12.12.08

ex-Ceylan

Sri Lanka, ex-Ceylan, ex-Serendip, ex-Taprobane...
Comme dit dans le dernier billet, j'ai réagi en lisant la lettre du 1er février 45 de Jung à Kristine Mann, où il ouvre le récit de ses visions de 44 par :
Je me trouvais en un point situé exactement au-dessus de la pointe sud de l'Inde qui brillait dans une lumière bleuâtre argentée, et Ceylan reposait telle une opale étincelante dans la mer bleue et profonde.

J'avais pourtant lu à peu près la même chose dans le récit de Ma Vie...:
Je croyais être très haut dans l'espace cosmique. Bien loin au-dessous de moi j'apercevais la sphère terrestre baignée d'une merveilleuse lumière bleue, je voyais la mer d'un bleu profond et les continents. Tout en bas, sous mes pieds, était Ceylan et devant moi s'étendait le subcontinent indien.

LE PONT
D'ADAM

ou
PONT
DE RAMA

ou
RAMAR
SETHU

entre
DECCAN
et
CEYLAN

Je n'étais pas du tout conscient de ça lorsque j'ai donné sur mon billet Léviathans à gogo cette image du pont d'Adam, presqu'isthme entre Inde et Ceylan.
Cette image n'avait rien d'indispensable à mon propos, mais j'avais été séduit lors de mes recherches par ses couleurs, et par cette curiosité naturelle de près de 100 km de long, le pont d'Adam. Après lecture de la lettre à Mann, je trouve que, sur la photo satellite ci-dessus de la NASA, Ceylan ressemble bien à "une opale étincelante dans la mer bleue et profonde", la photo ci-contre n'étant pas mal non plus, et que Jung a peut-être été le premier à décrire, sinon à voir, ce joyau.
Le Pont d'Adam... Adam en hébreu signifie "homme", comme Mann en allemand, et l'un des éléments du Pont, le plus proche de Ceylan, est l'île de Mannar (mais cet Adam est en fait un Adham, personnage historique de Ceylan).
Dans le roman de Boris Akounine, c'est précisément en passant à droite de l'île de Mannar, au lieu d'emprunter l'un des chenaux navigables à gauche, que Charles Reynier, le second du Léviathan, entend naufrager le paquebot dans les premières heures du 19 avril 1878, vendredi saint. Il a pris la place du capitaine Joshua Cliff à Bombay le 16, mardi saint, par un subterfuge aux graves conséquences : bouleversé par un faux télégramme lui annonçant un accident survenu à sa fille, Joshua est hospitalisé après une attaque cérébrale, et Charles prend le commandement du Léviathan.
66 ans après cet échange imaginé entre deux marins, un réel échange se produit dans les destinées de deux médecins, toujours un mardi saint, le 4/4/44 : un autre Charles, Carl Gustav, se lève tandis que celui qui l'a sauvé, Theodor au nom théophore ("don de Dieu") comme Joshua ("Dieu sauve"), se couche pour ne plus se relever.
Les destins de Charles et Carl Gustav divergent nettement ensuite, puisque Charles ne survit que trois jours; Akounine ne révélant pas ce qu'il est advenu de Joshua, je peux imaginer qu'après un coma pendant lequel une NDE a expédié son corps astral au-dessus de Bollingen, où Charles lui a communiqué qu'il n'était pas encore temps de mourir, Joshua a miraculeusement guéri au moment exact de la mort de Charles, le vendredi saint.

Ce qui se passe explicitement ce vendredi saint 19 avril se suffit à soi-même.
Charles Reynier meurt, assassiné par le commissaire Gustave Gauche, après l'échec de sa tentative de couler le Léviathan.
Gustave meurt à son tour, tué de quatre coups de pistolet par la jeune Suissesse, alors que ...
le Léviathan se dirigeait à toute vapeur vers le nord, fendant les flots du détroit de Palk, rendus troubles par la tempête. Au loin la côte de Ceylan dessinait une ligne verte.
C'est quelques lignes après cette seule mention de Ceylan dans le roman qu'éclate le premier coup de feu blessant Gustave. La prétendue "jeune Suissesse" lui fracasse le coude droit, le poignet gauche, et le genou droit, pour lui faire avouer où il a caché le plan du trésor dérobé à Charles, avant de l'achever d'une balle dans la tête. 4 balles droite-gauche-bas-haut, on peut penser à une quaternité et, en ce vendredi saint, aux 4 branches de la croix et aux blessures du Christ (la symbolique chrétienne y inclut la couronne d'épines).
Une fin morale aurait été la mort à son tour de la Junge Schweizerin, mais Akounine a choisi de faire survivre la criminelle à un terrible accident, qui pourrait éveiller une veine interprétative : alors qu'elle semble maîtresse de la situation, une violente vague fait s'abattre sur son crâne une colossale reproduction de Big Ben en chêne...
Alors, Poséïdon qui s'en mêle, et Chronos qui vient contrecarrer son action ? Ou encore la revanche de Joshua car Big Ben doit son nom à un Benjamin, où ben est "fils" en hébreu, et le Fils sui importe le plus à la chrétienté est assurément Jésus/Joshua. Parallèlement les morts de Charles et Gustave pourraient signifier la résolution des antagonismes chez Jung (dont les deux prénoms semblent si problématiques que les anglo-saxons ne reconnaissent que "Carl Jung"), et la survie de la jeune Suissesse et de l'enfant qu'elle porte marquerait l'aboutissement du processus d'indivduation de Jung, libéré de ses scories et porteur de l'oeuvre essentielle du dernier cinquième de sa vie.
Dans le 5e chapitre de cette dernière partie de Léviathan (construit je le rappelle en cinq courants narratifs), le narrateur, amoureux de Renata et se refusant à accepter sa duplicité, constate néanmoins sa trouble identité, puisqu'elle a admis être Marie Sanfon, et qu'elle est encore Mme Reynier, puisqu'elle a épousé secrètement Charles Reynier, sinon Mme Bagdassar, puisque ce serait le vrai nom de Reynier... Une autre quaternité...
Sanfon... Je rappelle le "brouillard sans fond", bodenlosen Nebel, opposé par Jung à la vraie "vie", Leben, dans sa lettre à Kristine Mann relatant son expérience de 44. Les opposés Nebel-Leben forment un palindrome, et j'ai déjà remarqué diverses formes de renversement dans mon cheminement parti du 4/4/44, notamment pour ce qui concerne Léviathan :
- le nom REYNIER, presque palindrome de lettres.
- l'ambigramme suissesse-assassins, suggéré par l'épisode. J'ai procédé au montage ci-contre parce qu'un châle formant un triangle isocèle recèle la cache du trésor du rajah, et que Marie Sanfon a monté en Suisse une escroquerie portant sur une "étroite bande de terrain" achetée à un certain Möbius.
- un nom local du Pont d'Adam est RAMAR Sethu, Pont de Rama, parce qu'une tradition rapportée dans le Ramayana attribue son origine au dieu Rama.
- Adam ne peut manquer d'évoquer EVE, la première pécheresse opposée par la tradition chrétienne à Marie.
N'imaginant guère Boris Akounine avoir eu Jung à l'esprit en écrivant son roman, j'estime que les multiples échos jungiens de son récit en sont d'autant plus révélateurs (mais de quoi, that is the question ?)

Mon érudit ami Philippe Kerbellec m'a dit que le premier nom du Great Eastern, longtemps plus grand paquebot du monde, avait été le Leviathan.
Effectivement, et ceci rouvre la piste Verne envisagée pour d'autres raisons, car son roman Une ville flottante (18) concerne le Great Eastern.
Le Leviathan-Great Eastern a connu une histoire aussi mouvementée que celle du Vaterland-Leviathan. Ce Leviathan a d'abord été conçu pour assurer une ligne régulière entre l'Angleterre et Ceylan (tiens !), puis racheté avant son lancement par une autre compagnie pour une exploitation sur l'Atlantique nord, mais la clientèle a été rebutée par sa lenteur et son inconfort.
Il y a eu cependant des voyageurs curieux de naviguer sur ce géant des mers, et parmi eux Jules Verne qui a effectué en 1867 la traversée de Liverpool à New York, du 26 mars au 9 avril, et qui l'a contée dans ce roman plutôt fade, malgré l'addition de quelques péripéties imaginaires.
La relecture (possible en ligne ici) m'inspire quelques commentaires côté Jung-Akounine.
La principale péripétie imaginée par Verne est la présence à bord d'un ami du narrateur, le capitaine Fabian Mac Elwin, neuneu depuis qu'Ellen sa chérie a dû épouser pour raisons familiales le riche Harry Drake. Or Harry Drake est aussi du voyage, avec Ellen qui reste dans sa cabine, ayant perdu la raison... Ceci mène à un duel, la veille de l'arrivée à New York, le 8 avril.
Le narrateur est témoin de son ami Fabian, qui semble résigné à mourir, et puis au cours du duel Ellen surgit, et Harry qui avait l'épée levée pour frapper Fabian désarmé s'immobilise un instant, suffisant pour être foudroyé par un éclair providentiel, et tomber raide mort... Ellen retrouvant son chéri guérit en quelques jours...
Jung a confié à Barbara Hannah que la mort du médecin qui lui avait sauvé la vie était comparable à celle d'Asclepios, foudroyé par Zeus pour avoir ramené des hommes du domaine de la mort.
Le narrateur passe quelques jours en Amérique, puis rentre en Europe avec le Great Eastern appareillant le 16 avril, soit le mardi saint en 1867, comme en 1878, date de l'éviction du capitaine Joshua Cliff du Léviathan, comme en 1889, date où débute Le décorateur, roman sur lequel je reviendrai prochainement. Les dates de Pâques peuvent ainsi revenir à l'identique tous les 11 ans, jusqu'à 4 fois.
Une ville flottante s'achève donc ce mardi saint, et l'autre personnage pittoresque du roman est du voyage de retour aussi, le docteur Dean Pitferge, qui espère un naufrage et professe l'idée que "On ne meurt que parce qu'on occupe une place à laquelle un autre a droit !"
DEAN... Je renvoie à mes divers billets sur ces initiales des jeunes membres du Quintett, complétées par le C de son doyen Charles pour donner 5 notes CGDAE en quinte. Je me borne à ajouter que, selon la même convention, CEYLAN (ou sa forme anglaise Ceylon) correspond aux mêmes notes CEDEAG.

J'ai essayé de limiter ces 5 billets du 12/12 à ce que j'envisageais d'y mettre au début de leur rédaction, l'exploitation de mes investigations parisiennes. Ma recherche ne s'est cependant pas arrêtée là, ce qui est d'ailleurs une raison du retard pris dans leur écriture, et il me reste encore bien des choses à dire, notamment sur les multiples Léviathans.

Une coïncidence parisienne. J'ai été curieux de découvrir la nouvelle Bibliothèque François Truffaut, aux Halles, inaugurée le 5 décembre, et ai attendu son ouverture retardée à la FNAC voisine. Au rayon ésotérisme, mon attention a été attirée par cette couverture, où les lettres hébraïques aux 5 pointes du pentacle satanique sont
לויתן
soit le mot "Léviathan".
Au même moment, une dame tenant en main l'édition Folio de Ma Vie... de Jung est arrivée, demandant à un vendeur si l'édition Témoins éait disponible.

Sénégalais & Cingalais

Lors de ma découverte du motif quintessentiel de la vie de Jung autour du 4/4/44, j'ai tapé 4/4/44 sur Google pour voir, et vite ajouté d'autres clés de recherche car tous les premiers résultats concernaient une chanson de Youssou N'Dour, 4-4-44, qui ne m'inspirait guère a priori... 
Stupide préjugé, car lorsque j'ai récemment enquêté plus avant, j'ai appris que cette chanson avait été composée parce que le 44e anniversaire de l'indépendance du Sénégal (4 avril 1960), tombait le 4/4/4 (4 avril 2004), or la genèse de ma découverte remonte à ce même 4 avril 04, dimanche des Rameaux, où le hasard relaté sur mon premier billet m'a fait miroiter l'aspect éminemment quaternaire de la date du 4/4/44 jungien.
 La genèse - le Sénégal : c'est un palindrome, et le palindrome me semble depuis peu lié aux visions de Jung en 44, depuis ma consultation de sa correspondance lors de mon récent voyage à Paris, particulièrement de sa lettre du 1er février 45 à Kristine Mann, sur le point de mourir d'un cancer. Cette lettre est disponible en français dans le second tome de la correspondance de Jung, comme dans ce recueil établi par Michel Cazenave, où je note le chrisme sur la couverture, alors que j'ai illustré de chrismes mon billet sur la particularité de la semaine sainte du 2 au 9 avril 1944, répétant les conditions exactes de l'année 30 supposée être celle de la Passion. 
Jung expose dans cette lettre ses visions de 44, dont le récit est très similaire à celui publié dans Ma Vie..., à ceci près qu'il y omet le sort funeste de son médecin, ce qui n'aurait guère aidé sa correspondante. j'ai été frappé par cette phrase :
Lorsqu'on parvient à se débarrasser de la volonté furieuse de vivre et qu'on a l'impression de tomber dans un brouillard sans fond, commence la vraie vie, avec tout ce pourquoi on était fait et qu'on n'avait jamais atteint.
Ce "brouillard", c'est NEBEL dans la version originale en allemand, où "vie" est LEBEN, renversement de NEBEL (voici le texte original: "als fiele man in einen bodenlosen Nebel, dann beginnt das wahre Leben"). La vraie vie serait l'opposé, ou le complémentaire, du brouillard "sans fond" (bodenlos, alors que Jung naquit à Kesswil, au bord du Bodensee ou lac de Constance) : la totalité de la vie de Jung correspond bien, avec constance, à une unification des contraires. 
 
 Un autre mot m'a percuté dans cette lettre, que j'aurais cependant aussi pu voir dans le récit de Ma Vie..., où il est doublement présent, Ceylan : c'est d'un point situé vers 1500 km à l'aplomb de Ceylan et de la péninsule indienne que Jung "voyait" la terre, et c'est dans un lieu lui rappelant le temple de Kandy, à Ceylan, qu'il est convié, avant que le " messager venu de mon monde" (c'est ainsi qu'il désigne le docteur H dans la lettre à Mann) vienne perturber ses visions féeriques. 
C'est précisément entre Ceylan et l'Inde, dans le golfe de Mannar, que se joue le dénouement de Léviathan de Boris Akounine, avec la mort des assassins Charles et Gustave et la survie de la junge Schweizerin, la jeune suissesse également assassine, mais j'approfondirai cet aspect dans le prochain billet. 
 Le temple de la Dent sacrée de Kandy, que Jung n'a visité qu'en 1938, n'est pas sans rappeler Bollingen, dont les 4 premières tranches ont été construites antérieurement : ensemble architectural hétéroclite construit juste au bord d'un lac, tour à gauche au toit à six pans. 
Le Sri Lanka, l'ex-Ceylan, est aussi l'ex-Serendip qui a donné naissance au concept de serendipity, "découverte par hasard". Wikipédia m'apprend que c'est dans une lettre de Walpole à Horace Mann qu'est né le mot serendipity, or c'est grâce à une lettre de Jung à Kristine Mann que m'est apparue l'importance de Ceylan. 
Wikipédia donne en premier article connexe à la sérendipité celui sur la synchronicité
 
Leben-Nebel : ce palindrome m'évoque immédiatement La Vie mode d'emploi, le livre microcosme de Perec, où il y a à peu près tout ce qui est imaginable, et beaucoup d'autres choses. On y trouve ainsi un lieutenant Nebel qui perd la vie le 7 octobre 1943 (chapitre 27), ce qui vaudra au jeune Paul Hébert d'être déporté à Buchenwald 4 mois plus tard. Soit donc en février 44, et un familier de l'exégèse perecquienne verra dans cette déportation en février une allusion au départ vers Auschwitz de la propre mère de Perec, le 11 février 43, date dont les éléments reviennent obsessionnellement dans son oeuvre. 
Je rappelle que c'est le 11 février 44 que Jung s'est cassé le pied, prélude à son hospitalisation et à son infarctus. Sans développer ce thème ici, le nom du lieutenant Nebel comme l'histoire de Paul Hébert détaillée au chapitre 43 sont liés à une des multiples contraintes du livre, la dissémination dans ses chapitres des deux termes de l'expression désignant les déportés, "Nuit et Brouillard" (Nacht und Nebel), réunis comme par hasard dans le chapitre 43. 
Si vie et brouillard sont donc présents dans le livre, c'est grâce à une exégèse d'un "le Sénégal, plutôt rongé vers la gauche", au chapitre 45, que je dois de connaître le palindrome "la genèse-Sénégal", et le riche index du livre donne trois occurrences de "Ceylan", dont la dernière me retient. Il est question au chapitre 70 d'une pièce de puzzle correspondant à l'Inde à laquelle Ceylan serait restée attachée. C'est sur les hauts-fonds de cet ancien isthme entre l'Inde et Ceylan que manque de naufrager le Léviathan
 
Un autre abîme insondable : en marge d'un faisceau de coïncidences exposé ici, j'avais relu le premier paragraphe du premier chapitre de La Vie mode d'emploi dans un supplément offert avec Télérama du 4 février 2003, et cette relecture dans un contexte inhabituel m'avait révélé des répétitions insoupçonnées dans ce chapitre pourtant maintes fois scruté, caractérisé par le domino "double six". J'en fis part le 6 février 03 à la liste Perec YahooGroupes, en remarquant particulièrement une redondance dans la cinquième phrase qui, sans les autres répétitions, pourrait passer pour une inadvertance de l'auteur :
Ils se barricadent dans leurs parties privatives - puisque c'est ainsi que ça s'appelle - et ils aimeraient bien que rien n'en sorte, mais si peu qu'ils en laissent sortir, le chien en laisse, l'enfant qui va au pain, le reconduit ou l'éconduit, c'est par l'escalier que ça sort.
Aujourd'hui, je me sens vaciller en constatant que le renversement phonétique de "en laisse" est "Ceylan". Tiens, les Cingalais ont reçu leur indépendance le 4 février 48, alors que le Télérama secourable est paru un autre 4 février. 
Les Sénégalais ont rejoint le Salon des Indépendants 12 ans (et deux mois) plus tard, le 4/4/60. 48 et 60, 4 et 5 fois 12 : j'avais avant de commencer ces billets exposant mes récentes découvertes parisiennes l'idée d'en faire un seul billet. Songeant à les organiser, et sachant par expérience que chaque approfondissement d'un sujet me conduit immanquablement à des développements imprévus, j'ai choisi de fragmenter mon propos en 4 billets, avec un 5e billet fusionnant les 4 précédents. Pour marquer l'unité de conception de ces billets, j'ai débuté 5 billets le 12/12 à la même heure, 12:12, jour et heure déjà choisis l'an dernier pour un billet sur mon autre blog; selon les particularités de Blogger, ce sont les jour et heure qui seront affichés lors de la publication des billets. 
Pendant leur écriture, les commentaires imprévus ont tant proliféré que j'ai préféré faire 5 billets distincts, et oublier une concaténation qui aurait été trop longue. Si cette saturation de 12 n'avait pas un sens particulier lors de mon choix, je n'avais pas alors conscience ni des 4 premières étapes de la construction de la Tour de Bollingen échelonnées des 48 aux 60 ans de Jung, ni des indépendances de Ceylan et du Sénégal en 48 et 60. 
 
Pour les amateurs, le clip 4-4-44 de Youssou N'Dour :

théo d'or

Le cardiologue qui a sauvé Jung est donc Theodor Haemmerli, aussi connu en tant que Theodor Haemmerli-Schindler, peut-être parce que sa femme née Gertrud Schindler a joué un rôle important dans les association féminines suisses, sous le nom Haemmerli-Schindler.
Theodor, qui soigna notamment Rilke et Klee, est né le 24 novembre 1883, et mort le 30 juin 1944, d'une septicémie qui s'était déclarée le 4 avril précédent, le jour où son patient CG Jung était autorisé à s'asseoir sur son lit, après plusieurs semaines entre la vie et la mort. Il avait alors vu son médecin en "Basileus de Kos", ce dont il avait "déduit" qu'il était menacé de mort, mais Haemmerli avait tenu cette vision pour du pur délire, ce qui est bien compréhensible.

Theodor avait un frère cadet né le 17 octobre 1892, Armin, également médecin. Sans doute connaissait-il Jung indépendamment de son frère, toujours est-il qu'il lui a envoyé le 4 août 55 une lettre et une carte de Kos, précisément.
Sans connaître la teneur de la lettre d'Armin, il semble d'après la réponse de Jung qu'il n'y ait été question ni des récents 80 ans de Jung, ni de Theodor.
Voici le texte intégral de cette réponse du 25 octobre 55 (une moindre curiosité est son écriture 8 jours après l'anniversaire d'Armin, tandis que le 4 août venait 9 jours après celui de Carl Gustav):
Mon cher confrère,
Maintenant que l'avalanche de lettres à l'occasion de mon 80e anniversaire est à peu près passée, je peux enfin vous remercier pour votre aimable carte de Kos et votre lettre du 4 août, que j'ai beaucoup appréciée. Votre lettre de Kos m'a profondément touché du fait que feu votre frère, qui m'a pris médicalement en charge lors de mon infarctus de 1944, est associé pour moi, de façon mystérieuse, à Kos. Dans l'état délirant où j'étais alors, l'image de votre frère m'est apparue, auréolée de la couronne d'or d'Hippocrate, et m'a informé que j'étais déjà à 1500 km de la terre, mais qu'il ne m'était pas permis de m'éloigner davantage et que je devais au contraire retourner sur la terre.
Dès l'instant de cette vision j'ai craint pour la vie de votre frère, car je l'avais vu sous sa « forme archétype » [Urgestalt], celle du « Prince de Kos », ce qui signifiait sa mort. C'est seulement plus tard que j'ai appris que les grands médecins de Kos se désignaient eux-mêmes comme Βασιλεϊς (rois). Le 4 avril 1944 j'eus pour la première fois la permission de m'asseoir sur le bord de mon lit, et ce même jour votre frère dut s'aliter pour ne plus se relever.

Ma première remarque est que, à moins que cette lettre n'ait jamais été envoyée et qu'il s'agisse d'un vaste complot, Jung ne pouvait se permettre de raconter des bobards au frère de Theodor.
Malgré la brièveté du récit, Jung donne la date du 4/4/44, et un détail absent du récit détaillé dans Ma Vie (qu'on peut trouver presque complet ici, en anglais) : si je comprends bien, Jung a eu la vision de son docteur en "basileus de Kos" sans savoir que les grands médecins de Kos se désignaient eux-mêmes ainsi. Je me permets de noter la curieuse proximité de cette expression avec le "bacillus de Koch", la découverte d'un grand médecin qui a immortalisé son nom (et fourni le pseudo Basile de Koch).
Cette lettre à Armin Haemmerli est la seule recensée dans la correspondance de Jung, ce qui ne signifie pas obligatoirement que cet échange entre les deux hommes ait été unique. Peut-être y a-t-il eu des billets de politesse anodins jugés indignes d'être livrés au public.
Si cependant cette lettre envoyée de Kos par Armin était unique, ce serait une nouvelle formidable coïncidence à ajouter à l'affaire 4/4/44. Une échappatoire rationaliste serait d'imaginer qu'Armin ait été informé par son frère de l'histoire du Basileus de Kos, et qu'il ait expédié à dessein cette lettre de Kos. Pourquoi pas, mais pourquoi 11 ans après 44, en 55 ? Personne, et Jung le premier qui pensait n'avoir eu qu'un bref sursis après son infarctus de 44, ne pouvait imaginer que la date du 4/4/44 serait le pivot d'un idéal motif 4-1 d'une vie qui totaliserait 31360 jours.

Puisque je suis dans les chiffres, je continue, en avertissant que ce qui suit va être un brin ardu, sinon illisible pour les allergiques, mais voilà : la psychologie des profondeurs m'a d'abord attiré par le motif de la quaternité, et je me sens avant tout qualifié pour approfondir les questions numériques et logiques, plutôt que les aspects psychologiques hors de ma compétence. Alors j'ai découvert le nom du "docteur H", dans la bio écrite par Barbara Hannah, sous la forme
THEODOR HAEMMERLI-SCHINDLER
Je soumets chaque nom propre au Gématron, lequel traduit ses 3 composantes totalisant 25 lettres en 3 nombres 85 84 92 de somme 261.
Les noms germaniques en ae, oe, ue, s'écrivent également avec Umlaut, en ä, ö, ü, ainsi Google livre exactement les mêmes réponses avec Haemmerli ou Hämmerli.
Avec cette seconde forme, le Gématron donne la valeur 256, soit 4.4.4.4 (bicarré de 4).
Curieux pour l'homme du 4/4/44, et la forme 261 peut se lire 4.4.4.4 + 5, compte tenu des deux possibilités ä-ae.
Je n'avais trouvé lors de mes premières recherches aucune mention de l'aspect remarquable du 4/4/44, or voici qu'une des rares pages (18 ce 12/12) répondant à la requête "theodor haemmerli" est un article d'un psy brésilien, où c'est l'orthographe Hämmerli qui est utilisée, et où figure cette phrase:
A data da recuperação de Jung é muito sugestiva, 4/4/44; o número quatro, símbolo da plenitude e da individuação é repetido por quatro vezes.
Soit "La date de l'entrée en convalescence de Jung est très significative, 4/4/44; le nombre 4, symbole de plénitude et d'individuation, est répété 4 fois."

J'ai abordé dans mon billet quatterine ma marotte du nombre d'or et des noms dorés.
JUNG = 52 et HAEMMERLI = 84 sont précisément des noms en rapport doré, m'évoquant une curiosité liée à mon intuition du 4/4/44 aux 4/5es de la vie de Jung, à l'aube du 8 septembre dernier.
Juste avant m'était d'abord venu le rappel fulgurant qu'un roman lu 25 ans plus tôt, Un monde transparent de Morris West (paru en avril 83), donnait faussement à Jung le même anniversaire que moi :

J'ai remarqué ici le passage de 4 à 5 (enfants), qui pourrait éventuellement être lié à mon intuition. Sur le coup, au matin du 8/9, avant de me décider à me lever pour chercher les dates de Jung et vérifier mon intuition, que je n'imaginais pas à ce point exacte, j'ai fait un parallèle entre cette erreur sur la date de naissance de Jung (né le 26 juillet), et une erreur sur la date de naissance d'Unica Zürn, née un 6 juillet, que mon amie Dominique de Liège avait placée 10 jours plus tard dans son article Unica Zürn, Bellmer et Perec.
Jung déplacé du 26 au 6, Zürn du 6 au 16, il y avait là un chiasme qui m'a poussé à calculer :
JUNG = 52
ZÜRN = 79 ou ZUERN = 84
C'est bien plus troublant aujourd'hui où j'ai appris le nom du docteur impliqué dans le chiasme du 4/4/44, Hämmerli-Haemmerli = 79-84, exactement équivalent dans ses deux formes à Zürn-Zuern.
J'avais privilégié la valeur 79 dans cette étude, car les 3 personnes concernées par l'article de D. de Liège, Unica Zürn, Hans Bellmer et Georges Perec, ont ainsi chacune un ensemble doré nom-prénom, exceptionnelle rencontre.
Or il y a aussi 3 personnes présentes sur la page 4/4/44 de la BD présentée dans mon avant-dernier billet :
JUNG = 52 = 13x4
EMMA = 32 = 8x4 ou
EMMA JUNG = 84 = 21x4
HAEMMERLI = 84 = 21x4
Les valeurs de ces noms correspondent à une suite additive d'or, 32-52-84, quadruples des termes 8-13-21 de la suite de Fibonacci, étroitement associée au nombre d'or.
A l'instar d'un terme de la suite de Fibonacci qui est la somme des deux termes qui le précèdent, le nom EMMA est contenu dans celui de HAEMMERLI, qui permet cette remarquable anagramme croisée :
H
EMMA
I
L
E
R
Der Heiler, c'est "le guérisseur", et Jung a confié à Barbara Hannah que la mort du médecin qui l'avait sauvé répondait au mythologème d'Esculape foudroyé par Zeus pour avoir ramené des patients d'au-delà du seuil de la mort. Zeus est encore le dieu du "ciel", Himmel en allemand, sa légitime étant Héra, et cette autre anagramme est séduisante :
HIMMEL
E
R
A
Note du 13/01/09: Honte à moi, j'avais oublié que Jung citait précisément Zeus (étymologie sanskrit Dyaus, "ciel") et Héra dans le récit de ses visions de 44 :
La vallée se terminait en un amphithéâtre antique (...) Et là, dans ce théâtre, se déroulait l'hieros gamos. Des danseurs et des danseuses apparurent et, sur une couche parée de fleurs, Zeus-père de l'univers et Hera consommaient l'hieros gamos, tel qu'il est décrit dans L'Iliade.

Nous connaissons 3 dates de l'épisode de 44:
- 11 février, fracture du pied de Jung;
- 4 avril, lever de Jung et alitement de Haemmerli;
- 30 juin, mort de Haemmerli.
Du 11 février au 4 avril il y a 53 jours, ce qui m'est extrêmement évocateur car il est question à la fois du 11 février (1943) et de la période de 53 jours dans mon étude précitée, où elle est déjà une coïncidence relatée par Bellmer, une expérience de mort au terme de 53 jours.
Du 4 avril au 30 juin il y a 87 jours, et le meilleur partage doré de 140 (53+87) est précisément 53-87, en nombres entiers.

Autre approche, en prenant en compte les intervalles entre les jours clés, 52 jours (JUNG = 52) et 86 jours (CARL JUNG = 34+52 = 86).

Dernière curiosité, la confrontation en 55 de
CARL JUNG = 34+52 = 86 avec
ARMIN HAEMMERLI = 55+84 = 139.
Chaque élément du premier nom est en rapport d'or avec l'élément correspondant du second. Il a été vu que 52 et 84 sont les quadruples de 13 et 21, termes de la suite de Fibonacci qui se poursuit précisément par 34 et 55, CARL et ARMIN...
Ainsi chacun des deux noms peut correspondre d'une certaine manière à un motif quintessentiel 1+4.

Bollingen

Je regrette depuis peu après mon premier billet de n'avoir pas connu alors le détail de la construction en 5 étapes de la Tour de Jung à Bollingen, 4 étapes tous les 4 ans de 1923 à 1935, et une dernière étape bien plus tard, parfaite illustration dans la maison de Jung du motif 4+1 dessiné par sa vie, 4 fois 6272 jours de sa naissance au 4/4/44, puis 6272 jours jusqu'à sa mort.
Je vais tenter de réparer cette omission ici, en commençant par donner les photos de l'édition Gallimard Témoins de Ma Vie, absentes de l'édition de poche.

1923
Première étape : construction d'une tour à Bollingen, au bord du lac de Zurich, sur un terrain acheté l'année précédente. Jung voulait d'abord construire une hutte primitive, mais dès le début des travaux le plan se modifia, et la hutte devint cette tour à deux étages.

1927
Seconde étape : d'abord satisfait de son cocon maternel, Jung eut peu à peu l'impression qu'il y manquait quelque chose, et il y ajouta 4 ans plus tard la construction centrale avec une annexe en forme de tour.

1931 et 1935
Troisième étape : après encore quatre ans, nouveau sentiment d'incomplétude, et l'appendice en forme de tour fut reconstruit en une véritable tour, où Jung aurait sa pièce réservée.
Quatrième étape : en 1935, Jung ressentit le besoin d'un espace extérieur clos, et il ajouta une cour et une loggia du côté du lac (il n'y a qu'une photo pour ces deux étapes)

Voici ce qu'il en dit :
Elles (cour et loggia) constituent la quatrième partie de l'ensemble, séparée des trois parties du complexe principal. Ainsi naquit une quaternité, quatre parties de construction différente et cela au cours de douze années.

J'observe qu'en ces 4 années 1923-27-31-35 Jung né en 1875 a eu respectivement 48, 52, 56 et 60 ans, toujours des multiples de 4. Mieux, la Tour a été commencée l'année de ses 48 ans, 4 fois 12, et parvenue au stade de quaternité celle de ses 60 ans, 5 fois 12. Ainsi la Tour en son état de 1935 peut-elle correspondre à une quintessence temporelle du Jung bâtisseur...
Je me suis demandé s'il s'était passé quelque chose de significatif 4 ans avant le début de la construction, soit en 1919, or Jung indique avoir élaboré de 1918 à 1920 son identification du Soi à la quaternité et au mandala, ce qui a alors représenté pour lui un aboutissement ultime qu'il ne pourrait dépasser.
En datant cette découverte en 1919, avec un peu de bonne volonté, il reste à constater que c'était l'année des 44 ans de Jung... Sinon, à un an près, c'est bien vers 44 ans que Carl Jung (comme disent les anglo-saxons, en 4 et 4 lettres) a découvert la quaternité, et c'est peut-être son propre processus d'individuation qui l'a mené ensuite à s'identifier à sa Tour construite en 4 fois 4 ans...

Quoi qu'il en soit, l'état de la Tour en 1935 ne demeurera pas définitif. Après la mort de sa femme en 55, Jung décide une nouvelle transformation, l'élévation d'une chambre au milieu de l'édifice:
On pourrait dire que j'ai construit la tour dans une sorte de rêve. Plus tard seulement, je vis ce qui était né et la forme pleine de sens qui en était résultée, un symbole de totalité psychique. Elle s'était développée comme une graine ancienne qui avait germé.
Jung s'exprime en allemand, où "la tour" (c'est moi qui ai souligné) est der TURM, et "le rêve" der TRAUM, les mêmes 4 lettres avec au centre un A, tête de l'alphabet et donc symbole de l'unité.

Je conseille d'aller voir le site C.G.Jung, où il y a d'autres photos de Bollingen et des autres lieux où a vécu Jung.
A signaler que Michel Cazenave a consacré un livre entier, L'expérience intérieure (1997), aux demeures de Jung, avec de nombreuses photos de Flora Boboli, notamment des pierres gravées par Jung.
La "pierre", STEIN en allemand, est l'anagramme de EINST, "jadis", et Jung vivait à Bollingen comme jadis, sans électricité ni eau courante.

4/4/44

Je voudrais revenir sur la découverte fondatrice de ce blog, à la lumière de nouvelles informations, trouvées notamment grâce à la consultation de Jung, sa vie et son oeuvre (de Barbara Hannah) et de la correspondance de Jung.
C'est donc le 11 février 44 que Jung se casse le péroné en tombant dans la neige. Son médecin juge que cet homme de 68 ans doit être hospitalisé, mais l'alitement forcé ne convient guère au toujours très actif Jung qui fait un infarctus une dizaine de jours plus tard.
Il doit probablement son salut à la présence dans la clinique du plus brillant cardiologue suisse, Theodor Haemmerli-Schindler. Alors que Jung est entre la vie et la mort, il fait un genre de NDE, se voyant planer dans l'espace et regarder de loin la terre, pas déçu de l'abandonner (il faut en lire le récit détaillé sur plusieurs pages dans Ma Vie).
Sur le point d'accéder aux suprêmes mystères, il rencontre son médecin dans sa forme première de "Basileus de Cos" (roi de Cos où naquit Hippocrate) qui lui transmet que la terre déplore son départ, et qu'il doit y retourner.
Alors commence une lente guérison, au cours de laquelle Jung s'inquiète du fait qu'il a rencontré la forme première de son médecin, ce qui signifierait qu'il est sur le point de mourir. Il essaie de l'avertir, mais le "docteur H" ne comprend pas.
Jung imagine que c'est une sorte d'échange, et que le docteur doit mourir à sa place :
Et en effet je fus son dernier malade. Le 4 avril 1944 - je sais encore exactement la date - je fus autorisé pour la première fois à m'asseoir sur le bord de mon lit et ce même jour, il se coucha pour ne plus se relever. Peu après, il mourut de septicémie.

Il existe une BD, Introducing Jung, où Maggie Hyde et Michael McGuinness présentent la vie et l'oeuvre de Jung, sans y oublier l'épisode de 44. GoogleBooks permet par chance d'accéder parmi peu de pages à l'épisode complet, dans l'édition espagnole de la BD, qu'on pourra consulter en cliquant sur ce dernier lien.
J'en extrais cette page particulièrement remarquable (cliquer sur l'image en appuyant simultanément sur Shift/Maj pour l'avoir en grand format dans une autre fenêtre), où on voit Jung sur son lit, sa femme Emma à son chevet, et le docteur Haemmerli affichant sa sérénité devant les hallucinations de son malade.
- Bien que ce ne soit pas explicite, la forme 4/4/44 répétée dans la page montre que les auteurs sont conscients de la particularité de cette date.
- La page montre 4 vignettes de même format, formant un rectangle presque carré, un mandala, se référant tous à la situation avant la date fatidique, et un 5e dessin montrant Jung se dressant hors de son lit le 4/4/44, lui faisant dire :
Ce jour (le 4/4/44), le docteur H prenait le lit pour ne plus se relever. Il mourrait peu de temps après, de septicémie.
- Cette page est foliotée 104 dans l'édition espagnole, soit un nombre comportant les chiffres 1 et 4.
Ceci m'a donné envie de réaliser ce petit montage où Jung redressé apparaît au centre des 4 autres vignettes, illustrant les 6272 jours vécus après ce 4/4/44, alors qu'il avait précédemment vécu 4x6272 jours, comme l'éclosion d'une chambre au centre de la maison de Bollingen, 5e étape d'une construction qui représentait Jung lui-même (sujet du prochain billet).

Barbara Hannah signale de multiples synchronicités dans l'entourage de Jung, lors de sa maladie de 44. Elle détaille un extraordinaire cas que j'invite à lire ou relire dans son livre.
Elle indique par ailleurs que Jung a pu quitter la clinique début juillet 44, or j'ai appris ici que Theodor Haemmerli est mort le 30 juin 44, ce qui peut suggérer que pendant ce second trimestre 44 les états de Jung et Haemmerli ont évolué en parfaite complémentarité. Un brin d'audace permettrait d'imaginer qu'à l'instant même où Theodor expirait Carl Gustav se voyait délivrer son bon de sortie...
S'estimant d'ailleurs responsable de la mort du médecin, Jung a enquêté et appris que ses proches avaient jugé Haemmerli en piètre santé avant qu'il eût affaire à ce patient particulier, ce qui a un peu rasséréné Jung.

La même page m'apprend que Theodor Haemmerli a été diplômé de l'université de Zurich le 26 juillet 1907, soit le jour du 32e anniversaire de Jung. Je parlerai dans un prochain billet de la coïncidence survenue à l'occasion de son 80e anniversaire avec Armin Haemmerli, frère de Theodor.

Selon Barbara Hannah :
Jung s'éteignit exactement à l'heure juste et sa mort fut un événement naturel (...)
Elle entend par là que la mort de Jung était bien plus acceptable en 61 qu'en 44, sans, je pense, avoir su que l'exceptionnel équilibre quintessentiel autour du 4/4/44 était subordonné au décès exactement le 6/6/61, sinon exactement à 16 h (quatre heures moins le quart de l'après-midi, précise-t-elle).

Je voudrais encore commenter un détail linguistique associé à la dernière image de la page "4/4/44" :
Il est fascinant que le verbe incorporar de l'expression incorporarse en su cama, "se redresser dans son lit", signifie également "s'incorporer". Un peu d'audace permet encore d'imaginer que c'est ce 4/4/44 que la force vitale hésitant entre les deux hommes a choisi le corps de Jung et abandonné celui de Haemmerli.
Ne disposant que d'un petit lexique espagnol, j'ai consulté le Wiktionnaire, mais ce formidable outil a encore de vastes lacunes, notamment pour l'espagnol. Ainsi il ne connaît que le portugais incorporar-se, dont le sens semble quelque peu différent de l'homonyme espagnol, et dont il est indiqué le synonyme aderir.
Tout jungien qui se respecte connaît la célèbre formule au frontispice de la maison de Jung à Küsnacht,
VOCATVS ATQVE NON VOCATVS DEVS ADERIT
"Appelé ou non, Dieu sera présent"
C'est évidemment ce verbe latin qui est à l'origine du portugais aderir. Il m'a semblé devoir l'ajouter au Wiktionnaire, et j'ai constaté ensuite que, sans calcul, je l'avais fait ce 14, à 14:41.