30.5.10

mispar

à Gilles et Nicolas,

Dès les jours suivant ma découverte des 5 fois 6272 jours de la vie de Jung autour du 4/4/44, j'ai pensé au sonnet Vocalisations de valeur 6272, et à un autre clone de Voyelles, le sonnet Prisme où Daniel Marmié a donné des couleurs aux 21 autres lettres. J'avais repéré la valeur 5555 de ce sonnet, et il m'est venu l'idée d'en faire 5 tercets de valeur 1111, dédié chacun à une des voyelles rimbaldiennes. Par ailleurs le sonnet comptait 120 mots, et conserver ce total permettait d'avoir une moyenne de 8 mots par vers, comme dans Vocalisations, et son nombre de lettres était un multiple de 5, 470, d'où la possibilité d'avoir des tercets identiques selon trois critères essentiels.
L'entreprise a cependant stagné malgré ces augures favorables. J'ai commencé vers avril 09 une ébauche des deux premiers tercets, et puis je n'ai pas retrouvé l'inspiration jusqu'à ce qu'un membre de la liste Oulipo mette en ligne un outil facilitant grandement l'élaboration de longues anagrammes.
Et voici donc MISPAR ("nombre" en hébreu), l'anagramme de PRISMA ("prisme" en espagnol par exemple), en vers isocèles de 40 espaces (d'où 120 par tercet) :

A noir, venu plombé du néant son trépas,
Origine des temps, morne et rené là-bas,
Unité du quatrain qui charme de ses pas.

E blanc, nanti d'un roi, vaine totalité,
Spore de franc natif ou de bannis vexés,
Tu si le père prétend l'onction prouver.

I rouge, sonnet sic, l'orange des ravis,
L'iota carné selon le marron des mercis,
Salant à son acmé l'ivresse sans whisky.

U jaune, nez ciré, vert comme le tribun,
D'un jeune cri bêlé remiser quel embrun,
N'y frimer ici ras colibris ricins brun.

O bleu, sel violin, ce pré perce les os,
Rime pleine d'azur forçant cinq numéros,
De mériter enfin six cents ans de repos.

En voici la lecture assistée par le Gématron, autre outil indispensable à sa fabrication:

A1 noir56, venu62 plombé63 du25 néant54 son48 trépas79,
Origine77 des28 temps73, morne65 et25 rené4213-bas22,
Unité69 du25 quatrain101 qui47 charme48 de9 ses43 pas36.
[1111]
E5 blanc32, nanti58 d4'un35 roi42, vaine51 totalité102,
Spore73 de9 franc42 natif50 ou36 de9 bannis59 vexés75,
Tu41 si28 le17 père44 prétend82 l12'onction90 prouver115.
[1111]
I9 rouge66, sonnet87 sic31, l12'orange60 des28 ravis69,
L12'iota45 carné41 selon65 le17 marron79 des28 mercis67,
Salant67 à1 son48 acmé22 l12'ivresse97 sans53 whisky95.
[1111]
U21 jaune51, nez45 ciré35, vert65 comme49 le17 tribun84,
D4'un35 jeune55 cri30 bêlé24 remiser87 quel55 embrun73,
N14'y25 frimer69 ici21 ras38 colibris87 ricins72 brun55.
[1111]
O15 bleu40, sel36 violin81, ce8 pré39 perce47 les36 os34,
Rime45 pleine61 d4'azur66 forçant77 cinq43 numéros105,
De9 mériter88 enfin48 six52 cents61 ans34 de9 repos73.
[1111]

Ce lien permet de vérifier ces harmonies sur le Gématron.
J'ai donné ici la version Gématron de mon anagramme de Vocalisations (à la fin du billet).

Je ne suis pas fier du résultat, où je ne retrouve pas l'inspiration qui a marqué mon anagramme de Vocalisations, composée en quelques heures alors que les contraintes en étaient plus sévères, mais c'est tout de même un résultat, plus de 20 mois après l'idée fondatrice.
Quelques éclaircissements :
- Il est possible de lire les 4 directions de l'espace dans l'acrostiche, AOU EST ILS UDN ORD. J'ai d'abord pensé aux formes canoniques, utilisant idéalement 15 lettres, mais ne permettant pas d'avoir les 5 voyelles A-E-I-U-O en tête des tercets.

- Unité du quatrain est une allusion à la quaternité (pas très maligne puisqu'il s'agit de tercets).

- La fin du second tercet est un hommage à Jacob-Abraham Soubira, poète prophète de Montcuq qui au début du 19e siècle a composé des poèmes gématriques sans aide informatique (jusqu'à preuve du contraire). Parmi diverses oeuvres à base de 666, une fantaisie de 1828 couvre les valeurs de 111 à 1111, dont voici la dernière strophe :
666 Enfin le prévôt d’Albion,
777 Et des pompes de Venise,
888 Ou le Nestor de l’irréligion,
999 Des vainqueurs de la Tamise,
1111 Prétend prouver l’onction.
- Au milieu du dispositif rimbaldien trône l'I qui est en grec ιωτα = 1111.

- Jeune dans le tercet du U (s'achevant sur la gématrie 4444) fait allusion à Jung; la proximité avec "jaune" m'a fait joindre (latin jungere) cette couleur primaire au vert de Rimbaud, comme celui-ci avait associé le violet au bleu. La logique me commandait de coupler l'orange au rouge I.

- Le dernier tercet, réalisant l'addition 480+120 = 600, fait allusion à mon travail sur la chronologie patriarcale, évoqué ici. Ce n'est pas par hasard si j'avais publié un 5 avril, 5/4, ces vieilles découvertes sur une quintessence biblique à base de l'âge type "120 ans", mais j'y avais été conduit en apprenant que le schéma numérique découvert plus de 20 ans plus tôt venait d'être publié en 2007. Y rejetant aujourd'hui un oeil, voir s'il n'y aurait pas de nouveaux échos, je constate que l'auteur se nommait Jeremy Northcote, un étonnant "côté nord" alors que mon idée d'utiliser les noms des 4 directions m'a conduit à un dernier tercet quintessentiel au N-ORD.

Le PRISME original de Marmié :
Et de mauve B en C vert-grisé : consonne !
En brun D, l'F or, G pourpre - et sentir l'Absence :
Rêvant, l'H ambre éclôt, J parme orne Impuissance,
K livide livre L incarnat qui frisonne.

M orange, N ivoire : en leurs miroirs, personne...
Du P carmin, si dérisoire l'innocence
D'un babil aboli ! Q safran - jaune essence ;
R opalin, docile S pers où rime assonne.

S'en vient le rose T, tercet flamboyant, Prisme
Pour V saumon, d'où se décrispera le trisme
Quand W cerise enfin pleure, et ce naît ;

Si bleu-marine est l'X, sache mes cris entendre,
Nicet Y roux, laissant Z ocre mais tendre
Du ton beau qui s'irise à l'Azur d'un Sonnet.

Ce sonnet Prisme achève le recueil de cent poèmes holorimes De la reine à la tour. Il est suivi de la signature Arthur Rimbaud, comme Vocalisations de Perec, et sa version holorime est attribuée à Mallarmé :

Et de mots veux béance et vers, grisé qu'on sonne,
Embruns des lais forgés pour pressentir l'Absence.
Rêve en la chambre éclos gît, par morne Impuissance,
Qu'à lit vide l'ivre Aile incarna, qui frissonne.

Emaux rangés, n'y voir en leurs miroirs personne !
Dupé, qu'arme ainsi dérisoire l'innocence
D'un babil aboli qu'eut sa frange - ô naissance,
Héros pâle, indocile, espère où rime assonne ;

S'en vient l'heure. Ose tes tercets flamboyants, Prisme,
Pour vaisseau, monde où se décrispera le trisme
Quand, double, vais ce ris enfin pleurer - ce n'est :

Cible marine hélix sache mes cris entendre ;
N'y sais, tigre écroulé, sans aide au creux m'étendre
Du Tombeau qui s'irise à l'Azur d'un Sonnet.

Cette version compte 536 lettres et la gématrie 6273, nombres qui me sont évocateurs.
6273 c'est 6272+1, et il serait facile d'obtenir cette valeur sans toucher au caractère holorime, et même en l'améliorant car frisonne de la version Rimbaud ne correspond pas exactement à frissonne de la version Mallarmé. Y enlever un S et ajouter un R à un participe passé du premier groupe permet d'obtenir 6272 en conservant 536 lettres, or 536 = 4 fois 134, tandis que 6272 m'a d'abord été significatif selon une lecture 62+72 = 134 correspondant à la gématrie d'ARSENE LUPIN, dont j'ai relevé de possibles cas d'application dans l'oeuvre de LEBLANC (l'E blanc ?).
Le premier de ces cas est particulièrement troublant car il est associé à un cryptogramme dont la solution implique une lecture homophonique des consonnes... Dans la nouvelle Herlock Sholmès arrive trop tard, le secret du château de Thibermesnil est contenu dans une mystérieuse formule transmise au fil des siècles : La hache tournoie dans l’air qui frémit, mais l’aile s’ouvre et l’on va jusqu’à Dieu.
Il s'agit des lettres H, R et L dans une inscription Thibermesnil sculptée dans la roche, qu'il suffit de manoeuvrer pour déclencher l'ouverture d'un passage secret.
La clef était aussi transmise par les nombres 2-6-12, rangs des lettres dans le nom. « Victoire ! Deux fois six font douze » avait raillé Lupin, or Thibermesnil est bien un mot de 12 lettres, étymologiquement réparti en deux groupes de 6 lettres :
THIBER (20+8+9+2+5+18) = 62 = ARSENE
MESNIL (13+5+19+14+9+12) = 72 = LUPIN

Je n'insiste pas davantage sur cette lecture du sonnet "Mallarmié" qui est plus qu'hypothétique. En fait je me demande si le problème "frisonne-frissonne" ne serait pas à prendre dans l'autre sens, et si "frisonne" dans le sonnet "Marthurmié " ne serait pas une coquille, avec un S oublié. Les autres rimes du sonnet, toutes riches, iraient dans ce sens.
Ceci serait encore une formidable coïncidence. J'ai déjà remarqué à quel point il était fabuleux que j'eusse été le 4e à proposer une anagramme du sonnet de Perec, à fournir donc en principe un 5e arrangement des mêmes 497 lettres de valeur 6272, alors que je devais découvrir 21 mois plus tard le schéma de 5 fois 6272 jours dans la vie de Jung. Cette magnifique harmonie était cependant tempérée par le fait que les autres auteurs avaient utilisé une version erronée du sonnet, où il manquait un S.
Il serait donc possible que l'harmonie gématrique de ce sonnet de Marmié, se suffisant à elle-même sans passer par le 4/4/44, fût une conséquence cette fois favorable de l'oubli d'un S...

Je voulais encore signaler que les Prismes de Marmié sont une exception dans son recueil. L'ampleur du projet lui a fait laisser de côté une règle de base de la poésie holorime : un même mot ne doit pas apparaître selon la même forme grammaticale dans les deux versions écrites. Cette règle est parfaitement respectée dans les 99 autres poèmes, essentiellement des distiques, dont je ne donnerai qu'un exemple, de circonstance :
A velu, l'E trou blanc, l'I rouge sang, bleu O,
Hâve l'U : le troublant lire où Je semble haut.


Note du 12/1/12: En "feuilletant" une critique de 1935 (signée H. de Bouillane de Lacoste et P. Izambard) d'une analyse de Voyelles de 1934 (signée Henri Héraut), j'y vois que ce Héraut avançait que Rimbaud avait pu signifier "frisons" en écrivant "frissons (d'ombelles)". Etonnant écho aux frisonnent-frissonnent de Marmié.

20.5.10

Strange Day

Mon précédent billet daté du 5/5 a en fait été écrit hier 19 mai. Je m'étais réservé cette date du 5/5 en écho à la Saint Isidore le 4/4.
J'ai cherché hier après-midi quelques exemples proches du cas de Jung relaté dans le billet. Je sais qu'il existe des récits très proches, mais j'ai eu la flemme d'ouvrir mes livres, espérant par ailleurs pouvoir fournir une référence en ligne. J'ai consulté l'article wikipédia Vie après la mort, où je n'ai rien trouvé, mais me suis laissé distraire par une liste de films sur le sujet, parmi lesquels seul Brainstorm (1983) ne me disait rien. Sa fiche m'apprit que son idée avait été reprise dans Strange Days (1995) de Kathryn Bigelow.
J'ai ensuite été voir si ces films étaient disponibles en streaming, non pour le premier, oui pour Strange Days, que je me suis promis de regarder le soir même, laissant la fenêtre ouverte sur l'ordi. Il devait alors être entre 15 et 16 h. J'ai fini mon billet vers 17 h, et ai ensuite consulté ma boîte mail. Un seul message, de la galerie CROUS-Beaux-Arts, envoyé à 15:45, m'informant de l'exposition Strange Days débutant le 25 mai prochain, présentant les créations de Camille Mercandelli-Park et Sang-Sobi Homme.

J'ai déjà parlé de cette galerie, et de sa directrice Elisabeth Léthier, une "brodeuse perecquienne" comme Dominique de Liège, et j'avais vu Elisabeth à la signature de Dominique le 3 décembre dernier.
Il devenait urgent de voir le film, qui ne m'a pas emballé. Kathryn Bigelow a la réputation de tourner les scènes d'action avec plus de punch que ses collègues masculins, mais moi les scènes d'action...
Enfin il y a quelque chose avec le nom du personnage principal, Lenny Nero, alias Ralph Fiennes. Nero, c'est "noir" en italien (et le nom latin de Néron), or l'héroïne du roman de Zola qui m'a mené là est Jeanne de Rionne ("en noir" en zorglangue), fille de Blanche.
Il y a quelques raisons de penser que ce nom Nero n'est pas fortuit. L'intrigue se déroule sur fond de haine raciale dans un Los Angeles un brin futuriste (le passage à l'an 2000). Nero tente de déjouer un complot raciste avec l'aide de son amie Mace (anglais "massue"), une jolie noire douée pour la bagarre. En tout bien tout honneur, jusqu'au final où le blanc NERO et la noire MACE s'étreignent éperdument, laissant deviner une prochaine ROMANCE (même mot en anglais).
Ce croisement de noms et de races va plus loin que
N
M A C E = ROMANCE
R

O
car le scénariste du film est James CAMERON (anagramme de ROMANCE), qui était lors de sa conception marié à Kathryn BIGeLOW, pas loin d'un oxymore, (littéralement "grand(e) bas(se)").

Le film doit son titre à une chanson des Doors, donnant son titre à leur second album. Le look de Lenny Nero (ci-dessus) semble d'ailleurs inspiré de Jim Morrison (ci-contre).


L'irruption du mot NERO, en rapport (pour moi) avec ZOLA, réveille l'abîme vertigineux des coïncidences autour de la nouvelle La mort et la boussole de Borges (1942). J'ai commencé un livre sur le sujet, j'ai envisagé d'y consacrer un blog, je me suis chaque fois senti dépassé par l'ampleur et l'intrication des développements. Je vais essayer de me limiter ici à un seul point.
La mort et la boussole débute donc par l'assassinat d'un rabbin le soir d'un 3 décembre. Une note indique "La première lettre du Nom a été articulée." Après deux autres meurtres le soir du 3 en janvier et février, un certain Baruj Spinoza écrit à la police que la série est close sur une perfection ternaire : 3 meurtres commis le 3 aux 3 sommets d'un triangle équilatéral. Le détective ne s'en contente pas, et le contexte hébraïque lui inspire plutôt une série basée sur 4 : le Nom est le Tétragramme JHWH, la tradition juive fait débuter le jour au coucher du soleil, en conséquence les meurtres sont datés du 4 et il y en aura un 4e le 4 mars, au 4e sommet d'un losange.

Benoît Peeters a écrit en 1980 La bibliothèque de Villers, novelette dans cette lignée, où 4 crimes sont commis tous les 25 jours aux 4 coins d'un carré. Les victimes successives portent les initiales II, VV, RR, EE. Alors que l'auteur ne songeait qu'au mot (L)IVRE, complété par un 5e meurtre central, j'avais remarqué que les lettres IVRE du carré se réarrangeaient en VIER, "quatre" allemand (ou flamand, Peeters habitant Bruxelles).
Or j'appris en février 2002, quelques mois après avoir découvert ce texte, qu'il existait un code très connu, le rot13, consistant à écrire l'alphabet sur deux lignes et à remplacer chaque lettre par la lettre correspondante dans l'autre ligne. Ce code était notamment proposé par Outlook pour coder et décoder les messages, et il a ses équivalents historiques dans d'autres alphabets, l'albam pour les 22 lettres de l'alphabet hébreu, le code utilisé entre Malherbe et Peiresc avec un alphabet de 24 lettres.
Un membre de la liste Oulipo signala le 9 février qu'en rot13 son nom GRIVET devenait TEVIRG. Je remarquai les lettres centrales, et vis que le IVRE du carré de Peeters devenait ainsi VIER, idéalement. Je remarquais encore que ces couples de lettres ER et IV étaient symétriques par rapport au milieu de l'alphabet, ainsi l'ensemble VIER, "quatre", constituait une tétrade alphabétique unique, aucune autre possibilité ne livrant de mot significatif.
A cause de cette unicité constituant un blocage, je privilégiai le codage de type atbash et proposai l'exemple donné dans le billet précédent, utilisant ZOLA avec VIER.

Je découvris 2 ans plus tard une autre nouvelle inspirée par Borges et Peeters, Une affaire en or, d'Alain Calame, que j'ai avec l'accord de l'auteur mise sur mon site vu la rareté de sa seule publication en 1986. Au plus bref, 3 meurtres sont commis à Paris, incompréhensibles jusqu'au moment où une lettre signée Barbe Eloha explique que la série est achevée : les lieux et les dates des 3 meurtres magnifiaient le Nombre d'Or, la divine proportion.
Le détective découvre que barbe eloha est une formule gnostique araméenne signifiant "En Quatre est Dieu", et qu'un autre lieu et une autre date complèteraient idéalement cette divine proportion...
J'ai eu la curiosité d'opérer le codage rot13 de ARBE ("quatre" en hébreu-araméen, B- étant ici une préposition), et ça donne NEOR, dans une nouvelle dont le titre est Une affaire EN OR !
Alors que dans La bibliothèque de Villers, les lettres IVRE, choisies pour leur appartenance au mot LIVRE (comme le nom VILLERS), se transformaient en VIER, "quatre" dans une autre langue.

      A B C D E F G H I J K L M
      N O P Q R S T U V W X Y Z

Ni Peeters ni Calame n'avaient pensé au rot13 en écrivant leurs variations sur le thème de Borges, et les répercussions de cette coïncidence fabuleuse sont telles que j'ai abandonné mes diverses tentatives d'en rendre compte, mais je ne pouvais laisser passer cette apparition de NERO initiée par une recherche sur ZOLA.
Le point crucial de la nouvelle de Borges est la mort du rabbin le 3 décembre, st xaVIER, ou le 4, ste bARBE... C'est précisément le soir du 3 décembre dernier que j'ai été à la signature de Dominique de Liège, point de départ d'une série de coïncidences ursines, et l'ours anglais est BEAR (ORNE en rot13).
La nouvelle forme NERO, "noir", me rappelle que c'est un terme courant en français pour "ivre"...
Je dois stopper ici, tant l'ivresse est proche.

Je rappelle que j'ai découvert le film Strange Days en cherchant sur le web des cas similaires au cas Jung-Zola. J'avais un vague souvenir de quelque chose avec Huxley.
N'ayant rien trouvé, je me suis résigné à regarder dans ma bibliothèque. Petite surprise dans Les raisons de l'irrationnel, de Paul Misraki, où j'avais remarqué le 4/4/4 le 4/4/44 dans la reprise du récit de l'expérience de Jung. Juste après ce récit il raconte le cas des 5 livres de Zola. Je me demande comment je ne l'avais pas remarqué alors qu'il s'agit d'un motif 4-1 juste après la mention du 4 avril 1944.
C'est dans Intelligences étrangères, de Stuart Holroyd, que j'ai retrouvé le cas Huxley. Il se serait manifesté 15 mois après sa mort par l'entremise d'un médium pour communiquer "ce qui sera par la suite considéré comme une preuve classique de la survie de la personnalité et de la conscience."
La "preuve" en question, détaillée ici (en anglais), est en fait si complexe qu'elle n'a pas acquis la notoriété prédite. "Huxley" aurait transmis, via quelqu'un qui n'avait en principe jamais mis les pieds dans son bureau, de regarder les lignes 17 des pages 23 de deux livres de sa bibliothèque, le 3e du 6e rayon et le 6e du 3e rayon.
Le contenu de ces lignes 17 peut effectivement être considéré comme curieux, sans être péremptoire, mais ce qui m'intéresse ici est la ressemblance avec le cas de Jung : un "mort" désigne à quelqu'un des livres de sa bibliothèque, plus ou moins significatifs.
C'est ce cas auquel je songeais dans mes vaines recherches d'hier sur le web, sans être absolument certain qu'il concernait Huxley. Or ces recherches m'ont mené au film Strange Days, devant son nom à l'album des Doors, qui empruntèrent eux-même leur nom à Huxley (pour ses Doors of perception, Les portes de la perception). Curiosité encore, j'avais repéré la présence du mot "porte" dans les 4 meurtres de La mort et la boussole.

Les raisons de l'irrationnel (1976) et Intelligences étrangères (1981), de même que La bibliothèque de Villers, ont tous deux pour éditeur Robert Laffont, qui était passionné par les phénomènes étranges et qui a créé plusieurs collections spécialisées. J'ai appris ce matin sa mort hier 19 mai.

La coïncidence d'hier sur Strange Days m'a rappelé ce qui s'était passé l'an dernier le 20 mai, où je découvris en pleine nature une pierre semblant taillée, offrant une face très proche d'un rectangle d'or, et j'appris le lendemain la publication d'une nouvelle écrite 3 ans plus tôt, où il était question d'une stèle mortuaire dorée. Le cas présent est un peu différent, l'exposition à la galerie CROUS étant un événement public, néanmoins la liste d'information des nouvelles expos ne doit toucher que quelques centaines de personnes.
Toujours est-il que cette journée du 20 j'ai reçu des nouvelles de mon amie Temporel, plasticienne, qui avait participé à une autre expo à la galerie CROUS début mai, et qui m'en envoyait des photos.
J'ai été particulièrement frappé par cette stèle de granit, non pour sa qualité artistique qui me semble discutable, mais surtout pour la coïncidence avec ma pierre du 20 mai 09. Ses dimensions semblent proches d'un rectangle d'or (en fait de proportion 3/2 pour cette oeuvre DCD de Sylvain Rousseau), en tout cas l'inscription GORGS PRC est en lettres d'or, allusion à La Disparition, et je songe plus particulièrement au sonnet Vocalisations et à ses 4 anagrammes, la dernière, la mienne, s'achevant sur les mots "portail d'or".

Temporel m'envoyait aussi des photos de la devanture de la galerie, qui partage comme déjà vu le 11 de la rue des Beaux-Arts avec L'étoile d'Ishtar, mais je n'avais pas examiné lors de mon passage l'immeuble voisin du 13, portant deux plaques commémoratives. Oscar Wilde y est mort, et Borges y demeurait lors de ses séjours parisiens...

A propos de la prochaine expo Strange Days, je remarque le nom d'un des deux artistes, monsieur (Sang-Sobi) HOMME, qui lors d'une autre exhibition ("expo" en anglais) proposait cet Hermaphrodite, qu'il aurait aussi bien pu intituler Androgyne.
Dans ce dernier mot, andro vient du génitif du grec ANER, homme (mâle).
Les nouvelles perspectives offertes par NERO m'ont fait ouvrir un dictionnaire d'italien à RENO, pour voir si le nom de l'acteur signifiait quelque chose. Rien d'immédiat, mais RENA est le "sable", "de sable" étant la désignation héraldique de la couleur "noire", soit NERA au féminin en italien (quant à l'acteur en fait d'origine espagnole, son nom est un diminutif de moreno, "brun" ou "nègre").
Voir mon billet de décembre sur les mots "sable" (noir) et "argent" (blanc) en hébreu, également initié par les Vocalisations rimbaldo-perecquiennes.

5.5.10

RIONNE EN NOIR

Je viens de mettre en ligne une version en anglais de Quaternité.
Ce n'en est pas une traduction, mais une adaptation, limitée par ma balourdise en anglais. Le recul m'a permis une autre approche, engendrant de nouvelles découvertes qui sont pour l'instant en primeur sur Quaternity.

J'y reviendrai, mais pour l'heure je vais m'intéresser à un autre point découvert lors de ce travail, que j'aurais du mal à expliquer en anglais.
Jung raconte dans Ma Vie... quelques cas personnels qui, dit-il, "ne prouvent rien mais peuvent donner à penser".
Une nuit, il vit dans sa chambre un homme, un voisin, qu'on avait enterré le jour précédent. Au moment où Jung accepta sa présence, l'homme lui fit signe de le suivre et Jung le suivit en imagination jusque chez lui, dans sa bibliothèque. L'homme monta sur un tabouret et lui indiqua le second livre d'une série de cinq, reliés en rouge. Jung ne connaissait pas cette bibliothèque, ni les livres qui pouvaient s'y trouver, et il était trop loin pour en déchiffrer les titres.
Le lendemain il s'en vint chez la veuve et demanda à voir la bibliothèque du mort. Il y avait effectivement un tabouret sous l'étagère désignée, et il reconnut les 5 volumes reliés en rouge. Il s'agissait de traductions de romans de Zola, le second étant Das Vermächtnis der Toten, selon le titre allemand donné par Jung, soit Le legs des morts ou Le legs de la morte. Il s'agit en fait du roman original Le voeu d'une morte, et on peut penser que les cinq volumes correspondent aux cinq romans publiés par Zola avant les Rougon-Macquart, de 1865 à 1868.
Le titre donné par Jung serait évidemment plus significatif, et le serait encore plus cet illustré sans rapport avec Zola, Le legs du mort.
Jung déclare que son contenu était sans intérêt, je ne m'en suis pas contenté. Au moment où j'ai redécouvert ce cas, j'étais en train d'écrire le dernier volet d'une série de 5 sur Quaternity, consacré aux anagrammes de Vocalisations, le sonnet de Perec pastichant Voyelles de Rimbaud, sans E.
Ainsi le second volume à part dans une série de 5 m'est évocateur, et j'ai eu la curiosité de jeter un oeil au roman de Zola, qu'on trouve très facilement en ligne.
Il se trouve que cette morte se nomme Blanche de Rionne.
RIONNE, à l'envers, ça fait EN NOIR.
Et ce voeu, elle l'adresse à son fils adoptif, Daniel Raimbault, 18 ans, lui enjoignant de s'occuper de Jeanne de Rionne, sa fille de 6 ans. Sa première apparition page 10 de l'édition originale :Alors une Blanche en Noir qui s'adresse à un Rainbow dans un livre rouge parmi 5 désigné par un mort, ça me rappelle
A noir, E blanc, I rouge,...
et plus encore sa traduction perecquienne
A noir, (un blanc), I roux,...
Et puis Jeanne, alors que EN NOIR m'évoque au premier chef La mariée était en noir, qui au cinéma était Jeanne Moreau, engagée dans une vengeance quinaire. Daniel m'évoque encore au premier chef Daniel Nathan, alias Fred Dannay, alias Queen, partageant son anniversaire de naissance un 20 octobre avec Rimbaud.

Si les cinq volumes rouges sont bien les romans de jeunesse de Zola, il est particulièrement frappant que Le voeu d'une morte ait une histoire particulière. C'est selon les "avis autorisés" (celui de Zola lui-même entre autres) son oeuvre la plus mauvaise, de plus avortée.
Début 1866, il devint critique littéraire au quotidien L'événement, et sa plume fut si appréciée qu'il proposa au directeur Villemessant un feuilleton au goût de son public : Le voeu d'une morte commença à paraître en septembre. Il y avait déjà un Audimat à l'époque, et l'accueil fut si désastreux que Villemessant intima à Zola d'abandonner le plan prévu et de trouver un dénouement immédiat. Son nom était devenu si synonyme d'ennui qu'il dut poursuivre sa collaboration à L'événement sous un pseudonyme, Simplice, avant d'en être viré.
Le roman fut cependant publié en novembre 1866, complété par 4 nouvelles pour épaissir le volume. Zola le remania pour une réédition en 1889.
Zola fut donc contraint d'interrompre le destin de Jeanne de Rionne le 26 septembre 1866, débuté le 11 septembre précédent. Sa notoriété ultérieure lui permit vraisemblablement de mener à sa guise ses projets littéraires, jusqu'à sa mort le 29 septembre 1902, alors que L'Aurore publiait en feuilleton depuis le 10 septembre son 3e Evangile, Vérité, transposition de l'affaire Dreyfus. Il est probable que la mort de Zola résulte d'une tentative criminelle, toujours est-il que son dernier Evangile resta à l'état d'ébauche. Comme les héros des précédents Evangiles se nommaient Mathieu, Luc et Marc Froment, je laisse à deviner quel était le prénom du héros de Justice.
Les deux derniers cycles de Zola, les 3 Villes et les 4 Evangiles, sont axés sur la famille Froment, nom peut-être choisi pour son association à la blancheur (la meilleure qualité de blé, utilisée pour le pain blanc des riches, cf Albine dans La faute de l'abbé Mouret). Il avait fait dire par Pierre Froment dans Paris (1897):
«Tiens, Jean! tiens, mon petit, c'est toi qui moissonneras tout ça, et qui mettras la récolte en grange!»

On peut rester dubitatif devant le récit de Jung. Je n'imagine pas qu'il ait inventé l'histoire, mais je sais que la mémoire peut jouer des tours et enjoliver les faits. Je n'ai pas trouvé trace d'une traduction du roman de Zola portant le titre donné par Jung, j'ai seulement trouvé mention de Das Vermächtnis einer Sterbenden, traduit par J. Calovius en 1882, soit Le legs d'une mourante, ce qui est moins percutant que Le legs des morts (ou de la morte) donné par Jung. En fait une autre page donne Das Vermächtnis eines Sterbenden, Le legs d'un mourant, et ce n'est pas incompatible avec l'intrigue où Daniel Raimbault meurt dans le dernier chapitre en bénissant le mariage de Jeanne avec son ami Georges Raymond.
Le crédit donné à ce type d'histoires dépend souvent des présupposés de chacun. Au-delà (c'est le cas de le dire) de la possibilité d'un témoignage venu de l'autre monde, le récit de Jung peut s'apparenter aux phénomènes d'autoscopie ou de vision à distance, plus susceptibles d'une étude scientifique, et dont il existe des exemples bien attestés.

Quoi qu'il en soit des faits, je me limite ici à la réalité du récit de Jung, qui ne pouvait prévoir en parlant de ce mort désignant un roman parmi 5 la corrélation avec sa vision dans ses délires de 44 du docteur Haemmerli, bientôt appelé à rejoindre l'autre monde, et à jouer le rôle déjà détaillé dans le partage 4-1 de la vie de Jung autour du 4/4/44, partage qui a donc pour moi un rapport avec le sonnet de Perec pastichant Rimbaud.
C'était donc une belle surprise de trouver un Raimbault dans ce roman, mais la possibilité de trouver Zola associé à un jeu palindrome Blanc/Noir m'est encore formidablement évocatrice, d'abord pour les échos avec La Disparition, où Perec use constamment du jeu Noir/Blanc pour évoquer l'E (blanc) absent.

Il y a quelques jours, le 30 avril, Robert Rapilly, un colistier de la Liste Oulipo publiait un sonnet palindrome lipogramme en E dont les hémistiches centraux (par un as noir si mou /qu'omis rions à nu) étaient empruntés à La Disparition.

Je suis membre de cette liste depuis décembre 2001. J'y appris peu après la propriété des lettres VIER, "quatre" en allemand, qui forment un carré dans l'alphabet écrit sur deux rangs:
A B C D E F G H I J K L M
Z Y X W V U T S R Q P O N

Etudiant les possibilités d'écrire un texte à partir de cette propriété, je vis que les lettres les plus aptes à compléter VIER étaient ZOLA, et le 14 février 2002, je postai ce palindrome EVVE sur la liste (il faut s'y inscrire pour pouvoir consulter ses archives):

EVVE pour Epigramme Vice-Versa Enantiodrome
soit un palindrome dont la seconde partie est également la transformation rétro-26 de la première.
(rétro-26 : A devient Z, B Y, C W, etc.)
EVVE rapidement concocté en exemple :

Z O L A V I R E V O
L E V I R E Z O L A
A L O Z E R I V E L
O V E R I V A L O Z

le texte :
- "Zola vire-vole."
- "Vire Zola !"
- "Aloze rive..."
L'ove riva l'oz.


Suivait une explication vaseuse justifiant plus ou moins ces triturations de langage, là n'est pas l'important, qui est que pour moi le jeu sur VIER était déjà étroitement lié à la quaternité, aux "4 sens de l'écriture", et que la façon la plus immédiate de le mettre en valeur était d'y associer ZOLA, en une sorte de double palindrome...

L'association de ce que j'appelle ici le rétro-26 à Rimbaud/Raimbault me rappelle le tube Over the rainbow du Magicien d'Oz. The WIZARD of Oz en anglais, où WIZARD est le seul mot de 6 lettres réversible en rétro-26 :
WIZARD > DRAWIZ
L'origine du nom Oz n'est pas certaine. Frank L. Baum a suggéré qu'il pouvait lui avoir été inspiré par un classeur O-Z. Toujours est-il que l'hébreu oz, "puissant", est composé de deux lettres réversibles en ZO selon le même principe.

Le voeu d'une morte : On peut en lire l'édition originale sur Gallica, mais d'autres sites en proposent des lectures plus aisées. Gallica donne également la possibilité d'écouter le texte (ici la première page avec Daniel Raimbault).