19.10.19

ARDUE CROIX, décalez, EX-RICARDOU


  Le précédent billet, consacré à l'étude raisonnable de L'art du X, annonçait de prochains développements qui le seraient moins, que voici.
  Je n'étais pas loin d'ignorer jusqu'au nom Ricardou en 1999, où j'ai appris que son RAPT (Récrit Avisé Par la Textique) d'un passage de la Disparition comptait un E. C'était dans le n° 3 de la revue Formules, à laquelle j'étais abonné, mais je n'ai pas reçu ce numéro, et je n'ai accédé à un texte de Ricardou que dans le numéro suivant, en 2000, Les leçons d'une erreur, où il expliquait qu'il avait d'abord composé un texte conforme au lipogramme en E, puis que, sur épreuves, il avait au dernier moment remplacé "suivant" par "selon".
  Quelques lignes auraient suffi, mais Ricardou y avait consacré 15 copieuses pages, en partie en réponse à une lettre personnelle de Bernard Magné, spécialiste de Perec, annonçant un commentaire dans le prochain numéro de la revue. J'avais vite abandonné ce texte, où abondaient les néologismes textiques totalement rébarbatifs pour un non-initié.
  Magné et Ricardou étaient donc au sommaire du numéro 5, en 2001, l'un pour arguer qu'au-delà de l'inadvertance, Ricardou n'avait rien compris à l'écriture de Perec, et qu'aucune de ses prétendues "améliorations" n'était pertinente, l'autre pour rappeler que Magné avait suivi son séminaire de textique de 1985 à 1990, et qu'il lui avait fallu tout ce temps pour "comprendre qu'il ne comprenait pas". Ricardou éreintait en outre une des rares incursions de Magné dans la création littéraire, son texte numéro 24, suite de 24 lignes de 48 espaces typographiques mettant en évidence un grand X dessiné par des lettres X, en majuscules dans la première version publiée en 1983, en minuscules graissées dans une seconde version de 1988.
  Ricardou a jugé bon de présenter ces deux "24" sur une même page, et il s'agit de la page 224 de la revue :  Une coïncidence 24-48 m'a conduit à évoquer cette querelle, à mon sens déplorable, dans le billet Le grand jeu Hanalogue, en juin 2012. J'ignorais alors presque tout de Ricardou, ne savais même pas qu'il avait écrit des textes contraints, encore moins bien sûr que le X était essentiel dans plusieurs de ces écrits, X coeur du teXte, des lieuXdits, et que ces écrits étaient souvent basés sur les "nombres fondamentaux", 4, 8, et leur rapport 1/2.
  Ricardou a ainsi utilisé les nombres 48 et 24, notamment dans Communications où un personnage a le numéro de téléphone Maillot 24-48, aussi ce maillage de 24 par 48 lettres dessinant un X par des x serait éminemment ricardolien...
  Mais il est avant tout perecquien, puisque X et 24 sont aussi au coeur du monde de Perec. X est la lettre numéro 24, qui était aussi le numéro du salon de coiffure de sa mère, et le seul choix qui restait à Magné était la largeur de ses lignes. Sachant qu'un texte dans cette police à châsse fixe doit avoir environ deux fois plus d'espaces typographiques que de lignes pour offrir un aspect carré, le choix était limité...

  Magné, s'étant très tôt intéressé à la biotextualité, ne pouvait ignorer l'importance des 4 et 8 chez Ricardou, ainsi que du X. Peut-être y a-t-il aussi pensé en composant numéro 24, peut-être a-t-il montré le texte à Ricardou lors d'un séminaire... L'un comme l'autre ne sont plus là pour éclaircir ces points.
  Il est plus certain que Ricardou n'a pas manqué de penser à son sonnet en X lorsqu'il s'est acharné à éreinter la création de Magné. Pour sa première version, publiée en 1983 dans Petit perecédaire illustré, il dénonce la présence de majuscules intempestives en tête de ligne et dans les noms propres, alors que son propre sonnet est pareillement pollué par d'autres majuscules que celles formant le grand X, lequel souffre d'ailleurs d'une irrégularité qui me semble pouvoir être améliorée, alors qu'il n'y a rien à redire aux parfaits alignements des X de Magné.
  Une éventuelle allusion à son Art du X pourrait être cette note 18:
La place manque pour stipuler, ici, dans le domaine des occurrences médianes, ce qui distingue, sous l'angle structural, la présentation de «numéro 24», occurrence spatio-linéale, et, par exemple, la présentation d'un sonnet, occurrence linéo-spatiale
Ce n'est pas absolument limpide, mais que vient faire un sonnet dans cette galère?

  Curieusement, la première publication de L'art du X date aussi de 1983, dans le numéro de printemps de Littératures, aujourd'hui accessible en ligne, également hommage à Perec disparu en 1982. Je ne sais lequel est paru en premier, mais il me semble improbable qu'un auteur ait connu l'oeuvre de l'autre avant leurs publications.
  Ces deux textes ont aussi ont commun d'avoir été réédités, légèrement remaniés, en 1988 dans La cathédrale de Sens, et en 1989 dans Perecollages 1981-1988.

  Je rappelle que les numéros de Formules concernés sont aussi accessibles en ligne, sur le site de la revue.

  J'avais oublié que c'était la coïncidence 24-48 qui m'avait conduit à évoquer cette controverse Ricardou-Magné, et une autre pétrifiante coïncidence m'avait conduit à découvrir dans ce même billet, Le grand jeu Hanalogue, que Ricardou était l'auteur d'un roman, Les lieux-dits, et à apprendre plus tard que la fourmi "diagonale" Atta bellifera d'une nouvelle de Lahougue tirait son nom de ce roman, et sa propension à l'oblique de la diagonale BELCROIX formée par ces lieux-dits.
  Ce n'est que ce mois que j'ai découvert que le jeu diagonal des mots de la nouvelle de Lahougue était déjà utilisé dans L'art du X.

  Ceci m'avait ouvert sur deux improbables collisions entre nos écritures. Ricardou et moi avions eu, la même année 1999, la fâcheuse idée de remplacer "suivant" par "selon". 30 ans avant ma création d'une table des chapitres en carré formant la diagonale ROSENCREUTZ, Ricardou avait fait de même avec un carré formant la diagonale BELCROIX.
  J'ai ensuite trouvé d'autres rencontres lorsque j'ai surmonté mes premières impressions face à la rébarbative textique.

  De nouvelles similitudes sont apparues avec L'art du X. L'une des formes du sonnet est titrée Code X, jeu avec "Codex" qui serait le titre du livre en possession de la fille du Midi-Minuit. Relisant mon Grand jeu Hanalogue de 2012, je m'aperçois que j'y avais fait le même jeu. Les 2 formes de numéro 24, le texte en X de Magné, figurant page 224 de Formules, et 112 étant un nombre important chez Perec, j'avais imaginé que cette page 224 serait le folio 112b d'un codex, et le jeu avec "code X" m'était aussitôt venu.
  Je signalais dans le précédent billet que dans le décodage des phrases correspondant à
un sonnet qui s'oppose à ses rêves en retournant ses vers
les mots apparaissent aux positions 1-2-3-4-8-6-7-5-9-10-11-12, c'est-à-dire que les positions 5 et 8, correspondant à "oppose" et "rêves", sont interverties. Ceci est évidemment en rapport avec la dernière phrase de la partie III, peu après:
— Or, « Ses rêves », en les retournant, ne seraient-ils pas « ses vers » ?
  Il se trouve que le 20 novembre 2002, j'avais proposé ce palindrome à la Liste Oulipo,
le rut à nos rêves oppose verso naturel
en 8 mots et 32 lettres, 4 fois 8.
  Le RUT apparaît en filigrane dans le premier texte du recueil, Le lapsus circulaire, avec l'énigmatique invitation sur une affichette:
Renverse-moi, je suis ta Créature...
Le narrateur en déduit qu'il faut scinder en deux groupes de 4 lettres, CREA donnant 4, TURE renversé ERUT, correspondant aux lettres de valeurs 5-17-20-19, pour obtenir le téléphone de la Créature de Rêve, 45-17-20-19...

  Il me souvient d'avoir envisagé d'utiliser le jeu "sonnet" "son net". J'ai fait une recherche "son net" sur la Liste Oulipo depuis ses débuts, et ai trouvé 3 occurrences.
  Le 6 mai 2003, Alain Chevrier proposait de travailler cette contrainte dite isogramme, et donnait l'exemple "son net".
  Je l'avais manifestement oublié quelques mois plus tard, car le 28 novembre je postais dans un message
Le 7 courant je me suis éveillé avec en tête "le son net" et l'idée d'écrire un sonnet qui n'ait justement pas un son net. 
C'était pour expliquer comment m'était venu l'idée du sonnet écrit le matin du 7, où "le son net" était devenu "leçon net" (voir l'annexe en fin de billet).
  Le sujet est revenu sur la liste en janvier 2014, et le 19 le même Alain Chevrier proposait ces deux sonnets lettriques isogrammes (en 14 lettres)
TRESSAGE SONNET
TRES SAGE SON NET
  J'ai utilisé le même jeu "tressage" "très sage" dans le titre de ma communication à Cerisy, de façon presque obligatoire imposée par le jeu "très fou" "tserouf", sans me souvenir de ce sonnet lettrique de Chevrier, lui-même habitué de Cerisy (mais je me souviens maintenant avoir apprécié ce jeu 4-4-3-3).

  Je reviens au billet L'art du X, et l'art du Ricardou qui m'a conduit à approfondir ce dernier texte de La cathédrale de Sens. J'y suis parvenu par un chemin tortueux, sans aucun fil logique apparent, passant par un thriller de Glenn Cooper et la suite arithmétique A003136, donnant les nombres de la forme a2+ab+b2.
  Ce roman contenait deux énigmes numériques, les réelles 112 notices de la Prophétie des papes, d'actualité puisque le pape François serait le 112e et dernier pape selon cette prophétie, et les 24 nombres tatoués à la base de la queue des Lémures, correspondant à des numéros de vers du Docteur Faustus de Marlowe, formant un acrostiche en 24 lettres,
MALACHY IS KING HAIL LEMURES.

  Je viens d'évoquer les deux numéro 24 au folio 112b du codex Formules, mais il y a davantage, car la journée de 24 heures, ou deux fois les 12 heures du cadran des heures, est amplement convoquée dans L'art du X (qui est toujours la lettre numéro 24, mais plutôt 23 pour Ricardou), et les 8 variantes du sonnet comptent 8 fois 14 vers, 112.
  Elles dévoilent peu à peu le grand X formé par certaines lettres,
X expose un sonnet qui s'oppose à ses rêves en retournant ses vers en sa croix.
et l'acrostiche étendu
X ajoute ces mots en colonne et puis cesse.
  Le 112e pape François est l'occasion de rappeler qu'un des plus célèbres acrostiches est celui du Songe de Poliphile, traduit
  François Colonne serviteur fidèle de Polia
par Béroalde de Verville.

  112 est un nombre de la suite A003136, avec a et b égaux à 4 et 8, les nombres fondamentaux de JEAN-RICARDOU:
42 + 4x8 + 82 = 16 + 32 + 64 = 112.
  Il est évidemment plus probable que Ricardou ait utilisé ses nombres fétiches avec les 4 parties du texte et les 8 sonnets.

  Mon obsession numérique m'a conduit à recenser tous les "mots de passe", en italique dans les phrases en romain,
X une règle sonnet consacré tester au d une vertus sa étroit si Vers sommets ascendante vers l alentour le texte le D ces il effet écriture qui oppose ses X tenir sont donc nécessaire il dans son en façon semble avec Au quatorze car aiguilles croisement l un son
soit 50 mots, 213 lettres, de valeur 2604,
en romain dans les phrases en italique, 
sonnet tester une règle sexe fait subir jouir une
soit 9 mots, 41 lettres, de valeur 532.
  De discernables multiples de 4, comme dirait JR, mais je remarque surtout la somme, 3136, carré de 56, et numéro de la suite OEIS qui occupait mon esprit lorsque j'ai été conduit à m'intéresser à L'art du X.
  56+56 = 112, mais il n'est guère imaginable que ceci ait été voulu, car la première édition du texte avait un autre "mot de passe", assouplir, dans la 112e phrase de 12 mots (ou plutôt d'environ 12 mots, puisqu'il y a diverses exceptions).

  Il y avait donc dans cette première version 283 phrases d'environ 12 mots, dont 60 avec des "mots de passe", et 223 sans. J'imagine que Ricardou a demandé aux Impressions nouvelles de reprendre exactement son texte de Littératures, et que quelques erreurs sont passées inaperçues lors de la lecture sur épreuve.
  60 phrases particulières de 12 mots. Ce pourrait être significatif dans un texte où le cadran d'une montre ou d'une horloge est au premier plan, et il est au moins assuré que le nombre 12 de mots ne doit rien au hasard.
  Toutefois l'éventuelle erreur sur "assouplir" amène une autre possibilité, avec 32 mots en italique du sonnet et de ses messages dans 32 phrases en romain des 3 premières parties. 32, c'est 4 fois 8.
  Je me demande si Ricardou a réellement compté ses phrases, ou du moins si leur nombre ne serait pas la conséquence d'une erreur. J'ai évoqué dans le précédent billet l'absence de la phrase codant pour le mot "Et" du sonnet, au début du 11e vers, alors que les positions des "mots de passe" l'encadrant sont aux rangs 9 et 11 de ces phrases successives:
Dès lors, je me suis voulue attentive aux appogiatures: avant et après. Dessous, je lis "tournant"; dessus je vois "vers": voici donc le signe.
  Lorsqu'il déroge ailleurs à sa contrainte, Ricardou ne manque pas d'y faire allusion dans le texte, et je ne vois rien de tel ici. N'aurait-il pas oublié une phrase?
NOTE: après réflexion, je me demande si ce manque du SON "ET" ne ferait pas pendant aux deux mots "SON NET" de la 8e phrase, aux positions 8 et 9, qui deviennent un seul mot, "SONNET", dans le décodage.

  Ce qui me mène à conclure, avec l'explicitation de mon titre. L'antépénultième billet, 290e de Quaternité, avait un titre de valeur 290, L'art du X, et l'art du Ricardou, avant que je découvre que le texte principal contenait 290 phrases de 12 mots (environ toujours), en y incluant les phrases codées.
  Dans le billet suivant, 291e, je justifiais la valeur 291 du titre L'ardu X, ambigument le Ricardou, par la phrase en exergue au texte.
  Pour ce billet, 292e, j'envisage donc la possibilité d'une phrase oubliée pour justifier des titres de valeur 292. En marge de celui choisi, j'ai trouvé l'ardu X, drôlement le RICARDOU, aussi l'ardu X, plaisamment ARDU CROI , également l'ardu X, doublement l'ARDU CROI, encore ardu X, assurément ARDU CROI.
  D'autres idées :
lieuXdits : Lardux, Arducroi
En "L'art du X", S a omis le "et" en fait.

  Note du 12/08/2020: En fait, S, Schulz, moi, avait mal compté  les phrases l'an dernier, et il y en a indubitablement 283 dans les deux versions publiées du texte, plus la phrase en exergue, plus les 8 phrases codées, soit 292 sans avoir besoin d'invoquer une éventuelle omission dans les textes publiés (je sais maintenant que Ricardou écrivait à la main,et que c'est Erica Freiberg qui retapait les textes à la machine, avant l'envoi à l'éditeur, d'où d'autres possibilités d'erreurs).

  Ce 292e billet est publié le 19 octobre, 292e jour de l'année, aux 4/5es de ses 365 jours. Ceci m'évoque l'Epithalamion de Spenser, basé sur les nombres 24 et 365 du jour et de l'année. L'art du X pourrait être une autre approche du temps, basée sur les nombres 12 et 60.

  J'ai forgé un palindrome de valeur 248, les "nombres fondamentaux":
à "révère" s'oppose "rêvera"

  Une petite chose enfin. J'avais cité dans Le grand jeu Hanalogue un article citant un article de Magné sur Ricardou, du temps où il en était admirateur. Reprenant cet article, je vois qu'il est signé Frank Wagner, le probable frère de Nicolas Wagner, l'auteur dans Formules n° 9 de l'article qui m'avait fait découvrir la grille LETTERS de John Barth. Il y citait aussi Ricardou, et dans le même numéro il y avait le Ecrire en colonne de Cyril Epstein, où le nom Wagner apparaissait, des grilles de Robert Rapilly, et la mienne.
  L'article de Franck Wagner commence par
Par le mot par commence donc le texte de cette communication : détournement convenu – j’en conviens – de « Fable » de Francis Ponge, et exemplification de ce stéréotype de la modernité que constitue le recours aux ressources du métatextuel.
  C'est une allusion déclarée à un poème de Ponge, mais je doute que Frank Wagner ait aussi pensé alors à L'art du X, où Ricardou pratique un autre détournement, "par" y étant le mot de passe en position 12:
—Viens, Epsilon, répond-elle, écoute mon message : rien ne finit par "par".

ANNEXE: le message posté sur la Liste Oulipo à 12:08 le 7 novembre 2003 (il y a un acrostiche):
           SANS QUE (l'apparent taise)

Leçon (sans la cédille ((essentiel accessoire
Aidant (((on s'abandonne à chaque échappatoire
Pour ne pas absorber qu'un fat ragot ((((comme un
Perpignanais* (((((centriste** [un sentiment commun

Abhorre l'excentrisme [[ainsi voit-on l'ivoire
Refusé sans label "ex-Ceylan" [[[de déboire
En déboire [[[[du thé parfumé de jasmin]]]]
Nommée actuellement Sri Lanka]]] et l'humain

Ténébreux à jamais rester inconsolé]]
Tant est démérité l'effort de l'isolé]
Avide de dollars))))) qui a perdu la Têt))))

Incohérent))) à lire "arçon fut cavalier"
Sans le confondre avec "art confus ça va lier"))
Exemplaire banal d'un vaste réseau) net.


* Jacques Arago (natif de Perpignan [sur la Têt]
comme François) composa un lipogramme en A.
** Le centre du monde serait selon Avida Dollars
la gare de Perpignan

14.10.19

l'ardu X, ambigument le RICARDOU

 
  Le précédent billet m'amenait à ces découvertes:
- les nombres fétiches de Ricardou, 48 et 24, et leurs renversements 84 et 42, se retrouvent dans l'année de sa mort
2016 = 48x42 = 84x24;
- de 1932 à 2016, Ricardou a vécu la 24e période de 84 ans dans l'ère vulgaire, 24 correspondant au rang de la lettre X, symbole essentiel pour lui, l'ayant notamment conduit à écrire L'art du X, ensemble de 8 variations d'un sonnet;
- la dernière de ces variations a pour titre L'ardu X, "lettre au terme d'une CROIX", or ARDU CROI est l'exacte anagramme de RICARDOU.

  Si Ricardou n'a pas choisi de mourir à 84 ans et 36 jours, plusieurs lecteurs ont vu en "ardu x" un jeu péremptoire, mais il y a un précédent troublant. Je souligne la parenté de ce texte avec la grille des Lieux-dits, dont la diagonale programmée BELCROIX s'est trouvée complétée par l'autre diagonale, imprévue, MAADRBRE, cernant de près le personnage Olivier Asilus, "arbre fou".
    Au milieu de ce teXte, au croisement des diagonales, se signalent les lettres CRDR, consonnes de RiCaRDou. Les voyelles sont proches, avec précisément OI de CROIX, et DR peut être complété en ARDU avec AU de CHAUMONT. On conçoit mal qu'il eût omis de le mettre en valeur alors qu'il a consacré plusieurs textes à commenter les curiosités fortuites de cette grille.

  J'étais parvenu à ces dernières découvertes sans lien apparent avec le fil débuté dans le précédent billet, mais j'avais tenu à conserver ce début, car je pressentais des échos à venir.
  Effectivement. L'approfondissement de L'art du X est si riche que je vais consacrer ce billet à son analyse immédiate, et que j'aurai à y revenir.

  C'est un texte en 4 parties, numérotées de I à IV, où sont déclinées 8 variations d'un sonnet. 4 et 8 donc, les nombres fondamentaux, mais les choses vont bien plus loin.
  La première version de 1983 est accessible en ligne.
  L'art du X se présente comme un rendez-vous galant dans un café, le Midi-Minuit, entre un homme et une femme, Epsilon et Marysa, mais leurs noms fluctuent au cours du récit. Hormis les sonnets, et les messages cachés dans les sonnets, distincts typographiquement, toutes les phrases comptent 12 mots. En principe du moins, car il y a quelques exceptions.
  J'ai compté 283 phrases, auxquelles il faut peut-être ajouter l'exergue,
En ses calculs, que ce texte rende hommage au travail de Perec.
  On aurait donc 284 phrases, pouvant faire penser aux "nombres fondamentaux" 4-8-2, les 4 et 8 lettres de JEAN RICARDOU, et le rapport 8/4. Les phrases se répartissent dans les 4 parties en 68-63-58-94. Tout ce que j'y décèle est une décroissance régulière pour les 3 premières parties, 189 chapitres répartis autour du 63 central. La dernière partie a d'ailleurs un statut différent au niveau des codages.

  Car il y a codage, et il est explicité à partir de la phrase 181,
  Tout réside dans le mot initial de la première phrase, dit-elle. C'est par lui que commence le développement de la règle secrète. Ainsi la suite se trouve dans le deuxième mot de la seconde phrase. De proche en proche, il ne reste plus qu'à faire avec.
  Son charme est si labyrinthique que j'en suis proche de bégayer.
  Même envers l'enchaînement des mots de passe, ma négligence s'accentue.
  Marysa a un livre dont la couverture montre deux triangles inversés, évoquant un triangle pubien formant avec son reflet un sablier. Les "mots de passe", ce sont ces mots formant le texte à décrypter, et certains d'entre eux sont en italique, comme "Son" ci-dessus. Il est précisé que tous ces "mots de passe" sont soulignés dans le livre de Marysa, mais "j'en", négligent, n'en a repris qu'une partie (59 sur 283). Je signale au passage que la narration oscille entre le "il" et le "je". Les 6 mots à retenir de l'exemple ci-dessus achèvent la troisième phrase du décodage de cette partie IV, composée de 8 phrases,
X et V sont les deux lettres inscrites à l'horloge immobile.
S'impose donc à lui, de nouveau nécessaire, le principe du reflet.
Il lit une rencontre dans la première: la seconde avec son envers.
Toutefois, cela ne règle en aucune façon les labyrinthiques problèmes du temps.
Comme tout semble minuté, il consulte avec soin sa montre, au poignet.
Quatorze heures, à présent, (il) suppose, car les aiguilles forment un V.
Vite, (il) évite le croisement, et, un instant, il lève le regard.
L'autre cadran désigne douze, et un son net, réitéré, égrène midi.
  A remarquer que le premier "mot de passe" du texte donnant la clef du décodage est première, qui désigne dans le texte décodé la lettre X. Ce décodage est en fait la reprise du premier paragraphe de la partie I, dont j'ai repris la ponctuation, à quelques mots près dans la seconde phrase. Des variantes de ces 8 phrases sont ensuite données, donnant toutes après décodage le premier vers de L'ardu X,
X impose une règle. Il suppose un sonnet,
dont le premier mot est "X".

  8 fois 12 font 96, mais il n'y a que 94 phrases de 12 mots dans la partie IV. Les "(il)" ci-dessus sont les mots manquants, mais le texte montre qu'il ne s'agit aucunement d'inadvertances, et deux astuces permettent de trouver ces "il", je n'y insiste pas.
  Après les nombres fondamentaux 4 et 8 viennent la somme 4+8=12, et le rapport 4/8=1/2.
  A remarquer qu'un des autres textes du recueil est Enterrement d'une île, où ce titre est transformé en Enterrement d'un il.

  Le décodage des 149 phrases en romain des parties I à III donnent 118 mots du sonnet final L'ardu X, puis les 17 mots du grand X formé par les majuscules,
 X expose un sonnet qui s'oppose à ses rêves en retournant  ses vers en sa croix.
puis les 14 mots initiaux de chaque vers, livrant la lecture en colonne
X ajoute ces mots en colonne et puis cesse.
   Il y a en fait 119 mots dans L'ardu X,
X impose une règle. Il suppose un sonnet, 
Au tEXte consacré s'il sait tester les choix,
JOUer POur une lettre au terme d'une CROIX,
TEnir  et  S'Exalter  aux  vertus  de  SA  né-                34

CESsaire désUNion hors la strophe. EN l'étroit
MOT Si clos, il tend SON chemin VERS les sommets.
EN oblique ascendante, NETs, SES vers abymés
COupent la ligne au tourNANT QU'Inflige le trois:       34

LONg  tissage  alenTOUR, qui asSOuplir saura,
NEuf  jusqu'en le REdit  de  ses  aPPOgiatures,
ET le  verbe EN ses rêts, et le texte à SErrure!           25

PUIS le VEStige sûr d'un accent sur le À!
CES RÊves? Il les obtient par abracadabra.
SES sens? Il les détient par effet d'écriture...             26
et le mot omis est "ET" ouvrant le 11e vers, 83e mot du sonnet. La phrase qui y correspondrait est manquante aussi, et on passe directement du mot de passe 9 au mot de passe 11 dans les phrases 82-83. Je ne vois rien dans le texte qui indique que cette absence soit voulue. Peut-être faut-il considérer que cet oubli surgit juste après le Xe vers? que l'oubli concerne la position X?
  Dans la première partie, il y a 40 phrases en italique qui ont un statut particulier dans le codage, elles reprennent, en deux vagues de 17 et 23 mots, le début du sonnet, avec quelques variantes. Il est remarquable que la phrase omise, la 83e en romain, serait la 123e tous styles confondus, 123 étant la valeur de 
GEORGES PEREC = 76+47 = 123,
auquel ce texte est dédié, originellement dans un recueil publié en (19)83, après la mort de Perec en (19)82. A remarquer que le mot omis, ET, débute le 11e vers, nombre perecquien, et commence par un E, comme aurait dû commencer le 60e vers qui aurait dû achever la dernière strophe du compendium.
  A noter une variante du décodage par rapport à la source (ou l'inverse): dans le dernier vers "détient" est remplacé par "obtient".

  Une autre curiosité, évidemment voulue. Dans le décodage des phrases correspondant à "un sonnet qui s'oppose à ses rêves en retournant ses vers", les mots apparaissent aux positions 1-2-3-4-8-6-7-5-9-10-11-12, c'est-à-dire que les positions 5 et 8, correspondant à "oppose" et "rêves", sont interverties. Ceci est évidemment en rapport avec l'inversion des syllabes REV et VER, également convoquée dans Le lapsus circulaire, au début du recueil, qui commence et finit par la syllabe REV.

  Il y a aussi dans la partie I des interpolations en italique, où les "mots de passe" sont en romain. Ceci concerne un premier jet de 17 phrases, codant à nouveau pour les deux premières phrases du sonnet L'ardu X. Viennent ensuite 23 autres phrases, où c'est cette fois sa principale variante qui est convoquée, dont voici la forme finale.
                         L'art d'enlever

X invente une règle. Elle suppose un sonnet.
Au sEXe dédié s'il sait subir l'émoi,
JOUir POur une lèvre, ou bien par une VOIX,
TEnter  leS Expériences au plaisir conSAcrées.

C'ESt le multiple UNiversel. Lu DANS l'étroit
MOT Si bref, qu'offre SON duvet VERS tout lettré:
EN son milieu, un X, NET. SES replis secrets
COmprennent la main, tourNANT, QUI les ouvre aux joies:

LONg  aller et reTOUR, qui asSOuvir saura,
NEuf  jusqu'en le REdit  de  ses  aPPOgiatures,
ET la clef EN vigueur, et le sexe à SErrure!

PUIS l'inVEStissement qui multiplie les Ah!
CES RÊves? Ils sont venus par maints duplicata.
SES spasmes? Elle ne sait pas ce qui dans leurs cris hurle...
  Il faut quand même dire quelques mots des différentes formes du sonnet, qui ont toutes la même ossature de majuscules, révélée par étapes. Selon les deux formes de base, on a  "X" et "croix" dans la lecture textuelle,  "V" et "voix" dans la lecture sexuelle.
  On a d'abord L'art duvet, où les majuscules dessinent un V, "V expose un sonnet: ses vers dans sa voix."
  Puis L'ardent V, où le V est tourné d'un quart de tour, le message devenant "V expose un sonnet, en retournant ses rêves."
  On a les trois branches du Y dans L'art dans le V, avec "V expose un sonnet: ses rêves, en retournant ses vers dans sa voix."
  Dans L'art duel, un Z est formé.
  On passe au X dans Code X, avec le message dans sa forme presque définitive, mais finissant par "voix".
  Le sonnet prend sa forme textuelle dans Ars dux, avec le message finissant par "croix".
  Ces deux dernières formes sont reprises dans L'art d'enlever et L'ardu X, mais toutes les lettres composant la colonne "X ajoute ces mots en colonne et puis cesse." sont maintenant en majuscules, alors que seules les initiales des vers l'étaient auparavant.

  Il y a des exceptions à la règle des 12 mots. J'en ai dénombré 14 (comme les vers d'un sonnet), plus une éventuelle 15e (XVe, une phrase ou le "Midi-Minuit" doit compter pour deux mots pour parvenir à 12, alors qu'ailleurs il est indubitablement vu comme un seul mot, mais le "mot de passe" en fin de phrase valide ce doublement).
 La première irrégularité est la phrase 25 en romain (33 en ne différenciant pas romain et italique) qui a 13 mots, et c'est manifestement voulu car le 13e mot est précisément le "mot de passe", donné en italique, "une". Le mot suivant à trouver est "croix", ce qui pourrait donner une idée de la motivation de cette anomalie (à rapprocher du manque d'un mot après le vers X).

  Je n'ai pas discerné de motif dans l'ensemble des 14 phrases "fautives", et il est fort possible que certaines soient de réelles inadvertances de l'auteur, ou de l'éditeur.
  Il se trouve qu'il y avait lors de mon passage à Cerisy une petite exposition Ricardou, dont le fleuron était le manuscrit de L'art du X. Je regrette maintenant de n'y avoir prêté qu'une attention modérée, ne soupçonnant pas alors la complexité de ce texte. De toute façon, c'était vraisemblablement une mise au propre finale, après bien des brouillons qui auraient été plus instructifs.
  Les nombres de mots des phrases concernées vont de 9 à 14, et c'est précisément la 14e et dernière phrase fautive qui a 14 mots, ce qui pourrait valider un ensemble de 14 phrases. C'est la 4e phrase avant la fin,
Evidemment, superposées, elles permettent que, dans "L'art d'enlever", un net V resurgisse...
"Elles", ce sont les deux poésies jumelles. C'est moi qui ai mis en italique le "mot de passe", qui devrait être en position 10, mais qui est ici le 12e mot parmi 14. 10-12-14, nous sommes en plein dans la problématique du texte, les deux V formés par les aiguilles à 10 heures et 14 heures.

  Une autre anomalie me semblant importante est la phrase 137 (en romain, 177 en confondant romain et italique), qui n'a que 11 mots,
Car, au pire, il suffit d'inventorier jusqu'au nombre quatorze.
  Ceci pourrait valider l'hypothèse que les phrases fautives s'achèvent sur une 14e phrase de 14 mots. Cette phrase suit immédiatement la seconde version du sonnet, L'ardent V; elle donne le second des 14 mots débutant les vers du sonnet,
X-au-jouer-tenir-nécessaires-mots-en-coupent-long-neuf-et-puis-ces-ses
  A remarquer que la "pendule" a été remise à zéro, ou à midi, avant d'entamer cette série de 14. Après 11 séries de 12 phrases de 12 mots en romain, les derniers mots du grand X, "en sa croix", sont codés aux rangs 1-2-3 des phrases 133-134-135, puis on repart au rang 1 pour "X", donné en italique au début de la phrase 136.
  Après cette 12e série avortée, les 14 mots viennent dans les 13e et 14e séries. Peut-être s'agit-il d'illustrer l'expression "chercher midi à quatorze heures", en filigrane dans toute l'affaire.
  Le V formé par les aiguilles à 14 heures pile, la petite aiguille à II sur le cadran, a pour reflet celui formé à 10 heures en face, X sur le cadran. Entre les deux, midi, XII.

  Il faut encore constater que ces 14 phrases devraient contenir 14x12, 168 mots, le nombre de pieds d'un sonnet d'alexandrins, mais il n'y en a que 167, du fait de la déficience de la phrase 137. Faut-il rapprocher ce manque de celui du sonnet décodé, où il manque le mot "et", et donc un pied?

  L'absence de ce mot, et de la phrase correspondante, compense en quelque sorte la phrase surnuméraire 25 dans la seconde série, comptant 13 phrases.

  Après les 14 phrases achevant la partie III, où donc "ces-ses" sont codés aux rangs 1-2 de la 14e série de 12 phrases en romain, le codage reprend au rang 3 de la première phrase de la partie IV, où sont codées 8 phrases de 12 mots. J'ai déjà indiqué que cette partie IV ne comptait que 94 phrases de 12 mots, et non 96, car deux "il" du texte à trouver sont manquants, en conséquence, le "midi" final aurait dû tomber sur le 12e mot de la 21e série, ce qui n'aurait pas manqué de charme.
  En fait, "Midi" est le premier mot de la dernière phrase, entamant une 22e série, parce que le premier "il" n'est pas vraiment manquant, mais bel et bien présent dans le 7e mot de Ars dux, qui constitue en quelque sorte la 7e phrase de la 19e série, laquelle n'a donc que 11 réelles phrases de 12 mots.
  Mais "midi" est bien le 12e mot de la 8e phrase décodée.

  Ricardou a-t-il songé au rang 24 de la lettre X, comme 24 heures, minuit? ou au rang 22 de V? Le X du cadran indique aussi bien 10 heures que 22, le nombre de séries de mots de 12 lettres, complètes ou non.
  Le V du cadran indique aussi bien 5 heures que 17, le nombre de mots du "grand X" du sonnet.

  Les rangs des lettres mènent à la gématrie, et il est loisible de constater que
JEAN RICARDOU = 30+89 = 119,
le nombre de mots du sonnet L'ardu X, où il est lisible que
ARDU CROI(x) = RICARDOU(x).
  Je n'imagine guère que ceci ait été intentionnel, Ricardou ayant son propre système d'équivalence alphabétique, où O vaut zéro, où les lettres suivant O, 15e lettre (XVe), ont leurs valeurs diminuées de 1.

  A propos du paragraphe initial de ce dernier texte du recueil, de 8 phrases et donc de 96 mots, paragraphe repris ensuite sous trois autres formes, je constate que le prix du livre, 96, figurant en 4e de couverture sans F, peut y faire écho. J'imagine que c'est Ricardou lui-même qui a proposé ce nombre réversible, ou au moins l'absence de F. L'autre recueil publié simultanément, Révolutions minuscules, compte 208 pages, 8 de plus que La cathédrale de Sens, et porte lui 98 F.
  Le premier texte du recueil, Le lapsus circulaire, contient une allusion graveleuse au nombre 69.

  Ceci était la limite que je m'étais assignée pour ce billet consacré à l'analyse sage de L'art du X, j'y reviendrai prochainement avec les échos à ma propre recherche.

  J'avais donné pour titre au précédent billet, 290e de Quaternité,
L'art du X, et l'art du Ricardou
de valeur 290, avant d'avoir découvert
ARDU CROI(x) = RICARDOU(x).
  Je proposais en note cette alternative, toujours de valeur 290,
L'art du X, sciemment ARDU CROI ?
  J'ignorais alors la complexité de ce texte, qu'un premier calcul m'avait d'abord mené à voir formé de 282 phrases de 12 mots, avec un codage menant à 8 autres phrases de 12 mots, or
282+8 = 290.
  Pour ce 291e billet, j'ai envisagé divers titres de valeur 291, avant de parvenir à ce total de 290 phrases de 12 mots dans le même corps typographique, qui pourraient devenir 291 en prenant en compte l'exergue, en corps plus petit,
Que ce texte, en ses calculs, rende hommage au travail de Perec.
  J'ai donc opté pour
l'ardu X, ambigument le RICARDOU, d'autres adverbes pouvant convenir, génialement, validement.
  J'aurais aussi pu choisir
l'ardu X, tangiblement ARDU CROI, avec d'autres possibilités, étrangement, intimement.         
ou encore,                      
l'ardu X, licitement l'ARDU CROI, avec aussi exactement, évidemment.
ou enfin
l'ARDUE CROIX ? bref, l'EX-RICARDOU.
 
   En fait, j'avais mal compté, ou plutôt mal numéroté les phrases, et il n'y a donc pas besoin de recourir à l'exergue pour parvenir au total 283 phrases + 8 codées, 291.

  Si je ne suis pas capable de tirer quelque chose des 14 ou 15 phrases irrégulières, d'autres y seront peut-être plus habiles, alors les voici, dans l'ordre où elles se présentent. Les mots de passe y sont soulignés, avec leur typographie originale respectée. Dans trois cas (phrases 6, 13, 15), il faudrait compter à partir du dernier mot, en présumant qu'il soit le 12e, pour obtenir le valide mot de passe. J'ai mis entre parenthèses la phrase 6, qui pourrait être correcte en comptant deux vocables dans "Midi-Minuit", mais il est fort possible que d'autres erreurs ne soient pas intentionnelles.
  En effet, en admettant que Ricardou n'eût pas commis d'erreur dans la réalisation du projet, il eût fallu qu'il recopiât exactement son texte au propre, puis qu'il décelât à relecture des épreuves de probables erreurs de composition. Il y a des erreurs dans d'autres textes contraints de Ricardou, parfois reconnues dans d'ultérieurs commentaires.
- Il suffit simplement, bégayant, d'obtenir toutes les phrases, une à une.
Elle semble subir, d'abord, l'incertitude de la prose.
Vers quels sommets, et quels velours, s'accroît l'excès qui s'accentue?
Elles le déplacent, en volute ascendante, sur l'épiderme.
Alors, ses voluptés, nul doute que le sonnet ne les soumette au V.
(Deux agents sont aux prises, au Midi-Minuit, inaugurant le bal prévu.)
Vertige des sens: inexorables, par dessus, elle en explore les exhaussements, les excavations.
Un peu plus tard, une tendresse qui enveloppe: Epsila, vers midi, l'interroge.
Le secret qui s'est transmis doit-il, maintenant, nous disjoindre
Car, au pire, il suffit d'inventorier jusqu'au nombre quatorze.
Le reflet, au moment voulu, fera, sans nul doute, son exact office velouté.
Et puis le lit, au décryptage, saura exercer diverses surprises...
- Tu te trompes, vieil Eclipson, tu aimes trop les temps révolus
Ce V, dans lèvre, ou bien dans livre, on l'a assez vu.
Evidemment, superposées, elles permettent que, dans "L'art d'enlever", un net V resurgisse...
  A remarquer que les erreurs s'annulent dans l'ensemble de ces 15 phrases, qui comptent en tout 180 mots, 15 fois 12 (13-10-13-9-13-11-13-13-11-13-10-11-13-14).
  En omettant la phrase 6, les mots de passe pourraient permettre un énoncé grammaticalement valide, comme
Un V net, subir une ascendante au reflet qui lit ses sommets, les sens.
NOTE: L'édition des Impressions nouvelles reprend un texte déjà publié dans Littératures, en 1983, pp. 35-48 (48!, et (note de 2023) cet hommage au sonnet occupe 14 pages), accessible en ligne ici. Je n'ai vérifié que les phrases litigieuses, et seule l'une était correcte dans cette première version,
Car, au pire, il suffit d'inventorier jusqu'au précis nombre quatorze.

  Il est donc vraisemblable que le mot "précis" a été oublié lors de la réédition. Par ailleurs le mot "inexorables" de la phrase 7, bizarrement au pluriel, était alors au singulier. La phrase 9, de 11 mots ci-dessus, en avait 13 dans la première version...
  J'ai repéré quelques autres menues différences.

NOTE 2: çoeur dp me signale que le Midi-Minuit était un cinéma parisien spécialisé à partir de 1975 dans les films X. La salle était au 14 boulevard Poissonnière, dans le IXe, en face du Grand Rex.