12.3.17

2+2=1

le 14 adar 5777, début de Pourim

  Le précédent billet m'a donc fait partir de ma lecture le 14 février dernier d'un texte de Cyril Epstein, Ecrire en colonne, paru dans le Formules n° 9 où j'étais aussi au sommaire. Mon analyse alors limitée au raisonnable a été en partie validée par Cyril qui, contacté, a confirmé avoir bien eu en tête la Shoah et le livre d'Esther.

  J'avais en fait déjà lu assez attentivement ce texte, intrigué par les abondants préliminaires conduisant au texte contraint lui-même, un carré de 9x9 lettres dont la lecture donnée par Epstein a tout du charabia.
  Je suppose que j'avais au moins vu la colonne finale, ANAGRAMME, mais n'ai pas souvenir d'avoir été plus loin. Lorsque j'ai revu le carré le 14 février, il m'a semblé voir étinceler les lettres WANMOR : 
G A R E O P E R A
I W A N M A N O N
R O M A N P R I A
A W A G N E R E G
R E N E M A I N R
E I N E R O I M A
R I A G E M I R M
O O N W O M A N M
I O I M P R I M E

  J'ai conté ici comment, le 14 septembre 2015, une balade m'a fait découvrir près de ruines le panneau ci-contre CHATEAU WANMOR JOE, probablement terrain de jeux de quelques enfants. Le même jour phrère Laurent me signalait le tag NOSE WAG vu dans un wagon de train.
 Ce WANMOR, évidemment pour ONE MORE, est apparu au moment où diverses circonstances me conduisaient à "ajouter 1" au motif fibonaccien 13-21 qui m'est essentiel. J'ai aussi considéré les divers nombres formés des chiffres 11123, les lettres mères Alef-Mem-Shin en hébreu, de rangs 1-13-21, leurs translitérations AMS, formant les mots MAS et SAM, d'où le titre du billet, Uno más, Sam, ou précisément les lettres WAN, de rangs 21-1-13 dans l'alphabet Schwenter.
  J'ai donc vu une lecture WAN MOR WAN utilisant 2 des 3 W de la grille, l'autre W livrant aussi un parcours WANMOR.
  WAN MOR WAN me rappelle qu'une recherche "una más" m'a conduit au court métrage 1+1=una más, dont tous les plans sont formés d'images symétriques, l'addition des deux moitiés étant supposée donner quelque chose de nouveau.
  Une recherche "morwan" m'amène maintenant au café MorWan, à Luzy, dans le Morvan, plus précisément dans la Nièvre où était expédiée en 1915 la carte postale qui a servi de point de départ à Cyril Epstein. La recherche Images me conduit à ceci, où MorWan a été peint sur des planches de bois, comme le château WANMOR:
  J'y remarque une intention manifeste de symétrie entre le M et le W, soulignée par les petites gidouilles autour des jambages opposés. Le carré d'Epstein est construit avec les lettres de GENIE-OPERA, plus les lettres MW qu'il justifie par des considérations plutôt nébuleuses, passant par la symétrie MW, le rang 23 de la lettre W, les 23 chromosomes d'un gamète humain, la spirale de l'ADN.
  Wikipédia m'apprend encore que le nom de Luzy dériverait du nom d’homme latin Lausius, or j'ai relu le Formules parce que je n'avais pas encore reçu Les lieux-dits, de Ricardou, dont les deux principaux personnages sont Lasius et Atta (noms latins de deux genres de fourmis). Je reviendrai plus loin sur le carré de lettres qui est caractéristique de ce roman.

  Ma lecture "raisonnable" m'a fait émettre l'hypothèse qu'Epstein avait repris le parallèle entre le récit biblique d'Esther et les persécutions antisémites ultérieures, avec notamment les crimes nazis qui ont conduit à la pendaison de 11 responsables, remarquable écho à la pendaison d'Aman et de ses 10 fils dans la Bible.
  L'indice principal appuyant cette hypothèse était la présence d'un WOW vertical dans la 2e colonne, nom de la lettre dont une calligraphie particulière dans le livre d'Esther symbolise le gibet d'Aman, juste à côté d'un AMAN dans la 3e colonne. Ces WOW-AMAN font partie du WAN MOR WAN qui a d'abord motivé mon intérêt pour cette grille.
  Le livre d'Esther compte 12113 lettres dans la version la plus répandue de la Bible hébraïque, ce que je suis tenté de lire 1-21-13, mais la construction d'un carré évocateur du livre d'Esther me rappelle qu'il a joué un rôle dans l'affaire du code biblique, l'idée de chercher des messages verticaux en écrivant un texte en lignes horizontales de même longueur.
  Comme je l'étudiais ici, l'initiateur du "code biblique" est le rabbin Haïm Weissmandl, fascinant personnage qui, déporté vers Auschwitz en 1944 (comme Haïm Epstein), est parvenu à s'évader d'un wagon plombé. Weissmandl a eu l'idée d'écrire le texte hébreu de la Genèse en carrés de 10x10 lettres, et sa prédilection pour le livre d'Esther l'a conduit à d'extraordinaires résultats, mais utilisant le nombre de lettres 12111 du texte en usage dans sa communauté, comme cet Amalec, l'ennemi désigné d'Israël, ancêtre d'Aman, "pendu" entre les deux seules occurrences réelles du mot Amalec dans la Genèse.
  Je ne peux m'imaginer comment quelqu'un a pu arriver à ces résultats sans ordinateur. Je rapproche ce type de "miracle" des stigmates constatés dans les paumes des mains de maints mystiques, conformément à l'iconographie traditionnelle de la crucifixion, alors qu'on sait aujourd'hui que lors du supplice les clous devaient être enfoncés dans les poignets pour supporter le poids du corps. Si ceci permet de douter de l'origine divine des stigmates, des rationalistes les ont réduits à de pures manifestations d'hystérie, et ont classé dans la même catégorie tous les phénomènes liés au mysticisme.
  Si l'approche scientifique de ces phénomènes est souvent problématique, le cas du rabbin obsédé par le nombre 12111 et qui parvient par des moyens défiant l'imagination à de fabuleux résultats est parfaitement déterminé. De fait, toute "synchronicité" pose le même type de défi à la causalité spatio-temporelle, mais sa composante psychique offre rarement une telle possibilité de vérification, ni sa composante matérielle une telle rareté.

  Je reviens au Formules, où Epstein construit son texte à partir de la carte postale qu'il dit signée Rémy Roi:
  Je lis plutôt Henry Roy, et une première curiosité est que moi, Rémi Schulz, aie je pense été le premier à publier que Perec est né dans les premières heures du 14 adar 5696, début de la fête de Pourim commémorant le retournement ayant sauvé les Juifs de Perse.   
  Je ne sais s'il y a un rapport entre cette lecture "Rémy" et moi, mais suis en revanche certain qu'Epstein ne pouvait savoir qu'il y aurait un texte de moi dans ce même numéro, ce qui a été décidé au dernier moment. La contribution que j'avais d'abord proposée débutait par cette « carpe tostale » signée Rémi:
  Arrivant de la dernière heure pour un numéro déjà copieux, je n'ai eu droit qu'à deux pages, la représentation graphique de mon SONÈ et un minimum d'explication de ses deux lectures.
  On peut lire en ligne le texte d'Epstein sur le site de Formules, pages 249-256, et le mien pages 369-370.

  Une remarque immédiate : mon texte de 100 lettres (10x10 à répartir en deux carrés de 8x8 et 6x6) s'achève dans sa lecture horizontale par les lettres REMI, signature intentionnelle, tandis que le carré 9x9 d'Epstein s'achève dans sa lecture horizontale par les lettres RIME.

  Il y a bien moins immédiat, avec d'abord l'affaire "Gilles".
  J'ai d'abord publié mon SONÈ sur la liste Oulipo, le 18 novembre 2004. Mon ami Gilles, qui est conseiller de lecture à Formules, m'a alors signalé qu'il y aurait dans le numéro en préparation un dossier sur les poèmes en carré et qu'il y verrait bien le mien.
  C'est donc grâce à Gilles que mon poème a été publié dans ce numéro, et encore grâce à lui que j'en ai un exemplaire, car j'ai dû donner mon exemplaire d'auteur à quelqu'un, je ne me rappelle plus qui ni pourquoi. En faisant part à Gilles lors d'un passage chez lui, il m'a donné son exemplaire, sans lequel le billet précédent n'aurait pu voir le jour.
  En y enquêtant sur les deux Epstein victimes des nazis répertoriés par Wikipédia, j'ai repéré une coïncidence alors laissée de côté. Le résistant Joseph Epstein avait pour pseudo "Colonel Gilles", tandis que le peintre Henri Epstein avait pour mécène le "Docteur Gilles", par ailleurs déporté à Dachau mais qui en est revenu.
  L'"Ami Gilles", un des premiers lecteurs de Wow!, connaissait Joseph Epstein et son pseudo, et m'a rappelé qu'il avait signé "Colonel Gilles" une récriture lipogrammatique de L'affiche rouge d'Aragon en 2004. Relisant ce texte de Gilles sur son site, où ses créations figurent en ordre chronologique, j'ai eu la surprise d'y constater qu'il était immédiatement suivi d'un de ses poèmes les plus marquants, El Desmigado, publié précisément dans le Formules n° 9 (pages 237-238).

  Est-ce parce que 9 est un carré que ce numéro de Formules s'intéressait aux carrés? Probablement pas, et il est encore plus douteux que le carré 9x9 d'Epstein y apparaisse intentionnellement page 256, carré de 16, ou bicarré de 4:
256 = 162 = 44 = 4.4.4.4
  Obsédé par la gématrie, j'avais calculé la valeur des 100 lettres de mes deux carrés, et avais été enchanté de trouver la valeur
1024 = 322 = 45 = 4.4.4.4.4
  322 me rappelle qu'Epstein a été motivé par la carte du "32 février", du 32/2.
  Par ailleurs
GILLES = 64 = 82 = 43 = 4.4.4
  Les deux carrés (8x8 et 6x6) de mon SONÈ sont page 369, or
256 (44) + 369 = 625 (252 ou 54)
  Je perçois une certaine analogie entre cette relation
44 + 369 = 54
et le premier triplet pythagoricien
42 + 32 = 52
qui a inspiré mon SONÈ. Curieusement, la somme
44 + 34  = 256 + 81 = 337, pouvant évoquer la page 256 où sont les 81 lettres du carré d'Epstein, or mes carrés page 369 ont pour valeurs 687 et 337 (qui est aussi 369 moins 32).

  Des curiosités sont liées aux positions de nos carrés ou textes au sommaire de la revue, accessible directement ici. En comptabilisant l'éditorial, il compte 47 rubriques, dont Ecrire en colonne est la 29e. J'ai relié les nombres de Fibonacci 13 et 21 aux nombres de Lucas 29 et 47, de rangs équivalents dans les suites respectives.
  Mon SONÈ est la 41e rubrique (page 369 = 9x41), et c'est curieux que le carré d'Epstein soit dans la catégorie Recherches visuelles (rubriques 13 à 32), et non dans celle Poèmes carrés (rubriques 33 à 42). Au rapport textuel "carte postale de Rémi" peut ainsi correspondre le rapport arithmétique 41/29, or ces nombres constituent l'une des paires de ce qui est parfois appelé "colonnes de Pythagore", les fractions B/A correspondant aux réductions successives de la fraction continue [1;2,2,2,2...] représentant la racine carrée de 2, √2, autrement dit la diagonale du carré de côté 1. Je rappelle que la fraction continue représentant le nombre d'or est [1;1,1,1,1...] dont les réductions successives constituent la suite de Fibonacci.

  Si les fractions B/A correspondent aux meilleures approximations de √2,1.414..., les fractions A/B représentent les meilleurs approximations de son inverse qui est aussi sa moitié, .707... Je sais maintenant que le texte d'Epstein se réfère effectivement au livre d'Esther et plus particulièrement à la pendaison d'Aman et de ses 10 fils, passage traditionnellement représenté en deux colonnes dans la megilla, le rouleau d'Esther, avec à droite Aman et ses fils, à gauche les conjonctions "et".
  La tradition impose aussi des particularités dans la calligraphie de certaines des lettres du passage, un grand wow pour l'initiale du dernier fils d'Aman, censé figurer le gibet, et 3 petites lettres taw-shin-zayin dans les noms de ces fils, 3 lettres dont les valeurs 400-300-7 forment le nombre 707 dans la numération traditionnelle, vu représenter l'an 707 ou 5707 du calendrier hébraïque, ayant vu la condamnation à mort et la pendaison de 11 responsables nazis, avec également une répartition 1-10, puisque le plus haut dignitaire (et le plus gros, à l'instar d'Aman selon l'iconographie), Goering, a réussi à se suicider avant l'exécution, mais son corps a néanmoins été amené à côté des bois de justice.
  Bref je remarque la proximité de (5)707 et de l'inverse de √2, (0).707...

  √2, diagonale du carré... Je rappelle que c'est en partie par hasard que j'ai feuilleté le Formules n° 9 le 14 février dernier. Je comptais passer un moment au bord du lac avec Les lieux-dits de Ricardou que je m'attendais à trouver dans ma boîte aux lettres, mais le livre est arrivé deux jours plus tard.
  Un des points "cruciaux" du roman de Ricardou est la table des chapitres, avec les 8 lieux-dits de 8 lettres formant un carré permettant de lire notamment dans sa diagonale BELCROIX, et d'autres messages sous forme d'anagrammes:

B a n n i è r e 
e a u f o r t 
B e a r b r e 
B e l R o i x 
C e n D R i e r 
C h a u m n t 
H a u t b o s 
M o n t e a u x

  Ignorant tout de Ricardou, j'avais imaginé en 1998 dans un projet de roman une table des chapitres en 11 titres de 11 lettres, faisant apparaître dans la même diagonale ROSENCREUTZ (ROSE-CROIX) et deux autres messages, ARSENELUPIN en diagonale brisée et ELLERYQUEEN sous forme d'anagramme dans la 1e colonne:

R A I S O N A U T E L
O U S I R E L T A N
E T S U S A L O R I N
U L C E R A T I O N S
E O N I N T R U S L A
E L U I C A S T O R
L A D U N E R O S I T
U I S O R T E L A N
E S P O I R A L U N T
E B R I S U N A L T O
L O I U N E S T R A Z


  J'ai détaillé ceci sur Le grand jeu hanalogue et Viré lof pour fol, la curiosité principale étant le codage du mot croix-Creutz selon le même rare procédé, des titres de chapitres formant des carrés de lettres. Au lieu donc de relire ce roman présentant une belle coïncidence avec mon carré de 1998, j'ai repris le Formules où mes carrés du SONÈ font coïncidence avec le carré d'Epstein (carte postale signée Rémi, lettres finales REMI ou RIME).

  Mon carré de 1998 codait aussi deux ensembles prénom-nom, or j'avais vu dans la colonne centrale du carré d'Epstein, OMNNMREOP, l'anagramme presque évidente de NOM-PRENOM, mais Cyril m'a assuré que c'était absolument involontaire, bien que l'une des bases de sa construction était l'apposition du prénom Manon et du nom Wagner.
  Ceci m'a conduit à chercher une combinaison prénom-nom dans la ligne centrale, RENEMAINR,et à m'ébahir d'y voir l'anagramme exacte d'un auteur imaginaire évoqué sur Quaternité, Marie Renn qui bien entendu était tout aussi absent des intentions de Cyril Epstein que le "prénom-nom" de la colonne centrale.
  Pourtant Marie et Reine ou Rennes faisaient partie des prémisses de son "roman", avec la complémentarité Marie-Manon, la Vierge et la Putain.
  Ma première lecture WANMOR associée au château WANMOR et à Renn ou Rennes m'avait fait penser à Rennes-le-Château, et aux 128 lettres de la stèle de MARIE de NEGRE (un autre mot qui peut se lire dans la grille d'Epstein) qui après diverses manipulations doivent être réparties sur deux carrés 8x8 pour enfin livrer un ultime message par le parcours du cavalier...
  Ceci était loin de la lecture raisonnable du billet précédent, mais je peux maintenant rappeler que j'ai écrit en 2006 une nouvelle, transposant l'affaire par des anagrammes, proposant notamment 3 nouvelles anagrammes des mêmes 128 lettres, axées sur le mythe rosicrucien souvent évoqué à propos de RLC. Ma dernière anagramme comportait la formule POST CXX ANNOS PATEBO du seuil du tombeau de Christian Rosencreutz.

  En cherchant "Cyril Epstein" sur le web, je n'ai trouvé qu'un seul autre texte dont il était vraisemblablement l'auteur (c'est bien le cas), une contribution au recueil Théorie-Rébellion, et ai eu la surprise d'y voir son nom immédiatement précédé de celui de mon ami Bruno Duval, mentionné plusieurs fois sur Quaternité. J'ai reporté leurs noms grossis sur le verso ci-contre.
  Autre coïncidence "Gilles": le livre est sous la direction de Gilles Grelet. Je remarque encore le nom précédant Duval, Di Manno de Almeida, avec MANNO anagramme de MANON. Ironiquement, il y avait deux textes signés Wagner dans Formules n° 9, des deux frères Nicolas et Frank Wagner.

  Le principal billet où je mentionnais Bruno était Que d'aspects prend la croix ! (et j'y rajoute quelques !!!). J'y évoquais les diagonales BELCROIX et ROSENCREUTZ de Ricardou et moi.
  Mes amis BD (Béatrice Dunner et Bruno Duval) ont jadis été séduits par un manoir en ruines de Côte-d'Or qu'ils ont acheté et retapé. Ils ont découvert qu'y avait vécu Antoine Madrolle (1792-1861), surnommé le nouveau Jérémie, prophète qui écrivait dans les arbres pour être plus près de Dieu...
  Bruno a développé une ardeur opiniâtre pour ressusciter Madrolle et faire paraître en 2003 aux éditions des Cendres un recueil de ses textes, dont La théologie des chemins de fer, qui lui a donné son titre.
  Madrolle s'y efforçait à démontrer que la première grande catastrophe ferroviaire, le déraillement le 8 mai 1842 du train Versailles-Paris qui a causé près de 200 morts, portait le sceau de la volonté divine, marqué pour lui par la récurrence des 2, avec notamment la plupart des victimes dans le 2e wagon, mot débutant par un double v...
  Wagon-Madrolle, Wagner-Manon, Wan-Mor... Le W-X de Perec... Je rappelle que, sans une erreur dans le dénombrement des chromosomes humains, les chromosomes sexuels auraient été W-X au lieu de X-Y.

  En me renseignant sur la gare de la Bastille, j'ai appris qu'elle avait été conçue par l'architecte Cendrier, également responsable de nombreux bâtiments ferroviaires. Tiens, les éditions des Cendres qui ont publié La théologie des chemins de fer doivent leur nom à leur adresse, rue des Cendriers.
  Tiens encore, le cinquième "lieu-dit" de Ricardou est Cendrier, bourg situé en face de Belcroix, sur l'autre rive du Damier partageant la table des matières en 2 fois 32 lettres. L'adéquation du nom avec le texte va bien plus loin que l'utilisation de sa 5e lettre pour la diagonale BELCROIX.
  La lecture du nom Marie Renn dans la 5e ligne du carré d'Epstein m'avait fait citer Doubles, doubles où il était aussi question de coïncidences "roi", d'abord dans les deux films Dédales et Identity ouvrant le billet, avec les personnages Malik ("roi" arabe) dans l'un et Malick dans l'autre, le personnage Ray dans l'un et l'acteur Ray (Liotta) dans l'autre.
  Les premiers points retenus par Epstein sont d'autres coïncidences "roi", comme l'expéditeur de la carte Rémy Roy, dont il ôte le M pour faire REY ROY, le café Rey sur la place de la Bastille, et autres.
  Les coïncidences "ray" des deux films m'avaient fait évoquer dans le billet de 2010 un réseau de coïncidences survenues lors d'un passage à Paris le 20 janvier 2005 (jour du début du second mandat de GW Bush II). Au cours d'une réunion avec des amis alors non nommés, mais qui étaient çoeur dp et Bruno Duval, nous discutâmes de coïncidences diverses autour des lettres REY ou RAY qui se matérialisèrent quelques instants après dehors avec le café "ALLERAY" dont les lettres de néon RAY étaient éteintes (je rappelle le café Rey à la Bastille). Bruno avait évoqué le récent film Ray, encore inédit en France.
   Je pris ensuite le métro à Vaugirard jusqu'au terminus Etoile, logeant du côté des Ternes. Je lus pendant le trajet une nouvelle de Pierre Véry, L'étoile jaune, histoire de la mort du cosmonaute Goldberg dit Goldie, dans un recueil que dp m'avait donné, Tout doit disparaître le 5 mai. Il y avait un "incident" à Etoile, avec les flics barrant l'accès à la sortie vers l'avenue Carnot que j'aurais normalement prise. Je pris l'avenue Mac-Mahon pour changer, ce qui me fit passer devant le restau L'étoile d'or, qui me frappa à cause de L'étoile jaune et d'autres occurrences récentes d'étoiles d'or. Je pensai notamment au roman de Daniel Zufferey L'étoile d'or (1998), où un bijou d'or en étoile est censé rappeler à quelques banquiers suisses leur monstrueux enrichissement grâce aux avoirs juifs non réclamés pour cause d'holocauste.
   En consultant ma boîte mail une fois rentré, j'appris le suicide de ZuffeREY par un message de la liste 813.
   Une colistière, Dominique Sylvain, venait de publier un polar intitulé Les passeurs de l'Etoile d'or, que j'achetai et lus le lendemain. Son personnage principal est un flic nommé Blaise REYER, un palindrome que je vis composé à partir de REY, "roi" espagnol, alors que Blaise est l'anagramme de Basile, "roi" grec (basileus).

  Voici pour ce que je rapportais en 2010, j'y ajoute maintenant:
- Le polar de Dominique Sylvain avait trait à la cour de l'Etoile-d'Or, voie privée située à 300 m de la place de la Bastille. Je ne retrouve pas le livre, mais me souviens que sur l'une des photos apparaissait la colonne, et son Génie de la Liberté.
- Quelques jours plus tôt c'était le séminaire Perec mensuel à Jussieu, le samedi 15 janvier 2005, sur La phrase perecquienne. Je me rappelle avoir ensuite déjeuné avec Gilles et quelques autres perecquiens au bistrot voisin L'Etoile d'Or (devenu depuis Le Passage)... C'était peu après que Gilles m'ait permis de participer au Formules n° 9 qui paraîtrait en mars, et c'était la première fois où j'avais l'occasion de le remercier en personne.
- Blaise Reyer, Basile Rey, je ne sais si j'ai jusqu'ici fait le lien avec le nom honoré par la stèle de ma nouvelle castelrennaise, Basile Rexadon, à décomposer en basile, roi grec, rex, roi latin, et adon, seigneur hébreu. Ceci m'est l'occasion de confronter les rois latin et espagnol, REX et REY, en songeant aux chromosomes X et Y. Il en irait de même du mot "loi", LEX ou LEY...

Note du 14/3 : l'indispensable dp me signale le compositeur Ernest REYER, né REY!!! Une de ses oeuvres majeures est l'opéra Sigurd, basé sur la légende des Nibelungen comme le Ring de Wagner. Peut-être le compositeur, toujours représenté de nos jours, sera-t-il prochainement au programme de l'Opéra Bastille...

  2 ou 3 trucs que je n'ai pu caser plus haut.
  Le jour de ma découverte du panneau MORWAN était le premier jour de l'an hébraïque 5776, carré de 76. Nous sommes maintenant en l'an pataphysique 144, carré de 12, qui a eu quelques jours en commun avec l'an hébraïque 5776.
 La différence entre les deux carrés? 5632, comme Larchmütz 5632, la vache NOIR (56) et BLANC (32) de Jean-Bernard Pouy...

  Mon SONÈ avait déjà fait coïncidence avec une création ultérieure en carrés.

  Bruno Duval et moi avons été ensemble au sommaire de diverses revues, notamment à celui de Teckel n° 2, dans la "grande édition". Le texte de Bruno est intitulé La diagonale du flou...

  En cherchant "Rémy Roy" en ligne, j'ai découvert un assassin de ce nom, qui a notamment tué en octobre 1990 celui qui se faisait appeler "mage Nathaniel". Nathaniel, Jonathan, Theodor, Dorothée, Déodat..., ces prénoms équivalents me poursuivent avec une louable obstination.

  N'étant guère inspiré pour trouver un titre à ce 221e billet de Quaternité, j'ai opté pour le très jungien 2+2=1.

7.3.17

Wow !


  Le 14 février dernier, je suis allé au club de lecture d’Esparron. Pour la première fois, j'avais emmené pour les y présenter quelques-uns de mes textes dont celui paru dans le Formules n° 9. Il faisait beau et j'ai d'abord fait un tour au bord du lac. Je prévoyais de m'asseoir un moment pour lire le livre que je pensais trouver dans ma boîte en partant, Les lieux-dits de Ricardou, commandé dans son édition originale, mais il n'était pas encore arrivé.
  J'ai donc feuilleté ce copieux Formules, 456 pages, et m'y suis arrêté sur un texte de Cyril Epstein, Ecrire en colonne, page 249 à 256. On peut y accéder sur le site de la revue, pour le lire en ligne ou en téléchargeant le pdf (auquel cas le texte débute page 251).
  Ce sont des échos surprenants avec mes préoccupations les plus intimes qui m'ont fait m'intéresser à ce texte, mais je vais en tenter d'abord une analyse "raisonnable".

  L'auteur y détaille d'abord son projet d'écrire un roman à partir d'une carte postale de 1915 montrant la colonne de la Bastille prise de convulsions, après un communiqué allemand du 32 février annonçant une victoire imaginaire.

  A partir de cette carte, Epstein énonce 32 points qui seront pris en compte dans son roman, avec diverses digressions passant par l'usage du clinamen chez Perec, la déviation de la contrainte imposée.
  Divers de ces points sont étranges, parfois assez évidemment erronés. Ainsi Epstein affirme dans le point 15 que l'Opéra Bastille a été installé à la place d'une gare de bus, or c'était indiscutablement une gare ferroviaire, active de 1859 à 1969. Epstein imagine dans les convulsions de la colonne une prémonition que le lieu allait devenir un haut lieu de la danse.
  Il donne le verso de la carte, envoyée par un soldat cantonné en Ille-et-Vilaine à une femme de Nevers, 18 rue Hoche.
  Epstein utilise dans les point 5 et 6 la signature de la carte, Rémy Roi, or je lis plutôt Henry Roy, en me reportant à l'initiale de Hoche en vis-à-vis. Ce point semble essentiel car Epstein note dans ses premiers points une abondance de présence royale sur cette place qui en symbolise la disparition, avec en point 5 ce Rémy, dont il ôte le M pour en faire le centre de son "roMan", laissant rey, "roi" espagnol.
  Le point 2 est en revanche exact: les Génies remplaçaient les Rois dans certains jeux de carte imprimés pendant la Révolution, et le renversement du Génie de la Liberté en haut de la colonne pourrait signifier un retour du Roi. Epstein omet de signaler que dans ces mêmes jeux les Libertés remplaçaient les Reines, ce qui pourrait être plus pertinent que l'invocation de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, Rennes, pour justifier la présence de la Reine dans le point 7.

  Au-delà de ces erreurs et oublis manifestes, bien des points semblent gratuits ou déconcertants, j'y reviendrai.
  Toujours est-il qu'après 7 pages de laïus Epstein finit par révéler ce que va être son "roman", un carré composé avec les lettres GENIE-OPERA, plus la lettre M, ôtée à Rémy, et la lettre W, pour diverses raisons peu convaincantes. 
  Voici donc le carré, où c'est moi qui ai coloré 3 colonnes, Epstein s'étant borné à mettre en gras le M central.
G A R E O P E R A
I W A N M A N O N
R O M A N P R I A
A W A G N E R E G
R E N E M A I N R
E I N E R O I M A
R I A G E M I R M
O O N W O M A N M
I O I M P R I M E
   Epstein se contente ensuite de donner sa lecture de cette grille:
Gare opéra iwan. Manon roman pria à Wagner égrène main reine roi, mariage mir. Moon woman M. IO imprime
et une interprétation peu satisfaisante:
Ainsi la France et l'Allemagne se retrouveront à travers les opéras de Wagner et de Massenet (Manon, d'après le roman de l'abbé Prévost).
  Si l'on veut, mais rien de ce qui précédait ne permet par exemple de voir ce que fait là un iwan (porche d'une mosquée typique de l'époque sassanide en Perse), ni en quelle langue il faut lire mir (allemand "à moi", russe "paix", "monde"), ni qui est cette moon woman...
  Epstein énumérait divers animaux présents sur la carte au point 20, dont une vache, dont il tirait la génisse IO, avec I représentant la colonne et O la place...
  Toujours est-il que la façade de l'Opéra offre une surface quadrillée parfois utilisée pour afficher la programmation:
  Manon ou Wagner ?

  Le titre du texte, Ecrire en colonne, suggère une lecture verticale, immédiate pour la dernière colonne, ANAGRAMME. La première colonne semble aussi offrir un sens acceptable, GIRARE (tourner) ROI, en pensant au Génie inversé de la colonne.
  Il s'impose de s'intéresser ensuite à la colonne centrale, OMNNMREOP, et je constate que c'est l'anagramme exacte de PRENOM-NOM, en me souvenant que le prénom et le nom du soldat ayant écrit la carte étaient essentiels dans le projet. Je remarque qu'à partir du R juste en dessous du M central, on peut lire ROI, et juste dessous EMI(R), soit REMI ROI.
  Ce n'est qu'une possibilité, et il me semblerait plus joli d'avoir une combinaison prénom-nom sur la ligne centrale, RENEMAINR, pouvant commencer par le prénom René, René Marin?

  Je suis ébahi que ces lettres soient aussi l'anagramme exacte d'un auteur imaginaire évoqué sur Quaternité, Marie Renn qui dans le film Dédales (2003) de René (!) Manzor est l'auteur de l'album pour enfant Le fil d'Ariane, album qui serait responsable de la dissociation d'un esprit perturbé en personnalités multiples.
  L'apparition d'une Marie dans ce dédale de lettres a un autre aspect remarquable, car en combinant les éléments numériques de la carte, 32 février et 18 rue Hoche à 58(000) Nevers, Epstein a obtenu aux points 28 et 29 le 23 février 1858, jour d'une des apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous.
  Marie est pour les catholiques la Reine du Ciel... Côté catholicisme, la 6e colonne pourrait livrer PAPE ROMAM (locatif latin, "à Rome").
  Il y a eu une Marie reine de France, épouse du roi Henri IV. Je peux lire ENNRI au début de la 7e colonne, au-dessus du ROI explicite.
  Je peux encore lire ARIANE dans le coin inférieur droit, comme une sorte de colophon, s'entrelaçant avec la belle symétrie IMMMMI. Ceci pourrait répondre au point 25, lequel fait correspondre la double spirale de l'ADN aux convulsions de la colonne, et suggère des lectures spiralées.

  Lectures en colonne, en spirale, en anagramme, en diverses langues, les possibilités deviennent aussi nombreuses qu'incertaines, et une autre approche consiste à se demander pourquoi Epstein a choisi les lettres composant sa grille, particulièrement le rare W. Le seul mot français courant utilisant cette lettre est WAGON, or il figure pratiquement en clair avec Wagner, variante de Wagener, celui qui fabrique ou conduit des charrettes, des voitures, l'allemand Wagen ayant donné l'anglais wagon.
  Ceci pourrait être rapproché de la GARE qui débute la grille, gare prétendument routière qui était en fait une gare ferroviaire, et la conjonction gare-wagon-guerre-Allemagne évoque aisément la Shoah, ayant dû frapper des proches de l'auteur car le Mémorial répertorie 121 Epstein victimes des camps nazis.
  Et bien sûr W est la lettre emblématique de la Shoah pour Perec, multiplement cité dans le texte d'Epstein. Il propose comme titre de son "roman" M ou le survenir, en écho bien sûr au W ou le souvenir d'enfance de Perec, et on peut imaginer que le second élément du couple Wagner-Manon symbolisant Allemagne-France ait été encore choisi en pensant à "wagon".

  La 3e colonne peut aussi livrer quelque chose d'immédiat, à condition de la retourner en INANNAMAR. Inanna est un autre nom d'Ishtar, principale déesse de Babylone, fille du Dieu-Lune (moon woman croise avec Inanna), et MAR pourrait alors être une apocope, de Marduk, principal dieu de Babylone, dont un autre nom est AMAR UTU, taureau (ou veau) du soleil. Le taureau AMAR s'accorderait avec le Minotaure frère d'Ariane, ou avec la génisse IO...
  Le web est si riche qu'on y rencontre une Inanna Mar, et aussi une InannaMar sans espace intermédiaire, peut-être la même, participante à un jeu animalier en ligne.

  Babylone fera ensuite partie de l'empire de Perse, évoquée par l'incongru iwan. La Perse, Ishtar, Marduk, un mariage royal, il est difficile de ne pas penser au livre biblique d'Esther. Le roi Assuérus ayant répudié sa femme Vasthi, il cherche une nouvelle épouse, et choisit la juive Esther, pupille de Mardochée. Il est aisé de reconnaître en ces nom Ishtar et Marduk, bien que l'intention des rédacteurs n'eût probablement pas été polythéiste.
  Le vizir Aman ulcéré de l'influence de Mardochée sur le roi fait voter un décret promulguant l'extermination de tous les juifs, mais le jour venu la situation se renverse intégralement, et c'est Aman qui est pendu sur le gibet qu'il avait fait dresser pour Mardochée...
  Les 10 fils d'Aman sont ensuite pendus, donnant lieu à une disposition unique dans la Bible hébraïque, pour les versets 9,7-9:J'ai fusionné ici le texte d'Esther donné pages 124 et 126 de l'édition Colbo de 1987, ISBN 2-85332-094-4   On y voit dans la colonne de droite le dernier mot du verset 6, ish, "homme", censé désigner Aman, pendu plus tôt sur le gibet qu'il avait préparé pour Mardochée, suivi des noms de ses 10 fils, tués le 13 adar; dans la colonne de gauche, 10 fois la conjonction we'eth, "et", et le premier mot du verset 10, assereth, "dix" (fils d'Aman...) La tradition voit Aman et ses 10 fils avoir été pendus l'un au-dessous de l'autre sur le gibet de 50 coudées de haut.
  Je me suis émerveillé de cette disposition faisant apparaître un carré avec un blanc central, de 11 lignes de hauteur, parce que le carré, le "manque" et le nombre 11 sont essentiels dans l'oeuvre de Perec, dont notamment le recueil Alphabets est constitué de 176 carrés de 11x11 lettres; l'immeuble de La vie mode d'emploi correspondant à un carré gréco-latin est sis 11 rue Simon-Crubellier.

  La tradition de calligraphie de la megillah, le livre d'Esther, préconise que l'initiale du dernier fils d'Aman, un waw, ו, soit une lettre plus grande que les autres, supposée figurer le gigantesque gibet où étaient pendus Aman et ses fils, l'un au-dessus de l'autre...
  La lettre peut aussi se dire ou s'écrire wow, et il apparaît un WOW vertical dans la 2e colonne, juste à côté d'un AMAN dans la 3e colonne. Autour des deux W peuvent apparaître (en jaune) les lettres composant deux WAGON, avec notamment les premières lettres de WAGNer, étymologiquement correspondantes.Je rappelle que la grille débute par GARE, dont les lettres sont aussi présentes dans wAGnER.
  AMAN apparaît dans la colonne rAMANnani, vue comme un retournement de Inanna-Mar(duk), soit Esther et Mardochée, et c'est par un autre retournement que le roi (GIRARE ROI) a fait pendre Aman à la place de Mardochée.

  La place de la Bastille est aussi un symbole du renversement de la monarchie, d'abord par la prise de la Bastille, puis par les Trois Glorieuses, la "seconde Révolution" des 27-28-29 juillet 1830 qui a détrôné Charles X. La colonne de Juillet a été érigée sur la place de la Bastille en commémoration. C'est une autre curiosité que ces 3 jours se situent presque exactement 36 ans après la chute de Robespierre, lequel mis en minorité le 26 juillet 1794 a été guillotiné à son tour deux jours plus tard.
  La guillotine a été installée quelques jours sur la place de la Bastille, en juin 1794, mais c'est sur la place de la Révolution (de la Concorde) qu'est mort Robespierre, le 28 juillet.

  Les versets 9,20-23 du livre d'Esther instituent la fête de Pourim commémorant le tournant du 13 adar (du calendrier hébraïque), sur deux jours, les 14 et 15 adar. Cette fête a symbolisé l'espoir pour maintes communautés juives en péril, et Aman a notamment été identifié à Hitler et aux nazis, avec des curiosités étudiées sur mon billet Les pendus bizarres.
  J'y mentionnais que Perec était né le soir du 7 mars 1936, qui dans la journée correspondait au 13 adar 5696, le jour du "retournement", la naissance de Perec après le coucher du soleil étant survenue dans les premières heures du 14 adar, le début de la fête de Pourim.
  Je l'avais découvert par moi-même en 2002, et n'en ai vu mention nulle part ensuite, aussi je pense avoir été le premier à l'annoncer en juillet 2002 sur des forums, la liste Perec et la liste Oulipo (où mon post est archivé ici, en accès pour l'instant limité aux membres de la liste, mais ce verrou devrait sauter prochainement).

  Alors? Il est probable que Cyril Epstein ait été membre de l'une ou l'autre liste, ou qu'il ait reçu cette information d'une manière ou d'une autre. Sinon il faut admettre que ce texte qui est explicitement un hommage à Perec et semble implicitement se référer à la Shoah et à Pourim soit par hasard donné comme un développement d'une carte postale prétendument signée Rémy.
  Non que je refuse les hasards, ainsi je développerai dans le prochain billet comment, peu avant le bouclage de ce Formules en 2005, y a été ajouté ma composition en carrés, d'abord basée sur une « carpe tostale » signée Rémi, mais on m’a demandé d’écourter.


  Il y a d'autres coïncidences encore plus extravagantes, mais je continue l'enquête "raisonnable"...
  Plusieurs Epstein sont répertoriés par Wikipédia, mais seuls deux d'entre eux ont été victimes des nazis. L'un était Joseph Epstein, activiste communiste, ayant d'abord combattu contre les franquistes, puis important résistant, responsable d'un groupe FTP-MOI parallèle à celui de Manoukian. Il a d'ailleurs été arrêté le même jour que celui-ci, le 16 novembre 43, puis torturé jusqu'à son exécution le 11 avril 44.
  L'autre est un peintre qui a curieusement deux fiches, l'une à son nom de naissance Haïm Epstein, l'autre à son nom francisé Henri Epstein.
   Une galeriste confirme qu'il s'agit bien du même homme, et c'est plutôt sous le prénom Henri qu'il faut chercher ses oeuvres. J'ai choisi cette toile peinte à Epernon où il a passé ses dernières années.
  Les deux fiches Wikipédia se complètent. L'une dit que Henri, interné au camp de Drancy le 24 février 1944, a été déporté le 7 mars par le convoi n° 69 à Auschwitz d'où il ne reviendra pas. L'autre voit Haïm déporté dans un train vers Auschwitz qu'il ne connaîtra jamais. Ceci donne à entendre qu'il est mort pendant le voyage, or le 7 mars 44 était le 12 adar 5704, et il y a donc quelque probabilité que cette mort soit survenue l'un des jours de Pourim.

  Quoi qu'il en soit, le Mémorial de la Shoah confirme que Haïm Epstein était bien dans le convoi du 7 mars, le jour des 8 ans de Perec. 5 autres Epstein (dont un Georges), avec cette orthographe, étaient du voyage.
  Les archives montrent encore que dans le convoi n° 47 du 11 février 43, il y avait une Anne Epstein qui a pu y voir Cyrla Perec, la mère de Georges qu'on pense ne pas être arrivée non plus vivante à Auschwitz. Il y avait deux autres Epstein dans le convoi n° 49 du 2 mars 43, lequel emmenait David Perec, le grand-père de Georges, érudit qui lui racontait des histoires tirées de la Bible en le faisant sauter sur ses genoux... Lui avait dû remarquer sa naissance le premier jour de Pourim.

  Je ne sais s'il y avait parmi ces Epstein des parents de Cyril, mais il est pour le moins fabuleux que le seul déporté Epstein répertorié sur Wikipédia le soit sous deux prénoms, Haïm (page créée le 24 septembre 2007) et Henri (page créée le 14 juillet 2009), alors que Cyril se trompait (ou feignait de se tromper) en 2005 sur le prénom de l'auteur de la carte, Rémy au lieu d'Henry; Haïm-Henri est parti vers Auschwitz le 7 mars 44, et c'est un Rémi qui a signalé que le 7 mars 36 de la naissance de Perec était un 13 adar jusqu'au coucher du soleil.
  Si la date d'envoi de la carte de Rémy-Henry est illisible, la date au recto du 32 février est exagérée; le dernier jour de février 1915 était aussi un 13 adar.
  A noter que les études perecquiennes ont été marquées par le concept des autobiographèmes développé  par Bernard Magné : Perec aurait notamment chiffré dans son oeuvre les dates de sa naissance, 7/3/36, et de la déportation de sa mère, 11/2/43.

  Il y a plusieurs possibilités de lire Magné dans la grille,la plus remarquable me semblant être celle utilisant le AGNE de WAGNER :
G A R E O P E R A
I W A N M A N O N
R O M A N P R I A
A W A G N E R E G
R E N E M A I N R
  Un hébraïsant sait que MAGNE est l'anagramme de MAGEN, comme magen Dawid, le "bouclier de David" ou Sceau de Salomon, l'étoile à 6 branches associée au monde juif. Les porteurs de l'étoile jaune, le MAGEN, étaient entassés dans des WAGEN, des wagons à bestiaux...
  Le même mode de lecture permet de voir PEREG sur les deux mêmes lignes, ce qui ressemble le plus dans la grille à PEREC, qui ne peut s'y trouver tel quel.
  PE-REG pourrait se lire PE-pierraille (arabe reg), comme EP-STEIN pourrait se lire EP-pierre (allemand Stein)...
  La lettre centrale de ce PEREG croise avec ENRRI.
  Un autre chemin (allemand WEG) permet de passer de ce R, qui est donc aussi la lettre finale de WAGNER, au G final de PEREG en formant RING, la Tétralogie que Perec pouvait écouter en boucle...
  A propos de RING, le principal condamné de Nuremberg est Goering, vu correspondre à Aman dans les parallèles entre les deux séries de 11 pendaisons, et les lettres GOERING sont présentes dans la grille.

  Je remarque encore que le P central de la dernière ligne de la grille 9x9 (voir plus haut) pourrait induire une lecture PORIM ou PWRIM, translitération des 5 lettres hébraïques composant le mot Pourim.

  L'inversion MW, plusieurs fois soulignée dans le laïus préliminaire, est donc probablement voulue dans le couple Manon-Wagner, que les wagon ou magen soient impliqués ou non. Tiens, en remplaçant W par M, le nom du compositeur devient MAGNER, anagramme de GERMAN, "allemand" (en anglais).
  Manon a été représenté 4 fois à l'Opéra Bastille avant 2005, et chaque saison avait aussi au programme l'incontournable Wagner.