4.4.13

Halterophilie

pour Alan T.

  Les développements concernant Jack l'Eventreur dans l'oeuvre de Paul Halter étaient tels que je les ai éludés dans mon dernier billet, Ripperomanie (qui est d'ailleurs le titre d'une nouvelle de Halter, dans La nuit du loup).
  Un hasard a voulu que mes publications sur Quaternité les 3 premiers mois de cette année totalisent 1-2-3 billets, ce qui m'a donné l'idée de publier 4 billets en avril, et pourquoi pas les 1-2-3-4 avril ? Il m'avait déjà semblé en  février que le 3 avril serait un bon jour pour évoquer Jack, cette date étant donnée comme inspiratrice pour l'Eventreur de Boris Akounine.
  Une actualité gidouillante m'a conduit à La spirale d'or de Theodore Sturgeon, et j'ai appris en écrivant le billet du 1er avril que c'était jadis la Saint-Théodore. La suite du 2 avril consacrée à la double spirale de l'ADN m'a fait découvrir que l'article original de Watson-Crick était daté du 2 avril 1953 (et son 60e anniversaire a été exploité pour la mise en vente d'une lettre de Francis Crick, adjugée à 6 M$).
  Sans en avoir été conscient, ces billets de commençant avril associent un sturgeon (esturgeon) à un surgeon (anglais "chirurgien", et il est supposé que Jack ait eu des connaissances en chirurgie).
  Il m'a semblé qu'il serait indiqué d'étudier ici les 4 premiers romans de Halter parus au Masque, de 1987 à 1989, et de dire un mot de son premier roman de 1986, qui a failli remporter le prix de Cognac mais qui a dû laisser la place au premier Fred Vargas, pourtant fort ennuyeux (on va pardonner puisque sans ce prix Fred n'aurait peut-être pas persévéré, tandis que Paul a été récompensé l'an suivant, pour un roman plus achevé).
  Le premier Halter publié a donc été La quatrième porte, qui m'a alors profondément impressionné. Il est structuré en 5 parties, les deux premières se présentant comme le récit du jeune James Stevens (nom peut-être emprunté à Ted Stevens, narrateur de La chambre ardente) : 5 morts étranges se sont produites dans l'entourage immédiat de son ami Henry White, jeune émule de Houdini.
  La 3e partie fait place à un nouveau narrateur, l'écrivain John Carter (allusion à John Dickson Carr alias Carter Dickson), pas si nouveau en fait car le lecteur apprend que ce qu'il a lu précédemment est une fiction, un défi présenté en 1979 au docteur Twist, lequel s'était vanté de pouvoir donner une solution rationnelle à n'importe quelle énigme, aussi tordue fût-elle (Jacques Futrelle avait proposé la même chose à sa femme May, voir Mystère-Magazine n° 72).
  La 4e partie est la fin imaginée par Twist, en 3 chapitres, montrant l'implication de Henry White dans 3 des 5 morts, en partie pour des motifs louables, mais Twist le voit finalement perdre toute mesure, se  prendre pour Houdini réincarné, et laisser mourir son propre père pour créer une apparence de crime impossible.
  5e partie ou épilogue : Carter est émerveillé des solutions données par Twist, mais celui-ci rétorque que ce qu'a cru inventer Carter est en fait une affaire réelle qui s'est passée en 1951. Toutefois les vrais détails n'en ont pas été rendus publics, alors comment Carter les a-t-il connus ? Peut-être est-il James Stevens, car Carter a été trouvé amnésique au Canada en 1953, et il ignore tout de sa vie antérieure (oui, l'amnésie c'est un peu facile). A moins que ce ne soit son ami Jimmy (James ?), un alcoolique qu'il subventionne charitablement pour lui fournir des idées, et après il ne sait plus très bien d'où vient ce qu'il écrit... Justement Jimmy s'est enfui juste après avoir lu la conclusion de Twist.
  Mais Twist s'est procuré des photos des protagonistes de 1951, et on découvre que Carter est en fait Henry White, qu'on pensait noyé dans la Tamise.

  Un roman qui débute par un roman, ce n'est pas tout à fait neuf, et je pense illico à "53 jours" de Perec, qui débute par une 1e partie 53 jours (en 13 chapitres comme le récit de La quatrième porte), puis le lecteur apprend dans la 2e partie que ce qu'il vient de lire était un manuscrit de l'écrivain Robert Serval, pouvant contenir des indices sur sa disparition. Mais ce roman inachevé n'est paru qu'en 1989.
  Il y a encore Travail soigné, le premier roman de Pierre Lemaitre, qui obtiendra le prix Cognac en 2006, 19 ans après Halter.
  Dans le domaine des narrations trompeuses, on peut évidemment penser à ce qui fut le n° 1 du Masque en 1927, Le meurtre de Roger Ackroyd, 60 ans plus tôt.

  La quatrième porte laisse des énigmes non résolues. Jimmy était-il bien James ? Sa fuite après avoir appris que Henry était un triple tueur le donne à penser, mais alors que faisait-il dans l'intimité de l'amnésique ? A-t-il joué un rôle dans le défi proposé à Twist ?
  S'il est presque toujours appelé Jimmy, son nom Lessing est aussi mentionné, et un alcoolique Lessing dans un récit métatextuel accumulant 4 meurtres ne peut qu'évoquer à un spécialiste de cette littérature La bibliothèque de Villers (1980), où Benoit Peeters avait imaginé 4 meurtres aux 4 sommets du carré formé par la ville de Villers, avec 4 victimes dont les noms donnaient l'acrostiche IVRE. Le narrateur soupçonne le bibliothécaire Lessing, mais celui-ci est à son tour trouvé assassiné, au centre du carré.
  C'est au lecteur qu'il incombe de trouver la solution, le coupable est le LIVRE. Un hasard m'a fait découvrir ce "livre" dans une braderie, lors de la signature au Salon du Livre 2001 de Sous les pans du bizarre, où j'avais imaginé 4 morts de latinistes aux sommets d'un rectangle de Pythagore 3x4, inspirées par les cousins York aux 4 coins de York Square dans L'adversaire de Dannay-Sturgeon.

  Je me suis précipité en juin 1988 sur le second Halter publié, Le brouillard rouge, mais ai été un peu déçu.
  C'est encore un récit à la première personne, celui du jeune inspecteur John Reed, espoir de Scotland Yard. Dans une première partie, il est envoyé à Blackfield en 1887 pour y résoudre un meurtre vieux de 9 ans. Il y parvient, mais tait ses résultats, la coupable étant la jolie Cora dont il est tombé amoureux.
  Seconde partie : John Reed est confronté en 1888 aux meurtres de prostituées à Whitechapel, et découvre que Cora est devenue l'une d'entre elles. Le récit exploite habilement les morts non imputées à Jack, dont John ne peut être responsable, mais son emploi du temps lors des crimes canoniques est éludé.
  Le récit contient néanmoins des indices, et le dernier chapitre révèle qu'il s'agit d'une confession que le supérieur de John Reed lui a ordonné d'écrire, avant de mettre un terme définitif aux exploits de Jack Ripper.
  Il subsiste néanmoins des énigmes, ainsi le récit insiste à maintes reprises sur l'incroyable invisibilité de l'Eventreur, qui peut commettre ses crimes dans un quartier pourtant sillonné par la police. John attribue l'essentiel de cette invisibilité à sa qualité de policier, et achève par une pirouette éludant l'éventualité d'un stratagème d'une diabolique ingéniosité :
S'il existait effectivement, pensez-vous sincèrement que Jack l'Eventreur vous livrerait son secret ? Pour que quelqu'un d'autre puisse l'utiliser ?
  Ceci me rappelle la chute du Trou de mémoire, la nouvelle de Barry Perowne associée pour moi à une fabuleuse coïncidence.

  Page 203, après réception de la lettre signée "Jack l'Eventreur", le chef de John lance l'idée Jack L'Eventreur... ou Jill l'Eventreuse!, vivement repoussée par John. Ce féminin Jill (diminutif de Jane tandis que Jack est celui de John) n'est pas une initiative de Halter, mais il était loin d'être obligatoire de le trouver dans ce roman célébrant le centenaire des exploits de Jack, alors qu'il venait de paraître fin 1987 Jill rips ("Jill éventre") de David Lindsay, où c'est une Jill qui signe en 1988 à Glasgow une série de meurtres de macs.
  Je n'ai pas lu le roman, mais ai vu le film qui en a été tiré en 2000, où l'action a été déplacée à Boston en 1977. Je ne sais si les noms des protagonistes originaux ont été respectés, mais dans le film la réelle identité de Jill est Irene Reed !
  Elle est la fille d'une prostituée, Annette Vernon, adoptée par les Reed de New York après la mort de sa mère dans d'atroces conditions, et elle est revenue à Boston pour la venger. Dans le roman de Halter, John Reed est aussi le fils d'une prostituée, associée à une scène occultée de son enfance, lorsque elle est venue un soir réclamer son fils chez son père, dans une pièce où une lampe à pétrole diffuse une clarté pourpre, le "brouillard rouge" donnant son titre au roman. C'est la déchéance de sa bien-aimée Cora qui a enclenché le parcours sanglant de John.
  Reed est un nom courant, qui ressemble à red, "rouge", et on pourrait faire appel à une certaine part de communauté d'intention dans le choix du même nom pour l'Eventreur ou l'Eventreuse. Irene Reed commet ses meurtres vêtue d'une combinaison de vinyl rouge. Le seul détail que j'ai déniché concernant le roman original est qu'il se passe dans le red light district de Glasgow.

  Jill rips : "elle" rips plutôt que "il", "la" plutôt que "le" chirurgien. Ceci m'amène à une forme "la (surgeon) rips" qui ferait un lien inespéré avec la Spirale d'or de Sturgeon, d'autant que le dernier roman de Halter se nomme précisément Spiral.
  C'est un roman pour la jeunesse paru en avril dernier, parallèlement à la superbe enquête de Twist au Masque, Le voyageur du passé. J'espérais une coïncidence "4 avril" pour ce billet, en voici une petite avec un commentaire tardif de ce 4 avril sur Spiral. Ici une critique plus détaillée par Paul Maugendre, n° 442 de l'association 813.

  Ceci ouvre de telles perspectives qu'un vertige me saisit, le "brouillard rouge" n'est pas loin. J'évoquais dans le billet du 2 avril l'écho que m'inspirait dans La spirale d'or la succession cloud-Carl, envisagée dans le billet du 8 septembre 2011, suite à une trouvaille de Eliyahu Rips, le découvreur du "code biblique". Or Michael Drosnin, qui a donné à ce code une dimension sensationnaliste, remarque dans son second ouvrage que le nom de RIPS apparaît presque directement dans la Bible avec son renversement SPIR, "saphir".
  Le saphir est particulièrement associé à Dieu, et le trône divin que décrit Ezéchiel (Ez 1,26) à l'apparence de la "pierre de saphir", ABN SPIR, que Drosnin renverse en RIPS NBA, "Rips prophétise".
  De quoi "dé-spirer" Pierre pour éventrer Paul (mais pas tout de suite, car j'espère voir Halter poursuivre son oeuvre encore longtemps).

  Ce billet du 8 septembre était immédiatement précédé d'un billet du 31 août, car ces dates étaient significatives pour moi avant que je prenne conscience qu'elles étaient aussi celles des premiers meurtres de Jack. J'ai de même publié des billets à ces dates en 2010 et 2012, mais il y a un écho particulièrement immédiat dans le billet du 31/8/11 illustré du tableau de Burne-Jones L'escalier d'or. Ne s'agit-il pas d'une spirale ? une spirale d'or ! Alors que le titre du dernier Halter se réfère précisément à un escalier en spirale

 IRENE/REED = 51/32 se trouve être un nom doré. Je rappelle que cette propriété n'est pas rarissime (1 cas sur 35), mais le cas est particulier car 51/32 correspond aussi à MICHAEL/CAINE, dont il était question dans le dernier billet, alors que je n'avais pas encore vu Jill rips.
  Michael Caine y était présent parce qu'il était au moins doublement lié à Jack, pour avoir refusé un rôle de psychopathe londonien dans Frenzy de Hitchcock (1972) et accepté celui de l'inspecteur Abberline dans le Jack l'Eventreur du centenaire (1988), selon un curieux chassé-croisé avec Barry Foster, mais les rôles doubles de l'acteur ne se limitent pas à cela.
  Ayant très mal pris le refus de Caine, Hitchcock a-t-il digéré de le voir accepter en 1980 le rôle guère plus reluisant du psy Robert Elliott chez Brian de Palma ? Hitch est mort le 29 avril 1980. Dans Pulsions, Robert se dédouble en Bobbi, terrifiante manieuse du rasoir. Elliott rips, pourrait-on résumer, et je rappelle que certains assimilent Elliott à Elie, en hébreu Eliyahu, prénom de Rips.
  Je rappelle que je relie Jung/Haemmerli aux patriarches Elie/Enoch, les "non-morts" de l'Ancien Testament. Il existe un autre Enoch au début de la Bible, fils de Cain (Gn 4,17).
  Caine a également joué Jekyll & Hyde dans le téléfilm éponyme (1990). C'est l'occasion d'évoquer le brillant Elémentaire, mon cher Holmes, de Albert Davidson (alias René Reouven, alias René Sussan). Il y est imaginé une autre version de l'oeuvre de Stevenson, si maléfique que tous ceux qui l'ont lue sont devenus des tueurs sanguinaires, parmi eux bien sûr le brave Jack.
  Et bien sûr, Caine a eu le privilège de jouer les deux rôles de Sleuth (Le limier) à 35 ans de distance, en 1972 et 2007 (ce que j'évoquais dans le billet Paul & Fred).

  J'abandonne avant que la tornade Caine ne m'emporte sans espoir de retour, et je reviens à Halter pour constater que ses deux premiers romans publiés se présentent tous deux comme des textes de commande, écrits à la première personne par un assassin amnésique. Certes John Reed sait qu'il est l'Eventreur, mais il a occulté l'assassinat de sa mère dans sa jeunesse. Quant aux 13 premiers chapitres de La quatrième porte, dont le narrateur allégué est James, on apprend finalement qu'ils étaient écrits par Henry.
  Le premier Halter (de 1986 mais publié en 1995) offre un schéma très proche. La malédiction de Barberousse est écrit à la première personne par Etienne Martin, lequel demande à Twist de venir en Alsace élucider un crime impossible commis 12 ans plus tôt, or c'est Etienne le coupable, mais il avait occulté le forfait.

  La série se clôt sur Le brouillard rouge, et le roman suivant adopte une narration impersonnelle. Le premier chapitre de La mort vous invite, se passant dans les années 50, est intitulé Où l'on parle de Jack l'Eventreur : à propos de l'affaire récente du Tueur de dames seules, qui va s'avérer liée à la présente enquête, Alan Twist évoque sa récente découverte dans les papiers de son père d'un manuscrit donnant l'incroyable solution de l'affaire Jack; une note propose au lecteur de se reporter au Brouillard rouge.
  L'auteur londonien Harold Vickers invite un policier et un journaliste à un dîner où il leur fera des révélations fracassantes, mais lorsqu'ils arrivent chez l'écrivain, sa porte est fermée au verrou de l'intérieur; après l'avoir enfoncée, ils le découvrent mort à sa table, chargée de plats encore fumants, et l'autopsie révèle qu'il est mort la veille ! On apprend que l'écrivain travaillait à un nouveau projet, La mort vous invite, s'ouvrant sur le même mystère, avec son plus intrigant détail, un verre empli d'eau sous la fenêtre...
  Les débuts de l'enquête épaississent encore l'énigme. La même situation s'est présentée quelque 20 ans plus tôt, avec la mort de Charles Fielder dans le salon particulier d'un restaurant. Par ailleurs le père de Harold, Théodore qui désapprouvait la profession de son fils, était mort quelques années plus tôt à la suite d'un AVC survenu pendant un repas. Avant de mourir, il avait prophétisé que Harold mourrait lui-même à table s'il persistait dans l'écriture de polars, et divers indices pourraient faire penser que Théodore est sorti de sa tombe du cimetière proche pour exécuter sa prophétie...

  Ces Charles-Théodore unis par une mort similaire m'évoquent le cas Carl-Theodor, Jung-Haemmerli, et j'avais omis dans mes commentaires sur The Golden Helix de Theodore Sturgeon que la revue de 1954 contenait aussi une nouvelle de Charles Stearns, The Wall, et une nouvelle d'un autre Theodore, où le dernier humain meurt au cours d'un dîner avec une androïde...

  Je rappelle que, dans L'adversaire de Dannay-Sturgeon, il semble qu'un Nathaniel, équivalent hébreu de Théodore, soit revenu de l'autre monde pour exécuter ses cousins.

  Harold Vickers a beaucoup vu récemment un voisin, Colin Hubbard. Hurst et Twist vont l'interroger, et Hubbard leur dit que lui et Vickers se voyaient pour discuter de leur passion commune, les romans policiers.
  Twist a recours à un piège grossier en lui demandant s'il apprécie l'un des chefs-d'oeuvre du genre, Le Mystère de la chambre jaune de Conan Doyle, bourde inimaginable pour tout connaisseur...
...mais j'ai eu la surprise de découvrir ceci en septembre dernier, comme si l'éditeur était tombé à son tour dans le piège de Twist. Son site indique "le produit actuellement indisponible", et on peut penser que l'énormité ne sera pas reproduite sur une éventuelle réimpression (mais j'ai un exemplaire témoin).

  Vickers avait parlé à Hubbard de l'attaque survenue à son père Théodore pendant un repas, ce qui avait amené Hubbard à détailler le cas de Charles Fielder, donnant l'idée à Vickers de son prochain roman. Curieusement, ce cas Charles, survenu 20 ans plus tôt, est daté de 1907, alors que la mort de Théodore, il y a quelques années, est arrivée en 1952.
  Sans essayer de démêler cette impossibilité, je remarque que 1907 est précisément l'année de parution du Mystère de la chambre jaune (en feuilleton du 7 septembre au 30 novembre), et je rapproche ceci d'une bévue incontestable du Brouillard rouge, où une éventuelle victime de Jack, Emma Smith, est dite avoir été trouvée agonisante le lundi de Pâques 1888, le 13 avril (chapitre 18).
  Or Pâques était le 1er avril en 1888, et Emma Smith, agressée dans la nuit du 2 au 3, a été découverte le matin du mardi 3 (elle est morte le 4). Le 13 avril m'est évocateur car le tueur du Mystère de la chambre jaune trouve la mort dans sa suite, Le Parfum de la dame en noir, le soir du 13 avril 1895, dans la nuit de Pâques. C'est le premier polar couvrant exactement une Semaine sainte que j'ai découvert, en avril 1997, le cinquième et dernier ayant été en octobre 2008 Le décorateur, où Boris Akounine fait mourir Jack l'Eventreur le soir du 20 avril 1889, dans la nuit de Pâques (et naissance de "Dolph" Hitler).

  Le Halter suivant, La mort derrière les rideaux, a plusieurs points communs avec La  mort vous invite : enquête de Twist sur un crime impossible dans une demeure londonienne, répétition exacte d'un crime antérieur, et le criminel est par ailleurs aussi responsable d'une série de meurtres de femmes.
  Je ne déflore pas plus cette belle intrigue aux multiples rebondissements. Je me suis abstenu jusqu'ici d'explorer les pistes numériques que je n'ai pas manqué de suivre, ainsi ces 4 Halter ont dans la collection Le Masque les numéros 1878-1922-1931-1967, somme 7698 se décomposant en 2.3.1283.
  Chaque livre a par ailleurs un numéro d'éditeur, celui du 4e Halter étant 3821, nombre premier que j'ai aussitôt remarqué être le renversement de 1283. Ceci m'est aussitôt évocateur de mes recherches sur BACH, 2-1-3-8, dont un volet concerne les nombres 21-38 correspondant à BA-CH, où mon plus beau résultat est le 1er Prélude-Fugue du Clavier bien tempéré, 1283 notes débutant par le fameux arpège CEGCEGCE = 38, s'achevant par l'accord CCEGC = 21.
  Je conçois qu'on puisse juger de tels calculs totalement vains, et je n'entends pas les justifier. C'est cependant cette obsession intime qui m'a fait découvrir le Décorateur de Boris Akounine, à partir du 4e roman pascal découvert début octobre 2008, Les 4 coins de la nuit, de Craig Holden. Ce n'était pas seulement un roman couvrant exactement la Semaine sainte, mais aussi un texte en 38 chapitres d'un auteur d'initiales CH, ce qui m'a donné l'idée de chercher si un auteur BA n'aurait pas écrit un texte de 21 chapitres, et conduit à Akounine dont je n'avais jamais été tenté d'ouvrir un livre.

  Il est possible de subdiviser les 18 chapitres de La quatrième porte en 13-5, selon la première rupture diégétique détaillée plus haut. Ceci me rappelle le poème 18 de Paul Braffort vu dans le billet précédent, consacré à Jack l'Eventreur, où une contrainte imposait un 5-13 riche en échos pour moi. Pour aller un peu plus loin, j'ai vu jadis ce rapport 5/13 pouvoir relier deux modèles symboliques quaternaires,
la "psycogonie" de Platon, soit les séries bâties sur les puissances de 2 et 3 :
1-2-4-8 = 15
(1)-3-9-27 = 39
et la double Tétraktys de Pythagore :
1-2-3-4 = 10
5-6-7-8 = 26
  Dans les deux cas, 15/39 = 10/26 = 5/13.
  10/26 s'est rappelé récemment à mon souvenir avec l'épisode 10 de la série 2 de Touch, diffusé le 5 avril aux USA. L'enfant prodige Jake, pour lequel le monde est une spirale de nombres, perçoit le nombre 1026 qui va permettre d'éliminer définitivement le "tueur de Justes", celui qui avait entrepris de tuer les 36 Justes, dont Jake. Ce nombre 10/26 est la date de naissance de Jake, né le 26 octobre 2000, mentionnée dès le premier plan du pilote, et je me demande si les scénaristes avaient alors en tête 10+26 = 36, et plus particulièrement la double Tétraktys (qui a sa contrepartie hébraïque, avec Y=10 et YHWH = 26). Wikipedia m'a appris que le début de la seconde saison était originellement prévu le 10/26/2012 :
The second season was originally scheduled to begin Friday, October 26, 2012 but was pushed back to Friday, February 8, 2013.
  10-26 m'invite à compléter en la quadruple tétrade vue avec le carré de Dürer, 10-26-42-58, avec (10+42)/(26+58) = 52/84 = Jung/Haemmerli.
  Je consulte souvent Merveilleux nombres premiers, de JP Delahaye, et je viens de le faire pour vérifier que 1283 et 3821 étaient premiers (soient les 208e et 530e).
  Je remarque la spirale de Ulam en couverture (ci-dessus), disposition de la suite des entiers qui fait apparaître d'intrigantes diagonales de nombres premiers (ci-contre en blanc dans le carré des 45x45 entiers de 1 à 2025).
  Sur le livre de Delahaye la spirale a été limitée à un carré de 4x4, avec pour le 16e nombre un symbole signifiant que la spirale est infinie, mais ceci m'évoque aussitôt (peut-être est-ce voulu) le jeu de taquin auquel a été consacré mon billet du 8 septembre 2012 (ou 1er Absolu 140, ou 124e anniversaire du meurtre d'Annie Chapman), Taquin tree (anagramme de Quaternité).

  J'ai un autre livre, La spirale mystique, que je consulte bien moins souvent. Je le sors et redécouvre qu'il est écrit par une Jill, Jill Purce (qui a ensuite épousé Rupert Sheldrake).
  Jill rips, mais cette Jill spires, et je découvre à la page 77 de son livre L'échelle de Jacob, de William Blake, qui fort probablement a in-spiré L'escalier d'or de Burne-Jones.
  Dans Touch, Jake est le diminutif de Jacob.

Note du 29 avril : Il m'est revenu qu'un autre roman où la narration se révèle tardivement une fiction est Borges et les orangs-outangs éternels, de L. Verissimo, avec un degré parodique tel qu'il est difficile de croire au récit. Je remarquais ici une belle coïncidence avec La bibliothèque de Villers, où la série de 5 morts dessine les séquences IVREA pour les prénoms et IVREL pour les noms, tandis qu'un même indice mène à 5 coupables chez L. Verissimo : selon les deux premières hypothèses, X mène à Xavier, O à Oliver, dont les lettres complémentaires sont les anagrammes des séquences IVREA et IVREL.
  Or ce récit est comme La quatrième porte un problème posé à un expert en déduction, en l'occurrence Borges, qui découvre que le coupable du meurtre est le narrateur du récit.

3.4.13

Ripperomanie


  Comme je l'ai souvent répété, l'événement essentiel à l'origine de mon intuition du 8 septembre 08 a probablement été la lectureEt le désir s'accroît le 31 août de Des jours et des nuits de Sinoué, dont Jung est un personnage. Les résonances avec les polars minoens de Halter m'amenèrent à d'intenses cogitations, et à l'éclosion au petit matin du 8 septembre de l'idée qu'un motif 4-1 partageait la vie de Jung autour du 4/4/44, la date qu'il donne dans Ma Vie... pour l'étrange échange de destins entre lui et le docteur Haemmerli, mort à sa place.
  Aussitôt levé je procédai aux vérifications et découvris avec stupeur que c'était exact. Les semaines, mois et années qui suivirent amenèrent de multiples échos, dessinant peu à peu un formidable enchevêtrement semblant échapper à toute logique.
  S'il serait présomptueux d'en déduire une prédestination de ma petite personne, il est peu à peu apparu que mes centres d'intérêt et obsessions divers se reliaient au réseau, ainsi le motif 4-1 m'était essentiel depuis plus de 20 ans.  Mon obsession plus récente pour les suites de Fibonacci trouva une immédiate application avec les valeurs des protagonistes de l'échange, Haemmerli/Jung = 84/52 = 21/13, deux nombres de Fibonacci.
  Je suis pataphysicien depuis 2004, et le 8 septembre Nativité de Jarry se trouve être le Jour de l'an du calendrier pataphysique, ce 8 septembre 08 ayant ouvert l'an 136 pataphysique, avec 136 = 84+52 (Haemmerli+Jung). Dans ce même calendrier pataphysique, le 31 août vulgaire correspond au 21e jour du 13e mois, le 21/13 (Haemmerli/Jung) !
  Pour donner une idée de ce qui m'était coutumier en 2008, je prévoyais de consacrer le 8 septembre un billet de mon blog Blogruz à un parc de Cambridge conçu par l'artiste David Phillips qui y avait magnifié le nombre d'or et la spirale, la gidouille des pataphysiciens. J'y observais que la mention David Phillips/artist correspondait au rapport doré 141/87 se simplifiant en 47/29, deux nombres de la suite de Lucas, se déduisant fort simplement de la suite de Fibonacci.
  J'ai bien publié ce billet le 8/9, malgré mon esprit désormais presque entièrement accaparé par ma découverte de la nuit. Je n'ai appris qu'en décembre le nom du docteur de Jung, et n'étais donc antérieurement pas en mesure de remarquer que 29 et 47 avaient les mêmes rangs dans la suite de Lucas que 13 et 21 dans celle de Fibonacci.

  Je n'avais pas non plus vu aussitôt le 31 août en tant que 21/13 pataphysique, ni pensé à un lien fameux entre le 31 août et le 8 septembre, qui sont les dates des deux premiers crimes de Jack l'Eventreur selon la série canonique généralement reconnue, suivis du double meurtre du 29 septembre 1888, puis du dernier le 9 novembre.
  Puis Jack ne s'est plus manifesté, et le mystère sur son identité demeure aujourd'hui, malgré des centaines d'études sur la question. La fiction s'est aussi emparée du personnage, avec des centaines encore d'intrigues plus ou moins calquées sur la réalité, et des milliers indirectement inspirées par ce tueur insaisissable devenu pour certains un héros mythique.
  Le 4 février dernier, un hasard m'a fait découvrir une mini-série diffusée en février 2009 sur ITV, Whitechapel, et c'est l'histoire d'un imitateur qui entreprend de rééditer 120 ans plus tard les exploits de Jack, aux lieux et aux dates originels. Un inspecteur découvre ainsi les similitudes d'un meurtre commis le 31 août 2008 avec celui de 1888, ce qui l'amène à tenter de prévenir le meurtre suivant le 8 septembre.
  Ce sera un échec, et le nouveau Jack réussira encore son coup le 29 septembre, mais la police l'empêchera de commettre le 5e crime du 9 novembre (la Saint-Théodore, comme Theodor Haemmerli). Il y a donc ici un motif 4+1, souligné par le fait que l'assassin et les scénaristes ont choisi ici une option légèrement différente de la liste canonique : Jack n'aurait tué que Catherine Eddowes le 29 septembre, et serait en outre l'assassin de Martha Trabam le 7 août.

  Il est déjà fabuleux d'avoir retrouvé ces dates du 31 août et du 8 septembre pour une reprise des crimes de Jack en 2008, d'autant que l'heure de la mort d'Alice Graves dans la série TV, peu avant l'aube, est très proche de celle de mon intuition, mais l'affaire de Jack l'Eventreur m'évoque de multiples échos, plus ou moins directement liés au cas Jung.
  J'ai aussitôt pensé à un autre motif 4+1 apparu peu après ma découverte du 8/9/8. Elle m'avait aussitôt fait penser au roman Et le 8e jour... se passant pendant la Semaine sainte 1944, avec un chapitre dévolu au 4/4; j'avais découvert en juillet 08 un autre texte couvrant exactement une Semaine sainte, qui m'avait induit à discerner une nouvelle catégorie parmi tous les textes contenant des dates pascales, intentionnelles ou non.
  Je n'y avais pas pensé jusque là, car je ne connaissais que deux textes de ce type, découverts en 1997, et voici qu'un hasard m'amena un 4e polar couvrant exactement une Semaine sainte, Les 4 coins de la nuit, le 30 septembre 2008. Mon obsession quintessentielle me fit rêver d'un 5e texte, et je le découvris par un miraculeux hasard quelques jours plus tard, le 10 octobre.
  Il s'agissait d'une novelette de Boris Akounine, dont je n'avais jamais rien lu, Le décorateur, imaginant que Jack l'Eventreur ait été russe, et que l'arrêt de la série londonienne ait été dû au retour de Jack à Moscou. Akounine a choisi une autre variante de la liste canonique, faisant débuter les méfaits de Jack par l'agression d'Emma Smith aux premières heures du 3 avril 1888, ce qui conduit Jack à reprendre sa boucherie le 3 avril 1889 à Moscou, soit le lundi de la Semaine sainte du calendrier julien.
  Si Jack ne se limite pas à 5 victimes dans sa série moscovite, Le décorateur fait partie du 5e volume des enquêtes de Fandorine, le premier héros d'Akounine.

  Deux ans après Et le 8e jour... (1964), la signature Ellery Queen apparaît pour A study in terror novélisation due à Paul Fairman d'un film de 1965, où Jack est démasqué par Sherlock Holmes. Il est cependant supposé, notamment ici, que les plus du roman, où intervient le détective Ellery qui donne une autre solution que celle du film, soient de la plume des "vrais" Queen. Je vois assez mal Dannay y avoir participé, mais Lee, pourquoi pas ?
  Si c'est le cas, il est amusant d'y trouver une citation de L'adversaire, de Dannay-Sturgeon en 1963 (qui était dédié à Lee) :
These are the trodden, but not the downtrodden. These are the lowly, but never the low.
  Ceci vient d'une lettre de Y (chapitre 4), alias YHWH, Dieu, alias JH Walt, ce qui m'avait de prime abord semblé être une possible raison pour laquelle Dannay avait fait appel à Theo(dore) Sturgeon pour la finalisation de son synopsis. Dans A study in terror, cette citation vient juste après le premier chapitre de l'enquête relatée par JH Watson, The surgeon's kit (La trousse du chirurgien).

  Avant d'utiliser sa connaissance des îles grecques, Paul Halter est devenu le maître français du mystère en chambre close avec ses enquêtes du londonien docteur Twist, où Jack l'Eventreur est souvent évoqué. Halter a cependant délaissé son héros fétiche dès son second roman publié, et a profité de l'année 1988, centenaire de l'affaire, pour en proposer une vision originale avec Le brouillard rouge.
  C'est la liste canonique des 5 crimes qui y est finalement retenue, mais les autres victimes éventuelles y sont habilement utilisées. Je reviendrai dans le prochain billet sur ces premiers romans de Halter.

  On pouvait s'attendre à ce que des auteurs aient exploité plus directement le centenaire en 1988, et l'imposant dossier d'Alibis m'apprend qu'il y a eu au moins un roman d'Albert Borowitz en 1986, et un autre de Frederic Lindsay en 1987, Jill Rips, où il s'agit d'une éventreuse qui s'en prend à des hommes; il y a eu une adaptation au ciné...
  Une autre série d'éventrations du centenaire avec Yours Truly, From Hell, de Terence Smith (1987, tous ces auteurs semblent avoir devancé l'appel, sans doute en espérant coiffer la concurrence au poteau).

  Je connaissais Un rire dans la nuit, de Thomas Dresden (1999), où un imitateur réitère les crimes de Jack en 1994, soit 106 ans plus tard. C'est encore la série canonique qui est privilégiée, avec de louables efforts du tueur pour trouver des victimes aux noms aussi proches que possible de celles de 1888. De même que dans Whitechapel, la cinquième et dernière victime est sauvée in extremis.
  La période de 106 ans avait attiré mon attention car il s'agit de la période rosicrucienne, correspondant originellement à la prétendue vie du fondateur de l'ordre, de 1378 à 1484 (13 et 14 fois 106). J'avais noté quelques petits détails pouvant appuyer une analyse ésotérique, sans plus, et puis voici Whitechapel 120 ans après 1888, et 120 ans est une autre période rosicrucienne, celle séparant la mort de Rosencreutz de la découverte de son tombeau (Post CXX annos patebo).
  Réfléchir à ceci m'a fait me rappeler d'une coïncidence survenue lors de l'écriture en 2006 de ma nouvelle L'enchanté réseau,Au coeur doré de la couverture, Bécassine et la tour Magadala sous l'oeil goguenard de Jacques Bergier ? où j'explorais l'affaire de Rennes-le-Château selon une perspective rosicrucienne. Comme 106 ans c'est un peu long, j'avais choisi la moitié, et décidé que l'abbé Saunière découvrirait son tombeau rosicrucien le jour de ses 53 ans, le 16 avril 1908 (soit le Jeudi saint, privilégié dans l'ordre, et 1908 = 18 fois 106).
  Mon Saunière était donc né le 16 avril 1855, et j'avais respecté ses 33 ans à son arrivée à RLC, pour laquelle j'avais choisi une date significative du mythe castelrennais, soit le 17 janvier 1888, que je devais découvrir ensuite être l'exacte section d'or des 19358 jours de l'abbé au 16 avril 1908. Je n'ai pas du tout pensé alors que 1888 était l'année où avait sévi Jack.
  Faute d'Annie Chapman pour victime du 8 septembre, le tueur de Un rire dans la nuit a trouvé une Anne Chapman, soit un nom doré de valeurs 34/56 identiques à celles du couple Carl-Moira rencontré dans La spirale d'or de Sturgeon.

  J'ai repéré il y a plus de 10 ans un texte exceptionnel de l'oulipien et pataphysicien Paul Braffort, lequel a remarqué qu'en 1979 les 21 membres de l'OuLiPo correspondaient à un nombre de Fibonacci, ce qui lui a donné l'idée d'un ensemble de poèmes reliés entre eux par le théorème de Zeckendorf, selon lequel tout entier peut se décomposer en somme de nombres de Fibonacci tous différents.
  L'ordre alphabétique veut que le poème 18, Roman amor, soit celui dédié à Jean Queval, et la contrainte qu'il doive contenir des allusions aux poèmes 5 et 13, or
JEAN = 30 = 6 x 5
QUEVAL = 78 = 6 x 13
ROMANAMOR = 108 = 6 x 18
  Par ailleurs, indépendamment de Braffort, j'avais été amené au palindrome ROMANAMOR par mes études lupiniennes, et l'affaire Lovendale que je reliais au mythe Rose-Croix.
  D'autre part, bien avant cela, j'avais été amené à voir un rapport 5/13 chez Rabelais, à partir des 108 marches de l'escalier de la Dive, dans le Cinquième Livre, 108 degrés tétradiques précisément répartis en 78 et 30.
  Tout ceci offre tant d'échos que je ne peux que renvoyer aux pages citées, le point nouveau étant que ce Roman amor de Braffort est centré sur Jack l'Eventreur.
  Un écho récent est que l'addition 5+13 = 18 avait été repérée par Perec pour ses 3 adresses principales parisiennes. Perec est le dédicataire du poème 16 de Braffort, S coeur latin (pourquoi pas Latin ital ?)
  Un écho encore plus récent (billet précédent) est que 5-13-18 est ce que Jean-Claude Perez appelle une résonance FFL (Fibo-Fibo-Lucas), dont il trouve des occurrences élevées dans l'ADN.
  Il était beaucoup question de Sturgeon dans les deux derniers billets, et les 3 cousins victimes de JHW dans L'Adversaire sont Robert, Emily et Myra York. Initiales des prénoms REM (18-5-13), que je suis tenté de compléter en REMY avec le nom de famille.
  La seule occurrence dans Roman amor d'une succession des lettres EMR (5-13-18) dans le désordre est à sa fin :
Tel un roman de Mérimée,
mais rimé !
et je pourrais me sentir concerné par ce méri-rimé.

  Je suis encore frappé par le poème suivant, le 19, Quatre et un quatrains sur le but de la langue, qui comme son titre l'indique se compose de 5 quatrains s'achevant sur des homophonies de 5 célèbres linguistes, Saussure, Jakobson, Hjemslev, Martinet, Chomsky.
  Je suis attentif à tout ce qui peut réunir mes deux principales obsessions numériques, la quaternité-quintessence (le motif 4-1) et les suites additives, et ce cas est remarquable car il fait exception à la règle de composition des autres poèmes, respectant la parité pour les citations. Il est patent que 5 ne peut être pair, et ici les citations obéissent au schéma 1-5-13-5-13, ce qui peut correspondre à une quintessence du poème précédent, dont les 4 strophes correspondent au schéma 5-13-5-13.
  Je suis en outre éberlué par 5 fautes dans ce poème, Lohnie-Johson-vômis-célant-soupple (Lonnie-Johnson-vomis-celant-souple), alors que je n'en ai repéré que 6 autres dans les autres poèmes (essentiellement des  fautes d'accent). Braffort donne sur son site les scans de la publication originelle dans la Bibliothèque Oulipienne n° 9 (le reprint chez Ramsay, volume 1, est identique), où j'imagine qu'il puisse s'agir de coquilles, leur accumulation dans les deux dernières strophes de ce poème 19 pouvant s'expliquer par une absence de relecture.
  Je remarque que dans ces seules deux dernières strophes le nom du linguiste est aussi hypographié à la rime.

  Lorsque j'ai cité le pataphysicien Thieri Foulc dans un billet récent, j'ai cherché des références sur le net, mais ai trouvé peu de choses dont cet ouvrage paru le 10 septembre 08, en hommage au 120e anniversaire de l'apparition du mot "pataphysique", en 1888, et au 60e anniversaire de la création du Collège, en 1948.
  Jarry a en effet rejoint le lycée de Rennes à l'automne 1888, en pleine affaire Jack, et il y a remanié les pochades des potaches sur le professeur Hébert pour en faire Ubu roi .
  J'ai proposé récemment un article à la revue Viridis Candela, où je remarque que la geste ubuesque forme un motif 4-1 :
  Il n'est en fait pas sûr que le terme "pataphysique" ait été trouvé par Jarry, voir cette page pour plus de précisions.

  L'assassinat d'Alice Graves le 8 septembre 2008 dans Whitechapel m'a rappelé une récente découverte. C'est ce même 8 septembre 2008 que Kim Greylek prend ses fonctions de procureur adjoint dans la saison 10 de New York unité spéciale. Les actions des épisodes y sont en phase avec leurs dates de première diffusion, ainsi l'action du premier épisode de la saison, diffusé le 23 septembre 2008, débute le 8.
  J'y étais arrivé à partir de l'examen d'une liste d'actrices, où j'avais remarqué
Michaela McManus = 52/84
soit les nombres de Jung/Haemmerli.
  Je ne la connaissais pas, et sa fiche m'apprit que son rôle essentiel était Kim Greylek dans la saison 10 de New York unité spéciale. Il est à noter qu'elle n'a pas été jusqu'au bout des 22 épisodes de la saison, où elle a été remplacée à partir de l'épisode 15 par l'A.D.A. Alexandra Cabot (Stephanie March). 14-8 correspond au découpage doré de 22.
  L'épisode débutant le 8 septembre présente aussi un schéma quintessentiel. Kim Greylek entend faire condamner un violeur dont 4 victimes ont été identifiées, mais elles sont trop terrifiées pour témoigner. Une autre chance se présente lorsque les enquêteurs découvrent que le violeur avait épousé une femme qu'il avait violée, et mise enceinte.

  Roman amor m'incite à présenter ce montage de Jean Daviot :
  Les deux R accolés me rappellent le monogramme de Raymond Roussel, or une nouvelle très étrange, Sagittaire, d'un certain Ray Russell (!), clôt Le livre rouge de Jack l'Eventreur, de Stéphane Bourgoin.
  Elle se passe en 1919 à Paris, et on y apprend que Jack n'est qu'un des multiples avatars d'une créature maléfique qui a jadis été Gilles de Laval (soit Gilles de Rais), et qui vit alors à Paris sous les noms de Sellig et Laval, acteur au Théâtre du Grand-Guignol, rue Chaptal.
  Or l'exégète par excellence de "Ray" Roussel est pour moi Philippe Kerbellec, qui a habité jusqu'à 24 ans rue de Calais, à quelques pas de ce théâtre démoli en 1962.

  A propos du centenaire de Jack, il y a eu une mini-série anglo-américaine diffusée pour la première fois le 21 octobre 1988, avec pour acteur principal Michael Caine dans le rôle phare de Fred Abberline, le responsable de l'enquête en 1888 (dont l'arrière-petit-fils Jack est l'enquêteur de Un rire dans la nuit, 106 ans plus tard).
  Une curiosité est que Barry Foster fut d'abord pressenti pour le rôle, et l'interpréta au début du tournage, mais les producteurs américains exigèrent une star plus connue. Or la situation inverse s'était présentée en 1972, avec le film Frenzy où Hitchcock avait demandé à Michael Caine d'interpréter le rôle d'un tueur en série (comparé à Jack), mais Caine refusa et le rôle revint à Foster.
  Michael Caine a un nom doré, comme Michaela McManus, et je remarque que toutes les dates des crimes canoniques de Jack sont significatives. Après les 31 août et 8 septembre alias 21/13 et 1/1 pataphysiques, il y a eu la Saint-Michel pour le double meurtre du 29 septembre, et le 9 novembre Saint-Théodore.
  J'observais ici que San Michele = 34/55 est un rapport idéal fibonaccien, mais une année bissextile comme 1888 le 29/9 est le 273e jour de l'année, et 273 = 21x13.

2.4.13

Hélice ou la vraie vis

à Phi à qui j'ai emprunté ce titre

  J'ai donc lu The Golden Helix dont il était question dans le précédent billet. Et chacun peut en faire autant puisque la novelette de Theodore Sturgeon est en ligne ici.
  Dans un avenir assez lointain, un vaisseau emmène 3 jeunes couples vers une colonie de la terre sur une planète de Sirius, à 9 années-lumière de la Terre. Les 6 jeunes gens ont passé le long voyage dans des caissons, en état de vie suspendue. Ils ont la surprise en ouvrant le caisson d'Alma de la trouver prête à accoucher, et elle meurt en donnant naissance à 6 bébés, ce qui est plutôt peu en ce temps où les portées comptent en moyenne 8 bébés.
  Le caisson contient aussi un petit objet d'origine inconnue, une double spirale dorée, dont voici une tentative de restitution, à partir d'une ampoule fluo. Bien entendu les angles et diamètres sont ceux propres à l'ampoule, mais les caractéristiques de la description sont présentes, une double spirale autour d'un vide cylindrique, refermée sur elle-même en une giration ascendante et descendante infinie.
  Lorsque les colons s'aventurent au-dehors, c'est pour voir qu'ils ne sont plus dans le vaisseau où ils avaient embarqué, mais dans un abri construit sur une planète inconnue, qu'ils découvriront être à 217 années-lumière de la Terre. La végétation y est si luxuriante qu'ils nomment la planète Viridis; ils découvrent en levant les yeux un spectacle presque indescriptible.
  Il y a dans le ciel une sorte de nuage qui semble un vaisseau, d'où sortent des myriades d'étincelles dorées, des êtres d'apparence angélique, et ces myriades s'ordonnent en une double spirale. Les êtres ineffables semblent montrer du respect, sinon de la vénération, pour les humains...
  ...qui ne les reverront plus au cours du récit, s'étendant sur plusieurs décennies, puis sur des millénaires.
    Les deux autres couples font des enfants sur Viridis, une portée de 3 pour Moira, ce qui est honteux pour Carl car en ces temps la virilité est évaluée selon le nombre de rejetons, et Tod est au comble de l'humiliation lorsque April accouche d'un seul fils, comme 2000 ans plus tôt où la femme était unipare.
  Les nouveaux-nés ont de plus quelques particularités, qui s'accroissent au cours des générations suivantes, et au fil du temps Viridis se trouve peuplée de singes devenus l'espèce prédominante, ils voient le temps venu le retour des êtres dorés, qui amènent sur la planète quelques échantillons d'une autre race évoluée capturés dans une lointaine galaxie. Le temps venu, lorsque ces échantillons ont régressé au stade des oiseaux dont ils étaient issus, les êtres dorés reviennent et cette fois laissent sur Viridis quatre des leurs...

  Le texte insiste sur la double spirale, symbole de ce qui n'a ni fin ni commencement, emblème de ces êtres qui arpentent l'univers pour y semer les graines de ce qu'ils estiment digne d'attention.
  Le symbole fait bien sûr penser à la double hélice de l'ADN, qu'il n'était pas impossible à Sturgeon de connaître car sa découverte a été publiée le 25 avril 1953 dans Nature, avec ce croquis montrant une spirale ascendante, et l'autre descendante, alors que le numéro de Thrilling Wonder Stories est paru en juin 1954.
  Toutefois cette découverte n'a d'abord attiré l'attention que des spécialistes, et elle était si en avance sur son temps que Watson-Crick ne se sont vus reconnus par le Nobel qu'en 1962. Il faut songer qu'ils ont pu donner la structure exacte du constituant des chromosomes alors que le nombre exact des chromosomes humains n'était pas encore certain (on a longtemps pensé qu'il y en avait 48, 23 paires autosomes de A à W, et les chromosomes sexuels XX ou XY).
  Il est bien sûr possible qu'un écrivain de SF se fût intéressé à l'actualité scientifique, et que cette découverte eût inspiré Sturgeon, mais son texte reste dans tout les cas riche en coïncidences. Pour ce qui concerne la double spirale, j'ai évoqué ici la double spirale ou double cône de Yeats, écrite en 1925 avant toute idée sur la structure de l'ADN. Dans ce "symbole fondamental" révélé par un "guide" 4 facultés se présentent selon divers équilibres, formant deux couples complémentaires, si bien que si telle Faculté A se présente en telle quantité X dans le cône primaire, la Faculté complémentaire B sera présente en même quantité X dans le cône antithétique.

Ceci est formidablement proche du mode de répartition des bases sur les deux brins de l'ADN, où il y a deux couples purine-pyrimidine A-T et G-C, tels qu'à un A du brin principal correspond obligatoirement un T sur le brin antiparallèle. J'écrivais que le plus extraordinaire n'est pas que ceci ait pu être décrit 30 ans à l'avance par Yeats, mais que l'ADN réponde remarquablement à divers modèles symboliques développés dans toutes les civilisations, ainsi le prix Nobel de Médecine 1962 a récompensé une structure fort proche du caducée, symbole de la Médecine (et d'abord d'Hermès).

  Mais je reviens à Sturgeon, et à sa double hélice dorée. Dans l'article original de Watson-Crick, les auteurs donnent pour angle de chaque pas de l'hélice 36°, ce qui conduit à un tour complet pour 10 pas, 10 paires de bases portées par les montants de l'hélice, des chaînes alternant sucre désoxyribose et acide phosphorique.
  Il a été remarqué que ce sucre était de forme cyclique pentagonale, ce qui pourrait rendre compte de la structure car il faut 10 pentagones pour former une couronne, ainsi la projection de la double hélice ferait apparaître un décagone, la figure géométrique la plus immédiatement dorée, son côté étant la section d'or du rayon du cercle circonscrit. D'où la tentation de voir le nombre d'or présent dans la molécule essentielle de la vie.
  Hélas si ceci est séduisant, c'est en partie inexact car des études ultérieures ont montré que la forme la plus stable de l'ADN (ADN-B) compte environ 10.5 pas par tour (mais à la fin des années 60 j'ai appris 10 pas par tour). Ceux qui veulent voir le nombre d'or partout omettent la nouvelle évaluation, comme ils triturent volontiers les mesures pour avancer que l'unité de la double hélice serait un cylindre doré de 34 angströms de haut sur 21 de large, 2 nombres de Fibonacci.
  Il y a plus troublant avec les théories de Jean-Claude Perez, informaticien qui a découvert des relations dorées dans la répartition des bases de l'ADN. Il est difficile d'évaluer ce travail statistique qui a convaincu diverses personnalités, scientifiques et autres, d'autant que le personnage peut irriter, se déclarant "trouveur" plutôt que chercheur, émaillant ses démonstrations de calembours douteux (comme sa proclamation d'avoir vaincu le code de l'ADN que j'apprécie énormement).
  Il a publié 3 livres sur la question, et des articles dans des revues scientifiques, ce qui est supposé valider une méthodologie et devrait appeler une réponse des milieux scientifiques "autorisés".
  Pour ma part, je ne peux évaluer le travail de Perez (un article en ligne ici), mais je peux comparer ce qu'il avance à une de mes découvertes, également d'ordre statistique, la collection de poche Baleine où le nombre de Poulpes par rapport aux titres publiés a constamment flirté avec le nombre d'or. Ceci est facilement vérifiable, mais ne peut donner lieu à aucune tentative de généralisation, tant le cas de cette collection est particulier, ni surtout aucune théorisation, alors que la présence du nombre d'or dans l'ADN peut initier toutes sortes de rêveries, mais les élans mystiques ne devraient-ils pas être tempérés par les occurrences triviales du nombre d'or ?
  Si le nombre d'or dans la collection Baleine relève de la pataphysique, science des exceptions, j'avais relevé divers cas remarquables, dont celui du n° 89, La disparition de Perek (1997), de l'oulipien Hervé Le Tellier. 89 est le 11e Fibo, somme des précédents 34 et 55, et il s'agit bien du 55e Poulpe, 34 non-Poulpes ayant été publiés précédemment.
  Ceci faisait écho à un remarquable motif 55/34 dans une oeuvre de Perec, mais il y a eu un rebond inattendu lorsque Perez m'a appris que Le Tellier, mathématicien de formation et jadis journaliste scientifique, lui avait permis de publier son premier article, De l'ordre et du chaos dans l'ADN, dans la revue Sciences et Technologie d'avril 1991 (ici en anglais). Perec-Perek-Perez...
  Un autre cas hallucinant est celui de Claudine Chollet, qui a écrit en 2008 un polar où le nombre d'or est au premier plan. Ceci l'a conduit ensuite à découvrir ma page sur la collection Baleine, or elle en avait écrit le n° 228, soit le 141e Poulpe. 228/141 = 76/47 est encore un rapport d'or parfait, correspondant de plus à GEORGES/PEREC.

  Il y a encore une curiosité en rapport. Perez déclare avoir découvert de nouvelles règles de Chargaff. Les règles de Chargaff, ce sont les égalités des bases A-T et G-C découvertes vers 1950, qui ont servi à Watson-Crick pour établir leur modèle.
  Une part de mon intérêt actuel pour les spirales vient de la série Touch, où il est implicite que toutes les spirales sont liées au nombre d'or, ce qui est loin d'être le cas. L'épisode 1-09 montre un tableau où apparaissent diverses équations impliquant Phi, le nombre d'or, et j'ai été intrigué d'y voir aussi mention de la 1e règle de Chargaff, or la page Wikipedia anglaise qui y est consacrée fait état des travaux de Perez.

  L'ADN n'a nul besoin d'être doré pour être extraordinaire, et la découverte de Watson-Crick n'était qu'un prélude aux fantastiques avancées de la biologie moléculaire de la décennie suivante. J'ai choisi cette voie après mon bac en 67, mais n'ai pas tardé à me sentir déphasé par ce qui était enseigné alors.
  Très schématiquement :
- La vie se caractérise par un ensemble de réactions chimiques non spontanées, permises par des catalyseurs spécifiques qui sont généralement des enzymes, chaînes de centaines de maillons élémentaires, les 20 acides aminés. Il fallait admettre que, par hasard, la nature avait découvert les divers agencements catalysant les centaines de réactions essentielles, agencements si précis qu'une erreur conduit souvent à une perte totale d'activité.
- Il était encore demandé de croire que, toujours pas hasard, la nature avait trouvé le moyen de transmettre le plan de ces centaines (ou milliers) d'enzymes avec l'ADN, où chaque acide aminé est codé par un triplet de bases. Ce code génétique a ahuri les chercheurs, qui n'envisageaient pas une telle exactitude mathématique, sans lien fonctionnel entre l'acide aminé et le ou les triplets lui correspondant.
- La réplication de l'ADN et sa traduction en enzymes impliquent des centaines de molécules complexes, dont des dizaines d'enzymes, elles-mêmes bien sûr codées dans l'ADN.
- Les progrès de la recherche ont révélé une toujours plus grande complexité de ces processus, ainsi une enzyme n'est pas directement fabriquée à partir d'une séquence continue d'ADN, mais la machinerie cellulaire procède à une formidable entreprise de copier-coller, certaines séquences d'ADN étant utilisées pour coder des portions communes à différentes enzymes.

  Lors de mes études prévalait ce qu'on appelait le monod-théisme, la théorie de Jacques Monod, l'un des découvreurs du mécanisme d'expression de l'ADN, selon laquelle la vie résultait de tels fantastiques hasards que l'Homme était nécessairement seul dans l'univers...
  A l'opposé de ce matérialisme extrême, les découvertes de la biologie moléculaire ont conduit le philosophe athée par excellence, Sartre, à renier toute son oeuvre et affirmer sa croyance en un dessein supérieur (mais les existentialistes purs et durs ont attribué ce revirement à la sénilité).
  L'épistémologie actuelle navigue entre ces extrêmes, faisant appel à la téléologie plutôt qu'à la théologie...
  Le rationalisme peut trouver son compte avec l'hypothèse du multivers, si désespérante à mon sens que je ne peux la considérer.
  Il y a d'autres théories, telle la panspermie dirigée, due à Francis Crick, le découvreur de la double hélice. La vie basée sur l'ADN aurait été créée ailleurs et exportée sur la Terre, ce qui offre certaines analogies avec la novelette de Sturgeon, alors que Crick n'a développé cette théorie que bien plus tard.

  L'ADN est si performant qu'il est très sérieusement envisagé de l'utiliser pour stocker l'information, un cinquième de mm3 d'ADN pouvant contenir un pétabit (1015 bits, plus de 100 disques durs de 1000 Go), et la molécule peut se conserver des milliers d'années... J'ai remarqué que l'article est illustré par cette hélice dorée.

  J'ai donné jusqu'ici les commentaires qu'aurait pu faire à peu près quiconque possédant des rudiments de biochimie, mais j'ai quelques autres cordes à mon arc, et je m'émerveille ainsi que le coauteur d'une avancée scientifique majeure de la seconde moitié du 20e siècle ait un nom doré, comme Einstein et Freud :
FRANCIS CRICK = 70/44 (= 35/22)
  La valeur 44 de Crick m'évoque vite avril 44, et je remarque que l'article original de Watson-Crick (soit 92-44 de somme 136 comme Haemmerli-Jung) est daté du 2 avril 1953, il y a exactement 60 ans; c'était le jeudi de la Semaine sainte, alors que le 4/4/44 de l'échange Haemmerli-Jung en était le mardi.
  Il s'agit ci-dessus de l'exemplaire de Linus Pauling, signé par Francis Crick.

  Avril, April... April est précisément le nom d'une des deux femmes qui ont débarqué sur Viridis, et les noms composant les deux couples sont évocateurs :
Carl - Moira
Tod - April
  Tod, c'est la "mort" en allemand, μοῖρα, le "destin" en grec, destin qui était pour les Grecs une loi cosmique pouvant transcender les pouvoirs des dieux.
  Par ailleurs Tod est un diminutif pour Theodore (mais Sturgeon était plutôt "Ted" pour ses proches); en avril 44 les destins de Theodor et Carl (Haemmerli et Jung) ont été échangés, la guérison pour Carl, la mort pour le soigneur.
  Je pense encore aux personnages Théodore et Karl, 2 des 8 aventuriers partis dans l'escalade du Mont Analogue, dont Daumal dut interrompre la rédaction en avril 44.

  Le symbole de la double hélice est comparé dans la novelette à la Croix ansée, au Yin-Yang, et à l'Etoile de David, tous symboles impliquant un dynamisme cyclique.
  Le symbole du Tao est frappant, sachant que l'étude de l'ADN conduira à la découverte des 64 codons (4 bases à la puissance 3), tout comme la combinatoire Yin-Yang mène aux 64 hexagrammes (2 à la puissance 6). A la complémentarité Yin-Yang (les différentes représentations veillent à toujours faire figurer un Yin symétriquement à un Yang) peut correspondre la correspondance purine-pyrimidine des bases.

  L'Etoile de David (ou Sceau de Salomon) m'est évocatrice, car j'avais comparé le symbole fondamental de Yeats, le double cône, à ce double triangle dans mon billet L'étoile de Babel, d'abord consacré à ma découverte des deux châteaux triangulaires Wewel et Sisak, fabuleuses matérialisations du jeu atbash du livre de Jérémie, où Babel, BBL, est codé en SSK.
  Je citais l'idée de Lyuben Piperov selon lequel ce jeu BBL-SSK était très proche d'un codon, avec par exemple un triplet de bases AAG correspondant sur l'autre brin à TTC. Or la novelette de Sturgeon fait état d'une confusion entre lambda et kappa, correspondant aux kaf et lamed, le couple atbash KL au centre de l'alphabet hébreu. Lorsque Teague découvre l'état de sa compagne Alma, il demande à Tod d'aller chercher le kit de chirurgie Lambda. Moira pense qu'il sert à l'accouchement, mais c'est le kit Kappa qui est prévu pour ce cas, alors que le Lambda est utilisé pour la césarienne, Alma étant agonisante.
  En hébreu ce couple atbash KL forme le mot kol, "tout", tandis que l'autre couple SB peut se lire shav, "qui revient", ainsi KL SB pourrait signifier "tout revient", en parfait accord avec les symboles envisagés.

  Sur le même billet j'étudiais les valeurs normales et atbash des villes opposées Babel et Jérusalem,
BBL = בבל) 34)
YRWSLM = 586 (ירושלם)
Le total est 620, identique à l'atbash de BBL
SSK = 620 (ששך)
tandis que l'atbash de YRWSLM livre
MGPBKY = 155 (מגפבכי)
soit le quart de 620.
  Cette double quintessence peut trouver un nouvel écho avec le jeu BELIEVE, joignant Bel dieu de Babel et IEVE/JHWH dieu de Jérusalem, découvert dans le billet précédent, justement à propos de Theodore/Nathaniel au centre quintessentiel des 4 châteaux de York Square correspondant aux lettres JHWH.

  Je rappelle que j'avais été conduit à l'atbash par le nom du docteur Haemmerli, en rapport avec "marteau", alors que mes études d'hébreu biblique m'avaient mené au jeu atbash entre JWH, les trois lettres composant le Tétragramme, et MPÇ, "marteau" en hébreu. Je rappelle aussi qu'après le roman sur Nathaniel York écrit avec Theodore Sturgeon, Dannay a écrit en 1964 un roman se passant pendant la semaine sainte 1944, où un assassinat est commis à coups de marteau le 5/4/44; un innocent s'en accuse et donne sa vie pour sauver le vrai meurtrier.
  Les colons de The Golden Helix n'ont aucun armement, et lorsqu'ils s'aventurent hors de leur abri pour affronter un monde qui semble peu amical, ils se munissent d'accessoires de défense improvisés. Il est frappant de voir Carl choisir un marteau :

CARL-MOIRA = 34-56
TOD-APRIL = 39-56
34/56 est un couple doré, et c'est une curiosité qu'il soit composé des mêmes chiffres que le n° 4356 de Nature, où est paru l'article sur la double hélice. Le premier numéro de ce prestigieux hebdomadaire était paru le 4 novembre 1869, la Saint-Charles.

  Séparer les sexes conduit à 34+39 = 73 et 56+56 = 112, deux nombres évocateurs pour le connaisseur de Perec, lequel les a utilisés pour exprimer deux dates importantes pour lui, le 7/3 de sa naissance et le 11/2 de la disparition de sa mère. Ceci est à rapprocher des coïncidences Perec-Sturgeon-Queen du précédent billet.

  Le vaisseau des êtres dorés et spiralés ressemble pour April à un nuage, a cloud :
  Puis vient la comparaison de Carl, mais je suis frappé par la succession des mots cloud-Carl, déjà rencontrée ici, fort complexe et que je n'essaierai pas de résumer.
  Il existe des formations nuageuses hélicoïdales, et parfois double-hélicoïdales, comme celle-ci photographiée à Moscou le 24 décembre dernier. On trouvera ici une discussion sur le phénomène et de nombreuses photos.
  Je remarque encore que Cloud est depuis peu un mot du vocabulaire informatique; l'article cité plus haut, illustré par une double hélice dorée d'ADN vu comme le mode de stockage futur de l'information, provenait du site Cloud Times.

  Phi(lippe) Kerbellec, à qui est dédié ce billet et qui en a été le premier lecteur, me rappelle l'image des 28 phases de la lune dans l'ARS MAGNA lucis & umbrae de Kircher, qui a vraisemblablement inspiré le symbole révélé par Yeats, pour lequel ces 28 phases sont aussi essentielles.
  Je serais tenté de traduire le titre de Kircher par ANAGRAMS Sol & Moon, en pensant au Seal of Solomon, le Sceau de Salomon.

Note : ce 10 avril j'apprends la mise aux enchères du premier document écrit sur la double hélice, une lettre de Francis Crick à son fils de 12 ans.
  Elle a été adjugée à 6 M$.