21.2.13

analogies

A B D

  En février 2012, j'étais conduit à relire Le Mont Analogue, un livre depuis longtemps essentiel à mes yeux. J'y ai vu un schéma fibonaccien, publié en mars, peut-être un fantasme dû à ma lubie dorée, mais quelques jours après cette publication j'apprenais la mise en vente d'un document inconnu de la main de Daumal, un document où j'ai peut-être été le premier à reconnaître divers calculs autour de la suite de Fibonacci et du nombre d'or.  J'ai alors googlé Daumal Fibonacci, pour voir si quiconque aurait déjà envisagé un rapprochement entre Daumal et Fibonacci, sans résultat.
  J'ai relancé la même recherche le 28 octobre dernier, pour voir si ma publication avait reçu quelque écho dans la blogosphère, et il y avait cette fois un résultat autre que le simple hasard d'une juxtaposition de deux éléments sans rapport direct, mais qui ne me devait rien.
  12 artistes de divers pays ont donc créé le blog nommé Analogue Narratives, où ils ont publié du 15 décembre 2010 au 12 août 2012 une continuation du roman de Daumal, sur le principe du cadavre exquis (ou verbal corpse), en 27 chapitres contenant de nombreuses illustrations ainsi que des documents sonores.
  A mon humble avis, si les artistes semblent être reconnus dans leurs domaines propres, les textes sont plutôt faiblards, mais ceci serait à voir au cas par cas car je me suis surtout intéressé aux contributions du new yorkais Mark Bloch, lequel a fait intervenir la suite de Fibonacci dans le récit.
  Ceci se passe essentiellement au chapitre 17 (avec quelques occurrences de Fibonacci chapitres 9-20-21), et c'est au cours de ce chapitre que tomberait la section d'or des 27 chapitres (16.69).
  Ce chapitre couvre les jours du 20 janvier au 5 février 2011, et c'est le 31 janvier que Mark s'avise que des feuilles se détachent de son carnet de notes, et qu'il s'y forme des nombres, 0, 1,1, 2, 3, 5, 8, 13..., la suite de Fibonacci.
  Voici l'une des illustrations de son texte, où apparaissent les Fibos d'ordre 12 à 31, 144 à 1346269; l'autre est plus déformée.

  Une membre du groupe des 12, Susan Shulman, a fait une vidéo de 5:05 à partir des illustrations du blog. Je remarque que les montages Fibo de Mark Bloch y apparaissent au temps 3:03, soit à un frappant 3/5 de la vidéo. Je rappelle que Phil Dick (= 45/27 = 5/3) voyait en 3-5 le premier couple fibonaccien significatif.

  Une curiosité supplémentaire est que Bloch donne 36 nombres de la suite, de F0 (0) à F35 (9227465). Le blog a donc été terminé en août 2012, et n'était peut-être pas auparavant ouvert à tous, explication la plus simple au fait que je ne l'ai pas découvert plus tôt.
  J'expliquais ici comment, le 28 août 2012, j'ai découvert la maquette du Mont Analogue de Caroline Bonhomme, étudiante en arts graphiques, et le roman Le dernier homme bon, où les 36 Justes de la tradition juive meurent étrangement les uns après les autres.
  Il y avait possibilité de rebond car les 36 Justes étaient clairement répartis en 34 personnalités reconnues de tous pour leur action humanitaire et 2 obscurs policiers, précisément ceux qui enquêtent sur l'affaire et qui restent seuls survivants après la mort des 34 autres, dont seuls 21 ont été identifiés. Je retrouvais ici le partage Fibo de 34 en 21 et 13, essentiel dans mon schéma et privilégié par Daumal dans le document.
  Je rappelle qu'en mathématiques une série additive de type Fibo est définie par ses deux premiers termes F0 et F1 (soit 0 et 1 dans le cas de la "vraie" suite de Fibonacci).

  Par ailleurs les localisations des 36 Justes, ou plus exactement des lieux où ils trouvent la mort, sont déterminées à quelques dizaines de mètres près par la superposition des couches électroniques de l'élément 36, le krypton, à la Rodinia, l'état primitif de la Terre lorsque tous les continents étaient soudés. Ceci peut rappeler les calculs du père Sogol pour déterminer l'emplacement du Mont Analogue.

  Voilà à peu près à quoi se serait limité mon billet si je l'avais publié avant le 8 février, où a débuté la seconde saison de la série Touch, dont j'ai commenté les deux premiers épisodes en mars dernier, juste après mon premier billet sur Daumal, sans motivation autre que temporelle.
  Je rappelle que la série tourne autour de Jake Bohm, gamin qui ne parle pas mais perçoit l'harmonie cachée du monde sous forme de nombres, ce qui lui permet d'indiquer à ses proches comment agir au mieux dans diverses situations. Chaque épisode de la première saison met en scène plusieurs cas dans divers pays, reliés par un nombre perçu par Jake, avec le plus souvent la plus complète gratuité. Par ailleurs on apprenait peu à peu que les nombres perçus par Jake répétaient la "Suite d'Amelia", autre enfant prodige présumée morte.
  Une mystérieuse compagnie californienne, Aster Corps, s'intéresse à Jake, ce qui conduit son père Martin à s'enfuir avec Jake, le nombre 4370 perçu par Jake les conduisant par le car 4370 à Los Angeles, où ils rencontrent la mère d'Amelia, certaine que sa fille est toujours en vie.
  J'avais oublié qu'un juif hassidique ami de Martin supputait que Jake et Amelia faisaient partie des fameux 36 Justes de la tradition juive, et qu'ils avaient conscience de leur état. Ceci semble devenir plus important dans la seconde saison, où apparaît une nouvelle intrigue parallèle : un mystérieux tueur, Guillermo Ortiz, à la gorge barrée d'une cicatrice, exécute dans chaque épisode une personnalité, d'un coup de poignard à la gorge, à l'endroit exact de sa cicatrice...
  Il apparaît que Guillermo a entrepris d'éliminer les 36 Justes, et qu'il le fait en relation avec la Suite d'Amelia, dont il se tatoue un élément sur le bras lors de chaque meurtre. Par ailleurs ce tracé de sa main suggère que les Justes pourraient comme dans Le dernier homme bon être répartis dans le monde selon une certaine logique mathématique, ici selon une spirale :
  Ce ne sont probablement pas des coïncidences, puisque les scénaristes ont fort bien pu lire le bestseller danois, et s'en inspirer. Où la curiosité commence est que rien dans le roman n'indiquait une intention fibonaccienne des auteurs, où le nombre 34 apparaissait comme découlant du nombre 36 traditionnel des Justes, car il était impérieux d'avoir 2 Justes de statut particulier, pour qu'après la mort de l'un d'eux l'autre comprenne qu'il est le dernier, et trouve le moyen de conjurer la malédiction. Le partage des 34 autres Justes en 21 identifiés et 13 non me semble involontaire, comme les autres coïncidences exposées sur le billet dédié.
  En revanche la série Touch accorde une grande importance au nombre d'or, proportion essentielle de l'univers selon les premiers mots de l'épisode pilote, et aux nombres de Fibonacci, dont Jake remplit des cahiers entiers. Ci-dessous une image promotionnelle, inversée afin qu'on puisse lire sans effort les nombres supposés écrits par Jake de l'intérieur, tous des Fibonacci, avec un certain avantage aux nombres 13-21, voir par exemple la ligne au-dessus du montant de la baie vitrée,
3 5 8 13 21 13 21
  On peut imaginer que Guillermo parvienne à éliminer les 34 Justes autres que Jake et Amelia, destinés à se rencontrer à la fin de cette saison 2. L'épisode 2.3 révèle que Guillermo tuait déjà des Justes 4 ans plus tôt, si bien qu'il est possible que le meurtre du 2.2 soit le 34e... Il semble au moins acquis que Jake et Amelia aient un statut particulier, analogue à celui de Niels et Tommaso dans Le dernier homme bon. Les voici au début d'une spirale sur une autre image promotionnelle, en compagnie des autres personnages essentiels de cette saison 2, le dernier étant Guillermo, interprété par un acteur français :
  Je ne suggère aucunement que les scénaristes de Touch aient planifié ceci consciemment, tant l'intervention des nombres y semble gratuite. Je me borne à remarquer que Fibonacci est ici explicitement contextuel, alors qu'il n'en était rien dans Le dernier homme bon.

  Et puis il y a les coïncidences temporelles avec mes recherches, que je vais tenter de résumer :
- mars 2012 : je publie le 16, anniversaire de Daumal, le résultat de mon étude fibonaccienne du Mont Analogue, grâce à Laurent qui a rappelé Daumal à mon souvenir, Laurent qui m'a aussi signalé le début de Touch en janvier, auquel je consacre un billet le 18 car le nombre clé de l'épisode est 318 (18 mars à l'anglaise). Ces messages des 16-18-03 rappellent les premiers chiffres du nombre d'or, 1.6180339... Fin mars dp m'apprend la vente sur eBay du document Daumal
- août 2012 : dp me signale le projet daumalien de Caroline Bonhomme, tout juste mis en ligne, le jour même où je découvre Le dernier homme bon, paru en juin au Livre de Poche. C'est aussi en août qu'est achevé le blog Analogue Narratives, faisant intervenir la suite de Fibonacci au Mont Analogue, mais je ne le découvrirais qu'en octobre.
- février 2013 : début de la seconde saison de Touch le 8 aux USA, où un rebond fait intervenir l'élimination systématique des 36 "hommes bons", alors que j'envisageais que ma prochaine publication soit le billet sur Analogue Narratives, débuté en novembre.

  Il y a une "touche" encore plus personnelle. Le brouillon de ce billet avait pour identifiant (postID) 1462148210652914370, nombre dont les premiers chiffres 14 et les derniers 4370 me rappelaient le Prélude-Fugue 14 du second volume du Clavier bien tempéré, en 43-70 mesures, couple doré qui appartient encore à la Série Rouge du Modulor. Il y a encore quelques mois, je choisissais pour mes billets des heures et jours de publication significatifs, ce qui impliquait avec l'ancienne interface de Blogger de débuter les brouillons des billets aux moments désirés.
  Je n'avais aucun pouvoir sur l'identifiant, nombre de 19 chiffres totalement aléatoire, sinon celui de débuter plusieurs brouillons à la minute voulue, et de choisir ensuite le plus significatif. Cet enfantillage n'a plus de raison d'être depuis septembre dernier, où l'ancienne interface a été définitivement abandonnée. La nouvelle permet de choisir le moment "officiel" de publication, quel que soit le moment effectif.
  Ainsi je n'ai absolument pas choisi l'identifiant du billet en fonction de son contenu, or il se trouve que 4370 était le 12e nombre de la Suite d'Amelia, celui qui entraînait Martin et Jake vers Los Angeles; c'est aussi le 12e et dernier nombre de cette liste de cars, où je remarque celui pour Palm City, qui lu 44-61 me rappelle la dernière tranche de la vie de Jung, du 4/4/44 au 6/6/61 :
  Ce nombre s'y lisait aussi 4/3/70, soit le 3 avril 70, date de naissance de la mère de Jake, Sarah Bohm, victime de l'attaque du 11 Septembre sur le World Trade Center.

  Je connais cette date. Dans La dernière femme de sa vie (1970), d'Ellery Queen, John Benedict III est enterré le vendredi 3 avril d'une année non précisée mais que la logique indique être 1970. Ce qui est certain est que ce fils de charpentier a été assassiné le dimanche précédent, 29 mars, qu'un indice crucial donné dans un roman publié 3 ans plus tôt indique être celui de Pâques, ce qui était le cas en 1970.
  Je n'y insiste pas, ayant déjà exploré les constructions pascales chez Queen, la plus remarquable étant celle de Et le 8e jour... couvrant exactement la semaine pascale de 1944. Si je ne suis pas le seul à avoir débusqué les Easter eggs chez Queen, les études fibonacciennes dans son oeuvre semblent être mon seul apanage. Elles ont marqué un tournant essentiel dans ma recherche.
  Si l'intentionnalité des structures Fibo dans l'oeuvre de Queen reste une question à laquelle je me garde de répondre, elle est acquise pour la série Taken (2002) où le 7e épisode, L'équation de Dieu, décode les manifestations d'OVNIs selon la suite de Fibo (la Suite d'Amelia est aussi appelée "Suite de Dieu"). Dans le 4e épisode, un crop circle découvert au matin du 4 avril 70 passe un temps pour une manifestation ET décisive, avant d'être révélé un canular.
  Il a donc été tracé la nuit du 3 avril, jour de la naissance de la mère d'un héros d'une autre série TV fantastique. Il y a d'ailleurs un point commun entre les deux séries, les commentaires en voix off de leurs jeunes personnages essentiels, Allie dans Taken, la fille de deux contactés, aux pouvoirs exceptionnels, Jake dans Touch.

  La spirale est un motif omniprésent dans Touch, supposé lié au nombre d'or, alors que c'est loin d'être le cas pour toutes les spirales. J'ai déjà signalé ma stupéfaction devant la dernière vignette des Murailles de Samaris (1983), la première des Cités obscures de Peeters et Schuiten, où la terre en bas de la carte est plus tard (1996) identifiée à l'île du Mont Analogue.
  Ce même fragment de carte réapparaît en 2002 au début de La frontière invisible, le 8e album du cycle.
  Le pataphysicien ne peut s'abstenir de penser à la spirale en couverture du Grand Jeu, elle-même issue de la gidouille du Père Ubu.

  Comme d'habitude, j'ai laissé de côté des analyses numériques que je sais indigestes pour certains. Ainsi le nom de jeune fille de la mère de Jake est doré :
SARAH KELSEY = 47/77
  C'est aussi le cas de la dernière victime connue du tueur de Justes :
ROSEMARY MATHIS = 114/70
  Ce pourrait être sa dernière victime, sinon sa 34e, et le dernier "homme bon" du thriller danois a aussi un nom doré :
NIELS BENTZON = 59/96
  Cette architecte est tuée à Barcelone, où j'ai découvert récemment dans un roman les adresses du couple Marlasco, aux numéros 13 et 21 de deux voies de la ville, et il y a trois ans le carré magique de la Sagrada Familia, aux harmonies dorées correspondant à un étrange personnage.

  La victime précédente du tueur de Justes était un musicien belge, Frederick Le May. Après l'avoir égorgé, Guillermo déniche la partition de son concerto, et y inscrit les chiffres de la Suite d'Amelia sous les notes de la basse (en clé de fa) :
  Je remarque que les chiffres du premier nombre, 318 nombre clé du 1er épisode de la saison 1, correspondent aux notes fa-la-ré, F-A-D selon la notation anglaise, et que selon les rangs des lettres :
F.A.D = 6.1.4 = 3.1.8 = 24
  Il est curieux que 24 soit précisément le nombre clé de ce 1er épisode de la saison 2, et qu'il y désigne selon le même principe l'appartement 2D, mais je doute que les scénaristes aient eu recours à une telle sophistication, et il peut pour une fois y avoir une raison au choix du nombre clé, car l'épisode marque le passage des Bohm de New York à Los Angeles, où semble s'installer la saison 2 (la spirale du tueur de Justes passe d'ailleurs par la Californie); Kiefer Sutherland y a connu la gloire avec son rôle de Jack Bauer dans la série 24 (en VO, 24 heures chrono en France).

  Je remarque aussi l'apparition du nombre 24 juste après 4370 alors qu'un des 24 Prélude-Fugue du second recueil du Clavier Bien Tempéré est en 43-70 mesures, et que j'ai vu une particularité des préludes hcaB dans les deux recueils épeler une signature inversée.
  Le 21 février dernier, il y a un an tout juste, je rencontrais ma première voiture BACH, et c'était une BA-024-CH.


7.2.13

Seraphita


  Je rappelle une coïncidence qui touche deux textes aux multiples points communs, le roman L'insolite aventure de Marina Sloty, de Raoul de Warren (1980), et la nouvelle Tania Vläsy, de Philippe Claudel (2003), l'existence d'une édition avec en couverture un tableau de Burne-Jones.
  Je ne reviens pas sur les formidables coïncidences entre les deux textes, dans lesquels apparaît une même date, le 4 avril 1959, car l'affaire a rebondi avec quelques nouveaux faits, issus de mes lectures byattiennes.

  En couverture de l'édition originale de Possession (1990), le roman qui a apporté une certaine notoriété à Byatt, il y a un autre Burne-Jones, The Beguiling of Merlin, ce qui n'a rien d'étonnant car le roman concerne une poétesse dont le modèle avoué est Christina Rossetti. Il est probable que Byatt ait elle-même choisi cette illustration, reprise par la première édition française.
  Cette page indique que le modèle de The Beguiling of Merlin est Maria Zambaco, née Marie Terpsithea Cassavetti, qui fut la maîtresse de Burne-Jones et servit également de modèle à Rossetti. Ce pourrait bien être elle aussi la Vénus en couverture du Claudel comme la femme de La tête funeste en couverture du Warren.
  Cette information a fait écho à d'autres faits :
- la précieuse dp m'a signalé une récente réédition du roman Séraphîta de Balzac, avec en couverture un autre Burne-Jones (Love in a mist).
- dans Le livre des enfants (2009), dernier roman de Byatt traduit en français, elle imagine le personnage Sarah-Jane Stubbs, épouse du peintre et céramiste Benedict Stubbs, connue de tous sous le nom de Seraphita, qui a jadis été modèle pour Burne-Jones et Rossetti.

  J'ai été aussitôt frappé par la ressemblance entre Terpsithea et Seraphita. Ces noms sont formés des mêmes lettres AEHIPRST. Une requête TERPSITHEA + SERAPHITA n'avait en décembre qu'une seule réponse, une liste de 91058 prénoms. J'ai cherché parmi eux ceux formés des lettres AEHIPRST, et il n'y a que deux autres cas, Piatherese et Pretisha.
  Ceci donne une idée de la rareté de la coïncidence, mais qu'en déduire ?
  Il est assez certain que Byatt ait connu l'existence de Maria Zambaco, dont la liaison avec Burne-Jones a fait scandale, mais son second prénom de naissance Terpsithea a-t-il influencé le choix de Seraphita ? Par ailleurs il est très probable que le roman de Balzac ait eu une part dans ce choix, mais l'édition mentionnée ci-dessus est postérieure à ce choix, et ceci reste un hasard dans tous les cas de figure.
  Une autre édition de Séraphîta donne en couverture Beata Beatrix de Rossetti, peint d'après le souvenir de Lizzie Siddal, sa femme tôt disparue. Ceci pourrait confirmer que la couverture de Burne-Jones pour l'édition récente n'a rien de surprenant, et que les idées agitées par Balzac étaient analogues aux idéaux des préraphaélites.
  Je suis bien mal placé pour en discuter, n'ayant jamais pu lire Balzac et ne connaissant par ailleurs pas grand-chose en peinture, mais je suppose qu'il existe fort peu de fictions ayant connu des éditions avec en couverture aussi bien Burne-Jones que Rossetti, et la coïncidence du choix du nom Seraphita pour un modèle des deux peintres est à la mesure de cette rareté.

  Le livre des enfants est un pavé de 700 pages touffues, en 55 chapitres. 55, Fibonacci, voilà qui complèterait les 21 et 34 chapitres de La tour de Babel et Nature morte, étudiés dans le billet précédent, mais je n'ai décelé aucun découpage significatif de ces 55 chapitres.
  On y rencontre des dizaines de personnages, ce qui demanderait pour une totale compréhension de l'oeuvre une attention dont je n'ai pas été capable.
  Jung y est mentionné, ce qui est plutôt inattendu dans un roman se passant essentiellement avant la guerre de 14, alors que Jung n'était connu que dans le cercle restreint de la psychanalyse naissante, dans l'ombre de Freud. La première allusion est page 442 à propos d'Ascona, lieu mythique fréquenté au début du 20e siècle par des préhippies amateurs de défonce et d'amour libre, mais ce n'est que bien plus tard que Jung y sera associé, avec les rencontres du Cercle Eranos, et la référence à son nom est le fait d'une narration omnisciente, qui mentionne aussi les séjours à Ascona de Otto Gross et de son amante Frieda Richtofen, laquelle y rencontrera DH Lawrence qu'elle épousera en 1914.
  Jung apparaît plus réellement dans le récit page 567, avec l'apparition du personnage de Gabriel Goldwasser, médecin juif qui a fait une psychanalyse au Bürghölzli avec Jung et Gross, ce qui situerait l'action en 1908 lorsque Gross a été interné au Bürghölzli après quelques frasques.
  Tobie Nathan a romancé cet épisode dans Mon patient Sigmund Freud, où l'auteur se montre peu charitable envers Jung, y apparaissant sous le nom Carl Gustav Alt ("vieux" plutôt que "jeune"). Plutôt qu'avoir été guéri par Jung, Gross y affirme que c'est en fait plutôt lui qui a soigné Carl Gustav, et qui lui a ouvert le chemin de la libération en l'encourageant à céder à son désir pour une infirmière, Else Richt, nom qui m'a semblé faire allusion à Else Richtofen, la soeur de Frieda, également maîtresse de Gross.
  Je trouve un écho curieux à cette bizarrerie dans le roman de Byatt, dont l'un des personnages essentiels est Elsie Warren, jeune femme que les revers de la fortune ont contrainte à s'engager comme servante chez les Stubbs, chez Seraphita. Elsie, subornée par quelqu'un dont elle se refusera à dévoiler le nom, bien que le lecteur puisse en avoir une idée, tombe enceinte et met au monde une fille, Ann. Mais elle rencontrera ensuite le véritable amour avec Charles Wellwood, jeune homme disciple de Marx qu'on appelle toujours Charles/Karl.
  Vient la guerre, et Charles est mobilisé. Au cours d'une permission, Elsie lui accorde ses faveurs, et la voici à nouveau enceinte, d'un petit Charles, puis Charles/Karl est porté disparu au front... Un heureux épilogue le verra revenir en 1919 auprès de sa bien-aimée...
  Il y a de quoi être troublé quand on sait que le "jeune Jung" (et non le vieux Alt), baptisé Carl Gustav, avait choisi un temps de signer Karl Gustav, jusqu'à la fin de ses études à Bâle. C'est donc dans une des rares fictions où il est question de l'épisode Jung-Gross au Bürghölzli qu'il apparaît un Charles/Karl qui engrosse une Elsie, alors que Tobie Nathan avait imaginé Gross en entremetteur d'une passade entre Carl et Else.

  Une autre bizarrerie du roman de Tobie Nathan est le changement du prénom de la femme de Carl Gustav, qui devient Irena (Alt) au lieu de Emma (Jung). L'indispensable dp a trouvé cette édition 10/18 de Emma, de Jane Austen, avec en couverture la même Beata Beatrix de Rossetti utilisée pour l'édition Berg de Séraphîta.

  J'ai remarqué dans Le livre des enfants la présence du nom Nathaniel, dans l'édition anglaise du moins. Ce nom si significatif pour moi est celui du héros du conte d'Hoffmann L'homme au sable, qui tombe amoureux d'Olimpia, laquelle se révèle être un automate. Une adaptation du conte en théâtre de marionnettes a marqué le frère d'Elsie, et la démarche de Seraphita lui rappelle Olimpia.


  L'incroyable dp a encore découvert l'édition de Possession en Livre de Poche n° 13756, avec un autre Burne-Jones en couverture, Le miroir de Vénus.
  Ce tableau de 1875, année de naissance de Jung, pourrait faire le lien entre La tête funeste en couverture du Warren, où se mire dans l'eau le personnage principal, dont le modèle est vraisemblablement (Marie) Terpsithea, et La louange de Vénus du Claudel, où le même modèle a visiblement inspiré Vénus.

  Je comptais en débutant ce billet ne pas revenir sur les coïncidences entre les textes de Warren et de Claudel, et puis quelques nouveaux faits sont intervenus en cours d'écriture.

  Laurent, autre précieux collaborateur, m'a signalé une quaternité dans le film de SF Halo 4, où seuls 4 humains survivent à l'assaut de la planète Circunius IV par les aliens, 4 jeunes militaires, 2 gars, 2 filles. Leur chef de section est la noire
APRIL ORENSKI = 56/91 = 8/13 (rapport Fibo)
  C'est la découverte des mêmes valeurs pour l'héroïne de L'insolite aventure de Marina Sloty qui avait été le point de départ d'une ahurissante série de coïncidences avec la nouvelle Tania Vläsi, série qui se résumerait au plus bref ainsi:
- l'héroïne 56-91 perd sa virginité le 4 avril 1959.
  Dans le cas de Tania, 56-91 n'est pas une gématrie, mais un numéro qui lui est donné explicitement, 5691.

  J'ai relié ce couple doré à la formule de Perec Sait-on l'heure ?, qui se répartit selon voyelles et consonnes en
AIOEUE = 56 STNLHR = 91
et qui est l'anagramme exacte de Sinoué-Halter, les deux auteurs que j'associe essentiellement à ma découverte du schéma de la vie de Jung autour du 4/4/44 (j'ai vu il y a peu que ce rare équilibre Fibo voyelles/consonnes apparaissait pour Byatt, YA/BTT = 26/42 = 13/21).
  Je ne crois pas avoir jusqu'ici rencontré d'autre ensemble nom-prénom de valeur 56-91, mais le cas Orenski est fabuleux car
- c'est encore un nom slave.
- le prénom April est le mois d'avril anglais.
- le nom débute par Or, or sloty signifie "or" en polonais.
- mieux encore c'est OREN + la désinence "ski", et je suis fasciné par Une affaire en or, pastiche fibonaccien de La mort et la boussole de Borges, où Alain Calame a remplacé le message de Baruj Spinoza par celui de Barbe Eloha, soit "En quatre est Dieu", et ARBE, "quatre" hébreu, correspond en rot-13 à NEOR, EN OR (ici les détails sur ce cas, en relation avec NERO, "noir").
- l'autre survivante du groupe est Chyler Silva, et SILVA est l'anagramme de VLASI, l'héroïne de Claudel.
Voici Silva et Orenski :
  J'ai tenté de regarder le film, qui semble plutôt destiné aux "très" jeunes. Le robot John-117 vient au secours des 4 survivants de Circunius IV, mais Silva est mortellement blessée au cours de leur fuite. Ceci pourrait faire écho à Tania Vläsi, la chute de la nouvelle laissant supposer que l'étrange histoire du n° 5691 fécondé par des nuées de mâles est le dernier fantasme qui a traversé l'esprit de la vieille fille qui s'est suicidée le 4 avril 1959.

  J'ai tout de même remarqué qu'il y a beaucoup de 4 dans ce film, et que le nom de la planète Circunius IV est évocateur du mandala, via circulus et unius ("Cercle de l'Un").
  Ceci me rappelle la découverte récente des OSMOS, ou carrés magiques de carrés, dont 56 parmi les premiers 91 ont une constante elle-même carrée. Le premier qui ne soit pas dans ce cas a pour constante 5691, et il est formé de carrés de nombres tous premiers.
  Une autre découverte récente est que la seule intrigue amoureuse originale que j'ai imaginée était entre
PIERRE DE GONDOL = 147
et la noire réunionnaise
TINE DENCEL = 91
  J'avais créé ce rapport 91/147 = 13/21 en 2000 où je ne m'intéressais pas spécialement à Fibonacci, sans intention de créer une relation numérique entre le couple car Pierre de Gondol est un nom imaginé par Pouy, tandis que Tine Dencel est l'anagramme de Le c(h)iendent, premier roman de Queneau, et peut-être premier roman à contrainte mathématique avec une structure en 91 sections réparties en 7 chapitres de 13.
  Avant que le nombre d'or ait pris Possession de moi, Livre de Poche n° (13.7)56...
  L'obsession 56-91 me fait encore remarquer que la liste de prénoms mentionnée plus haut compte 91056 prénoms sans compter Seraphita et Terpsithea.

  Quelques jours après que Laurent m'ait informé de ce nom 56/91, j'en ai découvert un autre, dans un film récent emprunté à la médiathèque, Parlez-moi de vous, de Pierre Pinaud (2012).
  Karine Viard y joue le rôle de Claire Martin, alias Mélina, animatrice à la radio d'une émission à succès de conseils affectifs, mais dont la vie privée est catastrophique, minée par l'abandon par sa mère alors qu'elle avait 5 ans.
  Précisément, le détective qu'elle a engagé vient de retrouver sa mère, et elle s'immisce incognito dans sa famille actuelle. La date de naissance de la mère a fait tilt :
 Deux jours après le 4/4/44, soit le Jeudi saint. C'est à 17 ans que Joëlle a eu Claire, soit peut-être en 61, année de mort de Jung. Après avoir reçu les informations, Claire prononce à haute voix son nom réel, et l'écrit : Claire Goulain (la ioung ?).
  J'ai calculé mentalement les valeurs, soit 48/79, rapport doré qui correspond notamment à Unica Zürn. Mon intuition du schéma de la vie de Jung a été immédiatement précédé de la réminiscence d'une erreur sur la date de naissance de Jung dans un roman lu 25 ans plus tôt, supposé être né le 6 juillet, mon anniversaire, ce qui m'a aussitôt rappelé une erreur sur la date de naissance d'Unica Zürn, elle réellement née un 6 juillet.
  Unica a été une pionnière de la poésie anagrammatique, et je me suis demandé si l'anagramme de l'épisode de Barnaby diffusé le 7 septembre 2008 avait joué un rôle dans mes intuitions de la nuit suivante, anagramme qui dévoilait précisément le secret d'une filiation.
   Je reviens au film, où Claire accepte mal que sa mère ait reconstitué une famille après l'avoir abandonnée, autour d'un fils qui s'est marié avec une femme qui avait déjà un fils, Lucas Joubert, qui vit avec eux. Lucas est très attiré par Claire, ce qui la bouleverse encore plus...
  La fin est ouverte, laissant entendre que les problèmes de Claire sont loin d'être résolus... S'il lui était impossible de céder à Lucas, elle a utilisé ses contacts pour lui permettre d'exposer ses travaux photographiques:
LUCAS / JOUBERT = 56/91 = 8/13
  J'ai déjà rencontré le cas d'une relation amoureuse entre deux personnes ayant chacune un nom doré, précisément entre Hans Bellmer et Unica Zürn. L'écriture de cette page m'avait amené à une curiosité concernant le 6 juillet, ma date de naissance, en tant que 187e jour de l'année.
NICOLAS DUVAUCHELLE = 73 + 114 = 187
  La curiosité est liée au fait que 1870 est le produit des Fibos 34 et 55, et je trouve fabuleux que Marina Sloty, dont le nom correspond à la séquence Fibo 8-13-21, fasse des sauts dans le temps entre l'année 1870, 34-55, et 1959, 89 ans plus tard. Comme toujours, c'est encore bien plus fabuleux si ce n'est pas intentionnel.
  Curieusement, longtemps avant de devenir acteur, Duvauchelle a fait sa première apparition à l'écran à 10 ans dans le premier film de Jaco van Dormael, lequel jouerait ensuite avec la suite de Fibonacci.
  Il a aussi joué dans le film Avril, où Avril est une enfant abandonnée bébé par sa mère, et qui retrouve sa famille...

KARINE VIARD = 58 + 54 = 112
  Je remarque d'abord 112, qui m'évoque en premier lieu les 112 mots de Vocalisations de Perec, de valeur totale 6272 = 112 x 56, 56 étant la valeur de NOIR. Je rappelle les 5 fois 6272 jours de Jung, et les 5 arrangements de Vocalisations.
  Le découpage 58-54 m'est aussi évocateur, car les 13 premiers vers de Vocalisations ont pour valeur 5854, avec de multiples échos qui m'ont conduit à écrire cette autre anagramme.
NADIA BARENTIN = 29 + 83 = 112
  Un autre 112 pour la mère disparue et retrouvée, rappelant que ce nombre 112 était pour Perec une forme du 11/2, le 11 février où sa mère était partie pour Auschwitz.
  Et une circonstance émouvante pour ce film, où Nadia Barentin a joué sa dernière scène à l'hôpital. Elle est morte quelques semaines plus tard, avant la sortie du film.

  Alors que ce sont des illustrations de couverture qui m'ont conduit à ce billet, le nom de Joubert a notamment été porté par Pierre Joubert, célèbre illustrateur des collections Signes de piste et Bob Morane.
  L'un des plus célèbres Bob Morane est daté de 1959. Peut-être Joubert a-t-il travaillé à cette couverture le 4 avril...
  Les illustrations intérieures étaient de Dino Attanasio, dont le nom m'est évocateur à cause de l'auteur de SF AA Attanasio, qui a notamment imaginé dans Radix l'anéantissement causal du CIRCLE en l'an 2113, préfigurant peut-être l'anéantissement de Circunius IV en 2526...

  Ce 7 février, je poste ce 138e billet de Quaternité à l'heure du lever du soleil.