31.12.16

tempête sous le crâne



216e billet de Quaternité pour clore 2016. Le 217e inaugurera 2017.

  J'ai évoqué à diverses reprises mon roman Sous les pans du bizarre, écrit en 1999 et publié en 2000, et il me semble important de revenir sur un détail déjà abordé dans plusieurs billets.
  Parce que le héros de la série imaginée par JB Pouy était un libraire du Marais, parce que j'avais choisi de consacrer le roman à mes découvertes sur Virgile, parce que je connaissais un éminent latiniste habitant le Marais, j'avais voulu lui rendre hommage en utilisant discrètement son adresse.
  Parce qu'il s'agissait de Marcel Bénabou, également oulipien et grand ami de Perec, j'ai déguisé son adresse réelle 5 rue Simon-le-Franc en 11 rue Simon-le-Cribleur, anagramme de la rue Simon-Crubellier où Perec a situé l'immeuble de La Vie mode d'emploi (VME), immeuble passé au crible dans ses 99 chapitres.

  J'ignorais alors que, dans une première version de 1975, Perec avait imaginé son immeuble dans le quadrilatère de rues situé juste sous la rue Simon-le-Franc. Il s'agissait alors de
la rue du Capitaine-Crubellier, qui partage obliquement le quadrilatère que forment entre elles les rues de la Verrerie, du Renard, St-Merri et du Temple.
  Dans la version finale de 1978, la localisation de la rue est passée du 4e au 17e, et elle est devenue la rue Simon-Crubellier,
qui partage obliquement le quadrilatère que forment entre elles, dans le quartier de la Plaine Monceau, les rues Médéric, Jadin, de Chazelles et Léon-Jost.
  J'expliquais ici les raisons probables du changement. J'ignorais cette première localisation, ne pouvant faire référence à Marcel Bénabou, lequel n'habitait pas alors rue Simon-le-Franc (et qui a déménagé plus tard).
  Je remarquais dans ce billet Franc-Cribleur que le quadrilatère (en rose) supposé traversé par la rue du Capitaine-Crubellier était constitué de rues dont les initiales étaient des consonnes consécutives de l'alphabet actuel,
            Renard (rue du)
            St-Merri (rue)
            Temple (rue du)
            Verrerie (rue de la)
 et je remarquais une possibilité similaire JKLM pour celui de la Plaine Monceau (en remplaçant Ch par K, comme Charles peut devenir Karl).

  Je n'avais pas vu alors que la consonne suivant RSTV est W ou X (car W n'était pas au 19e siècle une lettre effective de l'alphabet français), or le jeu W-X est essentiel dans VME, dont la fin montre la mort de Bartlebooth tenant en main la dernière pièce de son puzzle, dont la forme en W comme Winckler ne correspond pas au dernier espace libre, en forme de X.
  Ce jeu W-X, déjà abordé dans W ou le souvenir d'enfance, était à l'évidence présent dès les premières étapes de la conception de VME, d'où le choix du Marais pour placer un improbable immeuble haussmannien a-t-il pu être motivé par cette rare, sinon unique, séquence RSTV.

  Si ceci demeure hypothétique, je peux en revanche certifier que le nom de mon latiniste de la rue Simon-le-Cribleur est inspiré par une séquence de 5 lettres consécutives. Les meurtres de 3 latinistes aux sommets d'un triangle de Pythagore à l'échelle de Paris (de côtés 3-4-5), accompagnés d'anagrammes des lettres ACDEILMNO, amenaient le héros libraire Gondol à comprendre que ces lettres devaient être réparties en C-D-E d'une part, pour le triangle de Pythagore 3-4-5, et AI-L-M-N-O d'autre part, avec le groupe AI équivalent à K, 10e lettre de l'alphabet latin, d'usage exceptionnel. La séquence 10-11-12-13-14 offre une propriété proche de la relation de Pythagore:
102 + 112 + 122 = 132 + 142 = 365
  Au 5e et dernier chapitre de la première partie, l'enquête conduisait Gondol 11 rue Simon-le-Cribleur, chez Noël Medec qui lui apprenait que la source des anagrammes était ALCIMEDON, nom divin apparaissant dans les Bucoliques de Virgile, au coeur des spéculations d'un individu qui avait tenté d'intéresser les latinistes à ses recherches. Gondol et les flics se rendent alors chez lui, pour le trouver mort, dans des circonstances suspectes, avec une nouvelle anagramme d'ALCIMEDON à la clé...

  Noël Medec était lui-même une variante du jeu CDE-KLMNO, en choisissant cette fois de remplacer la 10e lettre K par deux E. Le nom pouvait évoquer Perec, le prénom Noël Auzère, architecte de la rue Simon-Crubellier.

  Mon roman était construit sur le plan de la première partie du chant d'Alphésibée de la 8e Bucolique, en 3 strophes de 4-3-5 vers, chacune ponctuée par un vers refrain, hexamètre de valeur 365 no code in the Spanish translation selon l'alphabet latin, avec la césure 5-7 le répartissant en 169-196, les carrés de 13 et 14; une autre répartition menait aux carrés de 10-11-12.
  Ainsi le 5e chapitre de mon roman avait-il un aspect encore plus quintessentiel, puisqu'il correspondait à un vers refrain, et j'avais pris soin que chaque chapitre dans ce cas amène de nouvelles révélations sur le vers refrain.

  La 2e partie était consacrée aux recherches de Lapnus, puis l'enquête reprenait dans la 3e partie, correspondant aux vers 10-11-12-13-14 du chant d'Alphésibée, et donc aux lettres latines KLMNO. Un autre point clé des recherches de Lapnus est la présence d'un vers refrain intempestif (12 bis) entre les vers 10-11-12 et 13-14 de la 3e strophe, comme si Virgile avait effectivement voulu marquer la relation 102+112+122 = 132+142, avec un vers offrant la même harmonie.
   Léo Malet m'avait fourni un titre idéal pour cette partie,  Le mystère K.O. (son détective Nestor "Dynamite" Burma se vantait de mettre le mystère K-O).
  J'avais intitulé ses 5 chapitres Cas-Elle-Aime-Haine-Oh... Medec était d'abord suspecté, puis il semblait acquis que le réel coupable était un autre latiniste, Cortier, dont le suicide le 6/6, en un point complétant le triangle originel en un rectangle, semblait un aveu. Gondol cependant envisageait dans le dernier chapitre une autre hypothèse, fantastique, qu'il gardait pour lui.

  J'ai rappelé ceci pour montrer à quel point la quintessence, le quaternaire centré, était important dans le roman, et je reviendrai sur les rapports avec Jung après avoir abordé l'autre coïncidence Simon-le-Franc.
  En septembre 1999, au moment où j'achevais l'écriture de mon roman, paraissait Pandore et l'ouvre-boîte, ouvrage sous-titré ROMANS, comme La vie mode d'emploi. Je ne l'ai lu que bien plus tard.
  C'est un polar très atypique, composé de deux romans basés sur les mêmes faits : De Smalt ou l'histoire vraie, de Philippe Postel, est l'enquête du commissaire chargé de résoudre les morts de 3 académiciens, Vitellus ou la vraie histoire, d'Eric Duchâtel, celle d'un protagoniste. Ni l'une ni l'autre enquête n'aboutissent à une solution explicite, mais la juxtaposition des deux récits oriente le lecteur vers un coupable insoupçonné.
  Le 3e mort est Virgile Grünenwald, prétendu auteur dont toutes les oeuvres sont en fait écrites par un nègre. Virgile habite rue Simon-le-Franc, dans un immeuble voisin du numéro 7, soit le 9 ou le 5, l'adresse exacte de Marcel Bénabou.
   Or l'oeuvre la plus connue de l'oulipien Bénabou est Pourquoi je n'ai écrit aucun de mes livres, et une réplique de Pandore peut donner à penser que ses auteurs avaient songé à Bénabou en choisissant l'adresse de l'académicien qui "n'aurait écrit aucun de ses livres".
  C'est en tout cas un "hasard" si, un an après avoir posté Pourquoi je n'ai pas écrit les Pans, le 8 septembre 2013, 5e anniversaire de la découverte de 2008 à l'origine de Quaternité, j'ai appris que le texte choisi par Zazipo en septembre 2014 était précisément un extrait de Pourquoi je n'ai écrit aucun de mes livres, et j'en ai proposé cette anagramme:
- « Alors, mon bon Virgile, paraît-il que vous n’auriez écrit aucun de vos livres ? » (sic)
   Il s’agit d’un extrait de Pandore et l’ouvre-boîte, "romans" de Postel et Duchâtel. La phrase s’adresse à l’académicien Virgile, lequel réside cinq rue Simon-le-Franc, alors que l’oulipien Marcel habitait la même minuscule rue, au même exact numéro.
   L’académicien est assassiné, j’espère qu’il n’en ira pas de même pour l’oulipien, ayant eu sainement l’instinct de déménager.
   Mon enquête m’a fait penser qu’il s’agit d’un cas purement fortuit, les auteurs ne m’ont alors pas démenti.
   Surprenantes redites, plagiats assassins, semblables pistes sont nombreuses : les fieffés professeurs sont habiles à terroriser, et à botter les terroirs experts.
  La brièveté du texte m'avait fait idéaliser la coïncidence (l'adresse exacte de Virgile n'est pas précisée). Mon enquête s'est bornée à contacter Bénabou, lequel n'avait jamais été informé de l'affaire, et chacun des auteurs, aucun n'ayant daigné me répondre. J'ai tendance à interpréter ce silence comme une confirmation de la coïncidence.
  Quoi qu'il en soit, il était impossible selon la logique usuelle qu'ils aient pu savoir que j'avais utilisé l'adresse de Bénabou dans mon roman qui était encore à l'état de manuscrit lors de la parution de Pandore, a fortiori que le latiniste qui y habitait était un spécialiste de Virgile!!!

  Il y avait d'autres coïncidences ébouriffantes entre Pandore et les Pans, détaillées dans le billet précité, avec quelques oublis. Ainsi dans les deux romans le coupable désigné finalement par l'enquête est un écrivain, Martial Moreau ou JB Pouy, et dans les deux cas l'enquêteur au nom à particule, de Smalt ou de Gondol, s'abstient de l'incriminer, malgré 3 ou 4 morts imputées à l'assassin.
  Une des coïncidences principales entre les deux romans était la présence dans Pandore d'un sonnet supposé trouvé sur une tombe proche de celle de Rimbaud, sonnet dont l'acrostiche livrait à un lecteur sagace le nom de l'auteur (également l'assassin), SCRIPSIT MOREAU; dans les Pans, c'était ANAQ CHI DU PSOSO qui était donné en clair, acrostiche du sonnet dont chaque vers était codé dans chacun des  chapitres, le sonnet Vocalisations de Perec, lipogramme en E de Voyelles de Rimbaud.

   J'ai mentionné à maintes reprises ce sonnet, dont l'harmonie numérique me fascine depuis sa découverte en janvier 1997. Je rappelle que ses 4 strophes, ou 14 vers, ou 112 mots, totalisent la valeur 6272 = 4x14x112.
  La fascination a rebondi lorsque j'ai découvert l'harmonie de la vie de Jung, 4 fois 6272 jours de sa naissance au 4/4/44, puis 6272 jours jusqu'à sa mort.
  Il s'y ajoute l'affaire des anagrammes. Comme le sonnet a été laissé tel quel, en français, dans la traduction anglaise de La Disparition, les experts du forum Anagrammy en ont proposé en avril 2001 trois versions anagrammatiques anglaises, l'une à l'échelle du sonnet entier, la suivante strophe par strophe, la dernière vers par vers. Déçu que ces anagrammes aient été forgées dans l'ignorance de l'harmonie numérique du sonnet, j'en ai fait en décembre 2006 une anagramme française, où chaque vers compte 8 mots et la valeur 448 (8 fois 56).
  Si j'ai pensé immédiatement au sonnet lors de ma découverte des 4+1 fois 6272 jours de Jung, il m'a fallu plus d'un an pour réaliser que j'avais été le 5e auteur à proposer un arrangement des mêmes lettres de valeur 6272.

  Je n'ai le plus souvent mentionné mon codage du sonnet dans les Pans que pour montrer son importance à mes yeux, mais il me semble important de souligner que c'est le motif 4-1, rencontré chez Jung notamment, qui m'a conduit à chercher en 1997 une harmonie numérique d'abord dans Voyelles de Rimbaud, puis dans la version sans E de Perec, et que c'est le nombre même de cette harmonie qui est apparu plus tard gouverner le partage 4-1 de la vie de Jung.
  Le motif 4-1 apparaissait de plusieurs manières dans les Pans, avec ses 5 crimes, offrant deux répartitions 4-1:
- les 4 premiers crimes de la 1e partie,
BURNACHS-COURTAS-BOULENGER-LAPNUS = 86+97+99+83 = 365
correspondant aux 4 saisons de l'année, et le coupable présumé dont le nom complet donne encore le nombre fatidique
FRANCOYS-NAPOLEON-ALEXANDRE-CORTIER = 101+92+84+88 = 365
- les 4 universitaires trouvant la mort les 3/3, 4/4, 5/5, et 6/6 aux 4 sommets d'un rectangle parisien, tandis que le trublion Lapnus meurt en banlieue.
  J'observe que la séquence KLMNO (correspondant à ce double 365) se termine par O comme la séquence des voyelles rimbaldiennes AEIUO.

  J'avais introduit une finesse dans le codage du sonnet. En hommage à l'association 813 dont j'étais membre, et à Rimbaud né dans le 08 et mort dans le 13, j'avais remplacé deux mots des vers 8 et 13, aux chapitres 8 et 13 donc, par des anagrammes. Si je ne considère pas ceci comme un exploit, mon codage constitue une anagramme formelle du texte source, et je serais donc le premier à avoir composé une anagramme de Vocalisations, qui plus est publiée dans la grande édition.
  Techniquement, c'est une anagramme au mot par mot, respectant l'ordre des 112 mots, je rappelle qu'une autre respectait l'ordre des 4 strophes, une autre encore celle des 14 vers, avec toujours l'harmonie 6272 = 4x14x112.

  J'avais choisi les mots "alcool", devenu "loocal", au vers 8, et "nadir", devenu "radin", au vers 13. Il s'agit du 66e et du 102e mot, de valeurs 58 et 46, soit en moyenne le 84e mot de valeur 52, les valeurs de Haemmerli et Jung, le premier ayant "sacrifié sa vie" pour permettre à Jung de vivre une autre tranche de 6272 jours. J'avais choisi ces mots sans effectuer ces calculs, au sein des vers 8 et 13 exprimant la vie et la mort de Rimbaud (tiens MORT = 66, et MORT+VIE = 102).

  J'avais probablement étudié en son temps le sonnet prétendument vu dans Pandore sur une tombe proche de celle de Rimbaud, mais il me manquait alors une clé abordée dans le premier billet de 2016, sur laquelle je suis revenu dans le billet précédent, à propos du matricule 488 de Jung à l'OSS.
  Le sonnet compte 487 lettres, et son acrostiche SCRIPSIT MOREAU a pour valeur 186, or le nombre 487 se partage selon le nombre d'or en 186 et 301, valeurs des mots grecs Γολγοθα et κρανιον, présents dans le verset Matthieu 27,33 évoquant le lieu de la crucifixion, le Golgotha (Γολγοθα) qui signifie "crâne" (κρανιον).
  Or le noeud de l'affaire est un trafic de crânes de poètes, organisé par un certain Sablaud. Pour voler le crâne de Rimbaud, Sablaud s'est fait aider par un jeune naïf, mais les choses tournent mal et Sablaud tue un  gardien du cimetière. Le naïf, Moreau, ignore la réelle identité de Sablaud, et publie un récit anonyme de la profanation, La nuit de Charleville. C'est là qu'apparaît le sonnet, dont voici le texte pour vérification éventuelle de ses 487 lettres:
Si tu crains le secret de cette allée déserte,
Conscient que la vie est un obscur chemin,
Regrettes-tu vraiment sa dérisoire perte,
Indécis à nourrir un humus trop humain ?

Passant, en ce lieu clos, songe à la tombe ouverte,
Superficiel piéton, compagnon de demain,
Il te faut accepter l'ultime découverte :
Tu oublieras ta peur si je te tends la main.

Mais ouvre enfin les yeux car ton aveuglement
Offusque le repos de nos vieux ossements;
Regarde notre terre aux veines de cinabre,

Et, ce qu'elle promet à tout homme qui meurt,
Apprends à l'écouter dans sa sombre rumeur :
Un écho assourdi de nos danses macabres.

   Rimbaud est encore central dans un autre polar, Mortelles voyelles de Gilles Schlesser (2010). Le journaliste Oxymor Baulay découvre un manuscrit anonyme, A noir, qu'il fait publier. Ce curieux roman, dont le verbe "être" sous toutes ses formes et la lettre Y sont bannis, fait le buzz et obtient le Goncourt.
  Oxymor découvre ensuite que le roman s'inspire d'une série de crimes commis en 1979, et qu'il est vraisemblablement l'oeuvre de l'assassin, non découvert alors. Les indices du roman permettent de comprendre que l'assassin s'était arrêté parce qu'il avait achevé son programme, 5 crimes en hommage aux voyelles de Rimbaud.

  J'ai déjà cité brièvement ce roman, pour le nom et l'adresse de l'éditeur de A Noir, Paul Mistraki, ami d'Oxymor habitant rue Michel-le-Comte, en face de l'hôtel Hallwyl (au n° 28). Cette rue, qui a donné lieu à une expression typiquement parisienne, se situe 300 mètres au nord de la rue Simon-le-Franc.
  Je n'avais pas alors cité une autre adresse, celle de l'association Loup poli, s'occupant de jeux oulipiens, 41 rue du Temple, soit à mi-chemin entre les rues Simon-le-Franc, où habitait Marcel Bénabou, oulipien très actif, participant souvent à des ateliers d'écriture, et Saint-Merri, l'une des rues du premier quadrilatère choisi par Perec pour être traversé par la rue Crubellier.
  J'avais donc remarqué la double proximité, syntagmatique et géographique, de Michel-le-Comte et Simon-le-Franc, et la ressemblance immédiate entre Paul Mistraki et le compositeur Paul Misraki. De fait Google montre que l'erreur est commune. Schlesser passionné par la vie musicale parisienne ne peut ignorer le personnage, et orthographie correctement son nom ailleurs.
  Misraki s'intéressait aussi aux phénomènes paranormaux, et a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet. C'est dans Les raisons de l'irrationnel, où il relate l'expérience de Jung en 1944, que je me suis avisé du schématisme du 4/4/44 (j'ai découvert en le partageant avec dp que c'était en date du 4/4/4, voir le premier billet de Quaternité).

  En relisant Franc-Cribleur pour écrire ce billet, j'y ai retrouvé que mon premier exemple appuyant l'idée que le CH de Chazelles pouvait être assimilé à K était le nom de Paul Misraki, né Misrachi... Je l'avais oublié lorsque j'ai rencontré le Paul Mistraki de Schlesser. Ainsi le premier quadrilatère RSTV m'avait fait envisager que le second puisse aussi correspondre à 4 consonnes consécutives, JKLM, avec l'aide de Misraki/Misrachi, et un Mistraki apparaît près du premier quadrilatère dans un roman où Perec est maintes fois cité.
  Enquêter sur ces rues m'a conduit à d'autres curiosités, ainsi la rue Saint-Merri s'est aussi appelée Saint-Médéric, Merri étant une autre forme de Médéric.
 La rue Médéric du 17e, ci-devant Guyot, a été rebaptisée en hommage au résistant Gilbert Védy dit Médéric, mort le 21 mars 1944. Gilles Schlesser est aussi né en 1944, le 10 janvier.
  La rue Léon-Jost, ci-devant Roussel, doit ce nom a une autre victime des nazis, Léon Jost, otage exécuté le 22 octobre 41. C'était un Nantais, cadre chez LU, ce qui évoque aux lecteurs de VME la petite fille mordant un coin de son petit-beurre, désignée par Perec comme responsable de la disparition du chapitre 66, ou plutôt du chapitre correspondant à la 66e position du cavalier sur le damier du 11 rue Simon-Crubellier.

  Je remarque que Léon et Jost ont chacun 4 lettres, idem pour Karl Hotz, l'officier allemand assassiné à Nantes deux jours plus tôt, un 20 octobre qui aurait été le 87e anniversaire de Rimbaud. En représailles les Allemands ont ordonné l'exécution de 50 otages.

  Idem encore pour Carl Jung... Les deux martyrs du quadrilatère du 17e peuvent donc évoquer 4-4 et 1944. J'ai vu récemment des échos jungiens dans VME, se déroulant sur un siècle à partir de 1875, année du lotissement de la rue Simon-Crubellier comme de la naissance de Jung, du premier chapitre d'indicatif 6-6 au dernier d'indicatif 61, pouvant former le 6/6/61, date de la mort de Jung.
  Je viens d'indiquer que le chapitre de numéro "réel" 66  avait été omis par Perec, or le chapitre 44 a aussi une particularité, car son début est repris intégralement pour former le Prologue du livre. Une édition numérique de VME m'a permis d'analyser en détail ce Prologue, pour constater qu'il comptait 4491 lettres. Sans soupçonner que ce puisse être intentionnel, 4491 est le renversement de 1944, nouvelle possibilité de lire dans le Prologue ou le chapitre 44 la date cruciale du 4/4/1944.
  Puisque je me suis intéressé aussi au chapitre d'indicatif 66 (apparaissant sous la forme 6-6, le domino double-six), il me fallait étudier le chapitre d'indicatif 44. C'est le numéro 86 (87 "réel"), où d'ailleurs les coordonnées 4-4 sont absentes. Il peut y avoir un lien avec le chapitre 44 car le programme des contraintes prévoit des citations de Leiris dans ces chapitres 44 et 86, lesquelles sont effectivement présentes, mais parmi les 10 chapitres dans ce cas ce sont les seules citations puisées dans le seul roman de Leiris, Aurora.
  J'ai été amené récemment à lire Aurora dont le narrateur se nomme Damoclès Siriel, et il précise après une vision léonine qu'il ne se prénomme pas Léon, à cause du personnage Noël Siriel dans L'anneau de Moebius de Thilliez. Ce sont des coïncidences entre Thilliez et Perec qui m'ont conduit à repérer l'adéquation jungienne de certains nombres de VME, 1875, 6-6, 61...
-  Léon-Noël, Leiris-Siriel, 1944-4491, parmi ces anacycles pourrait figurer The Lion of Boaz-Jachin and Jachin-Boaz, de Russel Hoban, dont cette couverture au style naïf rappelle le douanier Rousseau dont La Bohémienne endormie (valeur 186 !) illustre ci-dessus Aurora. C'est le titre de Hoban, de valeur 301, qui m'avait mené en janvier au couple doré crânien 301-186.

  J'ai débuté le billet par le premier quadrilatère R-S-T-V, séquence à poursuivre par W ou X. Le quadrilatère J-Ch-L-M ou J-K-L-M, appellerait N, ce qui amène divers échos.
  La rue du Capitaine-Crubellier du 4e est devenue Simon-Crubellier en passant dans le 17e, or SIMON se lit à rebours N OMIS...
  La capitale N peut évoquer un quadrilatère traversé par une diagonale, et je pense que ceci était à l'esprit de Daniel Nathan, l'âme de la signature Ellery Queen, lorsqu'il a imaginé l'intrigue de L'adversaire, où des cousins sont assassinés tour à tour aux 4 coins de York Square par un vengeur mystérieux signant Y (la dernière voyelle qui devient aussi meurtrière 30 ans après la série AEIUO de 1979 dans Mortelles voyelles), au nom de Nathaniel York honoré par une plaque commémorative au centre du domaine. L'ordre des crimes dessinerait la lettre N dans le domaine, en passant par la plaque de Nathaniel:
  J'ai étudié à diverses reprises les coïncidences fabuleuses entre VME et ce roman certes de 1963, mais n'ayant paru en français qu'en mars 1978, au moment où VME en était au stade des corrections. Au plus bref, l'homme de main des York, Walt, avec une initiale W significative, expédie des pièces d'un puzzle aux York, puis les tue, sauf le dernier, le millionnaire Percival qui échappe à ses tentatives. Il est également question du jeu d'échecs, de palindromes et d'anacycles. Si Perec aurait pu connaître ce roman avant d'imaginer le faiseur de puzzle Winckler se venger de son employeur millionnaire Percival, il est au moins acquis que le thème d'un Winckler tuant son employeur apparaissait avant 1963 dans Le Condottière.
  Pour écrire L'adversaire, où les 4 crimes commis au nom du Tétragramme JHWH sont évidemment inspirés par La mort et la boussole de Borges, Daniel Nathan (ou Dannay) a fait pour la première fois appel pour finaliser son synopsis à quelqu'un d'autre que son cousin Manfred Lee, l'écrivain de SF Theodore Sturgeon, secret bien gardé jusqu'à la mort de Dannay, en 1982. Je me suis interrogé sur le choix d'un Theodore, équivalent grec de Nathaniel, "don de Dieu", pour conter les assassinats divins des cousins d'un Nathaniel, nom choisi par Daniel Nathan.

  Si Borges figure logiquement parmi les 20 auteurs à citer dans VME, il était moins attendu de trouver parmi les 10 livres fournissant des allusions Cristal qui songe, de Theodore Sturgeon (The Dreaming JEWEls, avec JEWE qui peut être une translittération du Tétragramme).
  Alors qu'il est peu probable que Perec ait lu L'Adversaire, et impossible qu'il ait su que son coauteur était Sturgeon, il est sidérant que les deux chapitres contenant des citations de La mort et la boussole offrent aussi des allusions à Cristal qui songe, le chapitre 92, où cette allusion est programmée (mais il n'était pas obligatoire qu'elle concerne le "diable", soit "l'adversaire"), et le chapitre 56, où Sturgeon n'est pas programmé.
  J'ai l'impression de rabâcher ce cas, mais j'y reviens le plus souvent avec un élément nouveau, et il est ici essentiel. Borges est cité massivement dans ce chapitre 56, pour diverses nouvelles de Fictions, le Tétragramme de La mort et la boussole apparaissant dans une rubrique d'une revue fictive, l'article précédent ayant pour auteur Pierre Ganneval, personnage de Cristal qui songe. Le premier nouveau point est qu'il est précédé par un article, toujours fictif, du latiniste Marcel Bénabou, probablement par un pur geste d'amitié de Perec:
  Donc, 1: ma connaissance de Bénabou m'a conduit à utiliser son adresse pour domicilier le latiniste Noël Medec qui apprend à Gondol que la séquence KLMNO vient de Virgile, et à travestir cette adresse en anagramme du 11 rue Simon-Crubellier de VME.
2: au moment où j'envoyais mon manuscrit à l'éditeur sortait en librairie Pandore, dont les auteurs ont domicilié l'académicien Virgile rue Simon-le-Franc, au 9 ou au 5, l'adresse même de Bénabou.
3: Perec avait d'abord situé la rue "Crubellier" juste en-dessous de la rue Simon-le-Franc, dans un quadrilatère de rues d'initiales RSTV, la consonne W suivante évoquant le vengeur Winckler, artisan de la défaite de Percival.
4: ça m'a fait envisager que le quadrilatère effectif, possiblement JKLM, appellerait un N, or L'adversaire de Queen/Nathan décline une séquence de 4 crimes dans un carré, dessinant une lettre N évoquant Nathaniel au nom duquel le vengeur Walt élimine les cousins York, le dernier étant Percival.
5: 3 articles consécutifs d'une revue imaginée par Perec évoquent Bénabou, Theodore Sturgeon qui a finalisé l'écriture de L'adversaire, et le Tétragramme qui gouverne les crimes de La mort et la boussole comme de L'adversaire.

  J'ai omis quelques étapes intermédiaires, et la sidération continue avec un autre constat. J'avais remarqué lors d'un autre commentaire que le nom de l'auteur de l'article sur le Tétragramme, Robin Marr, donnait par contrepet "rabbin mort", alors que la première victime de la nouvelle de Borges est un rabbin. Son nom est Marcel Yarmolinsky, et un esprit facétieux s'est plu à donner un semblant de réalité à une des oeuvres que lui prête Borges.
  Alors d'une part le nom débute (et finit) par Y, la signature de l'assassin de L'adversaire, ou la 6e voyelle, complétant dans Mortelles voyelles la séquence rimbaldienne, d'autre part le prénom est Marcel, et Theodore caché sous Pierre Ganneval se trouverait donc pris en sandwich entre deux Marcel.
  Je rappelle que Marcel vient de marcellus, "petit marteau", et que c'est aussi le sens de Haemmerli, le médecin de l'échange du 4/4/44, prénommé Theodor. Je rappelle encore que, après L'adversaire inspiré par les crimes tétragrammatiques de La mort et la boussole, Et le huitième jour... est paru en 1964 sous la signature Ellery Queen, polar métaphysique voyant Ellery enquêter pendant la semaine sainte de 1944 sur l'assassinat le 5/4/44 à coups de marteau d'un certain Storicai, un des Douze membres du conseil d'une communauté religieuse dirigée par un Maître, crucifié le Vendredi saint suivant. Storicai est l'évidente anagramme de Iscariot, surnom de Judas, en hébreu YHWDH, interprété comme une "porte" (dalet, nom de la lettre D) dans le Tétragramme YHWH. Je rappelle enfin que les 3 lettres hébraïques constitutives du Tétragramme, YWH, donnent par atbash MPÇ, "marteau"...

  Rimbaud est également présent dans L'adversaire, pour son "Je est un autre", mais il n'est pas exclu que Daniel Nathan ait eu à l'esprit que Rimbaud était comme lui natif du 20 octobre.
  Le chanteur transsexuel "Hortense" de VME est une allusion au personnage principal de Cristal qui songe. Son nom est précédé immédiatement chapitre 30 par Arthur Rainbow (citation de Nabokov). Hortense est une des Illuminations de Rimbaud.

  J'utilisais explicitement dans les Pans les modes opératoires des deux premiers crimes de L'adversaire, pouvant passer pour des accidents.

  La Vokalfolge de Robin Marr, ou "séquence vocalique", se réfère probablement à l'idée que la prononciation du Tétragramme aurait été uniquement vocalique, i-e-u-a. Elle peut évoquer la séquence rimbaldienne, ou Vocalisations, où une voyelle a disparu.
   Il est encore à souligner que l'article précédent celui de Marcel Bénabou est une allusion immédiate à La disparition, le livre programmé pour ce chapitre.
  Bénabou, pris en sandwich entre cette allusion normale et celle sauvage à Cristal qui songe, apparaît sous la forme Ibn Abbou dans La disparition, et le Capitaine-Crubellier sous la forme du Commandant-Crubovin...

  J'évoquais dans un billet perecquien de 2013 la traduction en turc de La disparition (Kayboluş), où j'ai été charmé de trouver Vocalisations traduit sous un titre éminemment quaternitaire :
       Dört arti Bir ünlü (Quatre plus Un fameux)
  Le turc se prêtait admirablement à la traduction du premier vers
       A noir (un blanc), I roux, U safran, O azur :
devenant
       A kara, (ak boşluk), I kızıl, U zümrüt, O mor :
qui sans tricherie aucune se traduit
       A noir, (blanc vide), I rouge, U émeraude, O violet :
  Je ne reviens pas sur l'adéquation entre les voyelles et les noms turcs des couleurs, pour remarquer d'abord le final O mor, l'adjectif turc homophone du substantif français "mort" laissant entendre que les voyelles sont bien mortelles...
  Mieux, l'adjectif peut aussi être antéposé en turc, et mor O est homophone de Moreau, l'assassin de Pandore (où il est aussi fait allusion aux couleurs des voyelles rimbaldiennes). Je rappelle que le nom Moreau a très probablement été choisi par les auteurs pour son étymologie, "brun", "noir", puisque Martial Moreau est le nègre de Virgile Grünenwald.
  Au passage je note que Marcel Bénabou est l'auteur d'une étude sur le poète Martial, plagiaire ou détracteur de l'Oulipo.
  Le roman A noir serait donc en turc A kara, expression que j'avais rapprochée de Ankara, capitale turque dont le nom vient en fait du grec. Ankara a donné son nom au chat angora, dont je remarquais l'anagramme Aragon, or Oxymor a baptisé son minet Aragon pour cette raison. Si Paul Mistraki est l'éditeur du roman A noir, Paul Misraki a composé la musique du film Alphaville, ci-dessus proposée par l'éditeur Hortensia...
  L'Adversaire a été publié en turc sous le titre Y'nin esrarı, "Le mystère du Y".

  J'ai encore bien des choses à dire, mais je crois que ça suffit pour ce billet, j'Y reviendrai donc prochainement.

  Le titre de ce billet a été trouvé au début de son écriture, alors que ma trouvaille essentielle à ce stade concernait le sonnet de Pandore, trouvaille qui me semble maintenant éclipsée par les approfondissements ultérieurs. Je voulais un titre de valeur 216, j'ai pensé à l'expression "Tempête sous un crâne", et il se trouve que
TEMPETE SOUS LE CRANE = 216 = 6x6x6,
en 18 lettres = 6+6+6.
  J'ai trouvé significatif un autre titre en 18 lettres de valeur 216, le dernier Queen écrit par Dannay/Nathan en collaboration avec son cousin, paru en 1958:
THE FINISHING STROKE = 216 = 18x12,
avec 12 significatif car l'intrigue confronte 12 personnages chacun natif d'un des signes du zodiaque, quelques indices suggérant des dates de naissance gémellaires, comme 3/3 et 12/12. Je le mentionnais dans les Pans, où, je le rappelle, la dernière mort était le 6/6, 38 ans après celle de Jung. J'avais utilisé le fait que le 4/4 était cette année 99 le jour de Pâques, et baptisé la victime du jour Jacques Courtas, initiales JC, sans penser au CJ de Carl Jung.