à la longue.

  Anne écrit ensuite:
  J’ai réalisé qu’à la naissance, nos parents nous ont donné comme deuxième prénom, à l’une et à l’autre, des prénoms hébreux. Des prénoms cachés. Je suis Myriam et tu es Noémie. Nous sommes les sœurs Berest mais à l’intérieur de nous, nous sommes aussi les sœurs Rabinovitch. Je suis celle qui survit. Et toi celle qui ne survit pas.
  La suite de sa lettre est émouvante, comme la longue réponse de Claire, où elle relate une coïncidence en visitant le musée de la Shoah à New York:
Beaucoup de salles. Et dans l’une d’entre elles, sur un mur, une photographie accrochée. Petite. C’était Myriam. Je l’ai reconnue. J’ai commencé à me sentir mal. Je me suis approchée, il y avait une légende: Myriam et Jacques Rabinovitch, ça venait de la collection de Klarsfeld.
  Je me suis évanouie.
  Claire et Anne, C et A, comme Caïn et Abel. Certains ont jugé ces initiales suffisamment significatives, comme Steinbeck avec les jumeaux Caleb et Aron d'Adam Trask dans A l'est d'Eden.
  Claire a-t-elle songé à Caïn comme vrai prénom d'Abel dans Artifices? Il y a probablement une dimension personnelle dans ce roman, car elle est née un 14 juillet, et c'est un 14 juillet qu'a lieu le massacre où sont tués les parents de Mila/Elsa et la mère d'Abel.
  Claire et Anne Berest: Caïn et Abel enterrés ? (anagramme)

  YouTube donne une longue séance où Anne, sa soeur, et leur mère répondent aux questions des lycéens après le prix Renaudot de La carte postale.

  L'assassin du 14 juillet dans Artifices n'est aussi connu que par un seul prénom, Eric.
  Dans son texte, Cyril évoque également l'Opéra Garnier, ses sous-sols, le fantôme qui y aurait sévi, et une possible liaison souterraine entre les deux Opéras. Dans le roman de Leroux, le "fantôme" n'a qu'un seul prénom, Erik.
  Je pense encore à Erik Lönnrot, à l'encontre duquel le vengeur de La mort et la boussole a monté sa machination.

  Le "nom" du "roman" de Cyril est "Wagner", et je pense aux exactions actuelles du groupe Wagner...

  Je ne me souvenais plus pourquoi ma "carpe tostale" était adressée à La Tricherie. C'est une réelle commune de la Vienne, et une recherche de cartes postales de La Tricherie m'a fait découvrir ceci,
 

qui pourrait fort bien être le recto de ma carte, car j'ai découvert après coup dans la grille associée le mot LOVEN, "lion", qui s'est trouvé être éminemment significatif.

  Un petit détail encore, une erreur page 98 de l'édition Grasset de juin 2021 où le nom Ephraïm est orthographié une fois "Ephaïm" dans le dernier paragraphe. Claire signale dans la séance indiquée ci-dessus que son ordinateur a d'étranges conceptions de l'orthographe, et qu'elle doit relire soigneusement toutes ses pages.
  Toujours est-il que peu avant, page 76, Ephraïm demandait aux siens de ne pas se faire remarquer dans ce nouveau pays (de n'avoir pas l'R juif):
— Faisons-nous un peu discrets si vous voulez bien, demande Ephraïm à sa femme et ses enfants quand ils arrivent au village.
— Se faire discrets, papa? Qu’est-ce que ça veut dire?
— Cela veut dire, ne pas clamer sur tous les toits qu’on est juifs! dit-il avec son accent russe qui, plus que tous les autres membres de la famille, trahit immédiatement ses origines.
  Mais cet été 1938, un vent de Yiddishkeit va souffler sur leur maison de l’Eure. Car le vieux Nachman arrive de Palestine pour passer les vacances avec ses petits-enfants.
—  Il n’a pas l’air juif, soupire Ephraïm en voyant son père débarquer en Normandie. Il a l’air de cent Juifs.
Note du 21/01: Cartes postales de Myriam et Rémi... Il m'est revenu ce matin que Miryam et Rémi formaient le couple de Demi-tour, collaboration de Benoît Peeters et Frédéric Boilet, inspirée par la rencontre de Boilet avec mon ami Jean-Pierre Le Goff. C'est JPLG qui m'a fait connaître Abel Brigand, peu après ma découverte de La bibliothèque de Villers de Peeters (lequel m'a indiqué les raisons du choix du nom Albert Lessing).
  J'ai ressorti récemment la BD, après le cas "fifti-fifti" d'un billet récent, où je vois que je citais le "monsieur Madeleine" (migdal) des Misérables, où Gavroche vit dans l'éléphant de La Bastille. Fifty-fifty est une expression clé dans la BD, et le pénultième mot du billet posté hier était "cent".
Note le soir du 21: Ressortant à nouveau
Demi-tour, j'y vois que le couple idéal que désire voir se former Le Goff est entre Miryam, 19 ans, et Joachim, 38 ans. C'est à cause du tableau 19x38 de Lydia Mandel que j'ai daté hier le billet à 19:38, quelques minutes avant l'instant où je l'ai publié.

Note du 22/10: A propos de mandoline, l'écriture de cet article m'a fait consulter la fiche Wikipedia du Mat du tarot, ou Fou, et apprendre que dans le jeu non divinatoire il était l'Excuse, aussi dite Mandoline, la carte affichant un joueur de mandoline.
J'ai pourtant été un joueur assidu de tarot jadis.
Je remarque que les cartes du jeu de salon ont un format 1x2 (5,5x11 cm pour mon propre jeu, hormis la bordure), soit le format des tableaux d'Alain Vogt dans le roman de Villemot, dont le nom sera le point de départ d'un autre fil.

18.1.23

Kain et Abel

à  Nahik et Erik

  Je reviens à la coïncidence achevant le précédent billet. Je marchais au bord du lac en songeant à la mandoline, étrange arme du crime dans un roman d'Ellery Queen, y voyant un écho avec "(a)mygdale" ("amande" en grec) dans ma lecture de Borges, puis je revins au roman en cours de lecture, où mon marque-page était une demi-feuille, partie de la bibliographie d'une thèse de physique quantique, et m'aperçus que la première référence en haut de page était un article de L. Mandel, suivie 6 lignes plus bas par le nom A. Migdall.

  De retour à la maison, je trouvai ici la thèse en question, et découvris 3 lignes en-dessous le nom A. Migdall le nom N.J. Cerf, or mon intérêt pour la nouvelle de Borges est qu'y abondent les bordels et les tours, et dans ces années-là les bordels argentins étaient des Zwi Migdal, en hébreu "cerf tour", on ne sait pas exactement pourquoi, et l'article Wikipédia, avançant que c'était le nom du proxénète à la tête de l'organisation, ne me convainc guère, car la photo donnée ailleurs de ce "Luis Zwi Migdal" est celle du réel premier patron, Noé Trauman.

  Voici les rubriques de la page 76 de la thèse de C. Simon qui ont attiré mon attention:

[61] L. Mandel, Nature 304, 188 (1983).

[67] A. Migdall, Phys. Today, January 1999, p. 41 (1999).

[70] N.J. Cerf, Acta Phys. Slov. 48, 115 (1998).
[71] D.S. Naik, C.G. Peterson, A.G. White, A.J. Berglund, P.G. Kwiat, Phys. Rev. Lett. 84, 4733 (2000).

   J'ai ajouté quelques notes au billet précédent, notamment sur cette rubrique [71] où le premier nom de l'article cité est Naik, qui m'a fait penser au "livre Nahik" de la BD Le décalogue. J'avais remarqué que kniha signifie "livre" en slovaque, or la rubrique précédente concerne précisément un article d'une revue slovaque, Acta physica Slovaca.

   Plus directement, Naik est l'anagramme de Kain, l'orthographe allemande de Caïn, et j'avais hésité à parler d'Abel dans le billet précédent, car le nom complet du caudillo barcelonés auquel fait allusion la nouvelle de Borges est Alberto Abel Barceló, le maire mafieux du faubourg au sud de Buenos Aires, Avellaneda.
  Les trois éléments de ce douteux personnage contiennent les lettres ABEL,
ALBErto  ABEL  BArcELó,
et sa ville débute par AVEL, or en hébreu Abel se prononce hevel, הֶ֙בֶל֙, avec une flexion havel à l'accusatif, אֶת־ הָ֑בֶל, dans sa première occurrence biblique (Gn 4,2).

  Réfléchir à l'histoire de Caïn et Abel m'a conduit à repenser au roman de Queen avec la "mandoline", et à en entrevoir une interprétation.
   Dans les années 29-35, les cousins Queen avaient une telle créativité qu'outre 9 romans signés Ellery Queen et un recueil de nouvelles, ils ont créé sous la signature Barnaby Ross le détective sourd Drury Lane, pour 4 romans parus en 32-33.
 

  L'inventivité était présente, ainsi le meurtrier de La dernière affaire de Drury Lane était le détective lui-même, de même que dans Curtain (Poirot quitte la scène), écrit 10 ans plus tard par Agatha Christie.
  Il me semble que La tragédie de Y soit le premier titre où l'intrigue fait intervenir un roman de même titre, 50 ans avant "53 jours" de Perec (mais il y a probablement d'autres cas antérieurs).

  Quoi qu'il en soit le parallèle avec Caïn et Abel est intéressant.
   JHWH, ou YHWH (le Seigneur, l'Eternel) a créé ADM (Adam, l'homme) à son image, à sa ressemblance. En hébreu ce mot "ressemblance" est DMWT, demouth, de racine DMH, dama(h), "ressembler", ressemblant étrangement à adam.
  JHWH donne une compagne à ADM, Eve, et celle-ci donne naissance à Caïn, dont le nom QYN viendrait du mot QNH, "acquérir", selon le remerciement d'Eve: "J'ai acquis un homme grâce à JHWH".
   Ensuite vient Abel, et Caïn ne tarde pas à tuer son petit frère, et JHWH entend "la voix du sang de ton frère" (Gn 4,10). Caïn sera maudit, ainsi que la terre qui a bu ce sang. En hébreu "sang" est DM, dam, et "terre" ADMH, adama.

   Etrange accumulation de DM, et je me demande si elle n'a pas inspiré Danny et Manny (les cousins Queen, nés Daniel Nathan et Manford Lepofsky) pour cette Tragédie de Y, se passant dans la maison de York Hatter. Celui-ci avait disparu, mais on retrouve un corps en mer qui pourrait lui correspondre, d'autant que son alliance porte les initiales YH, et surtout que sa blague à tabac contient un message signé York annonçant sa décision de se donner la mort. Il avait 67 ans.
  Il laisse une femme et 4 enfants, dont l'un est marié et a deux fils, John et William, 13 et 4 ans.
  Tous ces Hatter sont réputés être un brin zinzins, selon l'expression mad as a hatter, ainsi que les quelques autres habitués de la maison.
  J'avais donc vu la dernière génération Hatter former les initiales JH et WH, possibilité de Tétragramme qui pourrait trouver une confirmation 30 ans plus tard avec L'adversaire, où ce sont les héritiers York qui sont éliminés tour à tour par John Henry Walt, JHW, simple d'esprit qui obéit aux directives du mystérieux Y. Les 4 cousins York reçoivent des cartons J-H-W-H avant d'être tués.
   De même John Hatter suit aveuglément le scénario de La tragédie de Y, roman policier que York Hatter a situé dans sa maison, avec sa famille pour personnages, et c'est ainsi que John tue sa tante Louisa avec une mandoline, parce que le manuscrit de son grand-père parlait d'un instrument "contondant", adjectif dont il ignorait le sens.
  Dannay n'aurait-il pas choisi cet instrument parce qu'il contient les lettres MAD, ou seulement MD, les lettres présentes dans Adam, ressemblance, sang, terre?
  L'enquêteur officiel s'interroge ainsi:   
Why such a weird object as a mandolin at all? It is the least conceivable object one associates with the spilling of blood.
Pourquoi un objet aussi bizarre qu'une mandoline? C'est l'objet le moins concevable auquel on puisse penser pour répandre le sang.
  Alors que le but était de tuer, pourquoi employer l'expression "répandre le sang"? peut-être à cause de l'hébreu dam.
   Drury Lane commente,
Quaint, very quaint.
Pittoresque, très pittoresque.
et je me demande si ce pourrait être une allusion à Caïn, en hébreu Qayin(e), ressemblant quelque peu à Queen. Par la suite Dannay jouera avec le nom Queen, par exemple avec My dear Queen devenu My queer dean dans une nouvelle, ou Qumran devenu Quenan dans Et le huitième jour...
   Borges aurait-il vu ce jeu en écrivant 10 ans plus tard la nouvelle Examen de l'oeuvre d'Herbert Quain, un auteur de polars qui a pâti du succès d'Ellery Queen? Cette présentation associe la nouvelle à un échiquier (L'adversaire se déroule sur l'échiquier de York Square comme une partie d'échecs, et les personnages en sont les pièces, par exemple les Queen père et fils y représentent les reines).

   Y aurait-il un jeu analogue avec "abel"? Peut-être, car le crime suivant prévu par York Hatter utilise le poison, et il sera beaucoup question des labels, "étiquettes", des flacons des produits du chimiste qu'était York.

   En principe insoupçonnable de par son jeune âge, John signale ses mauvaises dispositions par son comportement envers son petit frère, qu'il persécute.
  J'avais jadis remarqué leurs âges, 13 et 4 ans, correspondant aux rangs des lettres M et D dans notre alphabet. J'ajoute aujourd'hui que 4 et 13 sont aussi les rangs des lettres daleth et mem dans l'alphabet hébreu.

   Alors York, Y, serait-il Yahweh, comme le Y de L'adversaire? Dans cette hypothèse son fils Conrad et sa femme Martha seraient Adam et Eve, difficilement identifiables, quoique conrAD MArtha...
  Que les lettres JH et WH se trouvent dissociées à la génération suivante peut faire sens dans certaines théories kabbalistiques. Ainsi, selon le Traité des Révolutions des Ames, d'Isaac Luria, toutes les étincelles divines créatrices se sont rassemblées dans les âmes de Caïn et Abel, mais dans un déséquilibre tel que Caïn a tué Abel. Je m'en tiens là, en remarquant que le nom Luria apparaît dans un Queen construit sur l'alphabet hébreu (Le mot de la fin).

   L'hypothèse que Dannay ait consciemment associé JHWH et ADM (mad) se trouve confortée par les initiales des 7 morts de Double, Double (1950), précisément MH AJ DH W.
  Le Queen suivant est The origin of evil (1951 L'arche de Noé), contant la vengeance d'un certain Adam à l'encontre de Hill et Priam qui l'avaient laissé pour mort 20 ans avant. Priam est un patron si autoritaire qu'il est surnommé Dieu par ses employés.
  Vient ensuite The king is dead (1952), règlement de comptes entre les frères Bendigo, baptisés Cain, Abel, et Judah (qui s'écrit en hébreu JHWDH, le Tétragramme augmenté de la lettre daleth). BENDIGO a pour anagramme BNEI GOD, "fils" hébreux de "Dieu" anglais.

   Le thème Caïn-Abel m'est essentiel depuis longtemps, et j'ai mentionné la théorie kabbalistique ci-dessus au chapitre 10 de Novel Roman, mais il y a un précédent emblématique. Vers la fin du siècle dernier j'ai relu Monsieur Abel (1979), d'Alain Demouzon, où cet ABEL, retraité dont on ne connaît que ce (pré)nom, décèle une série criminelle dans les morts qui surviennent dans sa petite ville, et les morts se prénomment, dans l'ordre où ils sont identifiés,
Augustin Bravier,
Bernard Noé,
Elisabeth Raguenaud,
Liliane Raguenaud,
initiales ABEL ! Abel vient finalement accuser celui qu’il estime responsable de la machination, lequel a tôt fait de lui démontrer l’inanité de sa construction: il a pris pour des meurtres un suicide, un accident et une mort naturelle, et c’est son enquête qui a provoqué l’assassinat effectif de Liliane… Abel rentre chez lui et se pend.

  J'ai rencontré Demouzon, lequel n'a pas expressément démenti, mais ne se rappelait pas avoir fait ce jeu. J'en avais été horripilé, mais suis aujourd'hui indulgent, ayant constaté à maintes reprises les lacunes ahurissantes de ma propre mémoire.
   Toujours est-il que lorsqu'il m'a été proposé en 2001 de participer à la revue Caïn, j'ai aussitôt pensé à l'acrostiche de Demouzon, et imaginé un schéma inverse: 4 soeurs d'initiales C-A-I-N laisseraient agoniser un nommé Bela, après lui avoir coupé les quatre membres, et, comme il s'agissait du n° 26 de la revue, 26 étant la valeur en hébreu de JHWH, Bela parvenait à tracer ces lettres avec ses moignons, désignant les soeurs d'après le verset "J'ai acquis un homme grâce à JHWH".
   La nouvelle (très courte) est en ligne ici.

   Un rebond "Abel" est survenu l'année suivante, où Jean-Pierre Le Goff m'a envoyé, après l'avoir lu, Abel Brigand, de Jean-Marie Villemot, pensant que ça pourrait m'intéresser.
  Effectivement. C'est encore un livre où des événements dessinent une figure géométrique, ici un carré long (de longueur double de la largeur), et épellent un message. Une jeune fille est supposée assassinée, on découvre une à une d'anciennes "lettres" d'elle, donnant d'étranges rendez-vous à un oncle qui peut être soit le chirurgien Alec Cooper, soit le peintre Alain Vogt. L'enquêteur, le curé Abel Brigand, s'aperçoit que les lieux des rendez-vous épellent un prénom, Aéroport, Lac... Ce n'est pas suffisant pour déterminer le bon candidat, et le lieu suivant ne permet toujours pas de départager ALEc et ALAin car c'est l'Eglise d'une Abbaye...
Enfin le Cirque du 4e RV désigne ALEC, mais le curé-détective découvre un autre mode de lecture des rendez-vous, qui privilégient chacun l'un des sens, la Vue, l'Odorat, le Goût, le Toucher, et c'est VOGT que ces autres indices accablent...

   Il y a un autre retournement, mais cette histoire de sens m'avait été significative car fin 1999 m'était venue l'idée du Roman du siècle, dont la structure était calquée sur Halfway House de Queen, dont les 5 chapitres ont des Titres Tautogrammes: The Tragedy, The Trail, The Trial, The Trap, The Truth. Tous ces T, 20e lettre, dans ce 10e Queen en 5 chapitres, me semblaient pointer vers la date de naissance de Dannay, le 20/10/05.
   Aussi mon intrigue se passait en 2000, en Corse, 20e département, où le magnat du Thé Tony Twenty était sur le point de mourir. Il avait 5 enfants, Oenone, Paul, Quentin, Rémis, Sirène, tués l'un après l'autre dans des circonstances où intervenait dans chaque cas l'un des cinq sens.
  Je ne me souviens que de la mort de Rémis, auteur de poèmes à contrainte, et qui avant de mourir avait pu, au Toucher, sortir de sa collection de 26 dossiers ceux indexés A I L R T, que les enquêteurs interprétaient "rital", accusant l'Italien Antonio.
   Il y avait évidemment une autre solution, la bonne, mais ces lettres m'avaient été inspirées par les titres TRAIL et TRIAL de Queen.

  Le 15 janvier, j'ai appris qu'un romancier se nommait Abel Quentin, dans des circonstances qui seront données dans le prochain billet. Ceci m'a rappelé le Quentin Twenty que j'avais imaginé pour le Roman du siècle, et fait jeter un oeil à la page que je lui avais consacré.
   Oenone était un suspect possible des assassinats, car elle avait disparu depuis des années, supposée noyée en mer, comme l'Oenone mythologique. Il m'avait été important que son nom soit composé de deux fois les lettres NOE, mais je ne me rappelle plus pourquoi...
   Le billet précédent m'a conduit à constater que la machination de Red Scharlach consistait à créer une suite criminelle aux points cardinaux N-O-E pour attirer Lönnrot au Sud, or le mafieux à la tête des Zwi Migdal se nommait NOE Trauman.
  Le réel coupable du Roman du siècle était la soeur survivante Sirène, initiale S, intentionnelle bien sûr, mais sans rapport avec le Sud.

  Ma conscience des déficiences de ma mémoire m'a conduit à entreprendre de relire tous les billets de Quaternité, quelques-uns par jour. Ce même 15 janvier, j'ai remarqué un commentaire à Sur le bord de la rivière Bléone, pointant vers le site de l'éditeur Le jardin des livres.
  Le lien était pour Mondes en collision, sans rapport absolument immédiat avec le billet (où il était beaucoup question de Babel), mais la page donnait dans ses bandes latérales les autres publications de l'éditeur, et c'est ainsi que j'ai remarqué ce Scandale De Litra, de Pierre Jovanovic (2019).
  LITRA alors que je venais de voir mes anagrammes de AILRT.
  Je n'ai aucun souvenir de ce scandale datant de novembre 1967, ma première année de fac. Le numismate Pierre Travers avait créé la Société De Litra qui promettait des dividendes mirifiques à ceux qui déposaient de l'or chez lui. Bien sûr, ceci ne fonctionne que tant qu'il y a de nouveaux clients pour amener de l'or frais, mais le premier ululement sceptique fait s'écrouler le système, et Travers s'est enfui au Paraguay avec les quelque 50 millions de dollars de ses clients...

  La page expliquait d'où venait le nom de la société:
Le terme « Litra » désigne une mesure grecque antique utilisée pour l’argent métal – une unité valait 0,2 drachme.
  J'ai cherché ce qu'il était ensuite advenu de ce Travers, et il semble bien qu'il n'ait jamais eu à répondre de son arnaque.

  Le lendemain, 16 janvier, une nouvelle de la matinée était l'arrestation de Matteo Messina Denaro, le mafieux le plus recherché d'Italie, et le bulletin de France-Inter signalait que denaro signifiait "argent".
   J'appris ensuite qu'il avait été arrêté dans une clinique de Palerme, La Maddalena, un nom que je sais issu de l'hébreu migdal (via l'araméen magdala), et "maddalena" contient les lettres "mandel".
  Il était jugé remarquable que cette arrestation soit survenue presque exactement 30 ans après celle d'un autre capo mafieux, Toto Riina, le 15 janvier 1993.

  L'italien (le rital) denaro désigne la monnaie et non le métal. J'ai voulu en savoir plus sur litra, et il semble que c'était une monnaie d'argent spécifique de Sicile, faisant partie dans l'Antiquité de la Grèce:
A silver coin in ancient Sicily, worth one fifth of a drachm.


11.1.23

de la Tour à l'Aulne

à Jule et Jorge

  Un nouveau dessillement est survenu le 7 janvier, lendemain de la publication du précédent billet, s'inscrivant dans une série inspirée par la nouvelle de Borges La mort et la boussole (1942), où Scharlach se venge du flic Lönnrot qui a tué son frère en construisant une énigme avec trois meurtres commis au Nord, à l'Ouest, et à l'Est de la ville, en des lieux formant un triangle équilatéral.
  Des indices sont laissés, dont des phrases énonçant La première (deuxième, dernière) lettre du Nom a été articulée. Lönnrot est amené à identifier ce Nom au Tétragramme JHVH, à prévoir qu'il y aura un 4e crime, et à se rendre à la date prévue au Sud, au 4e sommet d'un losange, mais il y était attendu par Scharlach qui le tue.
  Voici un nouveau schéma avec les noms des victimes:

  Il est beaucoup question de bordels dans la nouvelle, or une filière d'origine juive régentait la prostitution en Argentine (et ailleurs) dans les premières décennies du siècle, la Varsovia, devenue en 1930 la Zwi Migdal, au point que Zwi Migdal ("cerf tour" en hébreu) était la désignation courante du bordel.
  L'internet balbutiait lorsque j'ai commencé à m'intéresser à l'affaire, et j'avais trouvé l'essentiel des infos dans un copieux article de l'Encyclopedia Judaica.
  J'ai certainement cité ensuite l'article Wikipédia, mais c'est en y rejetant un oeil aujourd'hui (8 janvier) que j'y vois un écho à une info d'acquisition récente: le caudillo barcelonés de la nouvelle est certainement une allusion à Alberto Barceló, le maire mafieux du faubourg au sud de Buenos Aires, Avellaneda.
  Or l'article, plus détaillé en espagnol, narre ainsi la création de l'association mafieuse:
En 1906 conformaron en Avellaneda —distrito dominado por el caudillo conservador Alberto Barceló, quien él mismo era dueño de burdeles— la "Varsovia".
En 1906, ils créèrent à Avellaneda - un quartier dominé par le leader conservateur Alberto Barceló, qui possédait lui-même des bordels - la "Varsovia".
  Par ailleurs, j'avais certainement déjà vu que le premier dirigeant de l'association se nommait Noé Trauman ("homme fidèle"!), mais comment n'avais-je pas fait le lien entre le prénom et les points cardinaux N-O-E où sont commis les premiers crimes?
  Et la nouvelle est originellement parue dans la revue El Sur ("Le Sud").

  Noé > N-O-E, initiales des points cardinaux, or j'avais vu des possibilités de sens aux initiales des victimes.
  Les seuls noms donnent les initiales YAGL, dont une lecture "hébraïque" (de droite à gauche) dans le losange livre YGAL, qui transcrit en hébreu se lit yigal, "il rachète" ou "il venge", et la machination de Scharlach est bien une vengeance.
  Les initiales des prénoms sont MDE, dont une lecture de haut en bas donne EDM, correspondant à des lettres hébraïques se lisant ha-dam, "le sang". Précisément, l'expression biblique désignant un vengeur légal est goel ha-dam, "vengeur du sang", GAL H-DM.
  L'ensemble des initiales MYDAGEL permet donc de former GAL H-DM, "vengeur du sang", ou mygdal, "tour" qui ne s'écrit qu'en 4 lettres en hébreu, MGDL, et encore (a)mygdalê, "amande" en grec, éventuelle allusion à Avellaneda, issu de avellana, "noisette".

  C'est il y a une quinzaine d'années que j'ai découvert la possibilité de lire YGAL, "il venge", dans les initiales des victimes JHVH. Je n'ai pas alors fait de lien avec une brochure écrite en février 2002, dIeU (1828-1905), dont quelques exemplaires ont été donnés à des amis.
  L'idée générale était de lire dans JulE VernE le Tétragramme, sous la forme JEVE, hypothèse hardie, j'y reviendrai.
  Une idée plus immédiate était que Verne ait été conscient que son nom JULE VERNE (en oubliant l'S muet) permettait l'anagramme
LE VENJEUR.
  Je le mentionnais dans la brochure, mais avais développé ailleurs quelques coïncidences associées.
  Le vengeur emblématique de Verne est le capitaine Nemo, qui sillonne les mers et torpille les bateaux des Anglais, oppresseurs de son pays, l'Inde. Au chapitre 20 de la partie II de 20 000 lieues sous les mers, Nemo montre à Conseil un navire coulé par les Anglais:
 
— « Le Vengeur ! » m’écriai-je.
— « Le Vengeur ! Un beau nom ! » murmura le capitaine Nemo en se croisant les bras.
  Les héros de Verne se croisent souvent les bras, peut-être parce que l'avant-bras est en latin alnus, homonyme de "aulne", or le "verne" est un autre nom de l'aulne.
  Après avoir trouvé cette anagramme, j'ai découvert que Christian Chelebourg l'avait déjà proposée en 1997 dans les Cahiers Jules Verne. Mon enquête m'a conduit à des curiosités chez les auteurs populaires qui se sont inspirés de 20 000 lieues sous les mers, ainsi :
- Georges le Faure propose en 1892 La Guerre sous l’eau, où le sous-marin se nomme Vindex, en latin "vengeur".
- Gustave Le Rouge écrit en 1902 Le sous-marin "Jules Verne", dont l’inventeur et capitaine se nomme Goël Mordax. Mordax signifie "mordant" en latin. Il est possible que Goël soit ici une forme du prénom Gaël, mais peut-être Gustave savait-il que le goel est un vengeur en hébreu. La couverture, calquée sur une illustration de 20 000 lieues, montre les bras croisés du capitaine, le plus souvent nommé Goël; c’est un Marseillais, et le premier nom du Vengeur était le Marseillais.
­- Gaston Leroux écrit en 1917 Le sous-marin "Le Vengeur", dont le capitaine se fait appeler Hyx. Mieux qu’une référence à 20 000 lieues, Gaston a pompé sur Jules des paragraphes entiers mot à mot.

  J'avais divers arguments appuyant mon hypothèse JEVE. Mes premiers paragraphes étaient:
  Dans Les aventures du capitaine Hatteras, second roman publié de Verne (1864), John Hatteras se cache sous les initiales KZ.
  Dans Le testament d'un excentrique, 35 ans plus tard, l'excentrique William J. Hypperbone se cache sous les initiales XKZ.
  Cet autre roman débute par l'enterrement de l'excentrique, dans une pompe évoquant les rites maçonniques,
dans un char tendu de draperies d'un rouge étincelant, sur lesquelles s'écartelaient en caractères diamantés les lettres WJH.
  S'il n'était pas officiellement membre d'une loge, Verne fréquentait des Maçons, lesquels honoraient les lettres JHWH du Tétragramme. Il est utile de signaler que ses lettres ont divers équivalents dans notre alphabet:
- Yod peut être Y, I, J;
- He peut être H ou E;
- Waw peut être V, W, O, U, voire F.

  WJH a simulé sa mort pour donner du piment à sa passion du jeu de l'Oie, et lègue sa fortune au gagnant d'une partie jouée à l'échelle des USA. Il y participe sous le nom MKZ, et est présent grimé sous un autre pseudonyme, Humphry Weldon (HW).
  Michel Serres a proposé une logique permettant de passer de William J. Hypperbone à XKZ: si l'on omet le H, XKZ sont les lettres WJY décalées d'un rang.
  Certes, mais J. Hatteras devient KZ comme J. Hypperbone.

  KZ est évocateur pour qui connaît un peu le monde juif, où des interdits touchent la prononciation de Tétragramme, mais aussi son écriture. De multiples variantes existent, notamment le kuzu. Ce sont les lettres YHWH décalées d'un rang, KWZW, et un curieux usage ashkenaze veut que ce nom figure au dos du parchemin présent dans la mezuzah, présente au seuil de la maison de chaque Juif pratiquant (et de quelques autres). Voici le haut de ce parchemin:
 

  Encore plus curieusement, la formule YHWH notre Dieu YHWH est non seulement codée, mais écrite à l'envers, en écriture spéculaire, au lieu de כוזו במוכסז כוזו. L'autre formule en-dessous, Shaddaï, n'est pas codée.
  L'ENVERS joue un rôle important dans l'oeuvre de VERNE, ceci a été abondamment commenté.

  Alors, si JV s'est identifié à ses personnages, le capitaine et le joueur, pourquoi sont-ils des JH et non des JV? Verne était contraint à des codages complexes, son éditeur Hetzel traquant dans ses écrits tout ce qui était possible de déranger un lectorat bien-pensant.
  Et W? il deviendrait X dans notre alphabet comme JV deviennent KZ dans l'alphabet hébraïque.

  C'était un peu vaseux, mais j'avais pensé avoir un argument décisif en constatant que les initiales WJH étaient équivalentes à OIE, ceci n'étant possible que pour WJH considérées comme des lettres hébraïques. Par ailleurs le roman s'ouvrait sur le cercueil de WJH, lequel était pourtant en VIE. Le JEU serait encore équivalent à JHW...
  A la fin du roman, XKZ vainqueur de la partie redevient WJH, et épouse Jovita Foley, aux initiales équivalentes à JV. Jovita pourrait être un féminin du latin JOVE, le Dieu suprême, dont le nom a été comparé au Tétragramme; les lettres résiduelles de Foley se réarrangent en L'OYE.

  Le chapitre IV (équivalent à JV) des Aventures du capitaine Hatteras est intitulé Dog-captain. Plusieurs jours après le départ du Forward, on ignore encore qui en est le capitaine, connu des seules initiales KZ. Il communique ses ordres à l'équipage par des messages attachés au cou d'un chien, dog, classique renversement de God, "Dieu".

  Il y avait bien d'autres considérations dans dIeU (1828-1905), de nombreux personnages de Verne ayant des noms "intéressants"...
  Aujourd'hui j'ai rencontré tant d'incongruités ne pouvant découler d'une cause "rationnelle", parfois conjuguées pour former un ensemble significatif, que je me garde de toute affirmation péremptoire.
  Mais, que Verne en ait été conscient ou non, JULE VERNE est bien l'anagramme de LE VENJEUR, et les initiale et finale de ces nom-prénom forment JEVE, ce qui est fort proche des victimes JHVH de Borges, dont les initiales forment "il venge", que Borges en ait été conscient ou non.

  Ce qui, en revanche, est plutôt certain, c'est qu'il n'y a aucun rapport entre les deux, du moins selon la logique usuelle. J'ai en effet rencontré bien des cas de ressemblances littéraires qui ne peuvent être des plagiats, j'en ai recensé certaines ici.

  Une recherche d'image "Dieu vengeur" m'a fait découvrir cette vidéo:



  S'il n'est pas obligatoire de la visionner, il est tout de même intéressant que le conférencier y professe que chaque fois que Dieu est dit "vengeur" dans la Bible, c'est en tant que YHWH, et jamais sous son autre appellation principale, Elohim..
  Je n'ai pas vérifié. Théonoptie, le conférencier, est un hébraïsant, certainement bien meilleur que moi, mais pour qui chaque mot hébreu a un sens découlant des significations propres aux lettres qui le composent. Non seulement ceci hérisse les linguistes "sérieux", mais il existe plusieurs systèmes de correspondance des sens des lettres selon diverses écoles... 

  Le verbe "venger" est en hébreu naqar, tandis que ga'al, d'où est issu le substantif goel, a pour sens premier "racheter", et le goel n'est en principe un "vengeur" que dans l'expression goel ha-dam, racheteur du sang", mais goel seul est indubitablement un "vengeur" en Nb 35,12.
  Il y a un verset (Is 49,7) où YHWH est un goel, et le mot est alors traduit "rédempteur".

  Et Dannay dans tout ça? Fin 2003 j'ai imaginé l'intrigue d'un roman intitulé Le parfum de l'amant d'Anouar. Le jeune prodige des arts Delaunay s'imaginait être la réincarnation de Dannay et de Verne, car il était né 7 mois après la mort de Dannay, le 3 septembre 82, lequel était né  le 20 octobre 05, 7 mois après la mort de Verne, le 24 mars 05.
  Delaunay signifie "de l'aulnaie", Verne "aulne", et Dannay avait choisi d'écrire sous le nom Ellery, "aulnaie".
  Lorsqu'il ouvrait un roman de Verne ou de Queen, Delaunay se sentait en communion totale avec l'écrivain, au point de prévoir exactement son déroulement et d'en comprendre les motivations cachées.
  Ainsi, il n'avait pas besoin de calendriers pour comprendre que les deux auteurs avaient joué avec les dates pascales dans leurs oeuvres. C'est un point sur lequel je crois pouvoir être affirmatif, ainsi, parmi d'autres cas, les deux premiers romans publiés de Verne sont
- Cinq Semaines en ballon (1863): le Victoria décolle le 18 avril 1862, que Verne se garde de préciser avoir été le Vendredi saint, et il y a une "résurrection" deux jours plus tard;
- Les Aventures du capitaine Hatteras (1864): le Forward appareille le 6 avril 1860, que Verne se garde de préciser avoir été le Vendredi saint, mais il montre ses marins prier le 8, un dimanche...

  Parmi d'autres, deux exemples particulièrement frappants chez Queen,
- Et le huitième jour... (1964): polar métaphysique qui couvre exactement la semaine sainte 1944;
- La dernière femme de sa vie (1970): un fils de charpentier est assassiné pendant une nuit de samedi à dimanche, mais il faut avoir lu Face à face (1967) pour comprendre qu'il s'agit de la nuit pascale.

  Mon intrigue était en partie basée sur ce roman de Queen, où la victime avait pu émettre une syllabe avant de mourir, "hom...", que Ellery comprenait home, "maison", ce qui n'aidait en rien l'enquête.
­  Delaunay était également tué la nuit de Pâques 2004, ce qu'il craignait, et avait pu émettre une syllabe avant de mourir, "jour". Le détective pensait d'abord qu'il voulait dire qu'il était bien mort le jour prévu, mais l'assassin était présent, et Delaunay avait eu l'idée de ce mot en apparence anodin, faisant confiance au détective pour comprendre "rouge", désignant Adam Breger, adam, "homme" étant apparenté à adom, "rouge".
  Trois ans plus tard, je découvris dans le Fred Vargas de 2007, Dans les bois éternels, que Adamsberg participait à une "résurrection" le Vendredi saint 2004, juste avant le crime d'Adam Berger dans la nuit pascale.

J'ai détaillé cela dans Fred se met en quatre, en avril 2009, le premier billet de Quaternité où j'évoquais La mort et la boussole:
  J'ai donné des exemples de la récurrence phénoménalement complexe de thèmes et situations dans l'oeuvre de Queen. Un autre exemple serait les meurtres en carré JHWH des cousins York dans L'Adversaire, qui semblent répéter les meurtres en losange JHVH de la nouvelle de Borges de 1942, La mort et la boussole.
  Or Queen a écrit en 1932 La tragédie de Y, série d'incidents criminels dans la maison des Hatter, famille un brin dégénérée dont la dernière génération est formée de JH et WH (John Hatter et William Hatter). Comme JHW tuera ses employeurs York selon les instructions données par un certain Y., le jeune John s'applique à réaliser les crimes imaginés par son grand-oncle York Hatter, qui avait écrit secrètement un polar se passant dans sa propre famille, La tragédie de Y...
  J'avais oublié ce cas lors des billets précédents, où les romans "yahvistes" de Dannay étaient massivement convoqués, et lors de l'écriture de Fred se met en quatre j'avais manifestement oublié le John Hatteras de Verne. Il est assez évident que Dannay a choisi le nom de sa famille dégénérée d'après l'expression mad as a hatter, explicitement mentionnée. A la fin du roman, John Hatter, 13 ans, tente de tuer le détective, mais celui-ci intervertit son verre empoisonné avec celui du garçon, tuant sciemment celui qui resterait, vivant, un danger pour la société.
  Verne n'a pas inventé le nom Hatteras, mais il est possible qu'il ait aussi songé à l'expression mad as a hatter, car après son expédition au Pôle Nord Hatteras finit à l'asile. Il n'est pas "complètement à l'ouest", ni n'a "perdu le nord", car il passe ses journées à marcher vers le nord; lorsqu'il a atteint la limite du parc, il marche à reculons jusqu'à pouvoir reprendre sa marche septentrionale.

  Il est aussi probable que, lors de l'écriture de Fred se met en quatre, j'ignorais l'acrostiche victimaire de Double, double de Fred Dannay, ou alors il n'avait pas encore l'importance que je lui donne maintenant.
  Je rappelle les noms des morts correspondant à la comptine:

Rich man, Poor man,    MacCaby    Hart
Beggarman, Thief,       Anderson   Jackard
Doctor, Lawyer,            Dodd          Holderfield
Merchant, Chief.          Waldo        W  (chef)

  Comme déjà indiqué, il n'y a que 7 morts dans le roman, mais Ellery suggère que Winship sera exécuté pour ses crimes, lui qui est le "chef" ayant orchestré la machination. Dans cette optique, les morts pairs forment JHWH, et les morts impairs ADWM, "rouge" en hébreu.
  Le roman a pour particularité que ses 20 sections ont pour titre des dates, des "jours" (mais le renversement "rouge-jour" ne fonctionne qu'en français). Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que les mots deus et dies ont même origine (day également), apparentée au Zeus grec, devenu le Jove latin.

  Parmi les vidéos de Théonoptie, j'ai remarqué celle-ci, affichant JHWH ADM (Adam), exactement les initiales des 7 morts de la comptine:



  J'ai écrit ce matin du 11 janvier les derniers paragraphes, notamment celui qui m'a fait associer John Hatteras et John Hatter, en me maudissant de ne pas avoir fait ce rapprochement plus tôt. Il y aurait décidément bien besoin de cervelles quaternitaires fraîches...
  Vers midi, je suis parti faire une promenade autour du lac, avec un livre comme toujours, L'île des âmes, le premier Pulixi, découvert récemment avec son second roman, L'illusion du mal, lequel m'a conduit à de surprenants échos entre Borges et Fred Vargas, entre autres.
  Chemin faisant, il m'est venu qu'une particularité sans doute unique de La tragédie de Y est que l'arme du premier crime est une mandoline. Pourquoi? parce que le manuscrit du grand-oncle parlait d'un "instrument contondant", et que la mandoline était le seul "instrument" que le jeune John avait trouvé dans la maison Hatter.
  La mandoline doit son nom à sa caisse en forme d'amande, et j'ai pensé à la lecture "(a)mygdale" des initiales MYDAGEL des victimes de La mort et la boussole. Si Dannay avait effectivement JHWH en tête en écrivant ce roman, il avait 10 ans d'avance sur Borges.
  La nouvelle de Borges peut être une prémonition de l'assassinat de Rabin, plus claire que le code biblique dont c'est le point le plus fameux, or le grand précurseur du code biblique est le rabbin Weissmandl, "amande blanche".

  Quelques minutes plus tard, je repris la lecture de Pulixi, et vis en haut du papier qui me servait de marque-page le mot "Mandel".
  Il y a pas mal de temps, de passage à la décharge de Quinson, j'avais repéré un tas de feuilles A4. Je suis attentif aux documents jetés depuis la découverte l'été 1994 des polycopiés du professeur Weinreb, relatée ici.
  Là il s'agissait d'articles de physique quantique, en anglais, mais quelle que soit la langue je n'y pige rien... Comme les feuilles n'étaient imprimées que d'un côté, j'en ai pris un petit stock, ça sert toujours...

  Mon marque-page était en l'occurrence une demi-feuille issue de ce lot, où j'avais inscrit quelques notes, par exemple la correspondance de l'acronyme grec ΑΔΑΜ (Adam) avec les 4 points cardinaux, EONS (voir ce récent billet).
  Cette demi-feuille était une partie de la bibliographie de l'article, et débutait par une référence à un article de L. Mandel dans Nature. Je me suis demandé si j'allais partager cette coïncidence, demandant que je sois cru sur parole, mais la taire serait malhonnête...
  Tout doute s'est évanoui lorsque j'ai regardé les autres références: 6 lignes plus loin apparaissait A. Migdall, alors que j'avais associé "mandol(ine)" à "(a)mygdale", l'amande grecque. Depuis plus de 20 ans que je connais les Zwi Migdal, je n'ai jamais vu de personne portant ce nom Migdal(l).

  De retour à la maison, une recherche m'a appris que le document était une thèse de doctorat de l'Autrichien Christoph Simon. Elle peut être téléchargée ici, et voici le début de la page 76 concernée:


  Ma demi-feuille s'arrêtait à la référence [69], et je suis éberlué de trouver ensuite N.J. Cerf, car zwi signifie "cerf". Etonnamment, ce Cerf ne semble pas à sa place dans cette liste respectant l'ordre alphabétique des patronymes. C'est la seule anomalie de ce type dans la liste, mais il y en a une autre en cette page 76 où la référence [73] est rigoureusement identique à la [72].

  L. Mandel et A. Migdall sont convoqués ensemble page 26 de la thèse:
 Setup for optimal cloning by parametric down-conversion [61, 35, 67].
  L'initiale L de Mandel (sans doute pour Leonard) m'est significative car j'avais vu la succession des crimes JHVH de La mort et la boussole dessiner un lamed, lettre vue traditionnellement comme une "tour"
Our Sages refer to the lamed as "a tower soaring in air." 
et "Le nom YHWH est une tour forte" (Pr 18,10).
  Parallèlement, les meurtres JHWH de L'adversaire dessinent un N, passant par la tombe de Nathaniel au centre de York Square.

  A. Migdall est probablement cet Alan.

Note du 12/1: Le titre de ce billet paraphrase De la terre à la lune, de Verne, la Tour étant Borges ("forteresse"), et l'Aulne Verne ainsi que Ellery, Dannay.
  Ellery Queen pourrait être une "reine des aulnes", et lors de la coïncidence du marque-page dans le second roman de Pulixi, il ne m'est plus revenu que son premier m'avait fait rapprocher Arlequin de Erlkönig, le Roi des Aulnes, et que ce rapprochement avait donné lieu à la fabuleuse coïncidence Mydagel, le 23/12, en étroite résonance avec A. Migdall 19 jours plus tard.

PS : un petit plus sur les 13 premières références de la page 76 de la thèse de C.Simon:
[61] L. Mandel, Nature 304, 188 (1983).
[62] S. Massar and S. Popescu, Phys. Rev. Lett. 74, 1259 (1995).
[63] N.D. Mermin, quant-ph/9912081.
[64] H.J. Metcalf and P. van der Straten, Laser Cooling and Trapping (SpringerVerlag, New York, 1999).
[65] D. Meyer, Phys. Rev. Lett. 83, 3751 (1999).
[66] M. Michler, H. Weinfurter, and M. Zukowski, Phys. Rev. Lett. 84, 5457 (2000).
[67] A. Migdall, Phys. Today, January 1999, p. 41 (1999).
[68] P.W. Milonni and M.L. Hardies, Phys. Lett. 92A, 321 (1982).
[69] C. Monroe, D.M. Meekhof, B.E. King, W.M. Itano, and D.J. Wineland, Phys. Rev. Lett. 75, 4714 (1995).
[70] N.J. Cerf, Acta Phys. Slov. 48, 115 (1998).
[71] D.S. Naik, C.G. Peterson, A.G. White, A.J. Berglund, P.G. Kwiat, Phys. Rev. Lett. 84, 4733 (2000).
[72] J.W. Pan, D. Bouwmeester, M. Daniell, H. Weinfurter, and A. Zeilinger, Nature 403, 515 (2000).
[73] J.W. Pan, D. Bouwmeester, M. Daniell, H. Weinfurter, and A. Zeilinger, Nature 403, 515 (2000).

  Le doublet [72][73] a en tête un JW (Pan)...
  Le nom Naik de la référence [71] m'a fait penser au "livre Nahik" de la BD Le décalogue. J'avais remarqué que kniha signifie "livre" en slovaque, or la rubrique précédente concerne précisément un article d'une revue slovaque, Acta physica Slovaca.
  Comme vu plus haut, cette rubrique n'est pas à sa place, N semblant être considéré comme le patronyme de l'auteur Cerf, qui aurait dû être la référence [26], avant l'article de J.I. Cirac and P. Zoller. 26 est la valeur du Tétragramme, or l'hébreu zwi, "cerf", que je transcris usuellement ÇBY, a pour atbash HSM, ha-shem, désignation orale du Tétragramme.

Note du 13/1: A propos de KZ, il m'est revenu ce matin que Klaus Kinski (KK) jouait Yavé dans Zoo Zéro (ZZ), un film dont les noms de tous les personnages sont calqués sur YHWH (et Eve).

Note du 22/10: A propos de mandoline, l'écriture de cet article m'a fait consulter la fiche Wikipedia du Mat du tarot, ou Fou, et apprendre que dans le jeu non divinatoire il était l'Excuse, aussi dite Mandoline, la carte affichant un joueur de mandoline.
J'ai pourtant été un joueur assidu de tarot jadis.
Je remarque que les cartes du jeu de salon ont un format 1x2 (5,5x11 cm pour mon propre jeu, hormis la bordure).

6.1.23

La lettre et l'esprit

à  Philo et Fredo

  Le billet précédent m'a conduit à associer le "chef de bande barcelonais" de La mort et la boussole, et le "chef" du Jardin aux sentiers qui bifurquent, les deux nouvelles de Borges traduites pour Fred Dannay (Ellery Queen) par Anthony Boucher vers 1947.
  Dans la version originale, le premier était un caudillo barcelonés, et il ne fait pas de doute pour les spécialistes que ce soit une allusion à Alberto Barceló, réel caudillo mafieux de la cité au sud de Buenos Aires, Avellaneda, puis à partir de 1940 gouverneur de Buenos Aires.
  L'autre était le jefe d'un espion allemand en Angleterre pendant la guerre de 14-18, lequel devait transmettre à son chef à Berlin le message "Albert", nom d'une ville stratégique en France, et le faisait en tuant une personne nommée Albert.

  J'avais remarqué au passage ces deux Albert, sans y insister, mais plus tard une voie détournée (j'y reviendrai) m'a conduit à me souvenir qu'en 1999 JB Pouy m'avait demandé d'écrire le premier volume de la collection "intello-populaire" qu'il venait d'imaginer, les enquêtes d'Albert Fnak, le plus petit libraire de Paris, dans sa boutique de 12 m2Douze maîtres au carré, rue Beautreillis.
  Le nom faisait évidemment allusion à la plus grande librairie parisienne, et ne pouvait être utilisé sans l'accord de la FNAC, ce qui ne put se faire, et Albert Fnak devint ensuite Pierre de Gondol, mais j'ai écrit mon roman avec Albert comme narrateur, à la première personne. Voici l'annonce de la collection dans le catalogue Baleine 2000 (1284 est une coquille pour le titre transmis oralement, 1280 âmes):
  En fait, après Pouy et Schulz, le seul auteur annoncé ayant effectivement écrit un Gondol est Jacques Vallet.

  Les références littéraires étant une contrainte de la série, Borges et Queen avaient été des sources de mon intrigue, avec des morts commandées par le temps et l'espace. 3 latinistes mouraient les 3/3, 4/4, et 5/5, en des lieux parisiens correspondant aux sommets d'un triangle de Pythagore. L'enquête désignait un suspect, en Essonne, mais on le trouvait égorgé, la fenêtre ouverte, sans trace de la lame sanglante utilisée.
  C'était une allusion au Mystère du grenier, de Queen, où un meurtre apparent était en fait un suicide, une pie étant venue chaparder la lame.
  Albert soupçonnait un autre latiniste, surveillé par les flics, mais il se suicidait le 6/6, en un point complétant le triangle de Pythagore...

  J'en ai parlé ici. Au bout du compte, Albert mettait Pouy en cause, mais décidait de garder ses soupçons pour lui...

  Le roman est paru en octobre 2000, avec Albert devenu Pierre, ce qui m'a contraint à quelques menus changements.
  Le samedi 17 mars 2001, j'étais au Salon du Livre pour une signature avec les autres auteurs Gondol. J'appris que le lendemain serait présent David Ignatius, que je désirais rencontrer. Le dimanche 18, entre ma résidence et la station de métro, il y avait une braderie à St-Ferdinand-des-Ternes, je suis entré, et sorti avec La bibliothèque de Villers, de Benoît Peeters (1980), que je ne connaissais que comme scénariste des Cités obscures.
  Ce court roman est présenté comme un hommage à Agatha Christie, mais c'en est un aussi à La mort et la boussole, car 4 meurtres y sont commis tous les 25 jours aux 4 points cardinaux de la ville de Villers; les victimes successives portent les initiales II, VV, RR, EE. Le narrateur soupçonne l'étrange Albert Lessing, directeur de la bibliothèque, au centre de la ville, mais on le trouve mort le 25e jour après le précédent meurtre. Une phrase est tatouée dans le dos de Lessing, En lui l'Alpha et l'Oméga.
   Cette phrase et le prénom Albert débutant par un A devaient inciter le lecteur à reprendre le roman au début pour découvrir l'acrostiche (L)IVRE, formé par les initiales des noms des victimes, et les lettrines en tête des 5 chapitres.

  L'assassin est ici le LIVRE, tandis que ce serait l'écrivain dans mon roman (mais le livre de Peeters est encore plus proche du projet que j'avais avant Sous les pans du bizarre, Novel Roman, enfin mené à terme en 2018.

  Je n'avais pas prêté jusqu'ici attention à cette coïncidence Albert, laquelle m'est apparue en relisant une page de 2008 de mon ancien site, que j'ai du coup remise en ligne ici.
  Elle était essentiellement consacrée aux "acrostiches victimaires", et le jefe du précédent billet m'a rappelé qu'il y avait un jefe dans un roman de Joseph Bialot, Nursery Rhyme (1999). Une milice dirigée par le féroce Odilon Thorensen avait opprimé des mineurs chiliens sous Pinochet. Odilon a tué la femme enceinte du guitariste Manuel, et a tranché les doigts de sa main.
  10 ans après Manuel vient avec deux amis se venger d'Odilon et de ses 4 complices, leur associant les vers d'une comptine anglaise, introduisant les 5 parties du roman. Ainsi sont exécutés Didier, Elisabeth, Ramon, et Françoise, chacun amputé préalablement d'un doigt. C'est ensuite le tour du Jefe, Odilon, qui a d'abord droit à l'amputation de tous ses doigts...
  Il m'était venu que la succession DERF-O permettait une lecture FRED-O, de manière un peu analogue au IVRE-L de Peeters à lire L-IVRE. La vengeance est un plat che va servito freddo...
  J'ai pu en parler avec Bialot, il m'a certifié n'avoir pas du tout pensé à ça, et ne pas connaître le lien entre les lettres JEFE et le Tétragramme...

  Ceci ne m'avait pas empêché en 2008 de remarquer le parallèle avec Double, double de Fred Dannay, sa comptine s'achevant sur "chef", et l'acrostiche victimaire JHWH MAD.
  Je ne m'en rappelais certes pas en 2017 lorsque j'ai écrit Ô Phil, premier d'une série de 3 billets sur Danielewski, où je présentais une étrange coquille dans l'édition J'ai Lu de Coup double en septembre 1984, à la 5e ligne ci-dessous:
 
  Les lettres "phil" de "philosophe" ont disparu, remplacées semble-t-il par "6566" en début de ligne. Comment est-ce possible? J'attends toujours une explication.
  J'invite à se reporter à Ô Phil pour comprendre la raison de ce titre. Dans le billet suivant, Poliphilo, je rapprochais cette coquille d'une autre, dans l'édition Red Label de L'adversaire, le roman où des crimes sont annoncés par des cartons biseautés portant les lettres J-H-W-H du Tétragramme. Ici, le point (.) achevant la seconde phrase de la citation de Thomas Huxley est devenu un Q:

 
  Le dernier billet de la série était Phil & Fred, Fred pour Frederic Dannay, Phil pour Philip Dick, et je suis confus de n'avoir pas pensé alors au FRED-O de Bialot, d'autant qu'il s'agit ici aussi d'une vengeance retardée.
  J'avais remarqué que 65-66 étaient les codes ASCII de A et B, et il me vient maintenant que ce sont les initiales d'Anthony Boucher, lequel était proche de Dannay comme de Dick.
  L'adversaire, où les victimes habitent aux quatre coins de York Square, avait inspiré au premier chef mes morts de latinistes, aux quatre coins d'un rectangle, dans des circonstances analogues.
  J'ai encore oublié de mentionner jusqu'ici que le personnage Ellery Queen a été inspiré aux cousins, admirateurs de l'oeuvre de Van Dine, par son détective, Philo Vance. Van Dine est concerné par cette aberration typographique.

  L'écriture du précédent billet m'a fait relire Le jardin aux sentiers qui bifurquent, et remarquer dans mon édition Folio de décembre 1981 une coquille dont je n'ai pas saisi immédiatement la portée:
 

  A la ligne 21 il manque le "u" de "Runeberg", l'espion allemand qui doit transmettre le mot ALBERT à son chef à Berlin. Or le complice de Runeberg, Yun Tsu, a dans la même phrase "une lettre qu'il a décidé de détruire immédiatement".
  Il s'agit en espagnol de una carta, une lettre-missive sans ambiguïté avec la lettre-caractère, mais c'est dans l'édition française qu'apparaît la coquille, précisément dans le nom Runeberg, formé de deux éléments, "rune", justement une "lettre" nordique, et "berg", "montagne".

  Me demandant quelle était l'étymologie de "rune", Wikipédia m'apprend que le mot viendrait du proto-celtique  *rūno-, signifiant "secret", or ma récente enquête sur Lönnrot, le détective de La mort et la boussole, m'avait conduit à ceci:
Si lönnrot signifie "érable rouge", le préfixe lönn- introduit la notion de "secret", et lönnmord signifie "assassinat"...
  Sachant que la linguistique voit souvent les liquides R et L s'intervertir, au point qu'il y a un mot pour cela, la lallation, j'imagine que rūno- et lönn- ont une même origine.
  Le mot berg, "montagne", est apparenté à burg, "château", "ville fortifiée", purgos, "tour" grecque, et probablement à Borges. J'avais cité ici une page associant directement Borges à "tour", mais elle n'est plus accessible aujourd'hui.

  Je n'étais pas au bout de mes surprises, car le Runeberg le plus connu est le Finlandais Johan Ludvig Runeberg, étroitement associé au Lönnrot le plus connu, le Finlandais Elias Lönnrot, à tel point qu'ils étaient amis à l'université, et qu'ils ont joué un rôle essentiel dans le renouveau de la langue finnoise au 19e siècle (la langue officielle était le suédois).
 

  Une note de Borges indique que Viktor Runeberg (Johan Ludvig avait un frère prénommé Viktor) est le surnom de Hans Rabener, ce dont le lecteur n'a rien à faire, mais çoeur dp me signale que ce pourrait être une allusion à ce Rabener, qui a raillé les notes de bas de page dans un ouvrage intitulé Notes sans texte.
  Elle me signale qu'il y a un autre Runeberg, prénommé Nils, dans Trois versions de Judas, un autre conte de Fictions. Ce Suédois aurait défendu dans Kristus och Judas la thèse que Judas était la véritable incarnation de Dieu. Nils Runeberg s'imagine coupable d'avoir "prononcé le Shem Hamephorash, le Nom Secret de Dieu" (el Secreto Nombre de Dios). Il faut peut-être pour comprendre ceci savoir que ce nom est le Tétragramme, JHWH, et que Judas, grécisation de Yeouda, s'écrit en hébreu JHWDH, un Tétragramme augmenté de la lettre daleth, signifiant "porte", d'où ce nom est interprété par la tradition juive comme une "porte dans le Nom secret". Le Messie annoncé dans cette tradition est annoncé descendre de David, donc de Juda (le 4e fils de Jacob).
  J'observais que chaque crime de La mort et la boussole, associé à une lettre du Tétragramme, a aussi une "porte" dans son contexte immédiat: le premier mort git "non loin de la porte", le second est étendu "sur le seuil d'une vieille boutique de marchand de couleurs"; installé sur le marchepied (à la portière) du coupé fermé dans lequel a été enlevé Gryphius, un arlequin inscrit la phrase "La dernière des lettres du Nom a été articulée."; enfin un paragraphe entier est consacré aux deux portails permettant d'accéder à la villa Triste-le-Roy, où va mourir Lönnrot.
  Avant de mourir, Lönnrot demande à Scharlach de le tuer dans un prochain avatar au point D d'une ligne ABCD.

  Borges indique dans une note de Trois versions de Judas que Nils Runeberg est aussi l'auteur du poème L'eau secrète, ce qui avec le "Nom Secret" peut suggérer que Borges connaissait l'étymologie de "rune".

  Ceci me fait prendre conscience que les morts de Double, Double ont dans l'ordre les initiales MHAJDHW. Attendu que les deux premières sont fortuites, les réels crimes correspondent à AJDHW, offrant notamment l'arrangement JHWDA, יהודא, "Judas" en araméen. En classant les victimes selon les mots de la première version de la comptine, reclassés alphabétiquement, Beggar-Doctor-Indian-Lawyer-Thief, on obtient la succession ADWHJ, qui transcrit en lettres hébraïques donne exactement יהודא, Judas.
  Dans le Queen de 1952, Le roi est mort, la mort de Cain "King" Bendigo est annoncée à un jour et une heure précise. Le frère de Cain, Judah, ne se cache pas de vouloir le tuer, aussi Ellery le surveille attentivement au moment donné, tandis que Cain est à l'abri dans une chambre close. A l'heure dite, Judah sort un revolver, tire, et la balle est retrouvée dans la poitrine de Cain...

  Les découvertes du précédent billet m'ont conduit à relire quelques Queen, dont Les dents du dragon (1939) que j'ai dans son édition française originale de décembre 1946, dans la collection Le Limier.
  Je n'ai pas grand'chose à dire ici de l'intrigue, mais malgré une lecture rapide j'ai repéré une coquille page 164, probablement vue dans des lectures précédentes, mais qui m'est maintenant significative:
 

  Ellery a ouvert une agence de police privée, avec pour assistant Beau Rummell. Un client vient de leur remettre un chèque de $25.000 pour ne rien faire, abandonner leur enquête, et Beau conseille à Ellery de le "déchirer", mais ce mot est devenu "déchifrer" (et "pouvez" "pouver").
  De fait, la signature "Edmund de Carlos" de ce chèque sera effectivement "déchiffrée" par Ellery, permettant d'établir qu'elle est de la même main que celle du chèque de $15.000 signé Cadmus Cole reçu pour démarrer l'enquête.
  Il y a quelques mois, mon 340e billet était Le nom, métamorphoses du Ricardou, parce que "nom" a pour valeur 340 en hébreu. J'y étudiais un texte que Ricardou jugeait probablement essentiel, Improbables strip-teases, car il l'a publié à trois reprises, en 1972, 1973, et enfin en 1982 dans son Théâtre des métamorphoses, où il déplorait des erreurs dans les deux premières éditions. Il s'agit d'un récit de strip-tease issu de La prise de Constantinople, parsemé de majuscules intempestives qu'un lecteur patient peut séquencer pour faire émerger un nouveau texte, la récriture du sonnet de Mallarmé Le Cygne.
  J'ai eu à coeur de vérifier que l'ultime version était correcte, et il y avait une nouvelle erreur: un F oublié dans le codage du mot "déchiffrer"; ce "déchifrer" est à mi-chemin entre le "déchirer" original de Mallarmé et sa récriture "déchiffrer".

  J'invite à se reporter au billet cité pour plus de détails, et je vais y ajouter une note indiquant que je ne m'attendais certes pas à trouver une autre erreur transformant "déchirer" en "déchifrer".

  Il y a peut-être d'autres erreurs dans cette édition des Dents du dragon dont l'imprimeur ne mérite guère de félicitations, comme on le voit sur l'exemple donné, mais la seule anomalie notable que j'ai repérée est un carré de papier collé sur la page de titre, énonçant Ce livre est le premier de la collection Le Limier dirigée par Alexandre Ralli.
  J'ai eu la curiosité de décoller ce carré pour trouver en-dessous:
 

  Ainsi la collection avait d'abord été baptisée Echec et mat. Ceci m'est significatif, car si cette collection avait marché aussi bien que L'empreinte, que Ralli dirigeait avant-guerre, et qui avait publié 183 numéros, mentionnés par Perec, elle aurait pu publier L'adversaire, roman construit comme une partie d'échecs, et dont le dernier chapitre a pour titre logique Echec et Mat (en anglais Checkmate).
  Mais Le Limier n'a publié que 53 titres, de 1946 à 1955, avec pour seul auteur phare Queen.

  Ce papier collé en page de titre d'un livre m'a rappelé une curiosité. Il y a une vingtaine d'années, j'ai découvert en me baladant à Cannes en vélo un bouquiniste sis au 89 rue de la République. Il avait beaucoup de vieux polars, et j'ai acheté plusieurs livres dont
- Deux morts dans un cercueil, d'Ellery Queen, dans la collection Oscar (1954); il en existait une traduction antérieure publiée en 1936; je l'avais déjà en J'ai Lu, et dans une édition anglaise de 1932.
- Le mystère de la Madeleine, d'André Favières, aux éditions Jacques Dervyl, achevé d'imprimer le 30 décembre 1950, parce qu'il était annoncé en 4e de couv'
à paraître...
2 Morts dans 1 Cercueil
Grand Roman Policier
par André Favières
- Le "Singe-Rouge", de Jacques Levert, dans la collection Le Labyrinthe (1946), pour l'offrir à mon ami Le Goff, amateur de rouge et vert.

  Il y avait une bande de papier collée sur la page de titre du Mystère de la Madeleine, énonçant Qui est Lili Martin?... L'inspecteur ARMAND vous le dira..., et je n'avais pas eu besoin de la décoller car on pouvait lire en transparence:
Préface de Jacques Levert
(Grand Prix du Quai des Orfèvres 1946)
(Ex-directeur de la Police des Alpes Maritimes)
et ce premier prix du Quai des Orfèvres était précisément pour Le "Singe-Rouge".
  20 ans après, je découvre en écrivant ce billet que Le mystère de la Madeleine a été numérisé, et qu'on peut y lire la préface de Levert. Peut-être la préface promise n'était-elle pas prête lors du premier tirage du roman...

  Il y a deux ans, j'ai été à Cannes, notamment dans le quartier où Ricardou a passé son enfance, et où il est souvent revenu ensuite voir son père, au 6 rue Louis Braille, proche de la rue de la République où le bouquiniste en question avait disparu, mais j'ai découvert que sa boutique était à l'angle de la rue Léon Noël, résistant tué en 43. Le jeune Ricardou le connaissait, et sa disparition l'avait marqué.
  Son nom aussi probablement, et c'est peut-être en son souvenir qu'il a imaginé les signes sur une roche dans La prise de Constantinople qui, dans un sens, permettent de lire LEON, prénom d'un des personnages, Léon Doca.
  Tourné de 180 degrés, le graphisme peut se lire 4031, soit, en prenant les rangs des lettres, D-0-C-A, le nom de Léon... Ricardou appelait ce jeu son "cado de Noël".

  J'ai laissé de côté de côté pas mal de pistes dans ce billet, essayant de me limiter aux coquilles typographiques, or même sur ce point j'ai quelques autres exemples notables en tête, et il y en a certainement beaucoup dont je ne me souviens pas encore...
  Tour de même, bien que Le mystère de la Madeleine était totalement inintéressant, Madeleine dérive de magdala, forme araméenne de l'hébreu migdal, tour.