1.6.22

le Nom, métamorphoses du Ricardou


  1er juin: Ricardou aurait bientôt 90 ans, et cette année 2022 est aussi le 40e anniversaire de la parution du Théâtre des métamorphoses (janvier 1982), selon la 4e de couverture (donnée ici) un mixte, un précis tissage de composants divers, un art du X, une écriture des croisements.
  Je n'avais pas remarqué cet "art du X" dans The other males desperate, consacré au Théâtre des métaphores en 2018, alors que je n'avais pas encore étudié L'art du X, que Ricardou a composé en hommage à Perec disparu en mars 1982.
   Il s'agit de diverses variations autour d'un sonnet dont la dernière forme est L'ardu X, or il était essentiel pour lui que le mot CROIX s'achève par un X, et ARDU CROI(X) serait l'exacte anagramme de RICARDOU(X).

   Dans le Théâtre des transformations, Ricardou reprend le texte qu'il avait déjà publié à deux reprises, Improbables strip-teases, en 1972 (il y a 50 ans!) et 1973, récit d'un strip-tease issu de La prise de Constantinople, parsemé de majuscules intempestives qu'un lecteur patient peut séquencer pour faire émerger un nouveau texte.
  Hélas il y avait des erreurs dans ces deux premières éditions, et il y en a à nouveau une dans celle de 1982, mais Ricardou y donne ensuite des commentaires dans Principes pour quelques transformations, avec le texte en clair du sonnet caché, une récriture du Cygne de Mallarmé:
Cette improbable vierge et son ptyx orangé
Vont-ils donc déchiffrer avec un coup de livre
Ce passage oublié que chante entre les lignes
Le symbolique oiseau au plumage étranger !

Un signe d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
D'avoir inauguré tout le chapitre où lire
Quand du stérile hymen a resplendi l'écrit.

Ses lettres secoueront cette blanche agonie
Par les pages infligée aux plumes qui les nient,
Même l'horreur du mot où le secret est pris.

Hypogramme en ce lieu si son pur éclat l'ose
Il s'immobilise au songe blanc de l'inscrit
Du précis souvenir de la prise enfin prose.
  J'ai souligné les lettres oubliées dans les différentes éditions,
- RUI pour la 1e (dans les mots paR, aU, inscrIt);
- II pour la 2e (dans les mots lIeu, souvenIr);
- F pour la 3e (dans le mot déchifFrer).

   Pour la 1e édition, je m'en tiens pour l'instant à remarquer que les 3 majuscules oubliées, R-U-I, ont dans l'alphabet les rangs 18-21-9, somme 48, un nombre qui apparaît souvent chez Ricardou, lequel a notamment demandé à son ami Denis Roche de lui réserver le numéro 48 de la collection Fictions & Cie, ce qui est souligné dans le texte du Théâtre des métamorphoses, page 182:
(...) Ainsi le nombre des signes qui inscrivent les noms de la collection et de l'éditeur, seize: "Fictions & Cie", "Seuil". Ainsi, le nombre qui marque la place du présent livre dans ladite collection, "quarante-huit". Et, non moins, le nombre, seize, de la présente kyrielle d'ainsi.
  J'ai observé ailleurs que ce mot "ainsi" pouvait se lire "un-six", seize...

   Le nombre 48 découle des "nombres fondamentaux", les 4 et 8 lettres de JEAN RICARDOU, somme 12, rapport 1/2, concaténation 48. La couverture du Théâtre des métamorphoses montre une vignette de Barbarella découpée en 48 secteurs.

   Dans la IIe édition des Strip-teases, les majuscules oubliées sont II, curieuse adéquation, et il est au moins aussi remarquable qu'elles concernent les mots "lieu" et "souvenir", en 4 et 8 lettres.
   Tenter d'évaluer la probabilité associée conduit à un troublant constat: le sonnet compte exactement 12 mots de 4 lettres, soit en tout 48 lettres, et 6 mots de 8 lettres, soit encore 48 lettres.
   Le texte totalisant 505 lettres, un calcul immédiat livre 96 chances sur 505 pour que la première erreur concerne un mot de 4 ou 8 lettres, puis 48 sur 504 pour que la seconde concerne un mot de l'autre catégorie, soit une probabilité conjuguée d'environ 0,018, moins de 2%.
   Si on tient compte de l'ordre 4-8 prénom-nom, la probabilité tombe à moins de 1%.
   Par ailleurs les mots concernés sont chacun le dernier de sa catégorie, le 12e de 4 lettres, le 6e de 8 lettres. On pourrait invoquer ici la lassitude du responsable, ou des responsables car les erreurs ont pu naître à plusieurs niveaux:
- Ricardou n'écrivait qu'à la main;
- son manuscrit était ensuite dactylographié;
- diverses possibilités encore lors des passages chez l'éditeur et l'imprimeur, et les éventuelles retouches de l'auteur.

   Les deux premières éditions portent en exergue une citation de Mallarmé (de ce sonnet),
Cet unanime blanc conflit
D'une guirlande avec la même.
pouvant mener vers un autre niveau des majuscules I-I omises, car UN (I) est le miroir du NU, et la guirlande du sonnet se déroule dans le récit d'un strip-tease.
   Edmond Jabès a proposé L'UN NUL, et le jeu 1-0 se traduit volontiers chez Ricardou par le couple I-O, souligné notamment par la PRISE virile opposée à la PROSE féminine. Voici ce que sa "çoeur" dit de ces lettres IO dans Révélations minuscules...,
il accordait à la première (la seconde) une valeur masculine et un caractère féminin à la seconde (la pénultième), le symétrique vis-à-vis, il prononçait "le vice à vie", en l'abracadabrante kyrielle des lettres de son cryptopatronyme, du "i" avec le "o".
à comprendre que I et O sont à des positions symétriques dans RICARDOU, or c'est aussi le cas dans SOUVENIR, le seul offrant cette propriété parmi les mots de 8 lettres du sonnet.

   La symétrie, que Ricardou révèle dans ce texte avoir été une règle importante de son oeuvre, peut amener à constater que, dans la 1e édition, les premières erreurs sont R-U, première et dernière lettres de RicardoU. L'autre erreur, I, pourrait correspondre à l'initiale du prénom, I et J étant souvent confondus dans les jeux de lettres.
   Les mots concernés, par-au-inscrit, totalisent aussi 12 lettres, comme lieu-souvenir, et les lettres résiduelles, paa-inscrt si l'on procédait au décodage rigoureux, sont 9, réparties selon la conjecture ci-dessus en 3 pour le nom et 6 pour le prénom.
   Or la raison donnée par Ricardou à la construction de ses textes selon les 4 et 8 lettres de ses prénom-nom, c'est que le rapport du simple au double entre ces nombres apparaît précisément inversé dans les nombres de lettres de PRENOM et NOM, 6 et 3. C'est ce que l'on peut comprendre dans ce paragraphe de Révélations minuscules, où j'ai omis quelques parenthèses:
   L'une des plus lumineuses manières, en tout cas, pour que son prétendu patronyme s'activât dans le corps de l'écrit, il l'avait conçu, m'avait-il dit un soir (...), en se souvenant, des quatre et huit lettres de sa signature, qu'elles retournaient, numériquement, l'outrancière forfanterie du prénom à offrir par ses traces, six, lui, le soi-disant "petit", un double exact des trois signes du nom, et, bien sûr (...), sans qu'il l'eût de lui-même en rien voulu. Par suite, c'est au nombre de huit notamment, le principal, l'on saisit pourquoi, en l'occurrence, qu'il s'était plu, de maintes manières peut-être, à soumettre inlassablement sa prose, ainsi prise, du coup, car il n'aimait guère accomplir les choses à moitié, dans une abracadabrante kyrielle de directives, depuis le départ.
  Ces phrases sont symétricologiques, et la première, où apparaît le mot "écrit", s'inscrit entre les syllabes "lu". Elle compte, avec les parenthèses, 137 mots, dont le mot central est "lu", achevant la première parenthèse.
   La seconde phrase, énonçant la préférence pour le nombre 8 des lettres du patronyme, s'inscrit entre les syllabes "par". Par la préposition "Par" commence donc la phrase, cette même préposition qui ouvre le 10e vers du sonnet, "Par les pages...", ou selon un strict décodage "Pa", comme "patronyme" ou "papa"...

   Diable! La kyrielle des commentaires devient impressionnante, alors qu'ils ne concernent que d'indubitables erreurs. Tout au plus pourrait-on admettre que les nombres de mots de 4 et 8 lettres du sonnet aient pu résulter plus ou moins consciemment des obsessions de Ricardou, mais je doute que quiconque s'en serait jamais aperçu sans ces erreurs. 
   Je pense à nouveau à ces propos de Bellmer:
Un "génie" ardemment appliqué derrière le "moi" semble ajouter beaucoup du sien afin que "je" perçoive et imagine. Un génie irrespectueux sans doute, pour qui la logique d'identité, la séparation du corps d'avec l'esprit ou les balivernes du "bien" et du "mal" sont tout au plus matière à plaisanteries et qui ne chante de tout cœur que la gloire de l'improbable, de l'erreur et du hasard. (Petite anatomie de l'image)
   L'improbable, l'erreur... et ces erreurs sont dans Improbables strip-teases...

   J'imagine une discipline qui pourrait se nommer la bellmerique, ou, pourquoi non, la coïncidentique. Elle ne saurait admettre de règles absolues, au plus des préceptes, des perecptes plutôt car Perec a joué un rôle essentiel dans mes recherches. Le perecpte n° 1 pourrait être:
Tu t'intéresseras de préférence (de perecfrène) aux oeuvres codées, car c'est là que des erreurs ou inadvertances auront des répercussions (perecrussions) significatives.

   Mon expérience m'amène au perecpte n° 2:
Tu scruteras dans le moindre détail les oeuvres où tu as repéré précédemment (perecdemment) des coïncidences, et tu en trouveras probablement de nouvelles.

   Lors de ma première approche du Théâtre des métamorphoses, j'ai envisagé que l'unique "erreur" dans Improbables strip-teases puisse être intentionnelle, car elle conduisait à DECHIFRER, à mi-chemin entre le DECHIRER de l'original mallarméen et le DECHIFFRER de la récriture ricardolienne. Il est permis de remarquer maintenant que "déchirer" est un mot de 8 lettres, et que le passage de 8 à 9 a été théorisé par Ricardou, toujours dans Révélations minuscules...:
...sous la tranquille certitude que l'adjectif "nouvelle", après tout, convient à ce qui fait "neuf", (...) il n'avait pas craint, dès son premier recueil, d'adjoindre une complète histoire aux huit que demandait le trop fétiche numéro.
  Il y a davantage, car aux lettres R-U-I des précédentes erreurs (ou R-U-I-I-I) s'ajoute maintenant F, rr les lettres RUIF forment en français un unique mot, tout à fait mallarméen:
La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres (…)
  Pour scruter plus avant, il faut aller en amont, et voir sur quels mots des effeuillages ont été commises les erreurs.
   Dans la 1e édition, les lettres R-U-I auraient dû se trouver dans les mots
disPARu - soUtien-gorge - découvrIr.
   Mon commentaire le plus immédiat est le constat que DéCOUvRIR a 7 lettres en commun avec RICaRDOU, lequel utilisait volontiers ces similitudes, ainsi lit-on dans Naissance d'une fiction:
le nom Constantinople possède douze lettres en commun (et douze, somme de huit et de quatre, appartient justement au dispositif du livre) avec le nom Constellation.
  Dans la 2e édition, les lettres I-I des mots de 4 et 8 lettres "lieu" et "souvenir" auraient dû se trouver dans les mots
escarpIn - rIen,
des mots de 8 et 4 lettres. Davantage, les mots "lieu" et "rien" font aisément se souvenir qu'une des phrases tressées dans le Coup de dés est
rien   n'aura eu lieu   que le lieu   excepté   peut-être   une constellation
  Il faut encore rappeler que, toujours dans Naissance d'une fiction, Ricardou a déclaré qu'un générateur essentiel de La prise de Constantinople était le mot "rien", lequel débute d'ailleurs le roman.
   Les deux mots suivants sont "Sinon peut-être".

   J'observe que, dans le vocabulaire jungien, la synchronicité est liée à la "constellation de l'archétype". Dans celui de l'ami Patrick Bléron, la "constellation" désigne une coïncidence multiple, la "luciole" étant une coïncidence isolée.

  Dans la 3e édition, la seconde lettre F de déchifFrer vient de FRange, et il me souvient que l'équivalent anglais fringe, issu d'ailleurs de l'ancien français "fringe", s'applique aussi à ce qui est "en marge", "bizarre". La série TV éponyme multiplie les chiffrages, ainsi les signes en Braille sur cette affiche codent pour les nombres de Fibonacci 5 8 13 21 34.
   Ricardou mentionne à diverses reprises dans ses écrits l'adresse de sa famille, 6 rue Louis-Braille à Cannes.
note du 6/1/23: Je viens d'achever La lettre et l'esprit, où des hasards de lecture m'ont conduit à découvrir un roman où une coquille avait transformé le mot "déchirer" en "déchifrer".

   Ce n'est pas fini. Voici quelques années, Erica Freiberg s'est attelée à la courageuse entreprise de reprendre tous les textes édités de Ricardou dans une Intégrale, dont 7 tomes sont parus à ce jour.
 
  Seules les deux premières éditions des Strip-teases sont pour l'instant parues, dans le tome 6.
  Un parti-pris de l'entreprise étant de donner les textes tels qu'ils avaient originellement été édités, il n'y avait a priori rien de neuf à attendre de cette intégrale, sinon la commodité d'y trouver tous les textes réunis.
  C'était sans prendre en compte l'OCR, ou ROC, Reconnaissance Optique de Caractères, technique utilisée pour numériser les textes imprimés. Elle n'est pas exempte d'erreurs et c'est ainsi qu'une réédition de La disparition il y a une dizaine d'années contenait pas moins de 4 E.
 
  Les logiciels se sont améliorés, mais il subsiste des possibilités d'erreur, notamment pour des noms propres (Onomastique 5 donnait le cas significatif de Alon devenu Mon) ou des mots non reconnaissables par le logiciel, comme ceux comportant des majuscules intempestives dans les Strip-teases.
  J'ai ainsi trouvé une erreur dans chaque texte, chaque fois dans un mot contenant une majuscule codante, et dans chaque cas l'OCR a transformé un L minuscule, "l", en "I" majuscule, ce qui est fort compréhensible, ces lettres étant presque impossibles à différencier dans certaines polices.
 
  Dans le premier texte, "lanièreS" est devenu "IanièreS", page 47. 
  Première observation, c'est un mot de 8 lettres.   
  Seconde observation, le S de "lanièreS" code pour la première lettre du premier tercet du sonnet (Ses lettres secoueront cette blanche agonie), ainsi la nouvelle majuscule I qu'il faudrait en toute rigueur inclure dans le codage tomberait à un point clé d'un sonnet, la séparation entre les quatrains et les tercets. Plus ricardoliennement, l'erreur sur un mot de 8 lettres survient après les 8 premiers vers du sonnet.
  Enfin, ce point crucial conduit à scruter séparément quatrains et tercets, qui comptent 63 et 53 mots, 289 et 216 lettres. Ces derniers nombres sont évocateurs pour un matheux amateur qui y reconnaît des puissances:
289 = 172 ; 216 = 63.
  17 et 6 sont évocateurs pour un connaisseur de Ricardou, où il reconnaît sa date de naissance. Dans Le théâtre des métamorphoses, Ricardou avait lui-même considéré comme significative cette date de naissance, le 17 juin 1932 (page 188, peu avant Improbables strip-teases, page 197):
Si l'on ajoute les deux chiffres du nombre 17, on obtient une valeur de huit. Si l'on compte les lettres du mot "juin", on en découvre quatre. Il est discernable que le nombre 1932 est un multiple de quatre.
  Davantage, 32 serait un multiple encore mieux discernable de 4, 4 fois 8, et les 172 + 63 lettres du sonnet donné en clair page 262 se réarrangent en 17/6/32.
  Si 216 lettres pour les 6 vers des tercets correspondent à une moyenne exacte de 36 lettres par vers, il est remarquable que l'erreur amputant "déchifFrer" d'une lettre, dans cette 3e édition, conduise pour les 8 vers des quatrains à 288 lettres, 8 fois 36.

  J'ai jadis remarqué que Ricardou avait obéi à la biotextualité jusqu'à mourir le 23 juillet 2016, à 84 ans, avec
2016 = 84 x 24 = 48 x 42,
48, 84, 24 et 42 étant les nombres de deux chiffres qu'il privilégiait, à cause des nombres de lettres de ses prénom et nom, et du rapport 1/2 entre eux.
  Je ne savais pas alors que cette prédilection était liée aux nombres de lettres de NOM et PRENOM, 3 et 6, et je constate maintenant qu'il a poussé la précision jusqu'à disparaître à 84 ans et 36 jours.

  Pour la réédition dans l'Intégrale de la 2e édition des Strip-teases, l'erreur porte sur "lA", devenu "IA" ("jusqu'à IA taille"), au bas de la page 347 (non foliotée). Le A codait pour celui d' "étranger", dernier mot du premier quatrain.
  C'est encore un mot de 8 lettres, et il achève le 4e vers, décidément le hasard a de la suite dans les idées...
  Et il y a de nouveau davantage, car voici ce que j'ai découvert en soumettant le début du sonnet au Gématron, jusqu'à la césure correspondant à la majuscule I ajoutée par l'OCR:
 

  Le 618 en gros signifie que la petite section d'or de 1618, valeur du total des 142 lettres, tombe exactement après la 54e lettre, le second F de "déchiffrer". La grande section d'or serait exactement 1000, et c'est la valeur des 88 dernières lettres.
  Ces nombres 618 et 1618 sont évocateurs, car les deux valeurs du nombre d'or, solutions de l'équation
X = (X+1)/X
sont souvent données par les approximations 1.618 et .618 (ou 1,618 et 0,618).
Note du 7/4/24: La mort le 2/4/24 (ou 4/2/24 à l'américaine) de John Barth m'a fait relire Drolls de dreamers que je lui avais consacré en 2018, et remarquer cette citation:
In the lull between the end of our Spring Work Period (and of Year 3, a.k.a. T, a.k.a. V of our 5-Year Plan) and the Mating Season which will commence Year 4 (a.k.a. E etc.); in the afterglow of the "Gadfly (whoops) Illuminations" of July 4; in the pause at the Phi-point 6 1 8 (e.g. 3/5ths, 5/8ths, 54/88ths) -- your letter reaches us proposing that we participate in your fiction! Oh ha phi on you! (Tell him, LIL.)
  C'est un extrait d'une lettre de Jim Bray, un double exagéré de Barth qui semble avoir lui-même une certaine dilection pour Phi, le nombre d'or, .618 selon la notation anglaise, soit point 6 1 8, 0,618 selon la nôtre. Bray donne les sections d'or entière de 5, 8, nombres de Fibonacci, puis de 88, métatextualité car le roman épistolaire Letters compte 88 "lettres", missives, et signes alphabétiques constituant son sous-titre,

sous-titre qui gouverne les auteurs des lettres et leurs dates, de même que les noms des Lieux-dits de Ricardou forment une grille structurant le roman.
   Il est alors vertigineux que l'erreur de cette édition du sonnet détermine les partages dorés 54-88 pour les lettres, et 618-1000 pour leurs valeurs, alors que Barth avait donné comme exemples de partages dorés 54-88 et .618-1.000.

  Il est sidérant que le second F de "déchifFrer" corresponde à l'erreur de la 3e édition des Strip-teases, laquelle sera probablement reprise telle quelle dans le tome 9 de l'Intégrale, car la complexité du Théâtre des métamorphoses impose une reprise en fac-simile (on y trouve notamment des numéros de pages autoréférents).
  Ce sont les lettres F et I qui ont révélé ces approximations du nombre d'or, lequel est symbolisé par la lettre grecque Phi, φ. Je rappelle que c'est l'oubli de la majuscule de "FRange" qui est responsable de la première erreur, or une Frange Indocile de la population se reconnaît dans ce même symbole φ, à cause des initiales FI.
   Le nom complet du parti concerné est LFI, La France Insoumise, or l'autre erreur est sur le mot "lA", devenu "IA".
 
  Il y avait une majuscule Phi sur l'affiche promotionnelle de Fringe donnée supra, sur une grenouille (frog) qui fait partie d'un ensemble de glyphes formant un alphabet. Ces glyphes permettaient de décoder un mot dans chaque épisode.
 

  Cette grenouille Phi codait pour R.
 
  Qui dit Phi ou Fi dit Fibonacci, et l'harmonie dorée 618-1000-1618 s'accompagne d'une harmonie fibonaccienne sur les nombres de lettres concernées, soit
- 54 lettres (de C à f) de valeur 618, et
- 88 lettres ( de r à r) de valeur 1000.
  54 et 88 ne sont pas seulement les nombres de Fibonacci 55 et 89 diminués d'une unité, mais aussi des sommes de nombres de Fibonacci, selon une règle qui vaut d'ailleurs pour toutes les suites additives:
La somme de F0 à Fn est égale à Fn+2 F1. (F0 est le premier terme non négatif de la suite)
Par exemple 0+1+1+2+3+5+8+13+21 = 54.
  Je remarque encore que les lettres marquant le partage, f-r, ont les rangs alphabétiques 6-18. Ces deux lettres étaient associées dans le codage correct "FRange".

  Les erreurs des éditions des Strip-teases ont permis de mettre en évidence quelques particularités du sonnet qui pourraient être intentionnelles. Il est ainsi imaginable que Ricardou y ait joué avec les mots de 4 et 8 lettres.
  En revanche il est absurde que l'harmonie dorée sur les 142 premières lettres du sonnet ait été calculée, bien que Ricardou ait revendiqué avoir utilisé la suite de Fibonacci dans La prise de Constantinople (in Oui et non, 1983: j'ai dit ici ce que j'en pensais).

   L'absurdité ne doit pas faire reculer le coïncidentien, ce qu'énonce le perecpte n° 3:
Tu ne préconcevras pas qu'une quelconque logique régisse les coïncidences.
   Ainsi cette absurdité offre une similitude avec une aberration vue dans le seul autre sonnet publié par Ricardou, à ma connaissance.

   L'art du X, commenté à diverses reprises, dernièrement ici, est peut-être le texte où Ricardou a poussé le plus loin son obsession pour les nombres 4 et 8 (et 2).
   C'est un texte en 4 parties, où sont données 8 variantes d'un sonnet, lequel a 2 formes essentielles, une sexuelle et l'autre textuelle
   Le texte principal est entièrement formé de phrases de 12 mots (4+8), 284 phrases en tout.
   Ses 8 premières phrases (2 fois 48 mots) constituent une pièce maîtresse. Elles codent pour le premier vers de la forme finale du sonnet. Les 3 premières parties codent pour l'ensemble du sonnet et les messages qui y sont contenus. La partie 4 code pour les 8 phrases du premier paragraphe.

   J'avais envisagé que les 119 mots de la forme finale du sonnet puissent être une signature, car
JEAN RICARDOU = 30 + 89 = 119,
selon les rangs usuels de l'alphabet, mais Ricardou a imaginé son propre système, où O vaut zéro, et où les lettres suivantes sont diminuées d'un rang. C'est ce qu'on peut déduire d'un passage du Lapsus circulaire, dont le PDF est maintenant accessible. Selon cet autre codage,
R = 17 et RICARDOU = 71,
ce qui aurait pu être utilisé par ce fétichiste du 8, vu plus haut additionner les chiffres du quantième de se naissance, 1+7=8.
  Ayant constaté que les 17 premiers hémistiches de L'ardu X comptent 71 mots, j'ai eu la curiosité de soumettre le sonnet au Gématron avec le code ricardolien. Les sections dorées des 491 lettres et de leur valeur 5505 tombent au même endroit, précisément après ces 17 hémistiches ou 71 mots.
  Voici le sonnet, avec ce découpage en 17 et 11 hémistiches, 303 et 188 lettres, valeurs 3402 et 2103 (17 est aussi la césure d'or des 28 hémistiches totaux):
X impose une règle. Il suppose un sonnet,
Au tEXte consacré s'il sait tester les choix,
JOUer POur une lettre au terme d'une CROIX,
TEnir et S'Exalter aux vertus de SA né-
CESsaire désUNion hors la strophe. EN l'étroit
MOT Si clos, il tend SON chemin VERS les sommets.
EN oblique ascendante, NETs, SES vers abymés
COupent la ligne au tourNANT QU'Inflige le trois:
LONg tissage alenTOUR,
(303 lettres de valeur 3402)
                                           qui asSOuplir saura,
NEuf jusqu'en le REdit de ses aPPOgiatures,
ET le verbe EN ses rêts, et le texte à SErrure!
PUIS le VEStige sûr d'un accent sur le À!
CES RÊves? Il les obtient par abracadabra.
SES sens? Il les détient par effet d'écriture...
(188 lettres de valeur 2103)
  Il s'y ajoute que la phrase en acrostiche (X ajoute ces mots en colon-ne et puis cesse) compte 34 lettres, que la césure partage en 21-13 (Fibonacci).
  J'avoue n'avoir pas cru à l'intentionnalité de l'ensemble, mais il reste envisageable, dans un texte où les mots sont explicitement comptés, que certains jeux soient prévus. Ainsi la césure à l'hémistiche 17 (R), partageant les 119 mots en 71 (RICARDOU) et 48 (ses nombres fétiches 4-8).

  Je m'étais abstenu de mentionner ces possibilités associées au partage doré de 5505 en 3402 et 2103:
3402 = 81 x 42 = PRENOM x NOM (selon l'alphabet normal);
2130 = 30 x 71 = JEAN x RICARDOU (selon l'alphabet ricardolien).
  Certes ceci implique de transformer 2103 en 2130, mais j'ai appris depuis que Ricardou avait insinué dans Oui et non avoir utilisé le nombre 1203 parce que 0-1-2-3 sont des nombres de Fibonacci.


     Pour en finir provisoirement sur ce point, je remarque que les 142 lettres débutant l'autre sonnet correspondent à 2 fois 71. Leur partage doré livre
- 54, soit 71 17 (ICARDOU), et   
- 88, soit 71 + 17 (RICARDOUR).

  Le présent billet est le 340e de Quaternité, un nombre qui m'évoque immanquablement le vocable hébraïque shem, "nom", mot formé par les 21e et 13e lettres de l'alphabet, de valeurs 300 et 40.
  "Le Nom" est en hébreu la désignation du Tétragramme sacré, YHWH, qu'il est interdit de prononcer.
  Les 505 lettres du sonnet de Ricardou me font penser à Sarah, dont c'est en hébreu la valeur numérique.
  Les chiffres fétiches de Ricardou 2-4-8 m'évoquent son époux, Abraham, dont la valeur numérique est 248.
  Sarah et Abraham étaient d'abord nommés Saray et Abram, avant que YHWH ne se révèle à eux, et ne les rebaptise, ce qui a été vu comme une mise en équation du Tétragramme, dont les lettres Y et H ont les valeurs 10 et 5, tandis que l'autre lettre W est en hébreu la copulative "et", ainsi YHWH se lirait
Y = H et H, ou 10 = 5 + 5, ce qui est exactement réalisé par le changement des noms:
SRY + ABRM = SRH + ABRHM.

  J'ai étudié ceci plus en détail ici, où il est bien précisé que ce ne peut être que coïncidentiel puisque les Hébreux n'ont utilisé leur alphabet pour la numération que postérieurement à l'écriture du canon biblique.
  Et au moment où je parle d'Abram, des chevreuils brament de l'autre côté du ruisseau...
Note du 4 juin: Ce qui m'éveille un écho.
   Je citais plus haut Onomastique 5 où je m'étais émerveillé du nom Zwi Alon devenu Zwi Mon, erreur probablement due à l'OCR, car MON est le renversement de NOM, et Zwi correspond dans l'alphabet hébraïque renversé à HaShem, "Le Nom", YHWH. Alon signifie "chêne", et c'est à la chênaie de Mambré que YHWH apparaît à Abram pour lui donner son nouveau nom, Abraham.
   Quant à zwi, ça signifie "cerf" ou "chevreuil".


   Pour finir, je crois devoir mentionner que le nombre 142 apparaît dans Klavierstück IX de Stockhausen (vers 1960), enchaînant 144 signatures rythmiques. Chaque signature ne concerne le plus souvent qu'une seule mesure, le numérateur étant le plus souvent (127 fois) un nombre de Fibonacci, de 1 à 34. Les dernières signatures livrent toute la série, 5/8, 1/8, 2/8, 21/8, 3/8, 13/8, 8/8, 34/8.
   Parmi les exceptions, les deux premières mesures de la pièce:
 

  Il a été avancé que ces nombres 142 et 87 correspondaient aux sommes des 9 premiers Fibos différents, de 1 à 55, sans répéter 1, et des 8 premiers, de 1 à 34.
  Je ne résiste pas à commenter un peu plus avant. Vient ensuite un changement de tempo à la mesure 3, avec 60 à la noire, pour une montée chromatique, puis on revient mesures 4 à 16 à 160 à la noire; l'accord de départ y est répété 53 fois, réparties en 13-21-1-8-5-2-3, entrecoupées de silences non moins fibonacciens, totalisant 32 croches.
  C'est encore la série des Fibos moins 2, 32-53-87-142, mais, attendu que l'accord n'est frappé effectivement que 140 fois dans la première mesure, il paraît significatif d'avoir cet accord de 4 notes donné 140, 87, et 53 fois. 
  Je ne m'aventure pas à imaginer quel sens aurait pu y donner Stockausen, mais 53 et 87 m'évoquent aussitôt les dates essentielles de l'échange Jung-Haemmerli autour du 4/4/44.

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