18.3.13

Albert Freud & Sigmund Einstein


  Le 1er mars j'étais à Aix-en-Provence, où chez un bouquiniste j'ai déniché deux livres qu'il m'a semblé devoir acquérir:
- L'interprétation des meurtres, de Jed Rubenfeld (2006 pour l'original, 2007 pour la traduction française, 2009 pour cette édition Pocket). En voici la traduction dans la langue originale de Die Traumdeutung.
- La symphonie d'Einstein, de Alex Rovira et Francesc Miralles (2009 pour l'original, 2010 pour la traduction française).

  J'avais lu le premier au moment de sa sortie, il montre Freud intervenir dans une énigme criminelle lors de son séjour aux USA en septembre 1909. Jung y apparaît aussi, sous un jour très négatif. J'avais totalement oublié cette lecture lors de ma découverte en septembre 2008 du schéma numérique de la vie de Jung, et je n'ai eu avant ce 1er mars aucune occasion de me souvenir de ce roman dont une relecture s'imposait, malgré la dépréciation de Jung.
  L'autre est un thriller paru chez un petit éditeur. Je n'ai pas souvenir de sa parution, que je n'avais d'ailleurs alors aucune raison de remarquer.
  J'ai lu en décembre dernier le bestseller du Portugais Jose Rodrigues dos Santos, La formule de Dieu (2006), qui a mis quelque temps à acquérir un succès international (traduit en anglais en 2010, en français en 2012). On y trouve une ultime formule d'Einstein, dont le décodage préoccupe les plus hautes instances mondiales.
  J'avais apprécié que le décodage fasse intervenir l'atbash, et qu'une mention anecdotique du nombre d'or y apparaisse, alors que j'ai remarqué depuis longtemps que Einstein Albert est un nom doré, 95/58, se superposant de plus à l'étonnant choeur d'ouverture de la Passion selon St Jean, BWV 245, dont les 95 premières mesures sont séparées des 58 dernières par un silence d'une longueur rare.

  Je suppose que les catalans Alex et Francesc ont été inspirés par le succès de ce livre, 100.000 exemplaires vendus en 2 mois dans le petit Portugal, pour imaginer une autre ultime formule laissée par Einstein, mais la couverture française ne faisait en rien présumer que le nombre d'or pouvait y jouer un rôle, contrairement à la couverture originale.
  Le roman débute par un mystérieux rendez-vous donné à 4 personnes, le héros barcelonais du roman Javier, la Française Sarah, le Danois Klaus et le Polonais Pawel, dans une maison de Cadaquès, propriété d'un vieux Japonais qui travaille sur une biographie définitive d'Einstein.
  Il a acquis cette maison parce qu'Einstein lui-même l'a fait construire en 1927, maison bâtie autour d'un jardin zen intérieur, une grande pierre entourée des ondes d'une mer de gravillons. Yoshimura indique que ces gravillons forment une spirale dorée, qu'Einstein a créée de ses propres mains.
  Ceci est assorti de quelques commentaires issus du mythe du nombre d'or : les Egyptiens et Grecs auraient utilisé cette proportion universelle pour leurs édifices et sculptures, etc., etc.
  Le roman est à l'avenant de ces allégations controuvées, multipliant péripéties inutiles et effets de feuilletonniste de bas étage ("il ne pouvait deviner l'incroyable événement qui allait survenir..."). Enfin je suis bon public quand il y a du nombre d'or en jeu, et il n'est pas anecdotique ici puisque, après avoir sillonné l'Europe et les USA, l'ultime réponse se trouve cachée dans la pierre (ein Stein, "une pierre") au centre de la conque dorée de la maison de Cadaquès.
  Cette ultime réponse est plutôt décevante; l'éminent physicien constatait à la fin de sa vie que la chose la plus importante au monde est l'amour, j'ai l'impression d'avoir déjà vu ça ailleurs... Mais que cette ultime réponse se trouve cachée dans une pierre dorée évidée dans un texte publié en 2009 a pour moi un net écho, car en 2009 a aussi été publiée ma nouvelle L'enchanté réseau, où j'imaginais le secret de Rennes-le-Château caché dans une stèle dorée évidée, à 110 km de Cadaquès.
  Je n'insinue pas que les Catalans aient connu mon texte, associé à une formidable coïncidence lors de sa publication, laquelle s'est fait attendre puisque je l'avais écrit en 2006 pour un concours de nouvelles. Le 20 mai 2009 une promenade me fit découvrir en pleine nature un bloc de pierre semblant avoir été taillé, offrant une face fort proche d'un rectangle d'or. Je revins sur les lieux le 22, avec une pièce de tissu au format d'or pour illustrer l'adéquation, et j'appris le soir même la parution du recueil de nouvelles.
  Ceci fut d'abord signalé sur mon autre blog, puis il me sembla s'imposer d'en parler sur Quaternité lorsqu'il apparut que le recueil portait le numéro 34 dans sa collection, tandis que j'apparaissais également aux sommaires de deux publications parues cette même semaine, sous les numéros 13 et 21; je rappelle que ceci fait écho à de multiples relations Fibonacci 13-21-34, la principale concernant Jung étant Jung/Haemmerli = 52/84 = 13/21, découverte en l'an 136 pataphysique (52+84), allant du 8 septembre 2008 au 7 septembre 2009 (le 20 mai 2009 en était le 200e jour, et j'ai rencontré cette date comme pressentie pour la présentation à Cannes de Mister Nobody, film où apparaît la suite de Fibonacci).

  Je remarquais l'an dernier que, outre d'être les esprits ayant le plus marqué le début du 20e siècle et d'avoir dû fuir leur pays d'origine à cause de leur judéité, un autre point commun unit Albert Einstein et Sigmund Freud dont les noms sont dorés, particularité qui touche environ 1 personne sur 35.
  Je n'avais pas vraiment ceci en tête lorsque l'étal du bouquiniste m'a rappelé l'existence de L'interprétation des meurtres, que je me devais de toute façon de relire. L'intrigue est originale et bien menée, mais les points qui m'intéressent n'ont souvent rien à voir avec la qualité littéraire, et ce qui m'a d'abord frappé est la structure du roman, en 5 parties de 5 chapitres chacune, sauf la dernière qui en a 6.
  Ma découverte du schéma 4+1 dans la vie de Jung a été immédiatement suivie de la découverte d'un schéma similaire dans la série BD Quintett, formée de 4 albums de 64 pages, et d'un 5e de 80 pages, celui consacré au 5e membre du quintette, le psychiatre Charles Guibert, dont certains traits m'avaient évoqué Carl Gustav. En 2009 l'éditeur de la BD a adjoint à la série un 6e album, peu utile à mon sens, mais j'y avais remarqué une vignette imitant la fameuse photo de Freud & Co à la Clark University en 1909, où Charles Guibert apparaît entre Freud et Jung (hélas cette vignette à cheval sur deux pages n'est pas scannable).
  Le roman de Rubenfeld se passe pendant les quelques jours passés par Freud à New York, avant les conférences à la Clark University, et ses 5 parties correspondent aux 5 jours du 30 août au 3 septembre, où l'énigme policière est résolue à la fin du 5e chapitre de la 5e partie. Il semble bien y avoir un calibrage de 5 chapitres par jour, car le dernier chapitre se passe le 4 septembre et est consacré à la résolution d'une énigme subsidiaire, la tentative de sabotage de la visite de Freud, où Jung joue un rôle peu reluisant, ce qui est parallèle à la fin de La chute, où Guibert se révèle l'âme noire du Quintett.
  Ce n'est pas la seule facette négative de Jung, qui est montré copinant avec un personnage réel, le tueur sadique Harry Thaw. THAW est l'anagramme de WHAT, que j'avais vu être la transposition de JUNG selon le rot-13, codage usuel. Je l'avais découvert par hasard, mais la transposition figure sur cette page   donnant les 28 cas anglais.
  L'épilogue, supposé "historique", énonce que Jung connut des épisodes psychotiques après sa rupture avec Freud, et que sa notoriété n'atteignit jamais celle de Freud, dont il railla les idées en les traitant de "psychologie juive"... Ceci est plus qu'exagéré, mais le tableau des 28 cas rot-13 encore présent sous mes yeux contient un autre exemple significatif, envy ↔ rail, avec to envy signifiant "envier" et to rail "railler" (c'est en fait to deride que Rubenfeld a employé).
  Il y a une autre curiosité jungienne dans le roman, évoquant au début la rivalité à New York entre les familles Vanderbilt et Astor, qui se firent construire des demeures extravagantes sur la Ve Avenue, le Petit Château au croisement avec la 52e rue, et le premier Waldorf-Astoria au croisement avec la 34e rue, au futur emplacement de l'Empire State Building. La curiosité est que 52 et 34 sont les valeurs de JUNG et CARL, avec un écho vers la coïncidence des pierres dorées de Cadaquès et Rennes-le-Château, car lorsque j'ai visité il y a deux ans le village audois j'ai remarqué ce panneau en débutant l'ascension en vélo, juste à la sortie de Couiza.

  A propos de ma nouvelle castelrennaise, je remarque que je l'ai écrite en 2006, l'année où sont parus les bestsellers de Rubenfeld et de Rodrigues dos Santos, avec pour figures marquantes Freud et Einstein.
  La formule de Dieu est moins racoleur que La symphonie d'Einstein, et vulgarise agréablement les théories scientifiques à côté d'une intrigue assez prenante.
  Il s'agit donc de décoder un texte retrouvé du physicien
  La solution est une anagramme, en fait une réelle citation d'Einstein :
Raffiniert ist der Herrgott, aber boshaft ist er nicht.
  L'une des traductions est en exergue du chapitre 55 de La symphonie d'Einstein, "Dieu est compliqué, mais il n'est pas mauvais."
  Le manuscrit retrouvé d'Einstein s'achève sur deux autres formules énigmatiques :
See sign !
ya oqvo
  La première est encore une anagramme, celle de Genesis, le livre de la Genèse.
  La seconde est doublement codée, par le chiffre d'Alberti qui livre ! il rsvb, puis par atbash, ! ro ihey, qu'il suffit de renverser pour obtenir yehi or !, le Fiat lux ! de Gn 1,3, "Que la lumière soit !" Certains scientifiques voient une remarquable connaissance dans le fait que la lumière ait été selon la Genèse la première création divine, avant les luminaires.
  Pour ma part, je remarque le double codage associant LEON Alberti à l'ATBASH, alors que mes recherches sur l'exemple classique d'atbash Wawel-Sesak m'ont conduit au "lion" polonais lwaw, au "lion" tokharien sisak, et aux châteaux triangulaires de Wewel et Sisak.
  Ce double codage est aberrant d'un point de vue cryptologique, et peut rappeler le cas du parchemin de Rennes-le-Château, d'une complexité inutile.
  La complexité du décodage est ici particulièrement absurde car, si on a trouvé Genesis, un hébraïsant peut aisément deviner que ---- -- ! signifie yehi or !, les premiers mots de Dieu (mais j'avoue n'y avoir pas pensé).
  La traduction française offre une particularité, puisque l'hébreu or, "lumière", est homophone du français "or". Si l'étymologie moderne réfute un lien entre les deux mots, ce n'a pas toujours été le cas.
  Je remarque ce bijou illustrant la formule yehi or par un soleil spiralé. La spirale n'est pas ici d'or, mais celle de la coquille illustrant l'édition originale de La symphonie d'Einstein ne l'est pas non plus, ni celle de l'édition en catalan.

  J'avais jugé la présence du nombre d'or anecdotique dans La formule de Dieu, elle ne l'est peut-être pas tant que ça à la "lumière" de son clone catalan, car l'ami mathématicien d'Einstein auquel il avait fourni les clés de décodage de sa formule ! ya oqvo est dit obsédé par pi et phi.
  Les Catalans ont repris l'idée que le dernier secret d'Einstein avait un rapport avec son nom; c'était le prénom dans le roman portugais, menant au chiffrage d'Alberti, c'est ici le nom, menant à la pierre d'or.
  Peut-être ont-ils encore rendu hommage à leur source, en faisant écrire à Einstein dans l'ultime réponse trouvée dans la pierre d'or que l'Amour est lumière.
  Les 72 chapitres de leur roman sont répartis en 4 parties numérotées, Terre, Air, Eau, Feu, débutant par une description new-ageuse de chaque élément. Après la fin du récit et la révélation de l'ultime formule vient une page de titre de même composition que celle des 4 parties, La Quintessence, mais qui n'est pas indiquée être la 5e partie. Suit une description toujours new-ageuse de cette quintessence dite au bout du compte équivalente à l'Amour...

  Cette structure quinaire peut être superposée à celle de L'interprétation des meurtres, avec la différence que la 5e partie est dans un cas surdimensionnée, limitée à une page dans l'autre.
  Lorsque je tombe sur un texte faisant quelque écho à mes préoccupations,je m'intéresse à la numérologie de ses personnages, et il y a une curiosité dorée dans La symphonie d'Einstein, où Javier semble être un jouet ballotté entre deux troublantes créatures, la Française Sarah, qui l'accompagne dans toutes ses démarches mais dont les visées propres sont quelque peu mystérieuses, et la Suisse Lorelei, qui les suit dans l'ombre et dont le rôle est encore plus énigmatique.
  La fin révèle que Sarah est l'arrière-petite-fille d'Einstein, et que Lorelei est sa demi-soeur. Quoique appartenant à deux factions rivales, la Quintessence et la Fraternité (je pense à celle des Rose-Croix qui avait inspiré ma nouvelle sur la pierre d'or), leur lien familial leur interdit toute action extrême l'une envers l'autre. Au-delà de ces points qui restent assez nébuleux, je constate
SARAH / LORELEI = 47/76 = 0.618...
C'est un très bon rapport d'or, 47 et 76 étant des nombres de la série de Lucas. Et selon le poème Die Lorelei de Heine,
La plus belle fille est assise,
Ses bijoux d'or brillent,
Elle peigne ses cheveux d'or.

  S'il apparaît un rapport d'or entre les prénoms des deux soeurs imaginées par les Catalans, il en apparaît un autre entre leurs deux prénoms,
ALEX / FRANCESC = 42/69
rapport qui m'évoque New York, où se passe la 3e partie du roman. C'est à New York que se passe la totalité de L'interprétation des meurtres, avec un curieux écho : le noeud de l'intrigue concerne un étrange couple, dont le mari George est d'abord le principal suspect, tandis que la femme Clara semble sa pauvre victime. Ils ont en fait chacun leur part de responsabilité dans les crimes commis, et
CLARA / GEORGE = 35/57 est encore un rapport doré.

  Alex Rovira est né le 1er mars 1969, exactement 44 ans avant que j'apprenne son existence.
  Son collègue Francesc Miralles est né le 27 août 1968, à Barcelone également, et j'ai remarqué cette couverture d'un de ses ouvrages qui m'a rappelé la traduction de mes Pans du bizarre parueno code in the Spanish translation chez un éditeur de Barcelone. Je rappelle qu'un autre roman se passant à Barcelone contenait des coïncidences dorées.
  Les 1/3 et 27/8 étaient les 60e et 240e jours de ces années (la seconde bissextile), et mes oulipotes avaient trouvé pour l'anniversaire de mes 60 ans la relation
25+35 = 13+47 = 19+41 (=60)
également valable en prenant les gématries des nombres exprimés en toutes lettres, le total étant alors 240 = 4x60.
  Le 27 août est encore l'anniversaire de la mort de Le Corbusier, qui a présenté son Modulor à Einstein, lequel a eu une réaction enthousiaste.

  L'an dernier, les rapports d'or nom-prénom et prénom-nom des deux esprits ayant marqué le début du siècle m'avaient amené aux formes
ALBERT FREUD = 112
SIGMUND EINSTEIN = 182
correspondant à une moyenne 56/91 = 8/13.
  56/91 était alors pour moi associé à la formidable coïncidence de Marina Sloty (56/91) perdant sa virginité le 4 avril 1959 dans un roman de Raoul de Warren, ce qui est aussi le cas de Tania Vläsi dans une nouvelle de Philippe Claudel, où cette vieille fille est affublée du numéro 5691.
  Ces derniers mois m'ont fait découvrir d'autres 56/91 :
- April Orenski, personnage du film Halo-4, signalé en janvier par Laurent, remarquable pour 3 raisons;
- Lucas Joubert, découvert quelques jours plus tard dans le film Parlez-moi de vous;
- j'ai signalé ces deux cas dans mon premier billet de février, mes deux premiers billets de mars ont été dédiés à Denise = 56 et Laurent = 91;
- après le décès de ma mère en décembre, j'ai décidé d'élire pour nouvelle mère Denise X, et me suis enquis de son nom de jeune fille, qui se trouve être Y = 91 (j'avais déjà choisi les dédicaces de ces billets avant de découvrir ceci, et avant l'achat des deux romans à Aix).

  Le choix de la formule yehi or ! comme ultime message d'Einstein a pour moi de multiples échos.
  Dans le billet où j'avais parlé du jeu rot-13 what ↔ Jung, ceci était étroitement associé aux 4 formes développées du nom YHWH, de valeurs 45-52-63-72, de somme 232, ce que la cabale a remarqué être la valeur de yehi or.
  Le roman donne deux équivalences gématriques hébraïques, la valeur simple de YHWH, 26, et la valeur 318 de Eliézer, le serviteur d'Abraham, laissant entendre pour l'exégèse que les "318 hommes de sa maison"
 cités en Gn 14,14 se limitent en fait à ce seul serviteur. Il se trouve que la valeur de tout le verset Gn 1,3, Dieu dit "Que la lumière soit !", et la lumière fut., est 813.
  De plus, certains ont vu ce nombre 813 structurer le premier jour de la création, avec notamment la possibilité d'omettre la seconde partie de Gn 1,2, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux., ainsi les 15 mots et 56 lettres débutant la Genèse ont pour valeur 4878 = 6x813.
  L'addition du verset 1,3 conduit à 5691 = 7x813, en 21 mots répartis en 8 (demi-verset 2) et 13 (versets 1 et 3).
  Le tableau ci-dessus représentant le verset 1,3 est de Dorit Gur, qui a aussi peint les 72 noms de Dieu correspondant aux versets de 72 lettres d'Exode 14,19-21, insondable mystère évoqué à diverses reprises.
  Pour revenir aux allusions gématriques de Rodrigues dos Santos, je suppose que si celui-ci avait connu l'obsession de Wolfgang Pauli pour la valeur 137 du mot qabalah, en relation pour lui avec la constante de structure fine, il n'aurait pas manqué de la citer.

  Dernièrement, j'ai remarqué le nom de (Luk) LYSGAARD-PEACOCK = 87-54, équivalent à SIGMUND-FREUD; c'est le dernier amour de Frederica dans la tétralogie de Byatt, biologiste intéressé par les spirales d'or. Son prénom comme son nom dérivent de la "lumière", lux latine, lys danoise.

  J'ai aussi rencontré un remarquable "homorithme" de Albert Einstein, REGIS WARGNIER = 58/95, le réalisateur de Pars vite et reviens tard. Son anniversaire de naissance, le 18 avril (1948) est aussi celui de la mort d'Einstein (1955), ce qui a quelque analogie avec la naissance de Francesc Miralles un 27 août (1968), jour de la mort de Le Corbusier (1965).

  L'évocation des nombres 318 et 813 me donne l'occasion d'aborder une curiosité découverte en mai dernier. J'avais alors exhumé de mon fatras de bouquins Les lois de la création de Wronski, de Marie-Louise Herboulet, réédition au Rocher en 1993 d'un livre de 1949, où l'auteur avait étudié l'application à l'astrologie des lois de Wronski, curieux personnage mort en 1853; je crois n'avoir acheté jadis ce livre que pour la ressemblance entre Wronski et Vorski, personnage de L'île aux 30 cercueils.
  Je l'ai rouvert par curiosité, et me suis avisé qu'il se terminait par une étude comparée des thèmes astraux des 3 fondateurs de la psychanalyse, Freud, Adler et Jung. Je ne connais rien à l'astrologie, mais j'y ai remarqué le Soleil en 3° 18' (et18").
  D'autres thèmes de Jung donnent pour le Soleil 3° 18' ou 3° 19', mais divergent largement pour Mercure, dont j'avais remarqué le 13° 8', pour l'anagramme de 318, sachant l'importance de Soleil et Mercure pour Jung, et pour la tension idéale de 13-8, mesurée en cm de mercure.
  3° 18' était encore frappant parce que 15 jours environ plus tôt j'avais retrouvé un cahier où j'avais noté la valeur du soleil grec Hélios, Ἥλιος = 318, ce qui faisait alors coïncidence avec le nombre 318, nombre clé du premier épisode de Touch, où il est aussi beaucoup question de spirale d'or. Ce 318 associé au soleil trouvait un écho dans l'éclipse de soleil du 17 avril 1912, date où débutent "813" de Leblanc et Pilgrim de Findley, sujet du précédent billet. J'y mentionnais aussi l'aventure suivante de Lupin, Le triangle d'or, qui s'achève sur la chapitre Que la lumière soit !, en hébreu yehi or...
  J'y avais hésité à mentionner le cas du principal autre pensionnaire du Burghölzli : Pilgrim est interné dans la chambre 306, tandis que la 319 est occupée par la comtesse Blavinskeya, qui croit vivre dans la lune, aussi la 319 est appelée "la lune". Curieux avec le Soleil de Jung vers 3° 19'.

  Pour finir Freud est né en 56 (1856), valeur de l'hébreu yom, "jour", tandis que Jung est né en 75, valeur de l'hébreu layla, "nuit".
  

7.3.13

signes & cygnes

pour Laurent mon nouveau phrère

  J'avais évoqué A dangerous method de Cronenberg avant de voir le film, et n'ai plus eu envie d'y revenir après l'avoir vu, tant le peu de sympathie de Cronenberg pour la psychanalyse y est évident. Il se montre de plus particulièrement hostile envers Jung, dont la relation avec Sabina Spielrein est dépeinte comme sadique.
  J'avais donc visionné le film sans beaucoup d'attention, et Laurent vient de me signaler un détail que je n'avais pas remarqué. Jung met un terme à sa relation avec Sabina en 1910, et le film fait ensuite un bond de deux ans pour montrer Sabina rendant visite à Freud, à sa fameuse adresse 19 Berg Gasse, pour lui montrer son mémoire de doctorat.
  La date est précisée au 17 avril 1912, or je connais bien cette date, qui est celle d'un événement parisien important, une éclipse solaire presque totale dont la ligne de centralité est passée à quelques kms à l'ouest de Paris. Il n'y a ensuite rien eu de comparable en France jusqu'à l'éclipse du 11 août 1999.
  Le Figaro a consacré un article au centenaire de l'événement, sous le titre L'éclipse qui fit de l'ombre au Titanic.
  C'est que la veille on apprenait le naufrage du Titanic dans la nuit du 14 au 15, et c'est ce qui conduit Pilgrim, personnage principal du roman éponyme (1999) de Timothy Findley, à tenter de se suicider ce 17 avril, et l'incipit du roman fait aussi apparaître l'adresse de Pilgrim :
Aux premières heures du matin, le mercredi 17 avril 1912, un certain Pilgrim pénétra pieds nus dans le jardin de sa résidence londonienne, au 18, Cheyne Walk.
  Mais Pilgrim est immortel, et après un constat de décès signé par deux médecins son coeur recommence à battre vers midi. Il est ensuite envoyé au Burghölzli où il est soigné par Jung, second personnage principal du roman.
  Il est possible que Cronenberg ait ici rendu hommage à Findley, natif de Toronto comme lui, mais son film est basé sur une biographie de Sabina Spielrein par John Kerr, A most dangerous method, où cette date est peut-être donnée. Je n'ai pas cherché à approfondir car, dans tous les cas, la récurrence de cette date ouvre sur de multiples coïncidences.

  Je la connaissais d'abord par le roman "813" de Maurice Leblanc, écrit en 1910, dont l'action est anticipée car il se passe 3 ans après la supposée mort de Lupin dans L'aiguille creuse (1909). Il débute un mardi 16 avril, ce qui est compatible avec 1912, et la réédition de 1917 donnera la précision "deux ans avant la guerre".
  Le début effectif de l'action se passe le lendemain, avec le mystérieux tueur LM, "l'homme noir", qui frappe à 3 reprises au Palace-Hôtel, à Neuilly, malgré la présence sur place de la police. Dolorès Kesselbach, la femme de la première victime, arrive à l'hôtel cerné par la police à midi, ce qui l'écarte de toute suspicion.
  C'est en fait une servante qui jouait son rôle, et je suspecte Leblanc d'avoir joué avec ce moment exact de l'éclipse, le 17 avril à midi, pour expliquer à ses lecteurs futés comment le stratagème avait pu réussir, le ciel étant alors fortement obscurci à l'ouest de Paris.
  Ce roman cache pour moi d'autres subtilités, et il me semble ainsi receler de multiples allusions à "l'orphelin de l'Europe", Gaspard Hauser, prétendu héritier du royaume de Saxe, qui se prétendait pourchassé par un homme noir, d'initiales MLÖ selon un document en écriture spéculaire trouvé sur Hauser blessé d'un coup de couteau qui entraînera sa mort.
  Ci-contre la stèle de Gaspard, portant l'inscription latine Ici un inconnu a été tué par un inconnu le 14 décembre 1833.
  Je n'y insiste pas, ayant détaillé l'affaire ici. Il est bien connu par ailleurs des spécialistes de Perec que son personnage récurrent Gaspard Winckler a pour première source Gaspard Hauser, et plus particulièrement celui vu par Verlaine, le "calme orphelin" de Gaspard Hauser chante, dont Perec a proposé 15 variations (analysées ici par Magné), le moins calme et moins orphelin de Scénario pour un ballet, où Gaspard retrouve son père, millionnaire anglais, et le tue, ce qui à l'évidence est à l'origine du Condottière et de La vie mode d'emploi (VME), où Gaspard Winckler tue, directement ou plus sournoisement, son employeur, Madera ou Bartlebooth.
  Un autre Gaspard Winckler, sinon deux, apparaît dans le feuilleton W, en 19 épisodes parus dans La quinzaine littéraire en 1969, republiés en 1975 dans W ou le souvenir d'enfance, entrelacés avec l'histoire de la famille Perec. Le feuilleton a lui-même été double, avec un récit plein de promesses dans les 6 premières livraisons, un rendez-vous donné au narrateur Gaspard Winckler par un certain Otto Apfelstahl, M.D., au 18 Nurmbergstrasse, pour lui demander d'enquêter sur le sort du Gaspard Winckler auquel il doit son nom...
  Perec s'est trouvé incapable de poursuivre; le début de l'épisode suivant demande au lecteur d'oublier tout ce qu'il a lu précédemment, et le récit passe à tout autre chose, la description de l'univers impitoyable de l'île W.

  Le premier paragraphe de la 4e de couverture de Pilgrim s'achève sur une phrase, "La mort a refusé Pilgrim", qui rappelle le 4e vers de la 3e strophe de Gaspard Hauser chante,
La mort n'a pas voulu de moi.
  Ce paragraphe de l'édition originale contient une imprécision, puisqu'on pourrait croire que c'est le lendemain du 17 avril que Pilgrim est retrouvé, et une erreur manifeste, corrigée dans l'édition de poche ("l'attestation de son décès est signée").

  Perec a dès 1970 voulu inclure W à une oeuvre plus vaste, en 3 parties de 19 chapitres, avec ses souvenirs "pour E" et une partie "intertexte" dédiée à S., sa chérie d'alors, mais ce projet a stagné jusqu'à une solution numérologique trouvée en 73, à l'anniversaire de ses 37 ans le 7/3.
  La partie intertexte n'était plus de mise depuis la rupture avec S., et cet ovni littéraire hautement personnel aurait 37 chapitres, découpés en 11-26, autres nombres clés de l'arithmétique perecquienne.
  La numérologie semble avoir plus aidé Perec à vaincre son blocage que l'analyse suivie depuis 1971 avec JB Pontalis; en tout cas Perec a jugé qu'il n'avait plus besoin du psy dès la réception favorable de W ou le souvenir d'enfance.

  Il est maintenant possible de revenir sur le personnage d'Otto Apfelstahl M.D. qui fait venir Gaspard au 18 Nurmbergstrasse. "Etes-vous médecin ?" lui demande Gaspard, sans obtenir de réponse claire.
  Plusieurs spécialistes de Perec ont vu cette adresse faire référence à celle de Freud, 19 Berggasse, et je me demande si cette demeure devenue musée avait du temps de Perec la même apparence qu'aujourd'hui, avec cette plaque "W" (pour Wien) surmontée de 4 drapeaux de Vienne formant le double V de la "géométrie fantasmatique" (chapitre XV de W ou le souvenir d'enfance).
  Pourquoi 19 est-il devenu 18 ? Si l'exégèse est fort laconique sur ce point, il est curieux que ce 18 présent dès 1969 sera la solution longtemps cherchée au problème de la forme finale du livre, en 19+18 chapitres.
  Pourquoi Nuremberg plutôt qu'un autre Berg, et pourquoi cette forme bâtarde Nurmberg qui ne correspond ni à l'allemand Nürnberg, ni au français Nuremberg ? Les commentateurs évoquent volontiers le nazisme et les lois raciales promulguées à Nuremberg, Manet von Montfrans développe l'hypothèse à mon sens judicieuse de la première apparition de Gaspard Hauser à Nuremberg, Gaspard qui aurait été le bâtard d'un Allemand et d'une Française...

  Je ne sais si Perec a comme moi vu "813" faire allusion à l'affaire Hauser, avec Gérard Baupré transformé en héritier d'un duché allemand le 30 avril 1912, centenaire de la naissance de Gaspard Hauser le 30 avril 1812 (tiens un autre jeu 18-19), mais il est clair que VME contient des références au roman de Leblanc, une explicite avec les 813 cannes de lord Ashtray, une plus secrète avec la triple mort du diamantaire Zeitgeber au chapitre L, milieu exact des 99 chapitres de VME, où l'allusion la plus immédiate est encore sous le signe du W, l'enquêteur Waldémar rappel du chef de la police Waldemar dans "813".

  J'espère que ces brefs aperçus ont donné une idée de mes ressentis d'abord devant l'incipit de Pilgrim, puis devant le retour du 17 avril 1912 dans A dangerous method. Les différentes lectures énoncées ci-dessus vont pour moi bien au-delà de l'interprétation littéraire, et, quelles qu'aient été les intentions des auteurs, l'éclipse et Gaspard sont pour moi présents dans "813", l'adresse de Freud et Gaspard dans W, le lien entre "813" et W étant établi dans VME.
  Quelques jours après ma découverte du schéma dans la vie de Jung autour du 4/4/44, j'ai lu Pilgrim sur les conseils de dp. Dès mes premiers commentaires, j'ai remarqué qu'un personnage de W était le précepteur de Gaspard Winckler, Angus Pilgrim, dont le nom traduit "Angus Pèlerin" contient toutes les lettres de "Arsène Lupin" (+ G), ce qui m'avait inspiré une nouvelle en 2000.
  Pilgrim se passe lors du début de la liaison de Jung avec Toni Wolff, mais sa première affaire avec Sabina est mentionnée, et je remarquais encore que "Spielrein" contient toutes les lettres de "pèlerin".
  Et voici donc Spielrein qui rend visite à Freud le 17/4/12, lequel la critique sur son association de l'Eros à la mort, ce jour même où Pilgrim/Pèlerin tente un nouveau suicide, ce jour encore où Arsène Lupin découvre la mort du diamantaire Kesselbach, assassiné par un "homme noir" qui s'avérera être sa femme, dont Lupin tombe amoureux. C'est dans ce roman qu'apparaissent les pseudos anagrammatiques de Lupin, Paul Sernine (pas loin de Paul Verlaine), et Luis Perenna, nom évoquant la déesse de l'immortalité.
  Lupin prend ce nom après une tentative de suicide, ratée : "la mer n'a pas voulu de moi" dit-il dans le dernier paragraphe du roman (je me souviens à nouveau du "La mort n'a pas voulu de moi" de Gaspard Hauser chante).

  J'ai relu Pilgrim, enrichi de 4 ans de recherches diverses, qui m'ont notamment fait découvrir l'évasion du Burghölzli de Otto Gross contée par Tobie Nathan dans Mon patient Sigmund Freud, où Gross encourage Jung à céder à son désir pour l'infirmière Else Richt, qui me semble dissimuler la maîtresse de Gross, Else Richtofen.
  Gross apparaît également en entremetteur dans A dangerous method, où c'est lui qui semble persuader Jung de céder à Sabina Spielrein, mais c'est Gross qui lutine ici une infirmière avant d'utiliser l'échelle pour franchir le mur du Burghölzli.
  Pilgrim s'évade du Burghölzli le 22 juin 1912, et est emmené par une Renault (anagramme de Laurent) à Paris, où il arrive le 28. C'est curieusement à peu près au même moment (vers le 25 juin) que Lupin est arrêté dans "813", parce qu'il ne parvient pas comme "l'autre", "l'homme noir" LM, à s'éclipser (mot utilisé dans le texte).

  Lupin sortira de prison le 22 août, grâce à sa "grande combinaison", la proclamation qu'il allait publier ce jour toute la vérité sur l'affaire 813. Des mesures drastiques lui interdisent fin juillet toute communication avec l'extérieur, si bien qu'il ignore où en est son plan jusqu'au 13 août :
  J'avais vu dans cette précision de date, rare dans le roman, un jeu avec le 13/8 ou 8/13 à l'anglaise, mais je n'étais pas alors concerné par la suite de Fibonacci et n'avais pas prêté attention à la date suivante précisée, le 21 août, la date limite prévue par Lupin pour la réussite de son plan.
  On passe donc du 13 au 21, et ma première lecture de Pilgrim m'avait révélé une structure fibonaccienne du roman, avec notamment ses deux premières parties en 21-13 chapitres. Je ne connaissais pas alors le nom du médecin de Jung, supposé mort à sa place, ni donc la relation Haemmerli/Jung = 84/52 = 21/13.

  Haemmerli est mort le 30/6 (1944), et Pilgrim est hébergé dans la suite 306 du Burghölzli. Le dimanche 30 juin 1912 manque dans le récit des derniers jours de Pilgrim. Le 28 il arrive à Paris, le 29 il visite le Louvre et obtient du conservateur le droit d'y revenir le lundi suivant lorsque le musée est fermé au public. Ce lundi 1er juillet il vole la Joconde, pour la donner à l'ouvrier Peruggia qui la prétendait volée par Napoléon (ce vol eut bien lieu mais en 1911, et les lupinologues savent bien que le réel original était selon L'aiguille creuse depuis longtemps en possession d'Arsène).
  C'est que Pilgrim l'immortel a traversé les siècles sous de multiples identités. Il a ainsi été Elisabetta Gherardini, soeur jumelle d'Angelo, giton de Léonard de Vinci qui les a pris pour modèles de sa Monna Lisa, d'où l'androgynie du tableau. Pilgrim a pour des raisons peu évidentes décidé d'effacer ses traces laissées au cours des siècles, et son étape suivante est Chartres, où il a été au 12e siècle Simon-le-Jeune, artisan créateur du vitrail de la Belle Verrière. Il met le feu à la cathédrale le 2, et est consterné d'apprendre le 3, à l'auberge du Pèlerin (!), la mort d'un clochard dans l'incendie.
  Le 4 juillet 1912 est précisé être le 136e anniversaire de l'Indépendance des USA. Je rappelle que le jour de ma découverte du schématisme de la vie de Jung était le 1er jour de l'an 136 pataphysique, et que je devais découvrir ensuite les valeurs de Jung+Haemmerli = 52+84 = 136.
  Ce 4 juillet Pilgrim et son chauffeur s'arrêtent pour déjeuner au bord de la Loire. Quelques indices lui donnent à penser que les Dieux qui l'ont condamné à l'immortalité se sont peut-être lassés, et il se glisse au volant de la Renault qu'il précipite dans la Loire. Son corps ne sera pas retrouvé.
  Sa dernière pensée est pour le saule d'Ophélie, face à un saule au bord du fleuve "comme pour lui ouvrir la voie, comme il la lui avait ouverte à elle".
  Cette Ophélie est due au préraphaélite John Millais (tiens, décédé un 13 août, 8/13 anglais), proche de Rossetti qui a habité 20 ans au 16 Cheyne Walk. Je rappelle la présence des préraphaélites dans diverses coïncidences, et surtout la domiciliation de Pilgrim au 18 Cheyne Walk, voie riveraine de la Tamise très prisée des artistes.

  Je rappelle encore que ma coïncidence de départ sur le 17 avril 1912 est liée aux adresses 19 Berggasse et 18 Cheyne Walk, et que ce couple 19-18 me semble via le 18 Nurmbergstrasse faire coïncidence avec la structure de W ou le souvenir d'enfance.
  Il y avait 19 ans d'écart entre Freud, né en mai 1856, et Jung, né en juillet 1875, et le site IMDb remarque qu'il y a de même 19 ans d'écart entre les acteurs les incarnant, ce qui n'est vrai qu'en se limitant aux années de naissance 1958 et 1977. En fait Viggo Mortensen né le 20 octobre a 18 ans (et un peu plus de 5 mois) de plus que Michael Fassbender né le 2 avril.

  Il y a encore des coïncidences personnelles que je me refuse à éluder. Le 2 février 2008 mes amis parisiens bd & bd étaient de passage en Provence, et nous avons décidé de déjeuner ensemble à Cotignac dans le Var, où ils avaient passé la nuit, sans relation aucune avec le fait que ce village soit un lieu de pèlerinage.
  Il faisait un temps magnifique ce jour, si bien que nous avons décidé de pique-niquer au pied du curieux rocher contre lequel est adossé le village.
  Ce fut pour moi l'occasion de découvrir cette curieuse stèle de 1830 dédiée à Napoléon, ensuite modifié en Apollon, ce qui me rappela aussitôt "813", où l'énigme 813 est associée au mot APO..ON, dont le secret est révélé dans le chapitre Les lettres de l'empereur.
  On cherche des lettres de Guillaume Ier (Wilhelm), cachées dans une des 12 chambres du château de Veldenz dédiées aux dieux de l'Olympe, et la première piste est la chambre APOLLON. Cette éclipse des L lunaires dans le nom du dieu solaire m'avait semblé significative...
  Mais c'est une fausse piste, et la cache se trouve dans la pièce où NAPOLEON a passé une nuit en 1809; la cache est vide, et j'en ai déduit que le titre du chapitre concerne non les missives du Kaiser mais les caractères de Napoléon...

  Lorsque en septembre suivant dp me fit découvrir Findley, dont j'ignorais tout, j'appris qu'il avait passé la fin de sa vie à Cotignac, où il est inhumé.
  C'est donc à Cotignac qu'il a écrit Pilgrim, son avant-dernier roman, ainsi que le dernier, Les robes bleues, sur lequel j'ai jeté un oeil.
  Je ne suis pas parvenu à m'intéresser à cette histoire qui se passe à Stratford (Ontario), où se déroule un festival shakespearien dont Findley était un familier, pendant l'été 1998, du 25 juin au 19 août. Puis il y a un saut pour les quelques pages du dernier chapitre, Cygnes, se passant le dimanche 4 avril 1999.
  Je connais bien cette date, que j'ai utilisée dans mon roman Sous les pans du bizarre où des latinistes étaient assassinés à des dates géminées, le 3/3, le 4/4, le 5/5... Parce que le 4 avril était en 99 le dimanche de Pâques, j'avais introduit quelques allusions pascales dans mon récit de la mort de Jacques Courtas à la station Denfert, en hommage notamment à Maurice Leblanc que je soupçonne fortement d'avoir joué avec les dates de Pâques.
  J'ai donc lu cet ultime chapitre écrit par Findley, sans pouvoir y décrypter quoi que ce soit, et une petite enquête m'a révélé que ce 4 avril était vraisemblablement un hasard, car l'autre événement important de Stratford, avec le festival d'été, est la Parade des cygnes fixée au premier dimanche d'avril. La rivière et le lac de la ville abritent une trentaine de cygnes et autres volatiles, mais ceux-ci doivent prendre leurs quartiers d'hiver dans une grange de novembre à mars, la rivière étant gelée. Leur retour à l'eau se fait en fanfare, lors d'une cérémonie typique qui attire une foule énorme :
  Il s'est donc trouvé que le premier dimanche d'avril 99 était Pâques, mais la coïncidence va bien au-delà de ce premier constat.
  Pilgrim débute le 17 avril 1912, date des crimes du Palace-Hôtel au début de "813", et Les robes bleues s'achève un dimanche de Pâques 4 avril, or l'aventure suivante de Lupin est l'enquête du Triangle d'or sur une mystérieuse mort survenue le matin du 4 avril 1915, qui était aussi un dimanche de Pâques (et il s'agit de la mort de quelqu'un qui avait survécu à une tentative d'assassinat le 14 avril 1895, autre dimanche de Pâques).
  Par ailleurs 1999 a été marqué en France par l'éclipse du 11 août, la plus forte depuis celle du 17 avril 1912. Comme mon roman a été écrit l'été 99, j'y ai introduit de multiples allusions à l'éclipse, ainsi que des citations cachées de "813".
  J'ai aussi codé dans ses 14 chapitres le sonnet Vocalisations de Perec, pour sa valeur 6272 qui me fascinait déjà depuis plusieurs années.Neuf ans plus tard je découvrirais le schéma de la vie de Jung, et ses 6272 jours entre deux dates géminées, le 4/4 (44) et le 6/6 (61), dates où j'avais fait mourir Courtas, en pensant au 4/4 du Triangle d'or, et Cortier, nom emprunté à Locus Solus où les 3 morts dont est responsable Cortier me semblent calquées sur les Trois crimes d'Arsène Lupin (seconde partie de "813").

  En cherchant la date exacte de notre déjeuner avec les bd à Cotignac, j'ai été émerveillé de trouver que c'était le 2/2. J'avais déjà vu ici que ma première idée de patchwork doré avait été réalisée par Anne le 4/4 de cette même année 2008, patchwork qui serait quelques jours plus tard brodé d'un 813 car la pièce jaune de départ était un rectangle de 8 unités sur 13 (je ne savais pas alors que le 4 avril était le 13/8 du calendrier pataphysique).
  Si mon "journal des coincs" est loin d'avoir toutes ses entrées à des dates géminées, je remarque particulièrement ces deux événements du 2/2 et du 4/4 à cause de la rencontre avec bd & bd, soit 2-4 et 2-4, ce qui entrait pour une part dans la dédicace A B D de mon avant-dernier billet.
  J'ai cherché une image ou une vidéo de la Parade des cygnes de 2008 à Stratford, mais elle fut exceptionnellement annulée cette année, la rivière étant encore gelée.

Note : Laurent me rappelle que les arcanes 18 et 19 du Tarot sont la Lune et le Soleil. Sans prêter une quelconque intention ésotérique à Perec, le remplacement de 19 par 18, du Soleil par la Lune, peut trouver sens dans le contexte de l'éclipse du 17, l'Etoile assimilée à Mercure, dieu des voleurs. Et pourtant ces arcanes 17-18-19 ont été au premier plan de plusieurs billets

3.3.13

méandres

pour Denise ma nouvelle mère

  Au départ de ce billet il y a une réflexion sur les mots turcs pour "blanc" et "noir", ak et kara. Ceci m'a rappelé La Vie mode d'emploi (VME), dont l'histoire principale est celle du riche excentrique Bartlebooth, qui a décidé de consacrer sa vie à une entreprise qui ne laisserait aucune trace :
- apprendre pendant 10 ans l'aquarelle (1925-1934);
- peindre pendant 20 ans 500 marines au cours d'un tour du monde (1935-1954);
- consacrer les 20 années suivantes (1955-1974) à résoudre les puzzles réalisés par Gaspard Winckler à partir de ces aquarelles, dans l'ordre où il les avait peintes; après chaque résolution, l'aquarelle originale est séparée de son support de bois, ramenée à l'endroit où elle a été peinte, effacée, et Bartlebooth en récupère le papier vierge...
  Ce projet échoue, comme la plupart des grands projets évoqués dans VME. Les raisons en sont multiples :
- les puzzles deviennent de plus en plus difficiles;
- la vue de Bartlebooth baisse, et il devient complètement aveugle en avril 75 après la résolution du 438e puzzle représentant Trébizonde, alors qu'il a 16 mois de retard;
- par ailleurs un esthète suisse a appris l'existence du projet, et multiplie les tentatives pour s'emparer des aquarelles de Bartlebooth; peut-être réussit-il pour cette 438e aquarelle, car les quatre hommes chargés de l'effacer à Trébizonde meurent dans un inexplicable accident...
  Bartlebooth décide alors de renoncer à cette dernière partie du rituel, sans effet puisqu'il meurt le 23 juin avant d'avoir achevé le 439e puzzle, représentant un port à l'embouchure du Méandre.

  Le Méandre (Büyük Menderes en turc) se jette dans la mer Egée, partie de la Méditérranée, laquelle se nomme en turc Akdeniz, "mer blanche", par opposition à Karadeniz, la mer Noire qui baigne Trébizonde (Trabzon).
  Le noir et le blanc pour ces deux derniers puzzles, voilà qui peut trouver sens quand on sait que chaque puzzle en attente est dans une boîte noire, que chaque puzzle résolu est appelé à redevenir une feuille blanche, que l'esthète suisse habite dans les Grisons, et qu'un de ses pseudonymes est Ehrich Weiss ("blanc"), nom de naissance de Houdini. Ou encore que cette partie de la mer Blanche, la mer Egée (Ege Denizi), doit son nom selon la mythologie au père de Thésée; il était prévu que la flotte de retour de Crète arbore des voiles blanches si Thésée avait survécu, noires sinon, mais les voiles se trouvèrent noircies par accident, et Egée désespéré se noya sans plus attendre.
  Environ mille kilomètres séparent Trébizonde de l'estuaire du Méandre (les deux flèches de la carte ci-dessus), et le chapitre 15 de VME peut faire douter que les aquarelles aient été peintes dans cet ordre :
En 1952, ils parcoururent l'Océanie, en 1953 l'océan Indien et la mer Rouge. La dernière année, ils traversèrent la Turquie et la mer Noire, entrèrent en U.R.S.S., montèrent jusqu'à Doudinka, au-delà du cercle polaire, à l'embouchure du Iénissei, traversèrent à bord d'une baleinière les mers de Kara et de Barents (...)
  Si Bartlebooth a commencé par peindre Trébizonde, au nord-est, était-il judicieux de faire ensuite 1000 km pour rejoindre le Méandre au sud-ouest, et revenir ensuite à la mer Noire ? Par ailleurs, dans le meilleur des cas (la 438e aquarelle première peinte en Turquie), Bartlebooth aurait dû peindre un minimum de 63 aquarelles au cours de l'année 1954, ce qui est en totale contradiction avec les divers passages décrivant le projet, indiquant une moyenne de 25 marines par an, ou deux semaines consacrées à chaque port, emploi du temps "généralement scrupuleusement respecté".
  Sans doute ne faut-il pas prêter une attention exagérée à ces incohérences, et les amateurs savent qu'au dernier chapitre de VME les "61 boîtes noires" scellées qui contiennent les puzzles restants tiennent leur nombre de l'indicatif 61 de ce dernier chapitre correspondant au bureau de Bartlebooth, case 6-1 du damier représentant l'immeuble, ce qui a donc commandé qu'il meure devant le puzzle 439, mais Perec aurait pu aisément contourner le problème, à moins qu'il n'ait été important pour lui que les deux derniers puzzles se trouvent en Turquie, et inaugurent la dernière année du périple de Bartlebooth.
  Je remarque que son itinéraire mentionne immédiatement la mer de Kara après la mer Noire, Karadeniz,  cette mer de Kara étant Kara Denizi en turc; Doudinka est à l'embouchure du Iénissei qui se jette dans la mer de Kara.
  Si ceci survenait juste après les peintures de janvier en Turquie, il est douteux que Bartlebooth ait pu embarquer à bord d'une baleinière pour traverser les mers de Kara et de Barents, la première n'étant navigable qu'en été...
  Si la dénomination de mer Blanche pour la Méditerranée est propre au turc, une mer Blanche plus universelle jouxte la mer de Barents, j'y reviendrai.

  Qui connaît quelque peu l'oeuvre de Perec ne peut que se demander s'il ne faudrait pas rapprocher ces deux mers Kara de Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?, où une bande d'amis tente d'aider un nommé Kara... à se faire réformer; il est d'abord nommé Karamanlis, ensuite décliné en Karawo, Karawasch, Karacouvé, et quelque 70 autres Kara.
  Ce deuxième roman publié de Perec n'est pas son oeuvre la plus prisée, et j'avoue avoir du mal à lire cette grosse farce pas si drôle que ça. C'est cependant dedans que le grand perecologue Bernard Magné a trouvé l'indice fondamental de sa thèse du 11-43, métonymie de la disparition de la mère partie pour Auschwitz le 11 février 43, car Kara... y est envisagé examiné par
onze psycholonels, avec quarante-trois centimètres de sonde javellisée dans l'oesophage.
  Magné relie ce manque fondamental dans la vie de Perec au nombre 11 omniprésent dans son oeuvre. Le 43 y est bien plus rare, et nécessite parfois des gymnastiques acrobatiques pour le dénicher, ainsi Magné voit un 4-3 signifié par le passage de "adieu veau vache cochon couvée" à Karawo-Karawasch-Karacouvé.
  Il est concevable que Perec, amateur d'atlas, ait connu le sens de kara en turc, car les cartes mentionnent souvent le nom local Karadeniz à côté de Mer Noire, en tout cas le cinquième et dernier nom donné dans ce premier paragraphe du roman est Karatruc, tandis que le second paragraphe se penchant sur ses origines envisage finalement que "ç'aurait pu être un Turc."
  Plus proche de la thématique perecquienne du manque serait le japonais kara, "vide". A défaut du karaoké ("o'chest'e manquant") assez récent, le karaté était connu de tous en 1966, et son sens était aisément accessible, "main vide", surtout pour un amateur de mots déclinant les Kara... A un niveau linguistique qui me dépasse, ce livre examine les avatars de la matrice k-r en japonais, et mentionne kuro, "noir".

  Tous les efforts des amis de Karamachin restent vains, et Karachose non seulement décide de partir à la guerre, mais n'a aucune reconnaissance envers ces "amis".
  Je n'ai guère envie de m'attarder sur Quel petit vélo, dont les Kara donnent du poids aux deux mers Kara encadrant la mort de Bartlebooth, dans la mer Blanche ou mer Egée, où est mort un père... La mort programmée de Percival Bartlebooth représentait pour Perec une sorte de catharsis aux disparitions de ses parents, incompréhensibles pour un tout jeune garçon. Voir à ce sujet mes pages sur VME.
  Les incohérences du périple de Bartlebooth le menant à la mer Egée entre deux mers Kara, "vide", peuvent trouver un sens, l'absence de la mère, sens loin d'être assuré, mais c'est le propre de l'écriture perecquienne d'ouvrir de multiples pistes de lecture, dépassant souvent les intentions de l'auteur.

  La "vraie" mer Blanche apparaît au chapitre 60 de VME, à propos d'un poète et romancier français du 19e siècle, Albert de Routisie, qui mourut dans un naufrage en mer Blanche, lors d'un pèlerinage à Arkhangelsk, et dont la fille Irène fit éditer son roman inachevé Les Cent-Jours, et un recueil d'aphorismes, Leçons. Les chercheurs ont vu qu'il s'agissait du pseudonyme sous lequel Aragon a publié un roman X, Le con d'Irène, et que les titres cités faisaient allusion à d'autres oeuvres d'Aragon, La Semaine Sainte et Le roman inachevé pour Les Cent-Jours, pouvant faire allusion au chapitre manquant parmi les 100 prévus de VME, Blanche ou l'oubli pour le naufrage en mer Blanche.
  Rien ne semble gratuit chez Perec : naufrage et pèlerinage à la ville de l'archange évoquent facilement le naufrage du Sylvandre dans W, où meurent Caecilia Winckler, son fils Gaspard, et le précepteur Angus Pilgrim. Par ailleurs Perec a eu une soeur en 1938, qui n'a vécu que quelques jours (un ange), et qui se serait nommée Irène.

  Tiens, Aragon est l'anagramme d'Angora, qui a d'abord été le nom d'Ankara, à peu près à mi-chemin entre Trébizonde sur la Karadeniz et l'embouchure du Méandre sur la Akdeniz, et on pourrait lire ak comme kara dans ce nom turquisé en 1930 dont la forme antique, Ankyra, signifiait "ancre" en grec. Ancre, blanc, noir, voilà qui rappelle ce que Magné a nommé "aencrage", caractéristique de l'écriture de Perec.
  A la mer Noire est associée la mort des 4 journalistes expédiés à Trébizonde pour effacer l'aquarelle de Percival Bartlebooth, à la mer Blanche celle du père d'Irène.
 Père, Perec, Peyrac... Aragon me fait immanquablement penser au "Aragon n'était pas un minet" de la chanson de Nicolas Peyrac Et mon père, qu'on pourrait réviser ainsi :
 Quand vous dansiez en ce temps-là
 Aragon n'était pas angora
  En turc le chat angora se dit Ankara kedisi.

  Kara a encore pour homonyme "carat", et la contrainte Cendres et Diamant dans VME m'a inspiré mon étude sur le Père C.

  Père et mer... Il n'existe en français qu'un seul mot "fibonaccien" de 4 lettres, CADE (lettres de rangs 3-1-4-5), remarquable car ce mot est au centre du thriller anglais Sépulcre où il est question de la suite de Fibonacci, mise précisément en correspondance avec ce mot, pour d'autres raisons.
  Il existe quelques mots de 3 lettres offrant la même propriété, dont MER (13-5-18), encore REMarquable car Perec a trouvé cette séquence 5-13-18 dans un recensement de ses adresses parisiennes, selon une page intitulée Numérologie dans le dossier de Lieux, un projet d'écriture sur 12 ans interrompu par la disparition de l'auteur.
  Certains commentateurs trouvent ces calculs étranges, pas moi... Magné y voit une démarche inverse à ce qu'il appelle les "aencrages arithmétiques", consistant à jalonner le texte de repères biographiques, tels 11-43, sinon à le structurer et lui donner sens à partir de ces nombres, alors qu'ici il s'agirait de dégager "une éventuelle raison mathématique de l'aléatoire d'une biographie".
  "La tentative tourne court", conclut le cartésien Magné, mais je n'en suis pas si sûr, sachant que les suites de Fibonacci ont attiré Perec très jeune, antérieurement à sa participation à l'Oulipo. La mini-suite additive concerne ici les 3 adresses principales de Perec, la rue de l'Assomption où il a vécu de 44 à 60 chez ses parents adoptifs, la rue de Quatrefages où il a vécu avec sa femme Paulette de 60 à 66, la rue de Linné où il a passé ses dernières années, 75-82, avec sa compagne Catherine. L'intérêt pour Fibonacci semble devenu encore plus vif dans les dernières années, et des documents témoignent de contraintes fibonacciennes envisagées pour deux textes, Noce et "53 jours".

  Je note aussi la présence dans la liste du nombre 53, également envisagé comme "aencrage" par certains perecologues, tel Bertelli pour lequel le titre du roman inachevé de Perec va plus loin que les 53 jours mis par Stendhal pour écrire La Chartreuse de Parme. Je remarque que Perec a noté ses adresses correspondant à des nombres premiers, 5-13-53, somme 71, or Perec fait intervenir dans le roman l'adresse de Serval 71 rue Murillo, qui excède les numéros existants de cette petite rue en bordure du parc Monceau, non loin du 11 rue Simon-Crubellier tout aussi inexistant. Une source d'un roman enchâssé dans ce livre-gigogne est une aventure d'Arsène Lupin de Maurice Leblanc, or le baron d'Imblevalle demeure au 18 rue Murillo dans La lampe juive, seconde partie de Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, et 18+53 = 71, CQFD...
   Si la seconde partie de "53 jours" est une énigme, le R est un M qui se P le L de la R, l'affaire de la rue Murillo chez Leblanc contient un cryptogramme avec des manques, CDEHNOPRZ - 237. Amusant que ce 237 corresponde à la somme des 6 numéros des domiciles de Perec, hormis 53... A noter encore que la solution "Répondez Echo" est un possible écho à la gématrie 134 de "Arsène Lupin", que Leblanc a envoyé dans une autre aventure au 134 rue du Bac, non loin du 92 où logerait Perec. Si Perec n'a repris que les numéros impairs de sa liste, les pairs 18-24-92 ont pour somme 134. Je constate que ces nombres 18-24-92 dessinent une parfaite équivalence gématrique avec R-ené-Paulins, anagramme choisie indépendamment par au moins trois auteurs, Michel Lebrun pour Ma vie est un roman, Ch. Prat pour Le déshonneur d'Adolphe von Handke, Michel Bussi pour Code Lupin (et Louis Gendebien, que je n'ai pas contacté, pour Arsène Lupin et le Secret des Lys).
  Je rappelle que l'architecte du 11 rue Simon-Crubellier est un certain Lubin Auzère, valeur 134.

   Bien entendu j'ignore si Perec a aussi vu ces possibilités, et les a utilisées, mais je suis certain qu'il ne laissait rien au hasard et a choisi par exemple le 71 rue Murillo pour des raisons précises, et j'imagine que des exégètes avec d'autres connaissances pourraient en trouver des explications tout aussi acceptables.
  Je ne suis pas davantage assuré que Perec ait relié ses adresses 13-5-18 au mot MER, mais ceci n'a rien d'absurde pour quelqu'un qui par exemple remarquait (dans Penser/classer) que la 9e lettre apparaissant dans un chapitre de Si par une nuit d'hiver était un I, correspondant à son rang alphabétique.

  Et Jung dans tout ça ? Je rappelle que j'associe ma découverte le jour de l'an 136 (calendrier pataphysique) du motif 4-1 dans sa vie à ma lecture de Des jours et des nuits le 21/13 précédent, rapport retrouvé dans les valeurs Haemmerli/Jung = 84/52. L'abondance des 21-13 dans cette affaire est telle que j'en suis à 90 cas répertoriés ici.
  Jour/nuit m'a conduit à l'opposition blanc/noir, et l'étude dans différentes langues m'a conduit au turc ak/kara, qui dans notre alphabet correspondrait aux valeurs 12/31, ce qui se renverse en 21/13.
   Perec s'imposa à moi dès que j'eus vérifié mon intuition de la nuit du nouvel an 136, car la vie de Jung se répartit autour du 4/4/44 en 4 et 1 fois 6272 jours, et je connaissais depuis plus de 10 ans ce nombre, valeur  du sonnet Vocalisations donné dans La disparition, que j'avais choisi d'étudier pour son motif 4-1, et découvrir ainsi la parfaite harmonie de ses 4 strophes, 14 vers, 112 mots, de gématrie 4 x 14 x 112 (ceci m'avait conduit en décembre 2006 à proposer une anagramme plus équilibrée de ce sonnet qui avait déjà connu 3 autres anagrammes, si bien que j'avais fait ce 5e arrangement des mêmes lettres de valeur 6272 avant de découvrir la vie en 4+1 fois 6272 jours de Jung).
  La Turquie a sa place dans La disparition, où la mal(é)diction qui frappe l'alphabet est née à Ankara... Le roman a été traduit en turc (Kayboluş) en 2005, et j'ai été charmé d'y trouver Vocalisations traduit sous un titre éminemment quaternitaire :
       Dört arti Bir ünlü (Quatre plus Un fameux)
  Le turc se prêtait admirablement à la traduction du premier vers
       A noir (un blanc), I roux, U safran, O azur :
devenant
       A kara, (ak boşluk), I kızıl, U zümrüt, O mor :
qui sans tricherie aucune se traduit
       A noir, (blanc vide), I rouge, U émeraude, O violet :
  Non seulement les couleurs propres aux 4 voyelles sont exprimées par des mots ne contenant que ces seules voyelles, mais le "blanc vide" ak boşluk est à une lettre près l'anagramme de kayboluş, "disparition".
  J'ai eu la curiosité de voir ce que signifiait l'anagramme exacte ay boşluk, et c'est une expression courante signifiant "absence de lune"; ay signifie "lune" ou "mois", et je pense à l'hébreu levana signifiant "lune" ou "blanche".
  Je pense aussi à l'arabe kmar, "lune" encore, et aux 5 strophes Kmar (k=11, kmar = 43) de Noce qui semblent architecturées autour de 11-43.

   Ma fascination pour le 21/13 pataphysique m'a fait aussi m'intéresser au 31/12 vulgaire, dernier jour de l'année. VME ne précise que deux dates pour l'exécution des aquarelles de Bartlebooth, le 12 juin 40 pour Port-Dauphin (Madagascar), le 31 décembre 53 pour Port-Saïd (Egypte).
  La première est fort proche de la mort du père de Perec, le 16 juin, l'autre est logiquement la 437e aquarelle, juste avant la 438e à Trébizonde, qui a dû être peinte au tout tout début de janvier 54 si Bartlebooth a 16 mois de retard en avril 75... Enfin la logique est-elle de mise devant le parcours du millionnaire qui lui fait passer de Port-Saïd à Trébizonde, de Trébizonde aux bouches du Méandre, puis revenir à la mer Noire ?
Note du 19/12/13 : J'apprends dans le tome 2 de La langue des oiseaux de Richard Khaitzine que la mer Noire était appelée par les Romains Mare Caecili, "mer aveugle" car accessible par le seul détroit des Dardanelles, ce que les Bulgares ont ensuite compris comme "mer Cécile" (море Сесил). Si Wikipédia donne une origine différente à cette réelle "mer Cécile", j'imagine que la "mer aveugle" n'est pas une invention et que cette étymologie a pu être accessible à Perec. Ceci peut donner de nouvelles idées sur les deux derniers puzzles de Bartlebooth et leur interversion logique, celui de la "mer Cécile" (nom "français" de la mère Cyrla) suivi par celui du "Méandre" (André nom "français" du père Icek) que Bartlebooth complètement aveugle ne peut achever.

  Port-Saïd le 31/12 me fait remarquer que de cette embouchure du canal de Suez (Zeus rend fous ceux qu'il veut perdre) Bartlebooth passe à la mer Noire (Kara=31) puis revient à la mer Blanche (Ak=12).
  Mon jeu 31/12 > 21/13 me rappelle que Port-Saïd apparaissait dans le palindrome PG de GP en 1970, pour faire apparaître Et in Arcadia ego, immédiatement précédé par Herculanum, ce qui m'avait fait critiquer une thèse zarbi sur un prétendu secret du tableau de Poussin, supposé révéler l'emplacement de Herculanum, et imaginer ironiquement que Perec aurait connu ce secret bien avant les auteurs de la thèse :
(…) porte-idole : MédraNoé, Lasare. Martyrologe !
  Eh, Port-Saïd à cran - item : un à lucre héliotrope – le fleuve (Nil, Ob...) mort secrète, je révère, vivant élu, Outamaro napolitain - Système – Passage du névé - Réel 
  Klee revenu, Degas sapé, Metsys - Nia-t-il, O panorama tu, où l'Etna vive - Rêve - rejeter ce Stromboli né, vu : Elfe, le Port, O île – Herculanum
  Et in Arcadia (strophe) ego.
  L'or y tramera sa léonarde mélodie : Trope (…)

  Quelques jours après que mon intérêt pour ak-kara m'ait fait découvrir en janvier le passage de Karadeniz à la mer de Kara dans VME, les hasards du streaming m'apprenaient l'existence du film canadien Karakara, probablement tout juste sorti en DVD.
  Le film n'a semble-t-il été distribué qu'au Canada, où il est sorti le 31 août dernier, le 21/13 pataphysique!
  En japonais, le mot karakara renvoie à une carafe dont on se sert pour la liqueur awamori; signifiant "vide vide", ce mot se veut la reproduction du son de la boule que l’on glisse dans la carafe pour indiquer qu’elle est vide.
  Et l'arak, dans quelle efarac le sert-on ?

  Tiens, un groupe coréen, auquel appartient une jeune Jung, se nomme Kara, du grec χαρά, "joie", interprété comme "douce mélodie" (la léonarde mélodie de Perec ?)

  En janvier encore, les pataphysiciens internautes recevaient un message de Thieri Foulc, illustré par une création de Giacomo Faiella, Le monde palindrome :
  J'ai songé à faire figurer ceci dans le précédent billet, car l'image semble montrer un état intermédiaire de la Terre lors de la dérive des continents, avec un équilibre parfait des mers et des terres, mais je la trouve encore plus appropriée ici, car en turc kara est aussi le substantif "terre", et la mer Noire, kara = "vide", y correspond à Java, l'île la plus peuplée du globe.
  Une autre version du Monde palindrome est en ligne ici.

  Kara = 31 donc, et il y a 31 ans disparaissait Perec, le 3 mars 82, laissant un vide difficile à combler.