23.3.12

223 322

  Hier 22/3 a donc été diffusé aux USA le second épisode de Touch, 1+1=3. Je l'ai vu ce matin, anxieux d'y déceler des échos à La révolution des fourmis, de Bernard Werber, où le chapitre 223 est intitulé de même 1+1=3, et où il est question du nombre d'or, qui selon Touch serait le rapport essentiel gouvernant l'univers.
  Hier encore, Laurent m'a signalé que deux des principaux protagonistes, Martin Bohm le père de l'enfant prodige Jake, et Clea Hopkins l'assistante sociale qui veut le prendre en charge dans une institution spécialisée, avaient tous deux la valeur 113. Mon étude sur Werber contenait aussi diverses équivalences gématriques de l'équation fondamentale 1+1=3, notamment REVOLUTION = UN+UN+TROIS (=151).

  Le site de la FOX donne un résumé détaillé de l'épisode, qui se déroule le jour où Jake est âgé de 4165 jours, soit ce 22 mars.
  C'est encore une réalisation extrêmement soignée, sans le moindre temps mort, et il commence à se dessiner une cohérence sympathique : Jake, qui a un problème de communication avec son père, semble particulièrement réceptif aux problèmes père-enfant. Il y en avait deux cas dans le pilote, l'homme d'affaires anglais qui recherchait les dernières photos de sa fille morte et le gamin irakien contraint de se sacrifier pour offrir un four à son père, il y en a trois dans cet épisode:
- le prêteur sur gages Arnold Klepper désespéré par son cancer et l'absence de nouvelles de sa fille Rebecca;
- un gars venu d'Inde pour disperser les cendres de son père sur la pelouse du Yankee Stadium, selon ses dernières volontés;
- Pavel Andreev, jeune moscovite qui n'a aucun ami à cause de son père Yuri, patron d'un gang russe à New York;
- et en sus le chien Lyov perdu dans New York et un voyou cherchant une seconde chance...

  Jake va sentir comment ces problèmes se "touchent" et comment les résoudre au mieux. Si le nombre unissant tous ces personnages est 5296, il y a quelques résurgences du 318 du pilote avec la boutique de Klepper au 318 Fordham St, et une scène où Jake agence des flocons de popcorn. Clea y cherche d'abord un sens numérique avant d'y reconnaître une tête souriante, mais je ne crois pas que les 31 flocons du cercle et les 8 centraux soient un hasard.
  Précisément, il m'était venu après l'écriture du dernier billet que, si 318 y représentait le 3/18, le 18 mars à l'anglaise, il pouvait aussi pour nous correspondre au 31/8, date essentielle pour moi, notamment par son équivalence dans le calendrier pataphysique au 21/13.
  J'ai écrit plusieurs billets à cette date, le dernier développant les valeurs 64-83 correspondant aux auteurs Halter-Sinoué, entre lesquels j'ai vu le 31/8/8 un parallèle maintes fois commenté.
  Les valeurs du prêteur sur gages du 318 Fordham St, ARNOLD KLEPPER, sont 64-83.
  Incidemment, c'est donc Laurent qui m'a fait connaître Touch, Laurent qui a été l'élève de mon cousin Romain Souverbie aux Beaux-Arts de Dijon, et c'est son ami Arnaud, autre ancien élève de Romain, qui l'a aiguillé vers mes pages.
  Dans ce billet, j'etudiais la prédominance chez Fred Vargas des criminels prénommés ROLAND-ARNOLD-LORAND, ou d'autres formes de ces anagrammes.

  Retour à l'épisode 1+1=3, où Martin Bohm se rend au Teller Institute, 318 Tesla St, où Arthur lui montre un livre, lui demandant ce qu'il y voit, "Des nombres" répond Martin, et Arthur lui explique que pour Jake ces nombres représentent tout l'univers et ses interconnexions.
  On ne voit que deux pages du livre, et un titre incomplet:
Nature's Ratios: The Life And Work of Leonardo (...)
soit Les proportions de la nature : la vie et l'oeuvre de Leonardo... Il s'agit vraisemblablement de Leonardo Fibonacci, et il suffit de vérifier sur une table des nombres de Fibonacci qu'il s'agit bien des nombres en question. La page de gauche donnait les Fibos d'ordre 1 à 133, celle-ci en donne une quarantaine, je doute qu'il y en ait une suivante car le titre est inconnu de la toile et le "livre" se limite probablement à ces deux seules pages.
  Ce qui attire mon attention est le premier Fibo occupant une ligne entière, le nombre de 30 chiffres
212207101440105399533740733471
  J'ignore si ceci a résulté d'une volonté délibérée, mais ce 142e Fibo débute par 212, l'area code de Manhattan qui avait permis à Martin de reconnaître un numéro de téléphone dans une série de chiffres notés par Jake.
  Je suis depuis longtemps intéressé par la suite de type Fibo 131-212-343-555-898, mais j'ignorais que dans la vraie suite Fibo ces chiffres apparaissaient en tête aussi tôt, et je remarque que de plus le 144e Fibo débute par 5555, la valeur du sonnet Prisme qui m'a inspiré l'anagramme Mispar en 5 tercets de valeur 1111.
  La table précitée donne les facteurs des Fibos, et j'ai noté parmi les facteurs de ce F144 le nombre 103681 qui me rappelle le numéro 103683 de la fourmi de Werber dont j'avais découvert diverses propriétés, la possibilité d'une permutation logique des premières décimales du nombre d'or Phi (1.618033), et la proximité avec le 24e nombre de Lucas, 103682.
  La suite de Lucas se déduit facilement de la suite de Fibonacci, le Lucas d'ordre n s'obtenant par
Ln = Fn-1 + Fn+1
  La succession 103681 (permutation des 6 premiers chiffres de Phi) - 103682 - 103683 m'a fait m'intéresser au nombre suivant 103684, qui n'est autre que le carré de 322, soit L12, selon une relation propre à la suite de Lucas que j'avais oubliée,
L2n = Ln 2 ± 2 (alternativement + ou − 2), ou
L4n = L2n 2 − 2
  Ainsi Werber a choisi par hasard (du moins c'est ce qu'il m'a dit) pour son héroïne un nombre qui non seulement est une permutation des premières décimales de Phi, mais qui est lié à une propriété remarquable d'une suite liée à Phi (Ln tend vers Phin quand n croît).
  Et c'est grâce à l'épisode 1+1=3, relation également appréciée de Werber et titre de sa section 223, que je découvre cette relation, épisode diffusé le 22 mars, soit le 3/22 aux USA, alors donc que 103682 = 3222 − 2, et que le 12e Lucas 322 = 182 − 2
  Incidemment, le nombre 322 est supposé emblématique de la prétendue société secrète Skull and Bones, parce qu'il s'agirait du rang du jour de sa fondation dans l'année, le 18/11 (ou 11/18) qui est encore le jour le plus Lucas de l'année (11 et 18 sont les 5e et 6e Lucas).

  J'énonçais dans le dernier billet que les références à la suite de Fibonacci étaient probablement un effet de mode, mais je n'avais pas alors repéré ce qui pourrait donc être une thématique essentielle de la série, la relation père-enfant, or l'étymologie de Fibonacci serait précisément filius bonus, "bon fils".
  L'expression good son est employée à plusieurs reprises dans l'épisode par Rebecca, pour féliciter le jeune hindou de tant se préoccuper de son père, alors qu'elle a rompu le contact avec son père Arnold.
  La requête Fibonacci "filius bonus" ne donne qu'un seul résultat ce 23 mars, et c'est un article daté du 18.3.11, le 3/18 ayant précédé le premier exploit de Jake. L' article est intitulé Can Plants Count? (les plantes comptent-elles ?), et son seul exemple explicité concerne les 8 et 13 spirales de la pomme de pin !
  Le chien Lyov a un rôle essentiel dans l'histoire. Expédié en cadeau de New York par Yuri à son fils Pavel à Moscou, il est convoyé par Rebecca et passe entre les mains de Martin bagagiste à l'aéroport. Mais le chien s'enfuit, et empêche Rebecca de prendre l'avion en ce jour où le père avec qui elle a perdu contact a décidé de mourir.
  Ceci lui permet aussi d'accompagner le jeune hindou au Yankee Stadium, où apparaît Lyov. Elle part à sa poursuite...
... et le rejoint sur le pont où Martin essaie d'empêcher son père de se suicider.
  Il faut rappeler qu'en anglais DOG est le renversement de GOD, "dieu", ce qui donne souvent lieu à des jeux divers, notamment dans L'adversaire d'Ellery Queen, où le chien Bub (pour Beelzebub) porte pour cette raison un nom de démon, palindrome de plus.
  Je suis abasourdi par le nom du chien, Lyov, après avoir découvert sa signification, "lion", autre forme slave des mots lev ou lvev (лев ou львев). Mon billet Babel et la bête contait comment différents avatars du lion m'avaient conduit aux formes Wewel et Sisak, qui sont aussi les noms des deux seuls châteaux triangulaires d'Europe, superposés en Sceau de Salomon dans le billet suivant:

  Je renvoie à ces billets pour plus de détails, en rappelant l'essentiel, le codage atbash SSK donné pour BBL, Babel, par Jérémie.
  LYOV remet ceci au premier plan, alors que le code de Manhattan 212 du pilote de Touch m'avait évoqué BAB et Babel, en rapport avec Perec et Auster; que ceci ait été voulu ou non, le fait est que, en voyant les nombres de la page du livre montrée plus haut, j'y ai aussitôt remarqué les chiffres 212 débutant la 5e ligne.
  Je n'imagine pas que les scénaristes aient pu penser à un lien Lyov-212 via Babel, mais il y a plus ahurissant encore. Le maître mot de l'affaire Babel me semble être le retournement, à de multiples niveaux, or LYOV se renverse en VOYL, un mot éminemment évocateur pour les lecteurs de Perec.
  Le premier disparu de La Disparition est Anton Voyl, dont le nom est dérivé de "voyelle", sans E bien sûr, interdit par la contrainte lipogrammatique du roman; le mot laisse aussi entendre "voile", celui qui drape ce mystère d'une damnation qui frappe les Mavrokhordatos. Les femmes y accouchent de sextuplés, tous amenés à disparaître quels que soient les efforts pour les disperser et les cacher.
  Les initiales des jumeaux peuvent faire soupçonner une correspondance avec les 6 voyelles... Au-delà de l'aspect ludique du roman, on peut supposer diverses allusions aux pogroms, à l'alphabet hébraïque uniquement composé de consonnes.
Je passe sur ces exégèses déjà largement connues, le mot LYOV révélant une curieuse coïncidence en pensant au premier éditeur du roman, DeNOEL. Le jeu Noël-Léon est bien connu (Noël a trop par rapport à Léon), et "léon" est une forme de "lion", ainsi le livre "de Noël" est bien l'histoire "de Voyl", peut-être enfin "dévoilée"...
  La publication de l'histoire d'Anton Voyl aux éditions Denoël était déjà en elle-même une curiosité, car l'éditeur mystérieusement assassiné en 1945 légua sa maison à sa maîtresse Jeanne Loviton. Sans E, Ann Loviton serait pratiquement l'anagramme d'Annton Voil... Et Jeanne Loviton était aussi écrivain, sous le nom en partie anagrammatique de Jean Voilier...

  Il est encore renversant que le nom de la fille d'Arnold Klepper soit Rebecca, avec les circonstances de leurs retrouvailles déjà décrites, le dog-god Lyov-Voyl la menant du Yankee Stadium devenu la tombe du papa hindou d'un "bon fils" au viaduc où son père tente de se suicider...
Selon un jeu relativement connu, Rebecca s'écrit en hébreu RBQH, se renversant en HQBR, ha-qebher, "la tombe". Là il n'y a rien d'impossible à ce que le scénariste Tim Kring ait connu ce jeu, car d'une part il est juif, d'autre part il est particulièrement bien placé pour tout savoir du prénom Rebecca qui est celui de sa soeur jumelle.
  Il y a néanmoins encore un écho fantastique avec mon billet Disparitions (!) qui m'amenait en mai dernier à mentionner ce jeu hébreu RBQH-HQBR, en relation avec le jeu LEBON-NOBEL.

  Je suppose que le nombre 5296 qu'on retrouve au moins 5 fois dans le film (téléphone Arnie, code d'une porte, numéro d'une batte, adresse à Moscou, chambre d'hôpital, et j'ai dû en louper) n'a pas de signification voulue, et qu'il résulte du hasard de l'attribution d'un numéro de téléphone réel acheté pour les besoins de la production. Il n'en allait pas de même pour 318 dans le pilote, bien que je n'en devine pas la motivation (peut-être la FOX avait-elle originellement prévu de diffuser le pilote le 18 mars).
  Il est de toute manière fabuleux que la somme de ces deux nombres soit 5614, nombre significatif pour moi mais aussi en rapport avec Fibonacci le "bon fils".
  C'est de plus la BD L'effet Babel qui m'a mené à découvrir le mot infini de Fibonacci, correspondant dans l'encyclopédie en ligne de Neil Sloane à la suite A005614.
  Je donne ici les détails de cette ébouriffante affaire, qui m'a notamment fait songer à l'indicatif téléphonique 555 des fictions US : un ami avait envoyé un commentaire sur la suite 5614 le 6/7/2005, mon 55e anniversaire; comme j'ai découvert ceci quelques jours avant le 6/7/10, 5 ans plus tard, j'ai proposé ce jour un commentaire à propos des palindromes aux différents stades de ce mot infini, commentaire qui fut accepté par le responsable du site et daté du 6/7/10 désiré.

Note du 29/6/14 (hélas pas du 5/6/14) : relisant ce billet, il me saute aux yeux que 5614 est le renversement de 4165, l'âge en jours de Jake le 22 mars 2012 où se passe cet épisode, ce qui peut faire sens sans passer par les préoccupations perso, puisque 5614 est la somme des deux nombres clés des deux premiers épisodes, 318+5296.

  Ce nombre 5614 m'avait amené ensuite au roi Ezéchias, de valeur en hébreu 136, correspondant à Jung-Haemmerli. Werber m'avait fait calculer la somme gématrique
UN + UN + TROIS = 35 + 35 + 81 = 151
et Tim Kring m'amène à l'anglais
ONE plus ONE = 34 + 68 + 34 = 136
  L'équation complète donne
ONE plus ONE is THREE = 136 + 84 = 220
correspondant aux Fibos 21-34-55 multipliés par 4.

  J'ai démarré ce billet en lui donnant le titre provisoire 223 322, pour le 22 mars à la française (22/3) et à l'anglaise (3/22), en pensant aussi au nombre de Lucas 322, et ce 26 mars un nouveau regard sur l'atbash dans le chapitre 51 de Jérémie me fait prendre conscience que 2-2-3 et 3-2-2 correspondent aux "petits nombres" (mispar qatan) des mots hébreux BBL et LBB, "Babel" et "coeur".
  L'utilisation du codage atbash est aujourd'hui admise par tous les biblistes, et la plupart des Bibles l'indiquent dans les notes de ce chapitre 51.
  Les raisons de ces codages sont moins claires, puisqu'ils ne cachent rien, les mots codés, Babel et Chaldée, étant aussi présents en clair. J'ai émis l'hypothèse que le rédacteur avait pu vouloir souligner deux particularités linguistiques :
- les mots BBL et BL (Bel dieu de Babel) sont les renversements des deux formes du mot "coeur" en hébreu, LB et LBB;
- les deux lettres composant ces noms, LB, deviennent par un autre type de renversement, l'écriture dans l'alphabet inversé, les deux premières lettres de "Chaldée", synonyme de Babel.

  L'exergue de La révolution des fourmis est
1+1=3
du moins je l'espère de tout mon coeur.

18.3.12

Beauté en Touch

Laurent m'a signalé le pilote de la nouvelle série de Tim Kring, Touch, diffusé le 25 janvier 2012 aux USA.
Je l'ai regardé le 23/2, et le moins qu'on puisse dire est que la réalisation est d'une rare qualité, pouvant faire oublier les facilités du scénario.
Au plus bref (résumé détaillé en anglais ici), Martin Bohm (Kiefer Sutherland) était reporter international lorsque sa femme est morte au World Trade Center le 11 Septembre. Il a dû abandonner son job pour rester près de son fils Jake, autiste, maintenant âgé de 11 ans en 2012.
Jake est amateur de téléphones cellulaires, de spirales fibonacciennes et de nombres dont il remplit des cahiers. Depuis 3 semaines, il fait des fugues le conduisant à 3:18 en haut d'une tour relais de téléphonie. Arrive le 3/18, 18 mars 2012, où Martin se rend compte que les gribouillis de Jake témoignent d'aptitudes prophétiques et qu'il va se passer quelque chose ce 3/18 à 3:18.
Un numéro de téléphone décodé dans une spirale de Jake semble essentiel, et Martin voit qu'il correspond à une cabine de la gare Grand Central, où il se rue sur un individu qui occupe la cabine à 3:18. Il s'agit précisément d'un type avec qui il a eu une altercation la veille, parce que Jake lui avait dérobé un billet de loterie qu'il n'a accepté de rendre qu'après avoir noté les numéros joués, ainsi que le numéro 318 d'un bus scolaire également tatoué sur les doigts du type, et ce sont ces numéros qui permettent à Martin de comprendre les capacités de son fils, lorsqu'il apprend qu'il s'agit du tirage gagnant, alors qu'à 3:18 dans la nuit tous les téléphones de Jake affichaient un appel formé des 6 numéros concernés.
L'altercation entre Martin et l'individu conduit la police à intervenir, et Martin ne comprend que plus tard comment l'incident a été providentiel à de multiples niveaux :
- L'homme, Randy Meade, était un pompier de la brigade 318 qui avait failli sauver la femme de Martin, qu'il avait trouvée grièvement blessée au 87e étage du WTC, et portée 31 étages sans pouvoir aller plus loin. Cet échec l'avait miné, et il végétait depuis en jouant compulsivement chaque semaine les numéros liés à l'événement, 09-11-20-01-87-31. Le gain du gros lot lui a donné le courage de téléphoner à Martin pour l'informer des derniers instants de sa femme, et il était en train de parler à son répondeur à 3:18 lorsque Martin l'a agressé...
- L'algarade a empêché Meade de prendre son train, et ce retard providentiel lui permet de secourir le bus scolaire 318 en feu, et de sauver 25 enfants.
- De façon plus complexe, liée à un téléphone passé entre les mains de Martin la veille à 3:18 et à l'opératrice Kayla Graham de Dublin, un attentat est évité à Bagdad à 3:18, un homme d'affaires anglais récupère les seules photos qu'il avait de sa fille morte le 3/18 précédent, et une vidéo où Kayla chante en amateur est plébiscitée sur YouTube... On la voit ici sortir de l'hôtel Crowley pour prendre le taxi 31829. Il y a bien un hôtel Crowley à Dublin, comme une rue Tesla dans le Bronx, dont le numéro 318 abrite l'imaginaire Teller Institute, spécialisé dans les autistes fibonacciens tel Jake, mais le scénario utilise habilement les noms avec de multiples clins d'oeil : David Bohm, Edward Teller, Nikola Tesla sont des physiciens "zarbi", Aleister Crowley l'occultiste notamment auteur du Liber 813; Jake Bohm pourrait faire allusion à Jakob Böhme, mystique allemand qui connut en 1600 une illumination qu'il tenta ensuite de transmettre dans de multiples écrits.

J'ai été attentif à ce 318 ou 3/18 qui me rappelle d'abord le nombre 813 que je lis aussi 8/13, soit le 13 aout. J'ai de multiples pages consacrées aux coïncidences 813, mais ce qui m'a le plus marqué dans l'épisode est le numéro de la cabine de Grand Central, que Martin décode dans le cahier de Jake.
Par-dessus des milliers de chiffres au crayon, Jake avait copié en gras les nombres 318 et 87-1-9-20-31-11 lors de la première rencontre avec Meade, à partir desquels il a développé une spirale de chiffres parmi lesquels certains sont entourés et reliés.
Martin les relève en commençant par le dernier, 1653069212, puis repère en 212 un indicatif téléphonique de New York, et comprend qu'il s'agit du numéro 212-960-3561.

J'avais un motif personnel de réagir au retournement de 1653 en 3561, car le 12 janvier dernier j'ai vu un lien possible entre les nombres gouvernant le texte Zazipo de l'année, 35-61-35-61-5757 : la somme des nombres de 1 à 57 est 1653, renversement de 35-61. Ceci m'a donné l'idée d'une 8e récriture du texte de Harry Mathews, dont j'avais proposé une version basée sur Fibonacci, inspirée par le fait que les nombres de lettres des phrases 3 et 4 étaient en rapport d'or.
The ratio is always the same, 1 to 1.618... "Le rapport est toujours le même, 1.618 (...)" (le nombre d'or) : ainsi débute le générique de Touch, montrant ce qui se passe dans la tête de Jake.
Les initiales de Harry Mathews H-M correspondent à 8-13, bien venues pour cet auteur nouillorquais dont les oeuvres sont répertoriées à la cote 813 selon la classification Dewey, en usage dans la plupart des bibliothèques.
Curieusement, Laurent avait reçu en supplément cadeau d'une commande de 4 livres Cigarettes, de Mathews, sans rapport absolu avec sa commande, le seul autre pur Mathews en ma possession, avec Conversions, évoqué récemment pour ses pages de garde où un précédent lecteur avait noté une addition dont le résultat était 1920, correspondant à 4 fois 480 et 16 fois 120. Mes différentes récritures respectaient les 120 mots et 4 phrases de l'alinéa de Sainte Catherine, et l'une utilisait les seules lettres notes CEFA (3-5-6-1) et leurs correspondances dans l'alphabet musical étendu, avec 480 lettres de valeur totale 1920 après réduction en CEFA. Les numéros de loterie gagnants, tels qu'ils ont été notés par Jake, font apparaître la séquence 1 9 20.

Si je n'ai jamais imaginé que les relations vues dans l'alinéa aient été voulues par Mathews, du moins ne mettais-je pas en doute la réalité du texte, jusqu'à ce 14 mars où j'ai regardé une vidéo récemment mise en ligne, où Mathews révèle que Sainte Catherine est un texte produit à partir de la quatrine, permutation réglée de 4 éléments, sans donner davantage de détails sur sa composition, et en lit un long extrait :

C'est au temps 9:19 que débute l'alinéa, et j'y ai remarqué un mot surnuméraire (la petite pluie persistante) dans la 3e phrase.
Le début du texte est aussi donné sur le site P-O-L (antépénultième alinéa), et montre une autre erreur, toujours dans la 3e phrase qui s'achève sur le gris du soir (et non les gris du soir).

C'est donc un texte inédit qui a été proposé cette année par Zazipo, à 99% environ de Mathews, ayant cependant inspiré à ce jour 200 récritures (qui n'ont été dépassées que par le texte de Roubaud de 2005, lequel bénéficie d'un effet cumulatif car certaines récritures utilisent des textes antérieurs). Je repense au génie de Bellmer, qui ne chante de tout cœur que la gloire de l'improbable, de l'erreur et du hasard.
Sans ces erreurs de recopie, je n'aurais vraisemblablement guère été inspiré par l'alinéa, et l'écoute du texte comme sa lecture me laissent assez dubitatif quant aux vertus de la quatrine mathewsienne...

Sans ces erreurs donc, je n'aurais eu aucune raison d'établir en janvier un rapport entre les nombres 1653 et 3561, et leur apparition dans un numéro de téléphone le même mois est également insolite en elle-même car une règle régit ces numéros dans les fictions, où ils doivent être de la forme XXX-555-01XX. Mais le préfixe 555 devient lassant à la longue, et pour faire "vrai" on achète parfois des numéros non fictifs à des opérateurs (numéros souvent non fonctionnels, comme 212-960-3561, mais qui peuvent aussi être utilisés pour des opérations de marketing).
Ici le numéro se décompose en 212, area code de Manhattan, 960, préfixe géré par l'opérateur de téléphonie Verizon, et 3561 vraisemblablement fourni au hasard par Verizon.

Cette coïncidence, bien qu'éminemment personnelle, me paraissait justifier un billet, et voici qu'il s'y superpose deux autres coïncidences "1653", que j'aborde dans l'ordre où elles se sont révélées.

Le 1er mars est survenu un événement pour les amateurs de Perec, la parution de son roman de jeunesse Le Condottière (1960), alors refusé par divers éditeurs.
Peut-être pas sans raison, car c'est un texte plutôt décevant, que les fanatiques de Perec ne peuvent cependant manquer car on y trouve ébauchés plusieurs thèmes ultérieurs, notamment celui de la vengeance inexpliquée de Gaspard Winckler à l'encontre de Bartlebooth dans La Vie mode d'emploi.
Le personnage central du Condottière est d'ailleurs aussi nommé Gaspard Winckler, les motifs pour lesquels il tue son employeur Madera étant plus explicites.
Il semble que l'acte soit lié à un coup de téléphone que ce Gaspard donne en pleine nuit à son ancienne amie Geneviève, rue d'Assas, auquel elle ne répond pas. Plusieurs pages sont consacrées à cet appel, 16 à 18 mois (répétés) après sa rupture avec Geneviève, avec des commentaires sur les millions de kilomètres de câbles tissant autour de la terre la toile rassérénante d'une délivrance possible (des bribes de cette phrase apparaissent en leitmotiv au long du récit).
Le numéro est donné en clair page 76, B-A-B-1-5-6-3. Si j'ai reconnu aussitôt dans les 4 chiffres un arrangement de 1653 ou 3651, je n'y ai accordé une réelle importance qu'après m'être avisé que B-A-B correspond à l'ancien central téléphonique BABylone, et gématriquement à 2-1-2, l'indicatif téléphonique de Manhattan qui n'a pas été choisi par hasard en 1947, car c'était alors la combinaison la plus rapide à composer sur un téléphone à cadran rotatif.
Parmi mes multiples élucubrations, j'ai développé ici qu'il pouvait apparaître des préfigurations du 11 Septembre dans Cité de verre de Paul Auster (1985), où un professeur a assimilé New York à Babel, et prédit sa destruction en 1960 (l'année où Perec a fini Le Condottière), 340 ans après l'arrivée du Mayflower (calcul vraisemblablement fondé sur la destruction de la tour de Babel 340 ans après le Déluge selon la tradition juive). Un détective est engagé pour suivre le professeur après sa sortie de l'asile, en 1982, et après 13 jours de déambulations dans Manhattan il découvre que les promenades du fou correspondent chaque jour à une lettre, épelant jusqu'ici THE TOWER OF BAB...
J'ignorais alors que l'indicatif principal de Manhattan était 212, pouvant donc correspondre à BAB.
Incidemment, j'ai découvert un commentaire peu complaisant de Touch, où Cory Barker voit sa construction éclatée et son idée d'interconnexion planétaire inspirées par Babel, le film d'Iñárritu (2006), dont cette affiche peut d'ailleurs être rapprochée de celle de Touch...
En croisant Babel tower 212, j'ai découvert ici que certains évaluaient la hauteur de la tour de Babel à 212 m ! En cherchant un peu plus avant, il semble que ce résultat soit tiré de l'Apocalypse de Baruch, donnant la tour haute de 463 coudées (212 m implique le choix d'une coudée de 0.4578 m, comme l'évalue aujourd'hui Google, mais la coudée ancienne était fort variable).
Pour revenir à Perec, le délai de 16 à 18 mois me semble pouvoir être une allusion au nombre d'or, de même que le rendez-vous à 16:18 au chapitre 31 de La Vie mode d'emploi. Il est en tout cas précisé quelques pages plus tôt (page 57) que Winckler connaissait les lois du Nombre d'Or (qui apparaissait fort rarement dans les fictions de cette époque).
Si c'est plus courant aujourd'hui, il est à souligner que Touch débute par la mention du nombre d'or 1.618, et que le noeud de l'épisode est l'algarade entre M. Bohm et R. Meade autour du téléphone de numéro 212-960-1653, très proche de celui du roman de 1960, BAB 1563. S'il est difficile d'apprécier l'importance exacte de l'appel, il est assez clair que Gaspard n'aurait pas assassiné Madera (une anagramme indiquait Perec dans une lettre à Jacques Lederer), du moins pas dans l'immédiat, si la rue d'Assas avait répondu.

Voilà pour Perec, en rappelant qu'Auster est un grand lecteur et commentateur de Perec.
En préparant ce billet, j'ai cherché dans ma boîte mèl les courriers où j'avais mentionné "1653", pour retrouver quand exactement j'avais opéré le rapprochement avec 35-61. Le 12 janvier donc, mais j'ai eu la surprise de retrouver aussi une série de mèls échangés avec Gef en avril 10.
Nous avions alors fait quelques recherches sur les anagrammes dorées, particulièrement sur les palindromes, et 1653-3561 faisait partie de l'unique succession de 4 nombres de 4 chiffres en rapport d'or dont les renversements étaient aussi en rapport d'or, soit :
0631-1022-1653-2675 et
1360-2201-3561-5762.
(si on refuse 0631 débutant par un 0, la triade 1022-1653-2675 est la plus basse des trois triades dorées de ce type)
On pourra vérifier que, par exemple,
2675/1653 ≈ 5762/3561 ≈ 1.618... ≈ φ
Quoi qu'il en soit, je ne voyais guère la pertinence du nombre d'or et des suites de Fibonacci dans Touch, résultant probablement d'un effet de mode (cf la série Fringe également produite par la FOX, et de multiples autres occurrences), et voici que l'inversion 1653-3561 fait écho à une propriété unique liée au nombre d'or, avec les sections 1022-2201 qui sont des anagrammes de 2012, l'année où commence Touch, jouant peut-être avec les prédictions apocalyptiques bien connues.
Les nombres de 4 chiffres offrent des propriétés pouvant évoquer le 9/11 :
- la différence abcd - dcba est toujours divisible par 9;
- la somme abcd + dcba est toujours divisible par 11.
Lorsque j'avais étudié les paires de nombres de 4 chiffres répondant à la relation cherchée, je m'étais avisé que les différences abcd - dcba étaient presque toujours des multiples des nombres de la suite de type Fibonacci comportant la séquence palindrome à 3 chiffres 131-212-343-555-898, ce qui ne me semblait pas un hasard. De fait, la différence
3561 - 1653 = 1908 = 9 x 212, l'indicatif qui fait comprendre à Martin que 1653069212 est un numéro téléphonique renversé !

Je connais bien la séquence palindrome à 3 chiffres, l'ensemble de la fresque...qui apparaît notamment presque exactement dans un épisode de Numb3rs commenté ici, où une suite de type Fibonacci a pour nombre suivant le numéro 555-0164.
J'en avais parlé à Laurent avant de redécouvrir le travail d'avril 10, parce qu'un numéro de téléphone fictionnel de Manhattan devrait normalement débuter par 212-555.
J'avais envisagé en avril 10 d'utiliser certains résultats pour des textes à contrainte, ce qui ne s'est pas fait. J'avais évidemment totalement oublié la propriété des nombres 1653-3561 lorsque j'ai découvert la répétition des nombres 35-61 dans le pseudo-texte de Mathews.

Je conçois que tout ceci peut sembler assez fou, et je limite mes commentaires sur cette recherche numérique que j'ai néanmoins pu faire partager à Gef, chercheur en astrophysique au CNRS.
Je souligne que des scénarios plutôt rudimentaires, pour être gentil, celui de Numb3rs et celui de Touch ayant en commun de donner à deviner un numéro de téléphone à partir de Fibonacci et de spirale (une page du cahier de Jake est couverte de milliers de chiffres 0-1-2-3-5-8, les nombres de Fibonacci à un chiffre), aboutissent à de réelles curiosités numériques que je n'imagine guère avoir été connues des scénaristes. Un lien est d'ailleurs possible car le début de l'épisode montre les pensées de Jake grimpé sur le relais le 17 mars, calculant qu'il est né 4161 jours plus tôt le 26 octobre 2000. Or ceci ne sera vrai que le lendemain 3/18, et la veille il est âgé de 4160 jours, anagramme du 0164 de Numb3rs.

Je vais terminer par de brefs échos à l'épisode de Touch.

Le 18 mars m'est évocateur pour une coïncidence détaillée ici : c'est le 18 mars 2005 que j'ai appris la valeur de l'angle de cosinus 1/phi, 51.83°, alors que je venais d'écrire un texte sur l'anagramme d'Arsène Lupin dont j'avais affublée un personnage de mon roman, IRENE LAPNUS, 51-83 correspondant au partage doré idéal de 134, ce dont je n'avais alors aucune idée. Je m'aperçus que la date du jour pouvait s'écrire 18/3/5, anagramme de 51.83.
4 ans plus tôt, le 18 mars 2001, je participais à une séance de signatures avec JiBé Pouy pour ce roman au Salon du Livre.
Une fois les fautes corrigées, la gématrie du réel alinéa de Mathews est 5813.

En janvier, Paul Gayot alias J. Barine m'a envoyé son dernier livre. Si son héros Gibbey n'avait enquêté jusqu'ici que dans des nouvelles, Virus IHS est un court roman exploitant une idée amusante, un virus contaminant toute l'humanité, chacun devenant Jésus, jusqu'à mourir sur la croix et ressusciter le troisième jour...
Ceci m'a rappelé que certains Pères de l'Eglise avaient imaginé que le monogramme christique IHS apparaissait déjà dans l'Ancien Testament, avec notamment les 318 hommes d'Abraham qui le secondent dans une bataille décisive (Gn 14,14); 318 est la valeur des lettres IHS en hébreu.
Je présume que Virus IHS a été écrit en l'an 138 de l'ère pataphysique, où s'est produite la prodigieuse coïncidence 813 relatée ici, dont Paul a été l'un des premiers à être informé.

Il me souvient aussi que dans Les ailes du désir, Damiel et Cassiel discutent dans un parking, installés dans une voiture, avec derrière eux une BMW dont on lit clairement l'immatriculation, 318 (cette scène est à peu près correspondante de celle du remake City of angels où Seth et Cassiel se trouvent au sommet de l'immeuble 444, nombre angélique selon le réalisateur).

La pierre de Bollingen m'avait amené dès le début de ma "révélation" jungienne à un parallèle entre B-A-B et 2-1-2, symboles de quintessence, en rapport avec Babel, renversement du coeur en hébreu, lebab. Je reste baba devant le processus logique qui a attribué l'indicatif 212 à New York, décrétant ainsi qu'il s'agissait plutôt que Washington du centre, du coeur des USA, et donc du monde puisqu'après la victoire de 1945 les USA confirmaient leur statut de leadership mondial. Les terroristes ne s'y sont pas trompés en prenant pour objectif l'orgueilleux World Trade Center.

Le prochain épisode de Touch, qui sera diffusé le 22/3 aux USA, est intitulé 1+1=3, ce qui constitue une formule essentielle du roman de Werber La révolution des fourmis, non traduit en anglais, de structure palindrome détaillée ici. C'en est d'ailleurs le titre du chapitre 223, symétrique du chapitre 23, Trois concepts exotiques.
Ci-dessus une application de PhiMatrix montrant que la fourmi serait dorée, sur laquelle j'ai ajouté le numéro de l'héroïne de Werber 103 683e, faisant apparaître les 6 premières décimales de Phi .618033, ce qui semble un hasard bien que Werber mentionne souvent le nombre d'or dans ses textes.

Mon obsession numérique récente était les OMSOS, ou carrés magiques composés de carrés. J'ai eu la curiosité de soumettre les constantes 1653 et 3561 à mon programme, qui découvre dans chaque cas 4 OMSOS d'ordre 4.
On appréciera peut-être mieux ce résultat sachant que mon programme détermine d'abord les séries de 16 nombres différents (0 inclus) composées de 4 groupes de 4 carrés donnant la constante, il en trouve 1953 pour 1653 et 382567 pour 3561; malgré cette énorme différence le nombre final d'OMSOS est identique.

Je ne publie bien évidemment pas ce billet le 18/3 par hasard, pas plus que le précédent le 16, 104e (8x13) anniversaire de Daumal, mais j'avais une arrière-pensée avec ces dates 16-18-03 qui correspondent aux premiers chiffres de Phi, 1.61803..., ainsi qu'aux rangs des consonnes de PeReC, disparu voici 30 ans.

16.3.12

Nathaniel

A Laurent

René Daumal, alias Nathaniel pour ses phrères, né le 16 mars 1908, aurait aujourd'hui 104 ans, s'il n'était mort le 21 mai 1944, laissant inachevé un roman essentiel, Le Mont Analogue.
Cette photo a été prise une semaine avant sa mort, le 14 mai, par son ami Luc Dietrich qui mourrait lui-même trois mois plus tard des suites des bombardements de Saint-Lô.

J'apprécie énormément Le Mont Analogue, roman initiatique plein d'humour, que je n'ai pas rouvert depuis ma découverte du schéma 4-1 dans la vie de Jung autour du 4/4/44, et je suis abasourdi par les possibles parallèles, factuels comme temporels.
Le Mont Analogue devait comporter 7 chapitres, mais Daumal n'a pu en achever que les 4 premiers chapitres. Le 5e chapitre était en bonne voie en avril 44, mais il a dû déposer la plume au milieu d'une phrase, et n'a pu la reprendre.
En avril 44 Jung commençait à récupérer après 2 mois entre la vie et la mort où il s'était notamment vu dans son délire quitter la terre, et rencontrer dans l'espace un immense roc dans lequel était bâti un temple. Carl savait que derrière le seuil de ce temple il trouverait la réponse à toutes ses questions, mais il ne put le franchir, rappelé au monde ici-bas par son docteur Theodor (Haemmerli).
Il est fascinant que le narrateur du Mont Analogue se nomme Théodore, et que ce soit le récit d'un voyage initiatique vers une vaste île inconnue sur laquelle se dresse une immense masse rocheuse, plus haute que l'Himalaya, nécessaire pour équilibrer le globe.
Théodore est l'un des 8 membres de l'expédition, qui parvient à l'île dans le 4e chapitre. Un autre membre se nomme Karl...
Les 3 derniers chapitres devaient être consacrés à l'escalade du Mont Analogue, mais la mort l'a limitée aux premiers contreforts. Rien dans le texte achevé ni dans les notes (fort concises) sur la suite ne permet d'imaginer un rapport privilégié entre Théodore et Karl, que voici côte à côte, dessinés par Daumal. Théodore est un écrivain épris de symbolisme et d'alpinisme, comme Daumal, Karl "s'intéresse surtout aux métaphysiques orientales".

Le roman a donc été limité à 4 chapitres complets, or le nombre 4 y joue un rôle majeur. Il est ainsi énoncé explicitement au chapitre 3 que l'homme ne peut embrasser en même temps plus de 4 concepts, et il en est proposé des démonstrations empiriques.
Plus discrètement, 12 personnes sont initialement prévues pour le voyage vers l'île invisible, mais 4 d'entre elles se récusent avant le départ. Parmi les 8 explorateurs, 4 sont entièrement nommés, Pierre Sogol, Judith Pancake, Arthur Beaver et Ivan Lapse, les 4 autres n'étant connus que par leurs prénoms, Théodore et sa femme Renée, les frères Karl et Hans. On remarquera la présence d'une femme dans chaque quaternité, ce qui est fort jungien.
Il y avait aussi une femme parmi les 4 lâcheurs, lesquels auraient ensuite lancé leur propre expédition, selon les notes de Daumal, avec un résultat catastrophique.

Ce n'est pas par hasard si le narrateur se nomme Théodore, du grec theou doron "don de Dieu", car c'est l'exact équivalent de Nathaniel, le nom de Daumal parmi les phrères simplistes, groupe de 4 amis constitué au lycée de Reims; trois d'entre eux créent ensuite Le Grand Jeu.
Nathaniel = Daumal, donc, ce qui est le point de départ d'une fantastique chaîne de coïncidences, ou leur aboutissement, je ne sais. Toujours est-il que, gématriquement,
DAUMAL = 52
NATHANIEL = 84
soit les valeurs de JUNG/HAEMMERLI réunies en une seule personne, celle précisément qui a dû abandonner en avril 44 le 5e chapitre d'un roman mettant en scène un Karl et un Théodore.
Ainsi sémantiquement Theodor = Nathaniel,
et gématriquement NATHANIEL = HAEMMERLI,
ou encore
NATHAN-IEL = HAMMER-IEL, qui pourrait être un "ange du marteau".
Comme j'ai commencé à l' expliquer ici, Haemmerli m'avait entraîné vers l'atbash à cause des coups du marteau de YHWH répétés dans le chapitre 51 de Jérémie où l'atbash est employé à deux reprises, marteau qui est en hébreu MPÇ dont l'atbash est YWH, les trois lettres formant le Tétragramme YHWH, réduit à ces seules lettres dans les noms théophores comme AL-YHW, Elie, "Dieu est YHWH".
Comme je l'ai encore répété à maintes reprises, il me semble important que les valeurs 52-84 de JUNG-HAEMMERLI, les deux protagonistes de ce qui est probablement le premier témoignage publié de NDE, soient identiques aux gématries hébraïques de Elie-Enoch, les deux seuls personnages de l'Ancien Testament montés aux cieux sans avoir connu la mort. Elie, ALYHW, est un personnage essentiel du judaïsme, et Enoch a connu une grande fortune dans les courants ésotériques; il serait notamment l'ange le plus proche de YHWH, sous de multiples noms, comme Metatron, Michael, et Yahoel, YHWAL, autre arrangement des lettres composant Elie, ALYHW.
Cette possibilité d'identité des deux personnages me semble significative, et la découverte de l'agonie de Daumal-Nathaniel à proximité du noeud entre les vies de Jung-Haemmerli est un nouvel écho.
J'ai rencontré divers Nathaniel, notamment dans La cité des anges, de Brad Silberling, dont les 4 personnages principaux forment deux à deux des couples dorés conjugués :
SETH-NATHANIEL = 52-84
MAGGIE-CASSIEL = 42-68 (68 est la moyenne entre 52 et 84, et 42 est par ailleurs la valeur de RENE)
Voici la rencontre entre Seth, ange enviant les humains, et Nathaniel, ancien ange qui a réussi à s'incarner :
Une digression est maintenant nécessaire pour indiquer que c'est grâce à Laurent Cluzel que j'ai ressorti, et relu, Le Mont Analogue. Laurent, graphiste talentueux, a récemment découvert ce blog, ce qui l'a conduit à me contacter. Nous nous sommes aperçus que nous partagions de multiples intérêts, comme Daumal, et que divers fils reliaient nos vies.
Ainsi Laurent a été élève de mon cousin Romain Souverbie aux Beaux-Arts de Dijon.
Ainsi Laurent a collaboré au film d'animation franco-japonais Yona, la légende de l'oiseau sans ailes, que j'avais emprunté l'an dernier à la médiathèque, parce que je suis extrêmement sensible au mot yona, "colombe" ou "pigeon" en hébreu, où "ours" se dit dov, se prononçant comme dove, la colombe anglaise.
Ceci me semble extrêmement riche, et a fait l'objet de divers développements, par exemple ici avec un hasard qui m'a fait découvrir le 4/4 pataphysique le croisement des rues de la Colombe et des Ursins dans le 4e. Le cas présent m'amène à remarquer que le film Yona est l'histoire d'une petite fille prise pour un pingouin, or les animaux emblématiques de la banquise sont l'ours et le pingouin.
En rapport avec Daumal je suis frappé que, comme la colombe de Noé partie chercher une terre émergée, comme Colomb qui a découvert un nouveau continent, Théodore et ses compagnons soient de nouveaux colombs (et colons) d'une terre inconnue, et l'un des aventuriers se prénomme Arthur, du grec arktos, "ours".
Il s'agit d'Arthur Beaver, dont les valeurs 86-53 correspondent encore à un couple doré idéal, dans une suite notable puisque 86 correspond à CARL JUNG.
Arthur Beaver est "médecin, yachtman et alpiniste, donc anglais". C'est avec Karl et Hans un des trois compagnons de Pierre Sogol, le découvreur du Mont Analogue. Les autres membres de l'expédition sont des proches de Théodore. C'est le yacht de Beaver L'impossible qui emmène l'expédition partie un 10 octobre.
Sogol est évidemment le renversement du logos, le "Verbe", la "Logique", et ce jeu peut faire écho aux jeux hébraïques, l'atbash qui utilise un alphabet renversé, les noms inversés Eliahu-Iahuel.
Je rappelle que dans son expérience relatée dans le Livre Rouge, Jung s'est imaginé deux instructeurs, Elie et Salomé, qu'il assimile au Logos et à l'Eros. Je ne sais si Daumal savait que beaver, "castor", désigne aussi en argot la vulve.
Si logos, "le Verbe", apparaît en sogol, beaver contient les lettres de "verbe" (ou de verba, pluriel latin), comme de bear, "ours".
PIERRE SOGOL = 71+68 = 139, même valeur que Arthur Beaver, permettant une série d'or 53-86-139, mais la valeur 68 de SOGOL ou LOGOS est remarquable pour sa section d'or 42, valeur de KARL comme de HANS (ou de RENE), ainsi les "sogoliens" forment une famille entièrement dorée, avec les séries 53-86-139 et 42-68.
Pierre Sogol est inspiré par l'ami de Daumal Alexandre Salzmann, mort en 1934. Les autres membres de l'expédition correspondent aussi à des amis de Daumal, mais je n'ai pu en découvrir plus. Je note ALEXANDRE = 84, se partageant en ALEX = ANDRE = 42 (= RENE), permettant donc un croisement via le Logos en deux noms parfaitement dorés :
RENE SOGOL = 42-68
ALEXANDRE DAUMAL = 84-52
Ceci correspond exactement à la tétrade de La cité des anges, remake élaboré des Ailes du désir, et Dennis Franz (Nathaniel) a chez Silberling un rôle équivalent a celui chez Wenders de Peter Falk, lequel joue son propre personnage, avec des références explicites à son rôle phare de Columbo... On sait que la colombe symbolise l'Esprit Saint, et je m'étais demandé si le goût des anges du film de Wenders pour Siegessäule, la colonne de la Victoire ailée n'avait pas un rapport avec la quasi-homonymie COLUMBA-COLUMNA en latin.

Tout ceci est assez complexe, j'en suis le premier conscient, et je ne suis pas sûr d'avoir choisi la meilleure façon d'énumérer tous ces éléments, qui sont bien plus nombreux que 4, et Sogol a démontré qu'on ne pouvait embrasser plus de 4 concepts en même temps...
S'il n'est pas question de rappeler tous les échos avec des recherches antérieures, auxquelles on peut se reporter, je voudrais développer quelques nouveaux éclairages apportés par cette étude de Daumal.
Un Nathaniel joue un rôle proprement "central" dans L'adversaire d'Ellery Queen (1963), avec la stèle en souvenir de Nathaniel York au centre de York Square, entre les 4 "châteaux" parfaitement symétriques des 4 cousins York, qu'un mystérieux Y assassine l'un après l'autre, en leur adressant d'abord de mystérieux cartons portant des lettres. Les cartons J-H-W des 3 premières victimes semblent désigner l'homme à tout faire John Henry Walt, simple d'esprit qui n'a rien du tueur recherché. Il s'agit en fait d'un cas de personnalité multiple, où Walt est aussi Nathaniel et JHWH (ou YHWH), le dieu vengeur de l'Ancien Testament.
Je ne crois pas avoir jusqu'ici établi le rapprochement entre JHWH ici assassin et la victime du roman suivant de Queen, Et le huitième jour... qui se passe pendant la semaine sainte de 1944. Le magasinier Storicaï y est assassiné à coups de marteau le 5/4/44, Storicaï qui représente à l'évidence Judas Iscariot, mais il faut savoir que Judas est une forme grécisée de l'hébreu Yehuda, qui s'écrit YHWDH, pouvant se décomposer en YWH, les 3 lettres dont l'atbash est MPÇ, "marteau", et DH dont l'atbash est QÇ, "fin".
Ainsi le "marteau" cause la "fin" de ce tacite YHWDH, et L'adversaire débute par un jeu énigmatique dont j'ai vu une possible explication par l'atbash.
Marteau-trauma-marto-torma... Daumal était l'ami, ou au moins un correspondant, de Julien Torma, énigmatique personnage de la galaxie pataphysique.
Je rappelle que le pseudo ELLERY QUEEN a pour valeur 139, comme Pierre Sogol ou Arthur Beaver, en rapport d'or avec le 86 de CARL JUNG.

Lors de mes commentaires sur Seth-Nathaniel dans La cité des anges, je m'étais interrogé sur l'opportunité de parler du Seth égyptien, et je l'avais laissé de côté, privilégiant le Seth biblique fils d'Adam, or le Mont Analogue a un rapport avec l'Egypte, le calcul de sa position faisant intervenir selon Sogol le méridien correspondant à la pyramide de Chéops :Le paragraphe 30 du Isis et Osiris de Plutarque est plutôt énigmatique, énonçant que Typhon serait né exactement à la moitié du nombre pair dont chaque partie égale représente 56. Typhon est un autre nom de Seth, le frère d'Osiris (d'une quaternité où les deux frères ont épousé leurs soeurs Nephtys et Isis). Le nombre de moitié 56 est 112, et le produit 56 x 112 est 6272, le nombre de jours vécus par Jung après le 4/4/44 et la valeur des 112 mots de mon sonnet fétiche.
C'est tout à fait passionnant, mais je connais trop mal la mythologie égyptienne pour approfondir.

J'ouvrais avec la dernière photo de Daumal, sur son lit de mort à 36 ans, le voici 20 ans plus tôt, alors qu'il expérimentait avec des amis et un professeur la vision paroptique ou extra-rétinienne, sujet qui a passionné Jules Romains.
Ce phénomène psi aussi nommé clairvoyance a évidemment été considéré comme du charlatanisme par la science officielle, malgré de multiples expériences fort troublantes. L'affaire a connu une autre approche avec certains témoignages des expérienceurs de NDE, qui ont pu décrire avec exactitude des détails hors de portée de leurs yeux, et parfois inconnus de tous les assistants.
Je repense à Jung qui a pu lors de sa NDE de 44 contempler la Terre de façon crédible à 1500 km de distance, et je remarque que, selon Wikipédia, Daumal
a l’intuition qu’il pourra rencontrer un autre monde en se plongeant volontairement dans un coma proche de ce que nous appelons aujourd’hui les expériences de mort imminente.
Daumal a utilisé pour ses expériences mystiques le tétrachlorométhane, solvant extrêmement toxique qui a probablement contribué à détériorer sa santé.
Je suis frappé que le tétrachlorométhane, CCl4, soit une des plus simples molécules "quaternitaires". Elle forme un tétraèdre avec le carbone tétravalent au centre des 4 atomes de chlore. Je songe que si ce dérivé du méthane CH4 a pu contribuer à une vision paroptique, le méthanol CH3OH qui a connu une certaine vogue pendant la Prohibition rend aveugle à la longue.
Ironiquement, Daumal a pu "chlore" 4 chapitres du Mont Analogue, mais s'est trouvé "carbonisé" lors de l'écriture du 5e.

Il aurait pu y avoir Le Mont Analogue - Le Film, avec Charlton Heston pressenti pour jouer Sogol ! Un producteur anglais en a acheté les droits dans les années 60, et a proposé la réalisation à Truffaut, qui a décliné l'offre et suggéré Luc Moullet, plus amateur d'alpinisme. Moullet a écrit un scénario, mais le film n'a jamais été fait.
Moullet a tourné plusieurs films dans le 04, dont Les disparus de la D17 qui se passe dans la montagne que je vois de mes fenêtres.

On trouve en ligne le texte du Mont Analogue, sans les illustrations de Daumal.Ci-dessus la seule note de Daumal concernant son septième et dernier chapitre :
"Et vous alors ?" Que cherchez-vous ?