30.1.17

Mystères DQ de Paris


  Le précédent billet m'a conduit à un point de rencontre entre deux coïncidences éditoriales.
  Chacune de ces coïncidences a de multiples aspects, et je conçois qu'il est fort difficile de les maîtriser tous. Je le conçois d'autant mieux que j'en suis incapable, ainsi je ne sais comment j'ai pu manquer que le point de rencontre concernait aussi une troisième coïncidence.
  Quelques brefs rappels d'abord. La première coïncidence, repérée il y a 20 ans, concerne le premier Ellery Queen publié en 1963 après la rupture de Frederic Dannay (né Daniel Nathan) avec son cousin Manfred B. Lee. L'adversaire n'a été traduit en français qu'en 1978, où paraissait La Vie mode d'emploi (VME), le texte majeur de Perec. On pourrait résumer ainsi les intrigues principales des deux oeuvres : Le vengeur W, employé du millionnaire Percival, cherche à tuer son patron pour de mystérieuses raisons, dans des livres dont la construction fait intervenir le puzzle et le jeu d'échecs.
  La séquence de 3+1 crimes de L'adversaire, dans un carré énumérant les lettres du Tétragramme JHWH, est à l'évidence inspirée par la séquence de 3+1 crimes énumérant JHWH en losange de La mort et la boussole, nouvelle de Borges écrite en 1942. Si Perec aurait pu lire le roman de Queen en VO, il ne pouvait savoir que son coauteur était Theodore Sturgeon. Un formidable réseau de contraintes a régi l'écriture de VME, impliquant notamment des citations d'un auteur étranger, qui dans dix chapitres concernent Borges, et des allusions à une oeuvre littéraire, qui dans dix chapitres concernent Cristal qui songe, de Sturgeon.
  Un seul chapitre de VME réunit ces deux contraintes, et Perec a choisi pour citation de Borges un extrait de La mort et la boussole, et pour allusion à Cristal qui songe une évocation du jouet appelé "Diable" (l'adversaire du roman de Queen est Dieu, ou le Diable).
  Perec fait une seule autre citation de La mort et la boussole, au chapitre 56, avec le sommaire d'une revue imaginaire dont un article concerne le Tétragramme. Alors que Sturgeon n'est pas prévu pour ce chapitre, l'article précédent est une allusion à Cristal qui songe.

  La seconde coïncidence est aussi temporelle. Au début de septembre 1999, alors que j'envoyais le manuscrit de Sous les pans du bizarre à JB Pouy qui me l'avait commandé, sortait en librairie Pandore et l'ouvre-boîte, sous-titré Romans comme VME. Ses auteurs ne pouvaient connaître mon projet, et je certifie n'avoir eu aucune connaissance du leur, bien que le docteur Postel, co-auteur de Pandore, ait créé pour son ami Tonino Benacquista l'élixir allégorique lyophilisé du Dr Wagner, destiné à soigner la crampe de l'écrivain; Benacquista a connu Pouy au collège Romain-Rolland d'Ivry/Seine...
  Toujours est-il qu'il y a de multiples points communs très précis entre Pandore et les Pans, détaillés ici. Je me suis limité dans le précédent billet au cas de Noël Medec, latiniste spécialiste de Virgile que j'avais domicilié 11 rue Simon-le-Cribleur, anagramme du 11 rue Simon-Crubellier de VME. Il m'avait été inspiré par le réel Marcel Bénabou, latiniste et ami de Perec qui habitait alors rue Simon-le-Franc, or cette minuscule rue apparaît aussi dans Pandore, domicile de l'académicien Virgile Grünenwald...
  Il s'y adjoint une autre coïncidence, car cet académicien est dit "n'avoir écrit aucun de ses livres", or Bénabou a écrit en 1986 Pourquoi je n'ai écrit aucun de mes livres, et je ne pense pas que les auteurs de Pandore s'en soient inspiré.

  L'unique mention de Bénabou dans VME apparaît pour l'auteur de l'article précédant l'allusion sauvage à Sturgeon, dont le titre est supposé résoudre la contrainte "Philémon" (mais qui l'aurait deviné sans les notes de Perec?):

  Je ne sais comment je n'ai pas vu aussitôt qu'une troisième coïncidence éditoriale était à l'évidence concernée, alors que j'avais lié ce cas aux deux autres dans ma dernière publication papier, Livres et échos.
  Donc la nouvelle de Borges, publiée pour la première fois en revue en mai 1942, parue en livre en 1944, n'a été traduite en français qu'en 1957, et il n'est guère envisageable que Thomas Narcejac ait pu s'en inspirer pour écrire en juillet 1945 Le mystère des ballons rouges, pastiche d'Ellery Queen paru en 1947 dans Nouvelles confidences dans ma nuit).
  Borges avait imaginé les indices de 3 crimes ou pseudo-crimes mener le flic Lönnrot à un lieu précis un jour précis pour empêcher un nouveau crime, mais c'était un piège tendu par Red Scharlach, un truand dont le frère arrêté par Lönnrot était mort en prison. Scharlach tue Lönnrot.
  Chez Narcejac 3 crimes sont commis dans New York, avec à chaque fois un ballon rouge signalant l'appartement de la victime. Lorsqu'un 4e ballon est trouvé dans la propriété du banquier Jonathan Mallory, les flics comptent être là pour empêcher un nouveau crime, mais Mallory n'accepte que la présence d'un simple flic pour le protéger, rôle assigné au sergent Velie, le principal assistant de l'inspecteur Queen dans la série. En fait Mallory voulait venger son frère gangster abattu par Velie quelques années plus tôt, et ce plan lui permettait en principe d'approcher Velie sans être soupçonné.

  Il semble que Dannay/Nathan ait eu en sa possession une traduction anglaise de la nouvelle de Narcejac, jamais publiée cependant dans sa revue EQMM, et je n'imagine pas qu'elle ait pu lui inspirer peu ou prou L'adversaire, dont la source évidente est La mort et la boussole. Daniel Nathan avait de bonnes raisons pour imaginer une vengeance au nom d'un Nathaniel ("Dieu donne"), mais il est remarquable que Narcejac ait choisi pour le vengeur la forme Jonathan, "JHVH donne", et pour la cible Velie, contenant les lettres IEVE, autre transcription du Tétragramme.

  Il y a aussi le balLON ROUGE, avec rot "rouge" en allemand, et donc LON ROT...
  Je pensais pouvoir apporter du neuf avec le prénom de la première victime chez Borges, Marcel, soit "marteau", lié en hébreu aux lettres du Tétragramme, mais je vois que je l'avais déjà fait dès ma première approche du cas, en mai 2009.
  Je n'avais cependant pas donné les noms des trois victimes, Douglas Percy, Teddy Carson et Grace Michell. Percy peut être le diminutif de Percival, et a de toute manière la même origine. Teddy est probablement le diminutif de Theodore, et GRACE peut se réduire modulo 7 à GDACE, ou CGDAE, la gamme pentatonique qui m'a occupé pendant plusieurs billets au tout début de Quaternité.
  Parmi les mots équivalents à cette gamme, j'avais repéré COEUR, avec l'infarctus qui a réuni Jung et Haemmerli, CRANE, avec Le livre des crânes qui m'a aussi occupé en rapport avec cette gamme, et le crâne est réapparu dans les récents billets, SQUAR', le carré anglais, notamment York Square, et JORGE, premier prénom de Borges.

  Ainsi les articles consécutifs du BILL peuvent désigner le cas de l'adresse de Bénabou dans Pandore et les Pans, le cas de Sturgeon dans L'adversaire et VME, le cas du pastiche de Narcejac recréant le canevas de la nouvelle de Borges, avec de multiples intrications, ainsi
- Perec avait d'abord situé l'immeuble de VME juste en-dessous de la rue Simon-le-Franc;
- les crimes des Pans calquaient explicitement ceux de L'adversaire, et j'y citais son co-auteur Sturgeon; si je ne pensais pas au départ à des localisations des crimes en triangle de Pythagore complété ensuite en un rectangle, de même que les crimes de La mort et la boussole forment un triangle équilatéral à compléter en losange, divers hasards m'ont conduit à l'utiliser dans l'intrigue...

  Etc, etc... je ne vais pas reprendre tous les éléments de cet épais dossier. Il y a autre chose que j'ai oublié dans le précédent billet, mais je m'en étonne moins car ce n'est pas un bon souvenir.
  J'ai été plusieurs années membre de l'Association Georges-Perec, laquelle organisait chaque mois un séminaire où un intervenant venait présenter un sujet perecquien, pendant environ une heure et demie. J'avais souhaité y participer, et proposé un sujet sur Queen qui me semblait plus consensuel que mes recherches numériques, et ceci avait été accepté par Bénabou, alors président de l'Association. Le séminaire s'est tenu le 26 février 2000, mais je m'y étais très mal préparé, et je me suis borné à lire le fascicule que j'avais achevé en hâte la veille, Quelle queenerie, la Vie (qu'on peut consulter à la Bilipo), en évitant de trop lever les yeux vers l'assistance.
  Face au public il y avait aussi, assis à mon côté, le Président, Marcel Bénabou donc, lequel me chuchotait souvent "et Perec? et Perec?"...
  Le point fort de mon intervention était bien sûr les points communs entre L'adversaire et VME.

  Je poursuis avec la suite prévue du précédent billet, où je n'avais pas développé toutes les pistes issues de Mortelles Voyelles de Gilles Schlesser.
  On y voit les spécialistes du Loup poli découvrir dans le roman A noir divers niveaux de codages, ainsi dans le chapitre 15 un message apparaît en prenant la première lettre de chaque 150e mot: Je est un autre et habite dans l'absente. La lettre absente du roman est Y, et il existe un village de la Somme de ce nom, à 150 km de Paris, juste au nord d'un bourg nommé Voyennes...
  Par ailleurs le logiciel du Loup poli révèle une surabondance des lettres J et B dans le texte, et comme Y n'a que 94 habitants il est aisé d'y dénicher Jean Baudry, ce qui a d'ailleurs été un pseudonyme utilisé par Rimbaud, mais c'est pour trouver cet "écrivassassin" mort, pendu, de même que Gondol découvrait Tom Lapnus mort à Courcelles/Yvette. Ce thème des indices menant à un suspect fraîchement mort est plutôt récurrent dans le polar.
  Il l'est moins de trouver Je est un autre associé à Y, or dans les dernières lignes de L'adversaire, Ellery cite cette expression de Rimbaud après avoir démasqué l'assassin Y.

  Le criminel d'initiales JB me rappelle qu'à la fin des Pans Gondol en vient à soupçonner JB Pouy de la plupart des morts de l'affaire, mais se refuse à en faire part à la police.

  Je n'en déduis pas que Schlesser ait pu s'inspirer de mon roman, et il y a une coïncidence bien moins banale qu'une paire d'initiales. Le spécialiste du Loup poli indique que le finitif clairon aux accords d'aiguisoir trouvé dans A noir est "du pur Rimbaud", mais ce n'est pas exact, et Schlesser le sait forcément, puisqu'il cite en exergue du roman le sonnet de Rimbaud in extenso, dont le 12e vers est
O, suprême clairon plein des strideurs étranges, 
  Le finitif clairon... en est la version de Perec dans Vocalisations, l'adaptation sans E de Voyelles dans La disparition, poème qui m'obsède tant que j'en avais codé chaque vers dans un chapitre des Pans. Ainsi le vers de Perec est présent de façon cachée dans les deux romans, au chapitre 12 du mien, ...aime, qui suit le chapitre Elle..., dans la logique KLMNO de ma dernière partie, Le mystère K.O.
  Dans ces chapitres LM, Gondol découvre que la femme de son ami Roland Boulenger, M.A., était la maîtresse de Noël Medec. Il en déduit que les autres assassinats de latinistes avaient été commis pour brouiller les cartes, avertit le commissaire Yèble chargé de l'enquête, et un indice accablant est trouvé rue Simon-le-Cribleur, trop accablant selon Yèble qui incite Gondol à chercher autre chose, et de nouvelles hypothèses apparaîtront aux chapitres Haine et Oh!.

  Bien avant d'avoir décidé de coder Vocalisations dans le roman, j'avais forgé le nom YEBLE à partir du flic archétypique JAVERT et de la séquence vocalique rimbaldienne, lue A/E-I-U/O.
  J est une forme du I, Y en est une autre
  E blanc est complémentaire de A noir.
  Il reste le u VERT placé par Rimbaud avant le o BLEU, et YEBLE sonnait mieux que YEBLEU...

  Je suis fasciné par la proximité de YEBLEU avec BAULAY, l'enquêteur journaliste de Schlesser, dont le nom est forgé explicitement selon l'oxymore beau-laid. Pour passer de l'un à l'autre il suffit de transformer A noir en E blanc, autre oxymore (blau est encore l'allemand "bleu").
  Jean Baudry, l'auteur de A noir, a un petit-fils prénommé Maurice, ce qui dans le domaine du polar évoque aussitôt Leblanc, l'E blanc...
 
  Le roman codé A noir m'a fait me demander s'il y avait des codages dans Mortelles voyelles. Si je n'ai rien vu d'indubitable, quelques points sont à signaler:
- c'est au chapitre 25 qu'est commis un nouveau crime "vocalique", celui correspondant à la lettre Y, de rang 25;
- le roman compte 39 chapitres, et le spécialiste du Loup poli cite parmi les propriétés de "Y" le symbole de l'élément Yttrium, numéro atomique 39;
- ces 39 chapitres se répartissent en 2 parties de 13 et 26 chapitres, nombres qui évoquent à l'hébraïsant la profession de foi juive, YHWH est Un, en hébreu YHWH AHD, mots de valeurs 26 et 13.

  Je pense évidemment aux crimes JHWH ou Yahweh de L'adversaire, 26e roman de la série Queen, sans imaginer que Schlesser ait eu ceci à l'esprit.

  Il y a quelque chose de curieux avec les en-têtes de chapitres, des dates sous la forme Lundi 1er février, 23 heures, par exemple (pour le premier chapitre). Les 13 chapitres de la 1e partie peuvent correspondre à 2010, l'année de publication du roman, ce qui concorde avec la série de crimes de 1979 donnée pour dater de "plus de 30 ans".
  Les choses se gâtent avec le chapitre 14, daté du mardi 8 juillet, or le 8 juillet était un jeudi en 2010. Les chapitres 15 à 31, du samedi 4 septembre au jeudi 28 décembre, sont à nouveau compatibles avec 2010, puis les 8 derniers chapitres se passent du mardi 2 janvier au samedi 6 janvier, comme si décembre n'avait eu que 30 jours en 2010.

  Je crois plus à des erreurs de Schlesser qu'à un plan tortueux, ainsi la façon la plus simple de résoudre la première erreur est d'imaginer qu'il aurait fallu Mardi 6 juillet, or le 6 juillet est mon anniversaire, et plusieurs faits marquants sont associés à cette date, notamment des erreurs.
  Juste avant mon intuition sur l'harmonie 4-1 de la vie de Jung m'était venue la réminiscence d'une erreur dans le roman Un monde transparent de Morris West, lu 25 ans plus tôt, où Jung était dit natif du 6 juillet.  Je ne m'en étais pourtant pas rappelé lorsque j'avais lu une étude sur Unica Zürn, que je savais native du 6 juillet (1916), où lui était donnée la date du 16 juillet.

  Le 6 juillet 2010 est encore pour moi une date mémorable, car mes confrères de la listeoulipo m'ont envoyé ce jour un recueil composé pour mes 60 ans, la BLO 15 (Bibliothèque Liste Oulipo). Dans Mortelles voyelles, le tueur du Y, continuateur de l'oeuvre de Jean Baudry, se nomme Jacques Blot, autre JB...
  L'un des contributeurs de ma BLO était Eric Angelini, et quelques jours plus tôt la présence dans une BD des 60 premières lettres du mot infini de Fibonacci m'avait conduit à la suite correspondante sur le site de référence des suites d'entiers, et à y découvrir un commentaire d'Eric Angelini, posté le 6 juillet 2005, soit le jour de mon 55e anniversaire, or un amateur de Fibonacci lit aussitôt 55+5 dans 60. J'ai posté ce 6 juillet 2010 un commentaire poursuivant celui d'Eric, et il a été accepté par les responsables du site, si bien qu'on peut le voir ici à la date voulue.

  J'ai conté ici les circonstances de ma découverte de Cristal qui songe, le jour de mon 21e anniversaire, le 6 juillet 1971, grâce à ma cousine Françoise Angelini.

  La première parution du roman était en février 1950, l'année de ma naissance.
  Je suis revenu ici sur ces coïncidences zürno-angeliennes, avec la naissance d'Unica 34 ans avant la mienne, ma découverte de Cristal qui songe 21 ans plus tard, ce qui aurait été le 55e anniversaire d'Unica si elle ne s'était défenestrée 9 mois plus tôt, le 19 octobre 1970, et enfin le commentaire d'Eric Angelini (sans rapport avec ma cousine Françoise) 34 ans plus tard. 34-21-34, Fibo...

  Autre chose maintenant. Les Gondol sont généralement parus par paires, d'abord celui de Pouy et le mien, en novembre 2000. Les numéros 7 et 8 sont parus en février 2002, Les derniers mystères de Paris, de Noël Simsolo, où Gondol enquête avec Yèble sur un tueur en série inspiré par Léo Malet, et Hortense Harar Arthur, de Pierre Brasseur, où Gondol est chargé de résoudre le mystère de l'Illumination H de Rimbaud; sa conclusion est que la véritable Hortense est l'androgyne Horton-Hortense de Sturgeon dans Cristal qui songe, et son avatar perecquien dans VME, le chanteur Sam Horton devenu "Hortense" après un traitement médical approprié...
  Brasseur fait aussi allusion à la Hortense de Leblanc, 8e victime de la Dame à la hache, une des 8 nouvelles du recueil Les huit coups de l'horloge, construit autour du nombre 8 et de la 8e lettre H, et le Hasard a voulu que ce Gondol au triple H dans le titre reçoive le numéro 8.
  Il y a plus à dire du numéro 7, pouvant rappeler Mortelles voyelles, où un nouveau tueur s'inspire de la série AEIUO de 1979, commise par un écrivain, pour y ajouter 30 ans plus tard un crime Y.
  Chez Simsolo, Charles Aumère, auteur d'un roman en 20 chapitres contenant chacun un crime, a entrepris de tuer des traductrices en 1983-84, en commençant par Aline Anse d'initiales AA dans le 1er arrondissement, puis une BB dans le 2e, puis une CC dans le 3e, mais sa santé l'a contraint d'arrêter là la série, et il a confessé ses crimes à sa mort. En 2002 l'obscur Jean Dupont entreprend de poursuivre la série, avec un programme très élaboré. Comme Léo Malet a écrit ses Nouveaux mystères de Paris, série d'enquêtes de Nestor Burma se passent chacune dans un arrondissement, comme cette série a d'abord couvert logiquement les 3 premiers arrondissements, puis a sauté ensuite anarchiquement d'un arrondissement à l'autre, comme seuls 15 romans de la série sont parus, les autres étant restés à l'était de projets, Dupont entreprend de choisir dans chacun des 12 autres arrondissements une victime par mois dans le monde du sexe, en suivant l'ordre de Malet, chaque victime ayant pour initiale une lettre de rangs correspondant à l'arrondissement, par exemple Dora dans le 4e, et madame Quentin dans le 17e, en novembre et décembre.
  Car les deux derniers Mystères sont Du rébecca rue des Rosiers et L'envahissant cadavre de la Plaine Monceau, couvrant le 4e et le 17e, ce qui m'évoque aussitôt les deux localisations de la rue Crubellier chez Perec, dans le 4e puis le 17e, précisément dans la Plaine Monceau. Wikipédia m'apprend qu'il s'agit du 66e quartier administratif de Paris, et je pense à l'indicatif 66 du premier chapitre de VME, apparaissant précisément au paragraphe suivant celui localisant l'immeuble dans la Plaine Monceau (avec le domino double-six).
  Tiens Léo Malet est né un 7 mars, comme Perec (mais en 1909, 27 ans avant lui), et il est mort un 3 mars, toujours comme Perec (mais en 1996, 14 ans avant lui).
  Le tabac ne tue pas toujours vite ses adeptes, car Malet était inséparable de sa pipe. J'ai découvert récemment une photo de Theodor Haemmerli, le montrant aussi fumer la pipe, ce qui m'a donné l'envie de réaliser ce montage de trois fumeurs de pipe l'ayant cassée en 44, 61, et 96, Theodor, Carl et Léo:

  Curieusement, les deux meurtres parisiens survenant pendant le temps de narration des Pans se produisent le 5/5 dans le 4e, parce que Pouy avait choisi d'y faire résider Gondol, et le 6/6 dans le 17e, parce que c'était le 4e sommet du triangle dessiné par les lieux des morts des autres latinistes.

  J'évoquais dans le précédent billet le quadrilatère criminel de La mort et la boussole, débutant par la mort du rabbin Marcel Yarmolinsky. J'ai eu la surprise en cherchant des images "Marcel Yarmolinsky" de trouver parmi les premiers résultats Léo Malet.
  Il s'agit d'un extrait d'un ancien catalogue d'une librairie qui a fermé en 2016, Entropie, boulevard Voltaire (ce qui me rappelle qu'un meurtre est commis avec un buste de Voltaire dans Pandore). D'autres extraits sont donnés, avec les rubriques des livres vendus pareillement rayées par un quadrilatère avec ses diagonales, ce qui m'est aussi évocateur du mandala, notamment de celui dessiné par les morts des Pans, ce qui faisait s'intéresser Gondol au centre des diagonales (le musée d'Orsay).
  Le grand quadrilatère centré convient particulièrement à Vacances sous le pavillon noir, le pavillon des pirates qui figure effectivement sur la couverture, avec un CRÂNE au centre des deux tibias...
  Ceci me rappelle que le pavillon noir apparaissait dans mon anagramme de Vocalisations, mais j'ignorais alors qu'il était apparu dans un titre de Malet, anar notoire, le vers au "noir pavillon" s'achevant d'ailleurs sur le mot "anars":
haut50 a1, noir56 pavillon101, ficin41 pour70 maints76 anars53, [448]
  Si j'avais placé un adjectif devant "a", c'est pour avoir les mots "a noir" aux mêmes rangs que dans Vocalisations, où ces rangs me semblaient significatifs.

  Pourquoi ceci est-il apparu lors d'une recherche Yarmolinsky? C'est que le catalogue recelait quelques perles de littérature imaginaire, comme l'ouvrage de S. Lim sur la page Malet. Il donnait aussi réalité à un titre de la bibliographie du rabbin donnée par Borges:

  Narcejac a aussi écrit un pastiche de Malet, Bonne et heureuse, pour un nouveau recueil rassemblant ses pastiches au Masque en 1951, Faux et usage de faux. Le mystère K.O. y revient à diverses reprises, mais Nestor se targue de mettre aussi le hasard K.O...

  Il y a de multiples échos à l'apparition de Malet et Simsolo dans mon affaire, que j'aborderai brièvement.
  Léo-Malet-Nestor ont les initiales LMN intermédiaires entre K et O.
LEO / MALET = 32/51 est un nom doré proche de
EMMA / JUNG = 32/52, or mes chapitres LM, Elle... ...aime, désignaient comme coupable les amants M.A et Noël Medec; M.A. évoquait pour moi l'archétype de la femme adultère, Emma Bovary (mais dans le couple Jung Carl est plus connu pour ses écarts que sa femme).

  Si de multiples polars imaginent des plans criminels utilisant l'alphabet ou un nombre attaché à une série, des points communs précis réunissent le Gondol de Simsolo et Le mot de la fin de Queen (1958), signalé dans les Pans, aussi paru sous le titre L'ABC du crime:
- les 2 romans ont 20 chapitres, en écho aux plans criminels, 20 arrondissements, 20 lettres de notre alphabet directement issues de l'alphabet sémitique originel;
- la série criminelle de Simsolo se répartit en 3 crimes AA-BB-CC commis par Charles A. en 83-84, puis 12 crimes commis chaque mois de 2002 par Jean D., respectant l'ordre des 12 derniers Mystères de Malet, puis 5 crimes début 2003 dans les derniers arrondissements;
- le roman de Queen a 3 parties, la première en 1905, la seconde en 12 chapitres se déroulant chacun des jours suivant Noël (pas Simsolo) 1929, jours correspondant traditionnellement aux mois de l'année, dans une propriété où sont réunies 12 personnes chacune native d'un mois; les crimes commis alors ne seront élucidés par Ellery que dans la troisième partie, 27 ans plus tard.
  Je m'émerveille de ces corrélations 12-20 à 44 ans de distance éditoriale, alors que la série se poursuit par 32-52-84-136. Je rappelle que c'est le premier jour de l'an pataphysique 136 que j'ai découvert l'harmonie de la vie de Jung autour du 4/4/44, jour de l'échange Jung-Haemmerli (52-84).
  Il s'y ajoute qu'après les premiers crimes de Charles A., les deux seuls crimes de Jean D. dont l'ordre correspond au numéro de l'arrondissement sont le 12e et le 20e.
  Je rappelle que le roman Hasard (1999) de Le Clézio compte 20 chapitres dont seuls 12 sont titrés, avec une frappante répartition.

  32-20 est aussi un calibre de pistolet, objet du célèbre blues de Robert Johnson, en 12 mesures comme il se doit.
  Tiens Actes Sud a édité une bio, sous le titre Léo Malet revient au bercail, "bercail" anagramme de "calibre", et sa couverture montre Malet brandissant deux calibres, précisément, les bras croisés comme un pavillon noir...
  Ce bercail était pour lui Montpellier, où il est né et demeure désormais dans son cimetière, ce qui m'avait été l'occasion de faire une belle anagramme:
A MONTPELLIER = RIP LEON MALET,
car tel était son nom de naissance.

  Que Noël soit un passionné de Léon me rappelle tous les jeux léonins palindromes, LYOV-VOYL, LIEV-VEIL, etc. 

  SIMSOLO = 102 est encore un nom dont le rapport voyelles/consonnes est doré, mieux fibonaccien:
IOO / SMSL = 39/63 = 13/21 (à ajouter aux autres 13-21).

  Au moment où j'ai commencé ce billet, son point primordial était la coïncidence des arrondissements 4 et 17 dans VME, les Pans et Malet-Simsolo. Désirant comme pour le billet précédent avoir un titre de même valeur que le rang du billet, soit 217, je me suis avisé que
MYSTERES DE PARIS = 196, ce qui m'était évocateur car j'avais nommé les parties 1 et 3 des Pans
VIGILES DES MORTS = 196
LE MYSTERE K.O. = 148
  Il m'avait manqué 21 pour avoir 196+21+148 = 365, nombre clé du livre, tout comme il m'a manqué 21 à partir cette fois de 196; j'avais choisi pour titre IL, il s'est imposé DQ correspondant à 4-17.

  Les lettres DQ ou QD me rappellent que j'ai intitulé un récent billet S.N.C.F.Q.D., mêlant deux sigles connus, or les deux premières aventures publiées de Burma, écrites pendant la guerre, sont 120, quai de la Gare et Nestor Burma contre C.Q.F.D., la première évoquant aisément la SNCF.
 En relisant ce billet de juin, je m'effare d'avoir oublié une découverte réalisée lors de son écriture, à propos des valeurs des mots grecs présents dans un même verset de Matthieu, Golgotha, lieu-dit signifiant "crâne", et krânion:
Γολγοθα = 186, en parfait rapport d'or avec
κρανιον = 301
  Il se trouve donc que le poche Baleine n° 186 est le 115e Poulpe, exemple d'un des multiples rapports d'or de la collection, et que son sous-titre est
C'EST UN BON JOUR POUR GABRIEL = 301
  J'avais oublié ceci lors des deux précédents billets où il était question des nombres 186-301, alors que j'étais l'un des quelque 130 contributeurs à ce recueil en hommage aux 40 ans du Poulpe. Noël Simsolo en était un autre...

  J'évoquais aussi dans ce billet la traduction en tchèque du Mont analogue de Daumal, dont la couverture montre un triangle stylisé pointe en haut qui m'a aussitôt rappelé les triangles pointe en bas de la collection Le Labyrinthe où sont parus les premiers Burma.
  Comme ce Mont de Daumal a quelque analogie avec la tour de Babel, j'ai eu envie de procéder à une superposition comme je l'avais fait avec les châteaux de Wewel et Sisak, et voici donc ci-dessus à quoi pourrait ressembler l'ouvrage de Léo-René Daumalet...
  Je frémis à l'idée que des passages de ces livres aient pu être écrits simultanément, de plus peut-être à peu de distance car Daumal a passé la fin de sa vie à Paris, avant sa mort en mai 44.