22.4.15

Toujours Carl Jung



  Le 19 avril je découvris qu'avaient été ajoutés sur mon site de streaming favori tous les épisodes d'une série de 1995 dont j'ignorais tout, L'homme de nulle part (Nowhere Man). Pour ceux qui ignorent le principe du streaming, il existe des plateformes de visualisation sur lesquelles les propriétaires de DVD peuvent télécharger des copies de sécurité pour leur propre usage. Il est bien entendu fort difficile de savoir si c'est toujours le cas, et ce ne l'est évidemment pas pour les oeuvres qui n'existent pas encore en DVD, lesquelles se retrouvent néanmoins aussitôt après leurs sorties sur ces plateformes.
  Les sites de streaming ne contiennent aucun fichier de ce type, mais répertorient les liens vers ces fichiers sur les diverses plateformes. Ces pratiques flirtent avec la légalité, mais la récente affaire Megaupload a montré à quel point il était difficile de supprimer les sites, et les détenteurs des droits des oeuvres  en sont réduits à demander la suppression des fichiers litigieux sur les diverses plateformes.

  Ce préambule permet de comprendre pourquoi je m'abstiens de préciser quels sont les sites en cause, les habitués les reconnaîtront aisément.
  Nous avons donc regardé le premier épisode de L'homme de nulle part, puis le début du second. Pas mal, mais quelques éléments intrigants m'ont fait me renseigner plus avant, et consulter le lendemain 20 avril la fiche wikipedia. Ceci m'a appris que le 15e de la série était Forever Jung, avec pour titre alternatif Doubles.
  Ceci m'a frappé, puisque j'avais intitulé deux billets de Quaternité Doubles doubles, le 15 mars 2010, et Forever Jung, le 26 juillet suivant, 135e anniversaire de la naissance de Jung.
  J'ai relu ce billet, où il était fortement question du film Forever young, de Steve Miner (1992), découvert sur un site de streaming selon le hasard des ajouts, similairement à ma découverte de la série L'homme de nulle part ce 19 avril. J'indiquais que c'était le 20 avril 2010 que j'avais découvert et regardé Forever young, exactement 5 ans donc avant de découvrir et regarder l'épisode Forever Jung. Par ailleurs le 20 avril a eu lieu une double coïncidence avec une découverte bachienne de la veille, en rapport avec la répartition en deux ensembles de 627 mesures de pièces particulières du Clavier bien tempéré.
  Le nombre 627 apparaissait dans Forever young, en probable référence à la naissance du scénariste JJ Abrams un 6/27 (27 juin à l'américaine). Ce même 20 avril j'avais vu la version française du dernier épisode de Monk, diffusée le 18, et y avais remarqué le numéro de la chambre où Monk agonise, 627.
  Un personnage essentiel de la série Monk est Leland Stottlemeyer, incarné par Ted Levine, or Ted Levine est également présent dans le premier épisode de L'homme de nulle part, vu le 19 avril; il y joue l'aliéné Eddie Powers.

  Il va de soi que j'ai regardé l'épisode Forever Jung aussitôt après ces constatations, le 20 avril. Je n'ai pas compris la pertinence de ce titre. Le héros de la série, Thomas Veil, a pour indice l'adresse 985 rue Coolidge, ce qui le conduit à une maison de retraite du Minnesota, Shady Meadows. Il s'y fait engager, et remarque les morts suspectes de 4 résidentes, peu après qu'elles aient subi une série d'examens dans un laboratoire de biogénétique voisin. Son enquête lui fait découvrir qu'elles ne sont pas mortes mais ont été transformées en de charmantes jeunes femmes, par un procédé peu convaincant de remodelage... Ces créatures sont des doubles de réelles femmes, utilisées pour des assassinats ciblés, grâce à un implant les plaçant totalement sous contrôle.
  J'ai choisi de donner ce scan issu de la plateforme de visualisation, car il y figure la date de soumission du fichier, le 18 avril après 23 heures, ce qui corrobore son ajout sur le site de streaming le lendemain.

  Le 25e et dernier épisode, Gemini, a été ajouté le lendemain après 8 heures. Thomas Veil y est sur la piste de l'agent Gemini qui serait l'instigateur du projet. La série tourne autour d'une photo de 4 pendus bizarres qui s'avèrent être des sénateurs US, toujours vivants. Thomas interroge un autre sénateur, William Wallace, directeur d'une commission où les 4 sénateurs concernés ont mystérieusement changé d'avis. C'est parce qu'ils ont été tués et remplacés par des doubles dociles, bien sûr.
  Thomas Veil rencontre William Wallace, lequel promet de lui dévoiler (unveil) toute la vérité, mais le sénateur ne se souvient plus de rien à leur rencontre suivante; il a été remplacé à son tour. Thomas qui est réfugié dans la planque de Gemini décide d'y cacher un jeu de négatifs de la pendaison, et découvre le même jeu déjà caché à l'endroit qu'il a choisi :
  Il n'est plus loin de la vérité. Il était lui-même Gemini, et on lui a forgé l'identité Thomas Veil pour d'obscures raisons (qui auraient peut-être été révélées dans une seconde saison). Les scénaristes se sont néanmoins amusés à quelques subtilités, car Thomas vient de l'hébreu teom, "jumeau", geminus en latin (signifiant aussi "double"). Les initiales du sénateur au coeur de la conspiration sont deux "double V" (double u en anglais), comme le fameux Doppelgänger William Wilson de Poe. Doubles doubles...

  Tout ceci m'a conduit à une recherche "Forever Jung", ce que j'avais omis de faire en 2010, sans quoi j'aurais appris aisément l'existence de cet épisode de L'homme de nulle part, comme d'un épisode d'une autre série, le sitcom Papa bricole (Home Improvement, 1992) :
  J'ai aussi regardé cet épisode, et n'ai à nouveau pas saisi la pertinence du titre, quoique les protagonistes échangent quelques idées sur les sociétés matriarcales, mais ceci reste fort éloigné de la psychologie des profondeurs.
  Curieusement, il s'agit aussi du 15e épisode de la série (saison 1, et il n'y a eu qu'une saison de L'homme de nulle part). L'autre Forever Jung de 1996 méritait donc doublement son titre alternatif, Doubles. Mon billet Doubles doubles traitait des fantastiques coïncidences entre deux films sortis presque simultanément.

  J'ai revu aussi Forever young (sorti le 11 décembre 1992 alors que l'épisode Forever Jung de Papa bricole avait été diffusé le 21 janvier de la même année), avec profit car lors de ma première vision je n'avais pas encore pris conscience que Theodor, le prénom du docteur Haemmerli qui aurait échangé sa vie contre la survie de Jung, avait la même signification, "don de Dieu", que Nathaniel. Dans le billet Doubles doubles traitant de deux films sur les personnalités multiples, j'évoquais le roman L'adversaire de Queen sur le même thème, avec le "pion" JHW s'identifiant au vengeur Nathaniel, rappelant le nom de naissance du Queen principal, Daniel Nathan (qui a collaboré pour ce roman avec Theodore Sturgeon).
  Dans Forever young Daniel McCormick, cryogénisé en 1939 et donc "toujours jeune" lors de son réveil en 1992, pilote un B-25 pour aller retrouver celle qu'il aimait, venant d'apprendre qu'elle vit toujours. Mais il est victime d'un vieillissement accéléré, et c'est le jeune Nat Cooper, 10 ans, qui doit prendre les commandes pour poser le Boeing, et permettre l'émouvante réunion sur laquelle se clôt le film.
  Nat est probablement le diminutif de Nathan ou de Nathaniel, et il est ainsi troublant que ce Nat prenne la place du "toujours jeune, mais vieillissant très vite" Daniel. Un blogueur a détourné l'affiche du film en février dernier pour en faire Forever Jung, en remplaçant Mel Gibson par Michael Fassbender dans son rôle de Jung dans A Dangerous Method (2011).
  J'avais tout de même remarqué que Nat Cooper était interprété par Elijah Wood, alors que diverses coïncidences m'ont fait relier l'échange Jung-Haemmerli aux personnages Elie-Enoch de l'Ancien Testament.

  La recherche "Forever Jung" m'a aussi conduit à une chanson interprétée par des amateurs (paroles ici) :


  Avant de parler du film A Dangerous Method de Cronenberg ici, j'avais cité en juin 2010, un mois avant le billet Forever Jung, la pièce de Christopher Hampton et ses acteurs principaux sur la scène française, Samuel Le Bihan pour Jung, Barbara Schulz pour Sabina Spielrein.
  Lors d'une balade le 11 mars dernier, nous eûmes la surprise de trouver beaucoup d'agitation du côté du lac d'Esparron. Une scène d'un feuilleton de TF1, Les disparues du lac, était en train d'être tournée (diffusion en juin). L'interprète principale en est Barbara Schulz (aucune parenté connue avec Rémi Schulz, ci-dessous devant les lilas de notre maison d'Esparron).

  Le titre du billet précédent, Kidron, Kidron, était inspiré des Double, double de John Brunner et Ellery Queen. J'ignorais alors que l'épisode Forever Jung aussi nommé Doubles allait me remémorer le billet Doubles doubles de 2010, également baptisé avec une arrière-pensée queenienne.
  Le titre de celui-ci s'est imposé lorsque j'ai constaté que TOUJOURS a pour valeur 139, de même que ELLERY QUEEN (et JOHN BRUNNER). Je savais déjà que 139 était en parfait rapport d'or avec 86, valeur de CARL JUNG.
   Après cette décision je me suis avisé que mon titre aurait donc pour valeur 139+86 = 225, soit 15x15, ce qui peut faire écho aux deux épisodes 15 Forever Jung. Plutôt qu'Ellery Queen, mon 139 favori relatif à Jung est ARMIN HAEMMERLI = 55+84, le frère de Theodor qui a échangé quelques lettres avec CARL JUNG = 34+52, prénoms et noms en parfait rapport d'or. J'avais inclus pour cette raison les prénoms Carl et Armin dans mon poème Consonnantisations, où le nombre 225 jouait un rôle important.

  Notre récent déménagement m'a permis de retrouver L'almanach du pèlerin 1905, précieux pour moi non pour sa haute tenue morale mais parce qu'il donnait 4 ou 5 saints pour chaque jour. Il y a eu une réforme du calendrier catholique des saints, et depuis que j'ai découvert qu'étaient fêtés le même 9 novembre Théodore et Ursin (qui est dit avoir été le Nathaniel des Evangiles) je me demandais ce qu'il en était sur cet almanach égaré. Bingo, Théodore et Ursin sont les premiers cités :
  J'ai feuilleté l'almanach après cette vérification, et découvert un étonnant entrefilet quelques pages plus loin :
  Les étymologies de nos deux premiers présidents seraient donc Théodore et Ours ! Je n'ai pas trouvé confirmation pour le premier, mais mahon viendrait bien d'un ours celtique.
  Une recherche "Theodore" "Nathaniel" m'a ensuite mené à cette page sur les saints d'avril, où Theodore et Nathaniel sont fêtés le même 22 avril.
  Ceci est confirmé par Vies des péres, des martyrs, et des autres principaux saints tirées des actes originaux et des monumens les plus authentiques. Nathaniel ou Nathanaël est toujours celui des Evangiles, sans référence à la légende qui en a fait Ursin de Bourges, et ce Théodore est l'évêque d'Anastasiopolis (alors que celui du 9 novembre est le mégalomartyr Théodore Tiron († 303).

  Et voici que j'achève ce billet le 22/4, avec 22 très significatif de "double double", alors qu'il m'a fait rencontrer plusieurs Theodore et Nat(han). J'ai déjà signalé Theodore "Ted" Levine, présent dans le premier épisode de L'homme de nulle part comme dans le dernier de Monk (mais je m'intéressais plus dans cet épisode à l'adversaire enfin identifié de Monk, le juge Rickover incarné par Craig Theodore Nelson, né le 4/4/44).
  Il y a donc Nat Cooper dans Forever young, et le nom complet de L'homme de nulle part est Thomas Jonathan Veil, dont le prétendu père est Jonathan Crane.

  Phrère Laurent a vu que le 22/4 est le 112e jour de l'année, avec 224 double de 112.
  Ceci m'a rappelé que j'avais mentionné dans le billet précédent deux romans de John Brunner (auteur d'un des deux Double, double) s'achevant l'un par 1+1 = 2, l'autre par deux et deux font quatre.
  

4.4.15

Kidron, kidron


  J'ai promis dans le précédent billet quelques développements concernant les 100 chapitres de L'orbite déchiquetée, de John Brunner, dont
les chapitres 1 et 2 sont 1+1 et = 1,
les chapitres 99 et 100 1+1 et = 2.
  J'évoquais le 1+1 = 3 commun à La révolution des fourmis de Werber et au second épisode de Touch, avec pour autre point commun la présence explicite du nombre d'or dans les deux oeuvres, mais les 100 chapitres se terminant sur 2 chapitres spéciaux m'ont aussitôt rappelé mon projet La fin, monsieur Win, construit selon 6 termes de somme 100 d'une série de type Fibonacci, soit
41-25-16-9-7-2.
  Le roman "en clair" se limitait aux 5 premières parties totalisant 98 chapitres. Pour obtenir le chapitre 99, il fallait prendre chaque 100e caractère des 200000 composant les 98 chapitres, et le chapitre 100 était obtenu selon le même principe à partir des 2000 caractère du chapitre 99.

  Les titres des 5 parties calquaient ceux des 5 parties du 10e roman signé Ellery Queen, Halfway House. Ces 5 titres, The Tragedy, The Trail, The Trial, The Trap, The Truth, constituaient un tautogramme en T, 20e lettre de l'alphabet, et d'autres indices m'ont mené à l'hypothèse que Frederic Dannay, principal auteur labellisé "Ellery Queen", utilisait volontiers les nombres 10-20-5 dans ses romans en référence à sa naissance le 20 octobre 1905.
  J'avais détourné cette hypothèse en utilisant tout à fait consciemment les nombres 5 et 20 pour une intrigue dans la famille du patriarche Twenty, magnat corse du thé, mourant à la dernière seconde du 31/12/2000.

  Ma structure en 98+2 chapitres faisait écho d'une part au 20e siècle finissant, d'autre part par l'absence de 2 chapitres aux 100 chapitres prévus par le jeu de contraintes de La Vie mode d'emploi, Perec en ayant omis un chapitre qu'un lecteur idéal aurait pu en partie reconstituer. Perec avait par ailleurs envisagé une structure fibonaccienne pour son roman inachevé, "53 jours". Je n'oubliais pas non plus les deux "books" de The Greek Coffin Mystery by Ellery Queen, en 21-13 chapitres magnifiés par un acrostiche.

  Je rappelle que c'est une recherche "twentyone thirteen" qui m'avait mené au roman de Brunner, où c'est la date d'où vient en 2014 un voyageur du temps. Je connaissais déjà Pygmalion 2113, paru dans la même collection Présence du futur, et je me suis demandé si la date finale de ce roman, le 31/12/2113, était un palindrome intentionnel.
  Quoi qu'il en soit, ceci fait écho au 31/12 de mon "roman du siècle", avec une autre curiosité car après avoir abandonné le projet initial j'ai eu l'idée de le recycler dans Indécente (L'),  où "l'indécente" Tine Dencel déposait La fin, monsieur Win dans les rayons de la librairie de Léon de Pridegor; une intrigue amoureuse unissait ces deux personnages dont les noms étaient issus d'anagrammes, sans avoir envisagé leurs valeurs, 147/91 = 21/13. Je n'avais pas encore vu que ce cas, 88e de ma page dédiée aux coïncidences 21-13, était aussi associé à un 31/12. Le cas suivant était alors le seul associant la date 31/12 à un 21-13 (en l'occurrence une heure, 13:21).

  Il n'y a évidemment aucun rapport logique entre les 100 chapitres de L'orbite déchiquetée et ceux de La fin, monsieur Win, dont je n'ai écrit qu'un essai des deux derniers chapitres, mais la découverte de cette homologie a immédiatement fait tilt car j'avais déjà été amené à associer Queen et Brunner pour deux romans portant le même titre.
  En 1950 est paru le 20e roman signé Ellery Queen, Double, Double, et j'en ai fait un argument essentiel de ma théorie de la signature "20" de Frederic Dannay, car il compte 20 chapitres, ou plutôt 20 sections non numérotées, introduites par des dates.
  C'est de plus un texte qui semble contraint, avec une surdétermination de "4" et de lettres "D", ainsi la première date du roman est le mardi 4 avril (4/4), et son personnage principal le Dr Dodd (3 D en 4 lettres). Ceci a bien sûr attiré mon attention lors des débuts de Quaternité.
  En 1969 est paru le 40e roman de SF de John Brunner (selon cette page), Double, Double, et l'homonymie m'a conduit à le relire il y a déjà un paquet d'années, lorsque j'ai entrevu la complexité de l'écriture queenienne. J'y ai remarqué le nom du personnage principal, Bruno Twentyman, "homme du 20", mais n'ai pas dû lier le fait à ma famille Twenty (je ne sais si ma relecture était antérieure ou non à mon "roman du siècle").

  Je remarque encore aujourd'hui que 40 est le double de 20, et un examen un peu plus approfondi du corpus brunnerien m'amène à quelques autres curiosités.
  Le cas de The squares of the city (1965, en français La ville est un échiquier) est particulièrement frappant. C'est le 32e roman de SF de Brunner, le 27e originellement publié sous sa signature. Il tient nettement plus du polar que de la SF, montrant son personnage principal, Boyd Hakluyt. embringué dans des événements souvent incompréhensibles. Le dénouement dévoile que les protagonistes de l'affaire correspondaient aux pièces du jeu d'échecs, et qu'ils étaient manipulés pour rejouer dans la réalité une célèbre partie.
  Deux ans plus tôt était publié le 27e roman signé originellement de la "vraie" signature Ellery Queen (voir ici ce que signifie ce "vrai"), The Player on the Other Side (1963, L'adversaire en français), qui est explicitement construit comme une partie d'échecs, avec chaque chapitre titré d'un coup du jeu, et les protagonistes homologués à ses pièces.
  L'adversaire comme La ville est un échiquier ont chacun 33 chapitres.
  J'ai associé dans le précédent billet L'orbite déchiquetée, triple volume de la collection Présence du futur portant  les numéros 137-138-139, à la valeur du nom de l'auteur,
JOHN BRUNNER = 47+92 = 139,
et c'est aussi la valeur de mon auteur fétiche,
ELLERY QUEEN = 77+62 = 139.

  Ainsi les 27es romans de deux auteurs de valeur 139 sont centrés sur le jeu d'échecs, et ont tous deux 33 chapitres. L'adversaire est par ailleurs très particulier, car il semblait que les cousins signant Queen avaient produit leur chant du cygne avec leur 26e roman, Le mot de la fin (1958), ayant comme par hasard pour sujet l'alphabet. Cependant, après un long silence, Dannay a imaginé l'intrigue de L'adversaire, dont il a confié la finalisation à un nouveau partenaire, Theodore Sturgeon, pur écrivain de SF. Les romans suivants seront écrits en collaboration avec d'autres auteurs plutôt connotés SF, Avram Davidson et Jack Vance.
  Ces croisements entre les genres sont illustrés par une autre curiosité. John Sladek, également connoté SF, a écrit deux romans et une nouvelle avec un héros parodiant Ellery Queen, Thackeray Phin. La parenté immédiate avec Ellery Queen se double d'une équivalence numérique,
THACKERAY PHIN = 92+47 = 139.
  Ces valeurs 92-47 font chiasme avec JOHN BRUNNER (47-92).

  J'ai La ville est un échiquier dans sa première édition française, dans la collection Dimensions dont c'est le n° 4, bien venu pour cette histoire de carrés (The squares of the city, tandis que l'échiquier de L'adversaire est matérialisé par York Square, avec ses tours bâties aux 4 coins).
  J'ai quelques autres Brunner, parmi lesquels Virus (1973), qui est un autre n° 4, dans la collection futurama. Le numéro se trouve encore adéquat, car le roman s'achève ainsi :
- Ça, c'est sûr, ajouta Valentine. Aussi sûr que deux et deux font quatre.
  Décidément, avec L'orbite déchiquetée s'achevant sur 1+1 = 2, Brunner montre une certaine dilection pour la logique cartésienne...
  Virus montre aussi une architecture probablement intentionnellement régulière, avec 3 parties de chacune 8 chapitres, intitulées Incubation, Contamination, Mutation. Le 3e roman d'Ellery Queen se passe dans un hôpital, et chacun de ses 30 chapitres a pour titre un mot s'achevant en "ion". Quant aux romans à nombres de chapitres imposés, c'est quasiment explicite pour au moins six Queen, et d'autres cas sont à considérer.

  Je précise s'il en est besoin que je ne sais absolument pas si Brunner a lu Queen. Les échos vont de toute façon plus loin qu'une éventuelle influence raisonnable, mais voici qui va encore plus loin dans l'improbable.
  Le 8 mars, Anne était partie visiter le musée du textile Souleïado à Tarascon. J'ai poursuivi le visionnement de la 7e saison de 24 heures chrono, entamé quelques jours plus tôt. Arrivé au 7e épisode, j'ai retrouvé un détail qui m'avait un peu frappé jadis, mais qui devenait bien plus significatif dans le contexte de mes rapprochements Brunner-Queen.
  D'horribles terroristes se sont emparés d'un système permettant de contrôler diverses infrastructures de l'économie US. Dans cet épisode ils menacent de faire sauter une cuve d'isocyanate de méthyle à l'usine Boyd, ce qui tuerait plus de la moitié des 30000 habitants de la ville voisine de Kidron, Ohio. Le directeur de l'usine, un certain John Brunner, parvient à actionner manuellement les soupapes de la cuve en surpression, mais y laisse sa vie.
  J'avais remarqué ce John Brunner, probablement un clin d'oeil des scénaristes car l'écrivain était engagé dans la lutte pour l'environnement. Incidemment, Double, double de Brunner se passe à Brindown, localité fictive du Kent, et une usine chimique y joue un rôle il est nécessaire d'en vider une cuve de phénol. Boyd est un nom si courant qu'un lien n'est pas obligatoire avec le personnage Boyd Hakluyt de Brunner, ou avec John Boyd, autre écrivain de SF.

  Kidron m'est aussi significatif. C'est le nom d'un torrent à proximité de Jérusalem, courant dans une vallée encaissée car kidron (traduit "obscurité") vient de kedar, "obscur". Je me suis interrogé sur l'étrange appellation dans le 26e Queen, Le mot de la fin, d'un village imaginaire de l'état de New York, Mount Kidron, soit un antinomique "mont de l'Obscurité". J'ai exploré le thème Kidron ici, en rapport avec la Passion de Bach où il est question du Bach Kidron (torrent Kidron), parce que le personnage principal du roman de Queen est le double (ou triple) John Sebastian, né(s) à Mount Kidron. Incidemment la ville échiquier de Brunner est celle du dictateur Juan Sebastian Vados (et le 27e Queen se passe sur l'échiquier de York Square, où Ellery, après avoir été confronté dans Le mot de la fin aux jumeaux cachés John Sebastian qui incarnaient tour à tour un même personnage, se trouve affronter un criminel affecté du syndrome des personnalités multiples).

  Le nouveau contexte m'a donc conduit à faire des recherches sur la ville de Kidron, Ohio, pour découvrir que la ville était fictive, mais empruntait son nom à une minuscule bourgade de l'Ohio, dans le comté de Wayne, dont le seul trait notable est la présence d'un musée dédié aux traditions Amish et Mennonite, et d'une boutique vendant des productions Amish (il y a évidemment des patchworks chers à Anne, qui confie souvent son désir d'aller aux USA voir ce genre d'endroit).
  L'article cite l'épisode de 24 heures chrono, indiquant que la ville décrite est en fait Wooster, que le scénariste Brannon Braga, originaire d'un comté voisin de l'Ohio, a entendu parler de Kidron, sans y être jamais allé, qu'il a choisi ce nom because of its obscurity.[4] (ce mot signifie plutôt "non-importance" que "obscurité", rendu par darkness).

  L'article m'apprend encore que Kidron a été fondée en 1819 par des Mennonites suisses qui ont d'abord appelé l'endroit Sonnenberg. Il n'est pas expliqué pourquoi ce nom a été ensuite changé en Kidron, mais la double appellation me sidère car Sonnenberg signifie "mont(agne) du soleil", bien plus logique que le "mont de l'obscurité" queenien. Une des curiosités repérées dans Le mot de la fin est le nom d'un des protagonistes, Samson Dark : dark est donc "obscur" tandis que Samson rend l'hébreu shimshon, signifiant "solaire", "lumineux" (de shemesh, "soleil").
  Au moment où j'apprenais ceci, Anne était en train de visiter le musée du textile Souleïado, dont le nom signifie en provençal le retour du soleil.

  J'ai remarqué la présence dans cette intrigue, intimement liée à l'origine sémitique de l'alphabet, des mots dark et kidron, dérivé de kedar, qui dans cette transcription est très proche de dark, qui en vieil anglais pouvait se décliner en darke (anagramme de kedar).
  Curiosité, l'un des premiers résultats d'une requête "darke" est le comté de Darke, un des 88 comtés de l'Ohio. En cherchant une image pour illustrer ce point, j'ai trouvé ceci :

  Mon enquête sur "Mount Kidron" m'avait montré que cette association de mots était aussi improbable que je l'imaginais, mais qu'elle apparaissait dans une autre fiction que Le mot de la fin, un roman pour la jeunesse laissé inachevé par John Bellairs mort le 8 mars 1991, et terminé par Brad Strickland.
  Tiens, c'est le 8 mars 2015, exactement 24 ans après ce décès, que j'ai redécouvert la présence de Kidron dans 24 (titre original de la série). Le 8/3 ou 3/8 m'évoque encore les 3x8 = 24 chapitres de Virus de Brunner.
  Ce roman inachevé par un autre John B. est donc Le fantôme dans le miroir. Ses héros sont en voiture sur une large route de Pennsylvanie par un beau jour de l'été 1951 lorsque soudain tout bascule : la route devient très étroite et couverte d'un givre hivernal. Ils découvriront ensuite qu'il s'agit de la route de Mount Kidron, et qu'ils sont en 1828, 123 ans plus tôt. Il est assez probable que Bellairs connaissait Le mot de la fin, car le roman de Queen débute par un accident sur une route verglacée, près de Mount Kidron.
  Les héros de Bellairs ont un accident également :
Abruptly they plunged from thin wintry sunlight into spooky, silent darkness as the car skidded into the very center of the thicket.
  La voiture passe du pâle soleil hivernal à l'obscurité en dérapant dans un fourré. Je suis ébahi de trouver ces mots soleil et obscurité dans une même phrase, en pensant au Sonnenberg/Kidron de l'Ohio.

  Alors que le présent billet était commencé, une recherche indépendante m'a conduit à découvrir l'essai Un malfaiteur de l’humanité, Philippe Marlière et les aliens de demain, signé John Kaltenbrunner.
  Ce nom est un pseudo emprunté au Seigneur des porcheries de Tristan Egolf (traduit en allemand Monument für John Kaltenbrunner), que j'ai lu il y a quelque temps. Il va de soi que Kaltenbrunner fait référence au nazi condamné à mort à Nuremberg, thème déjà abordé sur Quaternité (pour la "prédiction" biblique de la pendaison des 10 chefs nazis en l'an 707 du calendrier hébreu, qui pourrait faire écho à l'épisode 7/07 de 24). Il est assez probable que Egolf, autre écrivain écolo, ait pensé aussi à John Brunner en forgeant ce nom.
  Le seigneur des porcheries se passe dans l'Amérique profonde, dans le comté de Greene dont il est uniquement précisé qu'il fait partie de la Corn Belt; il existe un comté de Greene dans l'Ohio, l'un des 4 Etats de la "ceinture de maïs".

  Je n'avais pas mentionné que le chef-lieu du comté de Darke était Greenville, et l'émergence des comtés de Darke et Greene dans une recherche à partir de Brunner a encore des échos queeniens.
  Je mentionnais plus haut les deux romans queeniens (ou phiniens) de John Sladek. Il leur a choisi des titres sur un thème coloré, Black aura (1974) et Invisible Green (1977), or les premiers "faux Queen" parus dans les années 40 étaient des romans pour les jeunes intitulés selon la même thématique :

  Comme Double, double (de Queen) débute un 4/4, j'ai choisi de publier ce billet un 4/4, et je l'ai intitulé Kidron, kidron en référence à la présence de Kidron dans des contextes queenien et brunnerien. Je me suis avisé ensuite que la valeur de Kidron est 71, et que ce 4 avril est le 71e anniversaire du 4/4/44 (par ailleurs 44/71 est un couple doré).