31.8.21

de l'algèbre à la croisade : constellation


Buvons un coup, buvons en deux,
Et trois, et cinq, et huit de mieux !

  318e billet de Quaternité, le 31/8, et je n'imaginais guère en privilégiant cette date au début du blog qu'il se prolongerait à ce point, et que diverses circonstances m'amènerait à pouvoir publier son 318e billet un 31/8, avec un total à-propos.

  Mon 316e billet, publié le 17/8, tentait d'approcher sobrement mes récentes investigations aux archives Ricardou de l'IMEC, mais des coïncidences survenues en cours d'écriture m'ont fait comprendre que la sobriété était une erreur. Non seulement le monde est dingue, mais ma propre folie interfère avec cette dinguerie...
  Bref la découverte du groupe 137/1237 Synchronicity m'a rappelé les coïncidences 137 notamment évoquées dans mon 183e billet, publié le 18/3/2015, nommé à partir du numéro 137 de la collection Présence du futur, L'orbite déchiquetée. J'ai compris qu'il faudrait que je parle de 137 dans le billet suivant, 317e, puis de 183 dans le 318e, qu'il s'imposait de publier le 31/8, 13e anniversaire de ma lecture d'un roman ayant joué un rôle essentiel dans la création de ce blog.
  Le 317e billet serait donc publié à mi-chemin, le 24/8, doublement significatif car 2-4-8 sont les "nombres fondamentaux" de Ricardou, et car ce jour ma fille Aurélie aurait 48 ans.

   Je lui dédiai le 317e billet, ce dont elle me remercia, et ceci me rappela que je lui avais dédié implicitement un autre billet, que je recherchai illico.
  C'était le 137e billet, publié le 21/1/2013, le 21.1.13 selon la forme choisie pour le blog:

  J'avais exploité ce premier billet de l'an "13" pour faire apparaître mes propres nombres fétiches, 21 et 13, d'autant qu'il en était question. Je rappelle qu'un livre lu le 31/8/2008 m'a fait découvrir le 8 septembre l'échange
JUNG / HAEMMERLI = 52/84 = 13/21,
et que je me suis avisé ensuite que le 31/8 vulgaire était le 21/13 du calendrier pataphysique, et que le 8 septembre y était le premier jour de l'an 136 (52+84). 

  Je ne me sentais pas particulièrement concerné en 2013 par le nombre 137, dont j'avais cependant parlé à diverses reprises, notamment pour le psaume 137 (cette requête permet d'accéder à toutes mes mentions sur le blog), aussi il n'est pas question dans le billet de son rang.
  Il est d'abord consacré à la tétralogie Frederica de Antonia S. Byatt, native du 24/8, la Saint-Barthélémy, comme son héroïne Frederica, avec laquelle elle a probablement d'autres points communs.
  Dans les années 50 et 60, Frederica comme Antonia ont évolué dans le milieu universitaire britannique, où il subsistait une influence des travaux d'Alan Turing, lequel, après un rôle décisif dans la victoire alliée, s'est passionné après la guerre pour la présence dans la nature de la suite de Fibonacci. Il en va de même pour plusieurs personnages de Byatt, dont le frère de Frederica, mathématicien, et un doyen d'université qui a connu Turing.

  Bart est un personnage de La créature de John Fowles (A Maggot, 1985), roman que je venais de lire parce que j'avais appris qu'il y était question de Fibonacci. Incidemment, Byatt a dit le plus grand bien de ce roman (ici, page 49).
  Le livre conte une étrange expédition en avril 1736, conduite par un certain Bartholomew, lequel évoque l'omniprésence de la suite 1-2-3-5-8-13-21 dans l'univers.
  Un enquêteur l'a transmise à un réel mathématicien de Cambridge, Nicholas Saunderson, lequel lui répond qu'il s'agit de la suite de Fibonacci, et qu'il avait eu l'occasion d'en parler avec Bart, qu'il a eu pour étudiant, et qui se serait montré un précurseur de la phyllotaxie qui passionnerait Turing, lequel étudierait et enseignerait également à Cambridge. je donnais cette photo de la page 211 du roman:
 
  La version française offre une curiosité, car c'est page 211 qu'apparaît la suite de Fibonacci et la loi des proportions qui lui est associée, or le nom de ce réel mathématicien a pour valeur 211 et se partage selon cette même loi du nombre d'or:
NICHOLAS  SAUNDERSON = 81 + 130 = 211.

  Je ne me souvenais évidemment pas de cette page 211 lorsque j'ai décortiqué les 211 mots de la phrase de Ricardou aux pages 105-106 de Révélations minuscules, en guise de préface, à la gloire de Jean Paulhan, avec 105+106 = 211, dans un texte dont il est certain qu'il a été calibré pour faire apparaître quelques pages auparavant le nombre 99 page 99, un texte auquel le lecteur est explicitement invité à dénombrer les mots de ses phrases. Les parenthèses découpent cette phrase ainsi,
34 (7) 21 (20) 13 (12) 104, et je remarquais que 34-21-13 étaient des nombres consécutifs de la suite de Fibonacci, le suivant 8 pouvant être signifié par 104, 8 fois 13.

  Il m'est venu la curiosité de dénombrer les mots du paragraphe de la page 211 de La créature, et je suis parvenu à 211 ! Ce que j'ai vérifié, plutôt deux fois qu'une. Il compte 6 phrases, en
35 - 13 - 23 - 25 - 72 - 43 mots.
  La phrase en 211 mots de Ricardou occupe également un seul paragraphe.
 
  Il est assez évident que c'est un hasard de trouver un paragraphe de 211 mots page 211, attribué à un personnage de valeur 211, puisque la phrase originale n'avait pas 211 mots (mais 207), et qu'une traductrice (Annie Saumont en l'occurrence) ne va pas se lancer dans de tels calculs
  Voici le paragraphe original de Fowles: 
  If I am to find fault in him, it is that he was sometimes seized by beliefs or theories of this physical world that I must term more phantasies than probable or experimental truths. The one that you require me to explain is such; in my view. The series of numbers to which you allude appears first in the Liber Abaci of one Leonardo da Pisa, a learned Italian. He did devise it, but, upon his own admission, for no more than to calculate the multiplication of conies in a warren. Yet his Lordship would find this rate of proportion (which doth stay the same however superfetatiously its parts be increased) everywhere in nature besides, indeed even discernible in the motions of the planets and the arrangement of stars in the heavens; and saw it likewise in all plants, in the disposition of their leaves, for which ordering he would make a name, that is, from the Greek, phyllotaxis. And he did believe also that this same most elementary sequence might be traced in the history of this world, both past and to come; and thus that were it fully understood, the chronology of the future might be mathematically prophesied as well that of the past explained.
  Les 6 phrases ont 34, 13, 22, 22, 68 et 48 mots, 207 en tout. Tiens, 34 et 13 sont des Fibos, et 34 était le premier nombre obtenu par le découpage de la phrase de Ricardou.

  La traduction française du roman de Fowles est parue en octobre 1987, et il est probable que le travail de traduction a été réalisé plus tôt dans l'année. Révolutions minuscules de Ricardou est paru en mars 1988, et il est établi que l'essentiel du travail d'écriture a été réalisé en 1987.
  Le précédent billet m'a fait envisager cette date comme significative, parce que  les nombres 34-21-13 obtenus par le partage de la phrase ont les rangs 9-8-7 dans la suite de Fibonacci (et je rappelle que 987 est le Fibo de rang 16). Ces rangs 9-8-7 m'ont fait envisager une signification aux 211 mots, vus comme 2-1-1, les Fibos de rangs 3-2-1.

  Ainsi auraient été écrits en 1987 les deux paragraphes de 211 mots, destinés à paraître aux pages 211 et 105-106 des livres respectifs.
  Il y a davantage, ainsi les deux paragraphes sont attribués par les auteurs l'un au réel Nicholas Saunderson, l'autre à une hypothétique soeur de Ricardou, Noëlle Riçoeur.
  Les auteurs réels ont le même prénom, John et Jean. Le prénom Annie de la traductrice est de même origine (de l'hébreu hen, "grâce").

  Le nom Fowles aurait pour origine le vieux mot fugol, "oiseau sauvage". C'est encore un "oiseau dans l'oiseau" (owl, "hibou").
  La signature de Ricardou se limite souvent à une sorte de croix, les initiales JR stylisées, et il révèle précisément dans cette Préface qu'il s'agit pour lui d'une "empreinte d'oiseau", parce que l'oiseau est le porte-plume, l'écrivain. Elle fournit un argument à la Préface, avec quatre grains de sable qui se seraient collés aux lèvres de Jean Paulhan, selon une disposition évoquant à Ricardou sa signature. Il en est précisément question dans la phrase en 211 mots.

  Une petite digression. Lors de mon séjour à l'IMEC, je me suis accordé quelques instants pour consulter le blog ami de Patrick Bléron, et son article Les muses de Bruno Schulz a provoqué un nouveau dessillement. Il y est beaucoup question d'oiseaux, notamment sous la forme allemande Vogel, avec deux personnages de romans, Debora Vogel, nom donné à La fiancée de Bruno Schulz, d'Agata Tuszyńska (Grasset, 2015), et Christina Vogel dans Le bruit du dégel de John Burnside (Métaillié, 2018). Il est question d'oiseaux dans ces romans, comme dans l'oeuvre de Bruno Schulz dont une nouvelle des Boutiques de cannelle est précisément titrée Les oiseaux. J'ai aussitôt envoyé ce bref commentaire:
  Ton article me rappelle que j'avais fait remarquer à JP Le Goff que son patronyme faisait entendre, renversé, Vogel, "oiseau". Je ne savais pas alors qu'en hébreu "oiseau" est l'anagramme de "anagramme", et Le Goff explorait volontiers les anagrammes.
   J'avais tenté de lui faire lire Siva, de PK Dick, car ça se renverse en avis, "oiseau" latin, mais il n'avait pas du tout accroché.
    29 juillet 2021 à 14:56
  Je pensais évidemment aussi à la signature de Ricardou, lequel a dans une nouvelle fait apparaître par anagramme "le vocable hébreu tserouf", sans en donner le sens, "anagramme", et donc anagramme de tsippor, "oiseau".

  Siva, que j'avais recommandé à Le Goff, est le n° 317 de la collection Présence du futur, 180 numéros après le n° 137, L'orbite déchiquetée, qui inspirerait le billet où j'évoquais les coïncidences 137 sur Unus Mundus. 180° est l'angle d'une demi-révolution, du retournement qui peut faire passer par palindromie de AVIS à SIVA, de 987 (avènement de Hugues Capet, merci dp), à (1)789, un coup dur pour "Capet", surnom donné à Louis XVI par le peuple, ou encore, par renversement effectif de 180°, de 89 à 68, la "Nouvelle Révolution Française", comme Ricardou nomme la NRF.

  JP Le Goff a été inspiré par une anecdote d'un roman de Byatt, Des anges et des insectes, et il a communiqué avec elle à ce sujet, en vue d'une expérience qui fut relatée ainsi dans Pour la Science:

  J'y ai remarqué que l'image "ants" avait provoqué un déport de 5 lignes du texte, 5 lignes s'achevant par les signes ,àtns , soient les lettres mêmes écrites par les ants, les fourmis ! Plus de détails ici, avec un écho à un livre paru aux Impressions nouvelles, livre que j'ignorais alors être un hommage à Ricardou.

  J'ai Les boutiques de cannelle, de Bruno Schulz, dans l'édition Denoël de 1983. J'ai la curiosité de consulter sa page 211, dernière page d'une introduction à une interview de Schulz donnée ensuite. Elle s'achève ainsi:
Fait avant d'avoir lu la réponse de Schulz, le 4 avril 1935.
  Voilà qui rejoint le fondement de Quaternité...

  Debora Vogel, la fiancée de Schulz, me rappelle Debbie, la Lady137 de Unus Mundus, à laquelle j'avais communiqué que debora est un mot hébreu, "abeille", de valeur 217 selon l'alphabet hébreu, soit 7.31.

  Un membre du groupe 137/1237 Synchronicity où je l'ai retrouvée a publié ceci le 21 mai 2020:
 

  Revoici la phyllotaxie chère à Alan et Bart. J'apprécie ce
FIBONACCI SPIRAL = 137,
mais l'angle d'or est 137.5°, et s'il fallait l'arrondir, ce serait 138° plutôt que 137... Je signalais dans le billet 137 que la présence dans les fleurs de type tournesol de parastiches correspondant le plus souvent à deux nombres consécutifs de Fibonacci était une énigme aujourd'hui résolue.
  Il n'en va pas de même pour l'angle d'or, soit
360° / phi ≈ 222.5°, ou 137.5° en tournant dans l'autre sens. Les rameaux d'un arbre se diversifient souvent du tronc principal selon cet angle d'or qui assure un ensoleillement maximal.
 
  Je reviens aux deux paragraphes de 211 mots, que voici mêlés, en alternant des sections de 10 mots de chaque paragraphe:

   Si je dois lui trouver quelque défaut, ce sera qu'
   Revenant donc à lui au terme de la légère sidérale
il est quelquefois le jouet de croyances ou de théories
hypnose que lui avait infligée, apparemment, et la pharamineuse méridionale
relatives à ce monde physique que j'appellerais plutôt fantaisies
jactance, et l'abracadabrante kyrielle des élucubrations, l'illustre directeur
que vérités probables ou expérimentales. Celle que vous me demandez
de revue, après avoir (ils n'y avaient que trop
d'exposer en fait partie, à mon avis. La série
perduré) ôté de ses lèvres les quatre grains de sable
des nombres à laquelle vous faites allusion apparaît en premier
selon un geste divinement machinal, très simple, du revers de
dans le Liber Abaci d'un Leonardo da Pisa, érudit
son bras (et c'est pourquoi, bien sûr, je crains
italien. Il ne l'a imaginée, a-t-il admis
par anticipation, en vint lors à interférer certain "méchant parler
lui-même, pour rien autre que le calcul de la
d'outre-manche"), murmura avec la plus aimable des douceurs, non
multiplication des lapins dans une garenne. Toutefois Monseigneur voulait retrouver
pas, même au neuvième degré (qui vous parle du cimetière
cette loi des proportions (qui reste la même quelle que
des parenthèses au bord de l'eau ?), ce n'était
soit l'augmentation du nombre des éléments) partout dans la
guère son genre, et même si les moins scrupuleux d'
nature, et qui est discernable jusque dans les mouvements des
entre vous eussent souhaité pouvoir en nourrir le pire de
planètes et l'arrangement des étoiles dans le ciel; il
leur chuchotis, "ma chère âme, je ne suis pas tout
la voyait pareillement dans toutes les plantes, dans la disposition
à fait celle que vous croyez", mais tout bonnement, ayant
de leurs feuilles; et à cette loi il donnait le
su lire entre les lignes à demi-mots qu'il s'
nom de phyllotaxis, qu'il empruntait au grec. Il pensait
agissait, outre les sphères, plutôt un peu de littérature, "mon
aussi que cette séquence primordiale pouvait être retrouvée dans l'
cher ami, votre jeu est trop compliqué pour que quiconque,
histoire du monde, dans le passé et l'avenir; et
y compris vous à plus d'un titre, et sauf
donc, si elle était totalement élucidée, qu'on pourrait s'
le Très-Haut peut-être, avec ses machines, puisse jamais apercevoir l'
expliquer la chronologie du passé et prédire celle de l'
intégrale transmutation que vous me paraissez avoir le dessein de
avenir.
faire...".


  J'avais reproduit la page 211 parce que son texte y est attribué à Nicholas Saunderson, nom de valeur 211 se répartissant en un couple doré, 81-130.
  Sachant maintenant que le paragraphe compte 211  mots, j'ai la curiosité d'aller voir ce qui se passe à la césure d'or, entre les mots 81 et 82, qui se trouvent être les mots "lui-même", désignant Léonard de Pise, Fibonacci. C'est l'un des seuls tirets du paragraphe, un tiret grammatical à distinguer des tirets des mots composés, comme "outre-manche", "peut-être", "demi-mots", qui ne comptent que pour un seul mot pour Ricardou, selon ses propres énumérations dans la Préface.
  Il est tentant d'imaginer que ce "lui-même" pourrait s'appliquer à Nicholas-Saunderson, mathématicien d'outre-Manche, or à ces rangs 81-82 correspondent chez Ricardou les deux mots "d'outre-manche".

    Deux mots se trouvent aux mêmes rangs dans les deux textes, "lui-à", mots peu significatifs, et peut-être n'est-il en rien remarquable de trouver deux mots identiques dans des textes quelconques de longueurs identiques, je n'ai pas le courage de le vérifier.
  Les rangs de ces mots sont 4-155, de somme 159, moitié du rang 318 de ce billet, et ceci m'amène à sa conclusion.

  Le billet 316 a été intitulé Une intégrale transmutation, mots empruntés à la fameuse phrase de 211 mot, choisis parce que l'expression a pour valeur 316.
  La coïncidence 137 survenue pendant l'écriture du billet m'a conduit, après la constatation que "transmutation" compte 13 lettres, à y joindre une épithète de 7 lettres portant la valeur du total à 317, et le titre du billet 317 fut donc Une transmutation cryptée.
  Je savais en écrivant ce billet 317 que le billet 318 serait publié le 31/8 et que son titre aurait pour valeur 318. Il n'y avait guère de solution avec une épithète de 8 lettres, Une transmutation complexe, Une transmutation profonde... Je me suis alors orienté vers un titre en 21+13 lettres, parce que le 31/8 m'est significatif en tant que 21/13 du calendrier pataphysique.
  Les 13 lettres de "transmutation" ayant une valeur trop élevée (185) pour parvenir à un résultat, j'ai songé au mot "constellation" utilisé par Ricardou comme exemple de la présence du nombre de Fibonacci 13 dans La prise de Constantinople.
  Il se trouve que ce mot a pour valeur 159, l'exacte moitié de 318, ainsi, si je trouvais une expression satisfaisante en 21 lettres de même valeur 159, la valeur moyenne d'une lettre de "constellation" serait en rapport 21/13 avec celle d'une lettre de l'expression.
  Il me fallait aussi un mot de 8 lettres accolé à "constellation", j'ai pensé à "croisade", toujours à cause du roman de Ricardou. Je suis parvenu assez facilement ensuit à
  De l'algèbre à la croisade : constellation
qui m'a paru significatif, car voici quelle était la dernière proposition de Ricardou quant à la présence de Fibonacci dans son roman:


  J'ai dit ce que j'en pensais dans le billet 316, et je remarque maintenant que Ricardou associait la parution du livre d'algèbre de Fibonacci (également mentionné par Saunderson) à la croisade. Le mot "algèbre" s'est imposé à moi en cherchant quels mots de 7 lettres de valeur 50 débutaient par une voyelle.

  Après coup, je remarque que les 21 lettres peuvent se découper en 3-18 (2 et 4 mots), et que les 18 lettres ont pour valeur 138.
 
   Pour qui l'ignorerait, le nombre 318 est souvent cité comme exemple d'intervention de la gématrie dans la Bible. Chapitre 14 de la Genèse, Abraham est dit mener une mission accompagné de 318 hommes, or c'est en hébreu la valeur du nom de son intendant, Eliézer.
 
  Je rappelle que, en langage jungien, la "constellation de l'archétype" est mise en oeuvre dans la synchronicité.

24.8.21

une transmutation cryptée

pour Aurélili

  J'avais décidé d'axer le précédent billet sur une idée qui m'a souvent traversé la tête depuis que je me consacre à l'exégèse littéraire. Et s'il y avait, au-delà du cours usuel du temps, une fusion entre le travail de l'auteur et celui de l'exégète, telle que l'oeuvre finale en soit la résultante?
  Idée folle, certes, mais il s'agit de tenter de rendre compte de résultats absurdes.
  Idée pas assez folle, car en cours d'écriture sont survenues deux coïncidences qui ont quelque peu bouleversé mon programme, aussi je n'ai guère creusé l'hypothèse de départ, réservant au présent billet l'étude de ces coïncidences.

  Une partie de Une intégrale transmutation était consacrée à la 325e phrase de la Préface de Ricardou dans laquelle figurent ces mots. Les parenthèses découpent cette phrase ainsi:
34 (7) 21 (20) 13 (12) 104, et je remarquais:
  L'amateur de la suite de Fibonacci ne peut manquer de remarquer que 34-21-13 en sont les termes de rangs 9-8-7, et, s'il la connaît plus loin que le bout de ses doigts, que 987 en est le 16e terme.
  L'une des propriétés de cette suite est qu'un terme de rang 2n peut être exprimé comme le produit du terme de rang n par la somme des deux termes adjacents, soit
F2n  =  Fn x (Fn-1 + Fn+1)
or, dans le cas de F16, ceci devient
987  =  F8 x (F7 + F9) ou en chiffres 21 x (13+34).
  C'est grâce à la phrase de Ricardou que je me suis avisé de cette curiosité concernant 7-8-9, curiosité qui n'avait peut-être jamais été remarquée par quiconque.
  J'ai fait quelques recherches afin de voir si la curiosité était connue, sans résultat, mais il n'était pas facile de formuler une requête dont les résultats ne fussent pas massivement les listes de nombres de Fibonacci.
  Il y eut cependant quelque chose d'intéressant: la requête "987" "fibonacci" "21" "47" "7" "9" sur Google donna en 37e résultat le billet de Quaternité du 8/8/2020, Homme sage, demain tu reliras Perec. Je me suis demandé si ce résultat n'était pas lié à mon ordi, mais non, un ordi n'ayant rien à voir avec moi livre les mêmes résultats.
  Ce billet était en partie consacré à un roman de Thilliez qui est loin d'être mon préféré, La forêt des ombres (2006), où l'infirme Arthur Doffre demande à David Miller d'écrire un livre sur le Bourreau 125, un affreux tueur qui a massacré sept couples 27 ans plus tôt. Ils se trouvent isolés en Forêt Noire par une tempête de neige, dans un chalet où arrive une femme en piteux état, répétant la suite de chiffres en allemand neun... acht... sieben... acht... vier..., 98784. Lorsqu'elle recouvre ses esprits, elle dit se nommer Emma, avoir eu un accident de voiture, et que ce nombre 98784 était celui indiqué par le compteur kilométrique au moment de l'accident (mais c'est aussi un nombre significatif dans l'affaire du Bourreau 125). Il s'avère ensuite que Doffre est le Bourreau 125, et Emma sa complice. La gématrie livre une ahurissante série de nombres de la série Bleue du Modulor (32-54-86-140-226): 
NEUN ACHT SIEBEN ACHT VIER = 54+32+54+32+54 = 226
EMMA = 32
ARTHUR DOFFRE = 86+54 = 140
BOURREAU 125 = 226
  C'était l'une des plus belles découvertes de l'an dernier, mais il y en avait pas mal d'autres, et j'avais oublié le détail des chiffres allemands, bien que j'eusse partagé dans le billet 98784 en 987, 16e Fibo, et 84, 4 fois le 8e Fibo.
  Je ne vais pas tout reprendre ici. Je n'imaginais guère ceci intentionnel chez Thilliez, bien que plusieurs de ses romans citent Fibonacci et le nombre d'or, bien qu'un de ses personnages se nomme Corbusier.

  Avant cette remémoration, je comptais citer dans le précédent billet une autre phrase de la Préface, la 188e, où la récente idée de séparer les expressions entre parenthèses du reste de la phrase conduisait aussi à un équilibre doré. Ses 140 mots se répartissent ainsi:
27 (12 (17) 21) 9 (36) 18, ou 54 + (86), nombres de la série Bleue. Voici la phrase en omettant les parenthèses:
      Mieux: telles supplémentaires structures, non seulement elles permettent d'obtenir, et beaucoup plus qu'on ne l'avoue, ce que fors elles on n'eût jamais conçu (50), mais encore, tel est le dos caché du mécanisme (36), elles conduisent quelquefois à produire des idées strictement étrangères, peut-être, à ce qu'on se figure avoir émis.
  Les "supplémentaires structures", ce sont les contraintes d'écriture, et je me sens en total accord avec ce qu'exprime clairement cette phrase, d'autant que sa structuration selon la série Bleue que j'avais envisagée pourrait être "strictement étrangère" aux intentions de Ricardou, puisque ma recherche à l'IMEC m'a appris que la dernière phrase de la Préface n'avait pas originellement 226 mots, ce qui m'avait conduit à l'hypothèse Modulor.

  Le découpage des 54 mots en 27-9-18 appelle à quelques commentaires, ainsi ces trois nombres sont les trois premiers multiples de 9, nombre souvent évoqué dans cette Préface, pour les 9 nouvelles de Révolutions minuscules, et pour le degré 9 des parenthèses dans Nouvelles impressions d'Afrique.
  Je rappelle que 54 de la série Bleue double 27 de la série Rouge.
  Les 9 mots de la proposition centrale débutent et finissent sur la même syllabe (selon les critères ricardoliens), "me" ("mais" et "mécanisme"). Ce mot "canisme" pourrait même être "autosymétricologique", et c'est le 86e mot de la phrase, pouvant souligner son mécanisme caché, 86-54.

  Pour ceux que ne rebutent pas les intrications ricardoliennes, voici les 140 mots de la phrase au complet:
       Mieux: telles supplémentaires structures, non seulement elles permettent d'obtenir, et beaucoup plus qu'on ne l'avoue, ce que fors elles on n'eût jamais conçu (et c'est pourquoi mieux vaut, que n'a-t-il susurré (si un temps suffisant, du moins, m'est consenti, je le ferai paraître un soir pour Mallarmé), de préférence à tout pyramidal recensement d'un univers imaginaire, fournir la stricte analyse des matérielles relations par lesquelles un poète imagine), mais encore, tel est le dos caché du mécanisme (l'on trouvera un réconfort, du reste, au passage, me permettrai-je d'ajouter (...), à découvrir qu'il ne semblait guère avoir perçu le jeu du patronymique noyau angoissant dans son brusque parenthétique accès de polémique), elles conduisent quelquefois à produire des idées strictement étrangères, peut-être, à ce qu'on se figure avoir émis.
  Cette phrase 188 m'a rappelé la phrase 158 également en 140 mots, donnée ici avec d'autres phrases possiblement structurées selon le Modulor (c'est moi qui y ai souligné les mots "en écho"):
      En classique mystificateur, me laissant le triste soin de saisir de travers, sans même sourciller, l'essentielle gageure que révélait pourtant sa bouche, mon frère avait permis que j'entendisse, ainsi qu'on l'a par malheur lu, "Tes remarques, du reste (...), je dois convenir qu'elles me donnent l'envie, maintenant, en écho, et DE RIRE, et me taire...'', au lieu de ce qu'en fait il avait sans doute énoncé, "Tes remarques, du reste (...) je dois convenir qu'elles me donnent l'envie, maintenant, en écho, et D'ECRIRE, et me taire...", c'est à dire, fort simplement, reprise du célèbre "mettons enfin que je n'ai rien dit", à l'issue du sublime volume Les Fleurs de Tarbes ou la terreur dans les lettres, la prétendue leçon calculée, in extremis, sur les illustres lèvres de Jean Paulhan.
  Ces mots "en écho" y sont donc équidistants, aux rangs 53-54 des deux bords de la phrase, ainsi répartie en 54-32-54 mots selon une double césure d'or.

  Voilà ce qu'il fallait savoir pour aborder le nouvel écho de la phrase donnant les nombres de Fibonacci de rangs 9-8-7, avec entre les 8-7 une allusion entre parenthèses au "méchant parler d'outre-manche" (le texte y fait d'autres allusions ailleurs sous les formes "outre-Manche" et "Outre-manches").
  Donc, selon le parler d'outre-Rhin que je ne qualifierai pas,
9-8-7 = NEUN ACHT SIEBEN = 54+32+54 = 140.

  Peut-être faut-il redonner le début de cette phrase 325 pour ceux qui ne jugeraient pas indispensable d'aller la chercher dans le précédent billet:
          Revenant donc à lui au terme de la légère sidérale hypnose que lui avait infligée, apparemment, et la pharamineuse méridionale jactance, et l'abracadabrante kyrielle des élucubrations, l'illustre directeur de revue, après avoir (ils n'y avaient que trop perduré) ôté de ses lèvres les quatre grains de sable selon un geste divinement machinal, très simple, du revers de son bras (et c'est pourquoi, bien sûr, je crains par anticipation, en vint lors à interférer certain "méchant parler d'outre-manche"), murmura avec la plus aimable des douceurs, non pas, même au neuvième degré (...)
  A ces 34 (7) 21 (20) 13 mots suivent (12) 104 autres.

  Une bonne part de ces échos Fibonacci ou Modulor me semblent provenir du "mécanisme caché" pressenti par Ricardou. De même je n'imagine pas que Thilliez ait pu concevoir l'harmonie autour de la série Bleue, mais je soupçonne que l'accumulation de nombres de Fibonacci dans ses romans ultérieurs est plus consciente. Ainsi j'étudiais dans ce même billet Sharko (2015), où Sharko enquête sur l'assassin de 13 personnes, 5 hommes et 8 femmes.
  Le tueur avait revendiqué chacune des victimes, par 13 scarifications dans sa chair. Sharko maquille son cadavre en le lacérant de 21 coups de couteau supplémentaires. Une victime  se nomme Grégoire CORBUSIER, 34 ans.

  J'élude (pour le moment) d'autres approfondissements pour souligner les points communs entre mes investigations chez Ricardou et Thilliez. Dans le billet précédent de 2020, je soulignais l'importance du X dans Il était deux fois, et le codage en acrostiche du mot "abracadabra", mot également présent dans L'art du X de Ricardou, offrant de même un acrostiche.
  Dans le billet de 2016 sur Rêver, je supposais que l'idée d'en supprimer un chapitre (le 57e parmi 89, Fibonacci) avait été inspirée par l'erreur de l'édition originale de Deuils de miel, où il n'y avait pas de chapitre 30 (parmi 34, Fibonacci). Je ne savais pas alors que Ricardou avait volontairement omis une phrase de L'art du X, en 1983, mais que dans sa seconde édition, en 1988, une inadvertance avait supprimé une autre phrase.
  La présence de la séquence 9-8-7 dans la Préface est une interprétation de ma part, mais la réelle séquence 9-8-7 chez Thilliez sous la forme neun acht sieben y ajoute une tout autre dimension, avec les partages des phrases ricardoliennes de 140 mots. Je rappelle que les mesures de la série Bleue 32 et 54 cm équivalent aux grandeurs 13 et 21 pouces dans le système anglo-saxon, les 7e et 8e nombres de Fibonacci, et il est donc envisageable de parvenir à 987 via ces équivalences des valeurs de NEUN ACHT SIEBEN (987 = F8 x (F7 + F9), avec F9 = F8 + F7).
  Et ceci peut aller plus loin, avec le chiasme:
ACHT = 32; 32 cm = 13 pouces; 13 = F7
SIEBEN = 54; 54 cm = 21 pouces; 21 = F8

  Tiens, les deux recueils de nouvelles de Ricardou ont été imprimés en mars 1988, ce qui signifie que l'essentiel de la composition s'est fait en 1987 (j'ai souligné ailleurs que RICARDOU = 89 a eu 55 ans le 17 juin 1987).

  J'en arrive à la seconde coïncidence survenue pendant l'écriture du précédent billet. Le 16 août, à la veille de conclure, FaceBook me proposait divers groupes susceptibles de m'intéresser, avec en tête 137/1237 Synchronicity.
  La synchronicité 137 est connue des jungiens. Le physicien Pauli, co-auteur avec Jung de l'essai Synchronicité, était obsédé par ce nombre, lié à la "constante de structure fine". Il mourut dans la chambre 137 d'un hôpital de Genève.
  J'ai tenté d'accéder au groupe, créé le 15 février 2020, mais il était privé. Comme il comptait 73 membres, il m'a semblé pertinent d'en devenir le 73+1e membre, ce qui fut agréé le jour même.

  Une membre active en était une certaine Debbie, ce qui m'a rappelé qu'une Debbie avait ouvert le sujet A lady #137 sur le forum Unus Mundus, où se sont passées d'intéressantes choses en son temps.
  C'était bien la même, et ceci a provoqué un dessillement. J'avais posté en 2014 sur ce sujet ceci (en anglais),
Les nombres 1-3-7 sont en allemand EINS DREI SIEBEN, de valeurs
47+36+54 = 137
ce que j'avais oublié l'an dernier lorsque j'ai rencontré neun acht sieben acht vier chez Thilliez.

  Une belle coïncidence sur le nombre 137 est survenue le 14 octobre 2010 sur le forum Unus Mundus, lequel a été fermé récemment, ses archives n'étant plus accessibles. J'en ai parlé alors ici, puis j'y suis revenu en mars 2015 dans le billet 183 de Quaternité.
  Nous étions en train de visionner la série FlashForward basée sur une perte de connaissance de toute l'humanité pendant 137 secondes. Dans l'épisode 137 Sekunden, un Allemand prétend que ces 137 secondes viendraient de la valeur des 4 lettres de l'hébreu kaballah, "kabbale". Je savais que c'était important pour Pauli, et voulus le partager sur le forum.
  En arrivant sur sa page d'accueil, je découvris qu'un sujet récemment ouvert par le créateur du forum, Remo Roth, était le 137e de sa catégorie principale, The coniunctio. Je postai donc mon message sur ce sujet, CERN strangelets could destroy us come 11/9?, en expliquant pourquoi j'avais choisi ce sujet, et découvris que Remo avait posté la même remarque sur le rang 137 du sujet, quelques minutes plus tôt, alors que j'étais en train de composer mon message.
  Remi (c'est le nom que j'avais sur le forum) n'avait donc pas lu le message de Remo, et Remo n'avait pas lu non plus le message de Remi lorsqu'il posta un autre message, une minute après le mien. Il y rappelait par un copier/coller de ses écrits l'importance de 137 pour Pauli,  avec notamment la gématrie du mot kabbalah.

  Si les messages du forum n'ont pas été archivés, Wayback Machine donne divers états de la page d'accueil du forum, jusqu'à la fermeture en 2018The coniunctio comptait 173 sujets.

  Un plus non négligeable de l'affaire était la révélation d'une signification gématrique de 137 par un Allemand, ce qui rebondirait en 2014 avec mon étude des valeurs des noms des chiffres allemands.

  Un autre plus était nos prénoms, Remo et Remi, et ceci rebondit avec l'obsession de Ricardou pour le couple de lettres IO...
...et pour ses nom et prénom. Je mentionnai dans le précédent billet les 6 phrases énumérant les symétries de la dernière phrase commentée dans la Préface, et voici la 317e phrase:
        Doit-on encore, sous Dieu sait quel prétexte, l'obscure coalescence réitérée par une signature, il me semble, consentir un quelconque crédit (d'autres disent un "credo") à la rencontre d'"(28) émergence" et de "prénom (28)", j'en doute, puisqu'à l'exact instant où l'identité fait naufrage, en général on oublie, sauf penchant avéré pour la science, de bien compter avec ses doigts.
  On y remarque le jeu "crédit-credo". Mon second prénom est Jean, et le mot choisi par Ricardou pour faire entendre son prénom, "émer-gen-ce", me rappelle que l'origine de mon prénom vient de la tribu des Rèmes.

  Il vient ensuite tant de bizarreries diverses que je ne sais dans quel ordre présenter, alors je m'y lance pêle-mêle.
  Lorsque le groupe 137/1237 Synchronicity m'a rappelé la coïncidence 137 sur le forum Unus Mundus, à la veille de la publication de mon 316e billet, il n'a pas tardé à m'apparaître que je serais amené à en parler dans le billet suivant, soit le 317e.
  Mieux, le billet 183, Déchetterie oblique, devait son nom à un roman de John Brunner, L'orbite déchiquetée (anagramme), numéro 137 de la collection Présence du futur (ce qui m'avait conduit à évoquer les coïncidences 137). Le roman était originellement le premier volume triple de la collection, paru sous les numéros 137-138-139, 138 étant significatif car c'est l'anagramme de la valeur du titre, 183, 139 l'étant encore plus car c'est la valeur de JOHN BRUNNER.
  C'est un hasard qui m'avait conduit à redécouvrir ce roman à l'approche de la publication du billet 183, et un autre hasard qui avait permis sa publication effective le 18/3, mieux le 18/3/2015, anagramme des 7 premiers termes de la suite de Fibonacci, en partant de F0, 0-1-1-2-3-5-8.
  Parce que le billet mentionnait Al Attanasio, auteur de SF membre de Unus Mundus, de valeur 113, j'y évoquais aussi le Modulor.

  La masse des nouveaux éléments amenée par les coïncidences 987 et 137 est telle que ce billet 317 n'y suffira pas, et qu'il faudra donc poursuivre dans le billet 318, or le 31/8 approche, une date privilégiée sur Quaternité, utilisée à peu près chaque année pour une publication. L'une des raisons est qu'il s'agit du 21/13 du calendrier pataphysique, or c'est une recherche sur 2113 qui m'avait conduit à L'orbite déchiquetée, et à d'autres romans de SF où apparaît l'année 2113 (dont un de Attanasio).
  Si le billet 316 a été publié le 17/8, si le billet 318 le sera le 31/8, alors ce billet 317 se doit de l'être à mi-chemin, le 24/8, ce qui tombe doublement bien.
  2-4-8, ce sont les nombres fondamentaux de Ricardou, et ce 24/8 seront fêtés les 48 ans de ma fille Aurélie, âge éminemment ricardolien.

  Elle doit son nom à Aurélia de Nerval (Le rêve est une seconde vie), et à la veille de cet anniversaire les nouvelles annoncent la mort d'un fameux rêveur, le dernier des Everly Brothers, à l'âge non moins ricardolien de 84 ans.
  Je rappelle que cet obsédé des nombres 2-4-8, et plus particulièrement des formes 48, 84, 24, 42, est mort à 84 ans en
2016 = 24 x 84 = 48 x 42
 
  248 est aussi le nombre de mots de la 61e phrase de Résipiscence, où j'ai vu un double codage. Ses trois doubles parenthèses, (peu à peu), (on le comprend), et (mot à mot), peuvent être assemblées pour former une proposition cohérente, "peu à peu, on le comprend mot à mot", mais un autre degré consisterait à isoler les mots centraux de chaque triplet, "à-le-à", formant ALEA, "dé" en latin, "dé" qui est l'un des maîtres mots de la nouvelle.
  J'avais entrevu autre chose que j'avais tu: les lettres D-E sont aussi outre-Manche (comme outre-Rhin) les notes ré-mi.
  Absurde, ridicule, bien sûr, mais voici que je m'avise que les deux dernières phrases où la mise à part des parenthèses m'a fait entrevoir de possibles rapports dorés sont la 325e, de structure 34 (7) 21 (20) 13 (12) 104, et la 188e, de structure 54 (86), réalisent le minimum syndical du point de vue symétricologique, avec une syllabe identique aux deux bouts: ces syllabes sont RE ("Revenant" "faire") et MI ("Mieux" "émis"). Tiens, la version de la phrase 325 écourtée à sa partie 34 (7) 21 (20) 13, donnée plus haut, s'achève aussi sur la syllabe RE ("deg").

  C'est fou, mais je crois avoir montré que toute cette affaire est folle et m'implique bon gré, mal gré. J'ai donné à diverses reprises les étonnants parallèles entre certains aspects de nos écrits, alors même que nos buts divergent radicalement, et que je ne ressens guère de sympathie envers le personnage. Mon séjour à l'IMEC m'a fait découvrir un autre point commun que je dévoilerai prochainement.

  Dans le cadre de ce 317e billet, il est plus immédiat de remarquer que la phrase 325 vient 137 phrases après la phrase 188.
  Considérer ensemble ces phrases m'a conduit à autre chose que le 9-8-7 allemand donnant les 140 mots de la phrase 188. La phrase 325 a en tout 172 mots hors les parenthèses, soit deux fois 86, le nombre précédant 140 dans la série Bleue.
  L'esthétique du nombre d'or s'appuie en principe sur la propriété mathématique de la "divine proportion", supposée harmoniser idéalement trois quantités. Si ceci peut se comprendre, il est plus difficile d'accepter l'idée partagée par beaucoup de peintres que l'harmonie perdure dans ce que Sérusier nommait la "double coupe d'or". C'est-à-dire que si un rectangle d'or a pour longueur a et pour largeur b, le rectangle a x 2b serait aussi harmonieux.
  J'ai envisagé que Ricardou eût été inspiré par cette idée pour les deux dernières phrases de la Préface, en 183 et 226 mots (je sais maintenant que ces 226 mots n'étaient pas prévus au départ).
  Il me semble d'ailleurs que cette idée eût pu influencer Le Corbusier, avec le doublement des valeurs de la série Rouge par celle de la série Bleue. Si une seule échelle de mesures était insuffisante, il y avait d'autres solutions (comme celle d'une progression géométrique avec pour raison la racine du nombre d'or).

  Ce 317e billet est en outre le 137e billet écrit à Esparron, après notre déménagement fin 2014. L'écriture du 1er billet esparronnais, meshane maqom, m'a conduit à ces que j'estime souvent être ma plus belle découverte, un magnifique chiasme utilisant les valeurs des huit premiers termes de la suite de Fibonacci écrits en anglais:
ONE+ONE+TWO+THREE+FIVE+EIGHT = 13x21
1x1x2x3x5x8  = THIRTEEN+TWENTYONE
Vérification sur le Gématron.

  La somme totale des valeurs de ces 8 nombres étant 513, j'avais eu la curiosité d'en calculer la section d'or entière approchée, soit 317, ce qui ne m'avait d'abord pas été évocateur.
  Plus tard, lorsque j'ai utilisé ces harmonies dans un sonnet de 513 lettres, je me suis avisé que 317 se répartissait au stade suivant en 196 et 121, les carrés de 14 et 11, avec divers rebonds.

  Lors de mon exploration en 2014 des égalités entre nombres et valeurs de leurs chiffres dans différentes langues, je n'avais vu que 137 et 160 en allemand (et 146 en anglais).
  Je n'avais pas alors considéré les nombres de deux chiffres, imaginant qu'un résultat serait improbable. J'avais tort, car
86 = ACHT + SECHS = 32 + 54 = 86.

  Attendu que trois autres chiffres allemands (4-7-9) ont pour valeur 54, le même jeu 32-54 (série Bleue) se rencontre pour 8 nombres, notamment les 48 et 84 chers à Ricardou.
  A considérer aussi les renversements 86-98 et 68-89.

  Dans le roman de Thilliez, le nombre 98784 représentait le nombre de battements du coeur du tueur pendant les 24 heures où il torturait à mort les parents d'un enfant, sur le crâne duquel il tatouait ensuite le nombre. Il y a d'autres nombres de ce type, puisqu'il y a eu 7 couples assassinés, mais 98784 est le seul nombre qui, divisé par 1440 (nombre de minutes par jour), donne un résultat sans reste, 68,6.
  Je n'avais pas souligné alors que sechs-acht-sechs donnait aussi une double césure dans la série Bleue, 54-32-54.
  "coeur" est un mot essentiel dans les écrits symétricologiques de Ricardou, supposé se nommer Jean Ricoeur dans la Préface, et être mort d'un accident de la circulation (cardiaque) dans Le lapsus circulaire.

  Le titre du 316e billet était Une intégrale transmutation, mots présents dans la phrase avec les Fibos 9-8-7, se trouvant avec bonheur totaliser la valeur 316.
  Attendu que "transmutation" est un mot de 13 lettres, j'ai cherché un adjectif de 7 lettres dont la valeur ajoutée à "une transmutation" permettrait d'arriver à 317 pour ce 317e billet.


17.8.21

une intégrale transmutation


  Retour aux textes symétricologiques de Ricardou qui m'occupent depuis plus de trois ans, après consultation des tapuscrits conservés à l'IMEC.
  Cette étude m'a peu à peu conduit à envisager une formidable structure de ces textes, publiés en 1988 dans deux recueils parus simultanément, Révolutions minuscules et La cathédrale de Sens, notamment Révélations minuscules, en guise de préface, à la gloire de Jean Paulhan, présenté comme une préface à l'ensemble des 16 textes des deux volumes, signée d'une prétendue soeur de l'écrivain donné pour disparu, Noëlle Riçoeur.
  Cette Préface, présentée en 4e de couverture comme "un inédit capital d'une centaine de pages", couvre en fait exactement 100 pages, 99 si l'on omet une page blanche au verso de l'épigraphe de la page 9, et ceci semble avoir été minutieusement calculé, car, page 100, il est souligné que la phrase symétricologique donnée page précédente, avec tous ses mots numérotés, a pour centre son 99e mot, "centre" précisément. Outre le jeu "99-cent(re)", souligné, ce nombre n'est pas gratuit, et est un hommage à Jean Paulhan qui a pour la première fois édité en 1961 une nouvelle de Ricardou dans le n° 99 de la NRF, laquelle est d'abord reparue en 1953 sous le titre Nouvelle Nouvelle Revue Française, pour se démarquer d'une dérive collaborationniste pendant l'Occupation.
  Comme "nouvelle" est de même étymologie que "neuf", cette parution dans le n° 99 de la NRF pouvait faire sens pour Ricardou. Elle a repris en 1958 son nom de Nouvelle Revue Française, mais il feint de l'ignorer.

  Cette phrase de 197 mots page 99 avec "centre" au centre avait été précédemment donnée page 47, avec quelques modifications:
  C'est moi qui ai isolé par un rectangle rouge certaines lettres qui m'étaient significatives. Elles font partie d'une imitation du logo de l'éditeur, les impressions nouvelles, détourné en les romances nouvelles, transformation du plus célèbre titre de Ricardou, son essai Le nouveau roman.
 
  L'édition originale de 1973 offrait une particularité à laquelle il est fait allusion dans la phrase.
  Le verso immédiat de la couverture donnait les signatures de quatre nouveaux romanciers, Michel Butor, Claude Ollier, Robert Pinget, et Ricardou lui-même. Peu avant la phrase de la page 47, il avançait que ce livre n'avait été qu'un prétexte pour réaliser ce qui lui importait: disposer sa signature au bas du revers de la couverture, au haut de laquelle était typographié son nom, selon une double symétrie, recto et verso, haut et bas (on pourrait y ajouter l'inversion du fond, blanc et noir).
  Par ailleurs, ce qu'il omet de préciser, cette signature est centrale parmi celles des sept romanciers étudiés, les trois autres étant exhibées en 3e de couverture, Robbe-Grillet, Sarraute, Simon. C'est à se demander si Ricardou n'aurait pas choisi ses auteurs pour pouvoir figurer par ordre alphabétique en leur exact milieu, car d'autres noms associés au genre pouvaient être proposés.
  Sa signature se limite souvent à une "empreinte d'oiseau", les initiales JR stylisées, une sorte de croix, symbole primordial qui apparaît aussi dans le détail de Mondrian en couverture, comme dans le logo de l'éditeur, avec le croisement entre "impressions" (devenu "romances") et "nouvelles".
  L'oiseau est le "porte-plume", l'écrivain.

  Lors d'une partie dominicale de pétanque aux arènes de Lutèce, Paulhan fit un score nul, ce qui lui imposa d'embrasser le "cul de Fanny", selon la coutume du jeu. Un postérieur fut dessiné sur le sol, et lorsque Paulhan se releva, Ricardou remarqua trois grains de sable sur sa lèvre supérieure, et un grain sur la lèvre inférieure, ce qui lui évoqua la triple fourche de sa signature.

  C'était donc ce qu'il fallait savoir pour comprendre la phrase cruciale de la page 47, reprise numérotée page 99, et commentée ensuite, j'y reviendrai.
  Il y a une autre autoréférence dans la nouvelle de 80 pages ouvrant l'autre recueil, Le lapsus circulaire, où certaines phrases sont symétricologiques. C'est ainsi que page 66, il est indiqué de se reporter à la page 61, dont une phrase de 75 mots est ensuite commentée.
  99 et 61 m'étaient significatifs, car ce sont les valeurs de NOUVEAU et ROMAN, selon les rangs des lettres dans l'alphabet, et il devenait essentiel de savoir si Ricardou avait calibré ce texte afin de faire apparaître sa phrase page 61, de même que pour la phrase page 99 de la Préface.

  J'ai pensé en trouver une preuve en juin dernier en constatant que la phrase de la page 66, invitant à se reporter à une phrase de la page 61, était construite sur le modèle de cette phrase, et qu'elle multipliait les syllabes "si" symétriques, notamment le début et la fin, "ainsi" et "sien", "si-si" page "six-six"...
  Davantage, ces mots peuvent s'entendre "un-six" et "six-un", or les autres phrases de ce texte explicitement données comme symétricologiques sont page 16, également nombre de nouvelles des recueils, Préface mise à part.
  Par ailleurs, un autre nouveau texte de ces recueils est la nouvelle Résipiscence, également écrite en symétricologie, et basée sur le nombre 16. Ricardou semble y avoir exploité le fait que 16, carré de 4, s'écrit SEIZE de valeur 64, carré de 8; les nombres fondamentaux que Ricardou revendique pour la construction de ses textes sont 4 et 8, nombres de lettres de ses prénom et nom.
  Les phrases les plus longues de la nouvelle sont les phrases 16 et 61, et il semble bien que Ricardou y ait calculé les rangs de ses phrases: la 16e phrase décrit les 16 vêtement d'une strip-teaseuse, la 64e phrase a "seize" en 16e position.

  Ceci a conforté la structure de la Préface que j'envisageais, à partir des nombres 61 et 99 (et 8):
- la 1ère phrase a 61 mots;
- la 61e phrase a 99 mots;
- 99 phrases plus loin, la 160e phrase est précisément celle de la page 47, celle avec la représentation spéciale "les romances nouvelles", pour "le nouveau roman";
- 160 phrases plus loin s'achèvent les commentaires sur cette 160e phrase, reprise numérotée au sein de la 314e phrase, page 99, et suivie de 6 phrases de commentaires (1+6?);
- le texte s'achève sur 8 phrases, toutes très longues, vraisemblablement parce que Ricardou souhaitait terminer son texte page 108, pour qu'il occupe 100 pages, 99 en omettant la page blanche au verso de l'épigraphe.

  Il n'y a qu'un seul tapuscrit du Lapsus circulaire à l'IMEC, offrant vraisemblablement un stade presque final du texte, avant sa mise en page définitive. Il est suffisant pour montrer que le numéro 61 de la page autotéférencée n'était pas prémédité. Il s'agissait de la page 54 de l'état antérieur du texte, un 54 barré et remplacé par 66, la phrase incriminée occupant maintenant la page 66 (ce qui aurait pu être significatif face au 99 de la Préface).
  Marc Avelot, lequel a collaboré avec Ricardou à l'édition des recueils, m'a confirmé que celui-ci avait effectivement attendu les ultimes épreuves pour donner le nombre 61 correspondant à la phrase en question. La phrase de la page 66 du livre invitant à se reporter à la page 61 était identique dans son état antérieur, où bien sûr elle ne figurait pas page 66.

  L'IMEC possède deux tapuscrits complets de la Préface. Le premier est lourdement surchargé de corrections et modifications. Il y a souvent des mots ajoutés, probablement parce que les phrases à degré élevé de symétricologie étaient écrites sur des bandes de papier (des feuilles A4 coupées en 8 bandes, satisfaisant à l'obsession de l'auteur pour les nombres 4 et 8), avec un même nombre de mots par bande, et de multiples ratures ou ajouts pour obtenir les symétries désirées. Les bandes étaient ensuite réunies par des gommettes, et le fragile ensemble était aussitôt saisi sur l'ordinateur avant qu'il ne se désagrège. La dactylo était pardonnable d'omettre des mots dans ces conditions, d'autant que ces phrases sont souvent fort tarabiscotées.

  Bref, divers cas se présentent, un mot ajouté ne signifiant pas nécessairement qu'il ne figurait pas sur le manuscrit de Ricardou, détruit. Il est cependant indubitable que la 61e phrase n'avait pas originellement 99 mots, et c'est un autre élément de mon architecture 61-99-160 qui disparaît... 
  Toutefois le nombre des phrases et leur ordre était déjà établi dans ce premier tapuscrit, et il est envisageable que ces 328 phrases mettent en oeuvre les nombres fétiches 4 et 8, 4 fois 80 plus 8, par exemple, mais je ne me hasarde plus à aucune affirmation péremptoire.

 J'avais vu aussi que la relation essentielle 61-99-160 pouvait s'écrire
ROMAN + NOUVEAU = 061 + 99 = 160,
061-99-160 offrant une remarquable symétrie, maître mot du procédé de composition.
 61-99-160 sont aussi les termes 7-8-9 d'une suite additive de type Fibonacci (1-7-8-15-23-38-61-99-160). Des témoignages attestent qu'il était vivement intéressé par la suite de Fibonacci proprement dite (1-1-2-3-5-8-13-21-34-55-89-144...), et par le Modulor, système de mesures architecturales imaginé par Le Corbusier à partir de cette suite, en demi-pouces et pouces. Aux mesures 55-89-144 en demi-pouces et pouces correspondent dans le système métrique 70-113-183 cm, et 140-226-366 cm.
   Il y a au moins un témoignage publié, Oui et non, dans la revue Sud (avril 1983), où Ricardou déclare avoir lu le livre fondamental en la matière, Le nombre d'or de Matila Ghyka (1931). Le livre est préfacé par Paul Valéry, dont Ricardou s'imagine être le fils dans Le lapsus circulaire. La Préface (de Ricardou) avance que Valéry ait utilisé la symétricologie, avec une analyse convaincante du Cimetière marin.

    Dès ma première approche de la Préface, il m'a semblé qu'elle devait se clore sur un summum, ce qui m'a conduit à la découverte d'une possibilité d'harmonie dorée dans ses deux dernières phrases,  comptant 183 et 226 mots, soit les deux derniers nombres de l'instrument Modulor du Corbusier. La symétricologie donnait en outre pour centres de ces phrases "coeur" (il est supposé se nommer Jean Ricoeur), et "j'en" (Jean). Les 226 cm du Modulor équivalent à 89 pouces, précisément la valeur du nom RICARDOU (et celle de RICOEUR).
  Je croyais avoir vu la lettre grecque phi, φ, symbole du nombre d'or, 8 mots avant la fin de la longue dernière phrase,
mais il s'agit en fait du symbole du deleatur, signifiant qu'un mot doit être supprimé.

  Si la pénultième phrase a bien 183 mots sur le premier tapuscrit, la dernière n'en a que 219: il y manque le 16e mot, "illusoires", ainsi que "désormais" et "comment vouliez-vous que je (φ),", visibles sur le scan ci-dessus.
  Ricardou a indiqué en marge d'insérer "désormais" et "comment vouliez-vous ,", ce qui fut fait dans le second tapuscrit, où il a suffi de passer de 36 à 33 lignes par page pour que le mot "(99) centre (99)" apparaisse page 99, et que le texte complet couvre 100 pages, 99 en omettant la page blanche au verso de l'épigraphe. C'est sur ce second tapuscrit qu'il a demandé de remplacer "de feuillets" par "d'illusoires feuillets", et d'insérer "que je (  )".
  A noter que, sans cette dernière insertion, les mots "j'en" figureraient au centre exact des 224 mots que compterait la phrase, et je reste persuadé que cette signature était intentionnelle, même si elle était légèrement décalée dans la forme finale, ou le centre tombe juste après "j'en" (ce qui peut être significatif selon le Modulor). La symétricologie joue aussi au niveau du paragraphe, et celui signalé plus haut, où Ricardou révèle l'importance pour lui de la présence symétrique de ses nom et prénom en couverture, est formé de trois phrases totalisant 166 mots, les mots centraux étant "j'en".
  A signaler aussi que le deleatur était initialement prévu pour être inséré page 103, dans "comment vouliez-vous que je ( ) s'il était maintenant ou midi ou minuit,"; Ricardou a indiqué en marge du premier tapuscrit qu'il inscrirait un deleatur sur le bon à tirer. Ce passage est donc demeuré tel quel dans le livre, et c'est à sa dernière page qu'est apparu le deleatur.

  A moins d'extravagantes acrobaties, il me faut désormais renoncer à ce que les 226 mots de la phrase finale aient été initialement prévus. De même il est clair que dans les deux passages ( ) le mot omis est "susse", alors que j'avais envisagé "fisse" ou "fis" pour la dernière phrase, exploitant la ressemblance du deleatur avec "phi", φ.
  Je ne renonce pas aujourd'hui à considérer mon interprétation comme séduisante, ne voyant guère comment comprendre la dernière phrase, et me demandant s'il y avait besoin de pondre les 183 mots de la précédente pour en exalter le centre, "coeur".

  Ricardou, à la suite de Valéry, assurait qu'une fois un texte publié, son auteur n'avait pas plus droit que quiconque à l'interpréter. Le Talmud allait jusqu'à contester Dieu sur certains points de sa Tora (voir ici, rubrique Le texte du jour).
   Ricardou précise sa pensée dans divers textes, comme Oui et non déjà mentionné. L'écrivain est partagé entre deux postures, celle de l'auteur "qui a quelque chose à dire", et celle du scripteur "qui s'accepte l'agent d'un quelque chose à faire dont la complexité, à mesure, s'amplifie". Ceci sera développé dans les milliers de pages de textique qu'il est hors de question d'aborder ici, ce dont je serais d'ailleurs incapable.

  Bref je constate que c'est le texte publié qui m'est intensément significatif, comme si c'était ce "quelque chose à faire" qui avait orienté le "quelque chose à dire" par des voies détournées, les tâtonnements, les hasards, sinon les erreurs, comme s'il y avait un feedback entre les deux, comme si l'effet précédait la cause. Etrangement, une phrase de la Préface l'énonce:
        Prétendre à un si radical bouleversement de la perspective, où la cause et l'effet échangent en somme leurs fonctions, c'est courir le péril, cependant, j'en conviens, que plusieurs d'entre vous, improbables, ô mes lecteurs rétifs aux révolutions même si miniatures, accusent mon abusif penchant pour les palinodies de m'avoir excité, cette fois, à pousser le bouchon un peu loin.
  Cette phrase survient dans un contexte trivial: Ricardou semble feindre d'avoir inclus Jean-Pierre Richard parmi les joueurs de boules autour de Paulhan, prétexte à une facette de cette Préface que je trouve navrante, traiter cryptiquement de "con" ce professeur de la Sorbonne. La phrase est cependant bien là, et sa seule soumission à la symétricologie semble être de mettre en relation deux opposés, "près" ("pré") et "loin" (mais c'est loin d'être la seule phrase dans ce cas).

  Depuis maintenant 36 ans que je me consacre à l'exégèse de divers textes, j'ai souvent vu la complexité évoluer jusqu'à l'improbable, sinon l'impossible. Ce cas de la symétricologie ricardolienne me semble fort proche de celui de la théorie du 11-43 de Bernard Magné, selon lequel Perec aurait jalonné son oeuvre de ces marqueurs autobiographiques évoquant la déportation de sa mère le 11 février 1943.   Ce n'est pas par hasard si, dans cette adaptation BD par William Henne de La disparition de Perek de Hervé Le Tellier, le code permettant d'ouvrir une mallette est 1143.
  Je me suis pris au jeu, et ma plus belle trouvaille concerne un des derniers textes de Perec, Noce de Kmar Bendana & Noureddine Mechri, dont les 5 strophes impaires sont composées à partir des lettres de l'épouse, incorporant à chaque étape une lettre du nom de l'époux. Alors voilà:
- les strophes totalisent en tout 594 lettres, 473 de la série KMARBEND, soit 11x43, et 121 des lettres différentes de l'époux, OUICH, soit 11x11;
- la première strophe débute par 2 vers totalisant 11 mots et 43 lettres;
- Kmar Bendana est un nom de 11 lettres débutant par la 11e lettre, K;
- la valeur des lettres KMAR (11-13-1-18) totalise 43.

  J'ai été ébahi de cette architecture, et l'ai été encore plus quelque temps plus tard lorsque j'ai eu accès aux brouillons du texte, lesquels montraient sans le moindre doute que rien de ce qui précède n'avait été prévu par Perec, ni d'autres aspects tout aussi ébouriffants.
  Ceci peut annihiler la thèse de Magné, ou du moins inviter à une autre perspective: comment une théorie établie après la mort de Perec peut-elle être si étroitement corrélée à un texte composé à la va-vite?

  Il ne peut y avoir de réponse simple à cette question, mais le parallèle avec le cas Ricardou saute aux yeux, et je connais moult exemples de ce genre, leur non-intentionnalité n'étant toutefois pas aussi immédiate (sauf pour mes textes, où la certitude m'est propre).

  Je n'ai étudié plus haut que les points où les tapuscrits contredisaient mes analyses, mais d'autres phrases essentielles pour moi étaient présentes à l'identique dès le premier tapuscrit.
  Mon schéma 160+160+8 m'avait fait avancer ici l'idée que chacune des 8 dernières phrases de la Préface offrait un codage complexe, et j'y présentais mon décodage des 256 mots de la phrase 1, en rapport avec le Modulor, déduit des 226 mots de la phrase 8. Attendu que cette phrase 8 n'avait d'abord pas 226 mots, ma déduction ne vaut plus rien, du moins dans l'optique raisonnable de l'intentionnalité, et de fait la phrase 1 n'avait pas 256 mots dans le premier tapuscrit, mais 248. Le fait que ces phrases aient été modifiées montrerait en outre qu'elles étaient au départ exemptes d'un codage complexe.
  Je n'avais pas alors vu que les phrases "décodées " à ce stade, 1-7-8, toutes associées au Modulor, correspondaient aux premiers termes de la suite additive 1-7-8-15-23-38-61-99-160..., avec la répartition vue supra 61-99-160 des 320 phrases.

  Depuis, j'ai imaginé avoir décodé deux autres de ces 8 phrases, non encore commentées, grâce à la mise à part des parenthèses qui s'est avérée féconde pour le 178e paragraphe du Lapsus circulaire. La 5e est
          Revenant donc à lui au terme de la légère sidérale hypnose que lui avait infligée, apparemment, et la pharamineuse méridionale jactance, et l'abracadabrante kyrielle des élucubrations, l'illustre directeur de revue, après avoir (ils n'y avaient que trop perduré) ôté de ses lèvres les quatre grains de sable selon un geste divinement machinal, très simple, du revers de son bras (et c'est pourquoi, bien sûr, je crains par anticipation, en vint lors à interférer certain "méchant parler d'outre-manche"), murmura avec la plus aimable des douceurs, non pas, même au neuvième degré (qui vous parle du cimetière des parenthèses au bord de l'eau ?), ce n'était guère son genre, et même si les moins scrupuleux d'entre vous eussent souhaité pouvoir en nourrir le pire de leur chuchotis, "ma chère âme, je ne suis pas tout à fait celle que vous croyez", mais tout bonnement, ayant su lire entre les lignes à demi-mots qu'il s'agissait, outre les sphères, plutôt un peu de littérature, "mon cher ami, votre jeu est trop compliqué pour que quiconque, y compris vous à plus d'un titre, et sauf le Très-Haut peut-être, avec ses machines, puisse jamais apercevoir l'intégrale transmutation que vous me paraissez avoir le dessein de faire...".
  Les parenthèses découpent cette phrase ainsi:
34 (7) 21 (20) 13 (12) 104.
  L'amateur de la suite de Fibonacci ne peut manquer de remarquer que 34-21-13 en sont les termes de rangs 9-8-7, et, s'il la connaît plus loin que le bout de ses doigts, que 987 en est le 16e terme (1-1-2-3-5-8-13-21-34-55-89-144-233-377-610-987...).
  L'une des propriétés de cette suite est qu'un terme de rang 2n peut être exprimé comme le produit du terme de rang n par la somme des deux termes adjacents, soit
F2n  =  Fn x (Fn-1 + Fn+1)
or, dans le cas de F16, ceci devient
987  =  F8 x (F7 + F9) ou en chiffres 21 x (13+34).
  C'est grâce à la phrase de Ricardou que je me suis avisé de cette curiosité concernant 7-8-9, curiosité qui n'avait peut-être jamais été remarquée par quiconque.

  7-8-9 serait aussi en adéquation avec la structure envisagée pour les 320 premières phrases de la Préface, 61-99-160, termes 7-8-9 de la suite additive débutant par 1-7-8.
  Il est remarquable que Ricardou énonce explicitement que la Préface devrait figurer entre les 9 nouvelles du premier recueil, Révolutions minuscules, et les 7 du second, La cathédrale de Sens,
           Heureusement, un brin de réconfort m'est revenu en observant que, par une ostentatoire insigne chance, le mot "(53) Nouvelles (53)" en occupait l'indubitable centre, ce qui n'est que justice, et la moindre, puisque l'actuelle préface doit virtuellement figurer en le vide milieu séparant deux brefs recueils d'histoires, sauf ignorante hache, vous le savez, Saigneur.
or je considérais que les 8 dernières phrases de la Préface devaient être considérées à part des 320 premières (correspondant aux termes 7-8-9 d'une suite additive).

  La phrase compte 211 mots en tout, et elle est à cheval sur les pages 105 et 106.
  105+106 = 211, et je rappelle qu'il est au moins acquis que Ricardou a calibré son texte pour faire apparaître le mot "(99) centre (99)" page 99.
  211 pourrait être significatif, car 2-1-1 sont les termes 3-2-1 de la suite de Fibonacci, alors que les parenthèses font apparaître au début de la phrase les termes 9-8-7. Se pourrait-il que la triade intermédiaire apparaisse, les termes 6-5-4, soit les nombres 8-5-3?
  Oui. C'est le moment de s'intéresser aux 104 mots achevant la phrase, soit 8 fois 13. Un découpage en est possible par les citations entre guillemets, 25 "14" 23 "42", pouvant se partager en 39 (25+14) et 65 (23+42), soit 3 et 5 fois 13: 3+5=8.
  En outre, la phrase est la 5e des 8 dernières phrases de la Préface: 8=5+3.

  Les 3 expressions entre parenthèses totalisent 39 mots, 3 fois 13, encore un produit de deux nombres de Fibonacci. Si le mot central des 211 mots, "l'", n'éveille rien d'immédiat, le mot central des 39 mots des parenthèses est "lors", évoquant "l'or", or une des propriétés des suites additives de type Fibonacci est que le rapport de deux termes consécutifs tend vers le nombre d'or.
  "lors" est le 20e mot des parenthèses, apparaissant dans "en vint lors", qu'il serait tentant de lire "en 20 l'or"...

  Alors? Quel sens donner à cette accumulation fibonacienne? Peut-être Ricardou a-t-il réalisé "l'intégrale transmutation" envisagée par Paulhan à la fin de la phrase.
  Dans Oui et non déjà cité, Ricardou se prêtait au jeu d'imaginer comment il aurait pu utiliser la suite de Fibonacci dans La prise de Constantinople, avec des propositions qui me semblent loin d'être convaincantes, mais il est vrai qu'elles sont toutes présentées dans l'optique du "il se pourrait que"... Les premiers nombres de Fibonacci, 1-2-3-5-8, apparaîtraient vraisemblablement dans de multiples autres textes sans qu'une intention puisse en être dégagée. Selon moi, un nombre n'est "de Fibonacci" que s'il apparaît corrélé avec d'autres nombres de la suite.
  La seule proposition qui pourrait aller dans ce sens est cette citation extraite du roman, seule occurrence du nombre 13,
Des treize lettres qui forment Constellation et des quatorze qui édifient Constantinople, douze sont communes. Si l'on ajoute que les cinq premières lettres de ce quasi-anagramme ...
  On aurait donc 13 lettres de "Constellation" ainsi réparties en 5-8, mais ce n'est pas explicitement souligné, et Ricardou a omis peut-être mieux. Il signale que le chroniqueur officiel de la prise de Constantinople est Villehardouin, lequel partage 5 lettres consécutives en commun avec Ricardou, ce qu'il avait déjà remarqué dans Naissance d'une fiction (1971), où il n'était aucunement question de Fibonacci.
  Il aurait pu être souligné que les noms des deux chroniqueurs ont 13 et 8 lettres, partagées selon ce critère en 8-5 et 5-3.
   Davantage, ces lettres "ardou" donnent l'anagramme "Au (symbole atomique) d'or".

  Hélas, le dernier "argument" de Oui et non, celui qui devrait être le plus convaincant, me semble consternant, comme si Ricardou faisait peu de cas de l'intelligence de ses lecteurs:


  Il m'étonnerait fort que Ricardou ait pensé à ceci en citant "Pise" et "1203" dans La prise de Constantinople, dont une parfaite anagramme est "Léonard le petit Pisan, cons!"

  Rien à voir avec les nombres de Fibonacci 34-21-13 égrenés successivement dans une phrase d'un texte dont les mots sont explicitement comptés.
  Il manquait un mot de cette phrase sur le premier tapuscrit ("divinement"), mais comme déjà dit on ne peut en inférer qu'il manquait sur le manuscrit original.
  Il semble y avoir une coquille dans l'extrait de Oui et non donné ci-dessus, car le titre du livre de Fibonacci n'est pas Liber Aba, mais Liber abaci. Tiens, aux lettres a-b-a correspondent les rangs 1-2-1, 1-1-2 étant les trois premiers termes de la fameuse suite, ceux-là mêmes que j'ai associés aux 211 mots de la phrase 34-21-13.


   J'en viens à plus raisonnable. La consultation des tapuscrits et épreuves m'a fait comprendre à quel point il avait été difficile à Ricardou d'obtenir ce qu'il voulait pour l'insertion de "les romances nouvelles" sous la forme du logo de l'éditeur. Non seulement il devait être réalisé de façon très précise, mais il fallait aussi l'insérer dans la phrase, comme vu plus haut dans la première présentation de cette phrase numéro 160, page 47.
  Pourquoi cette forme, pourquoi cette insertion? Il me semble pouvoir apporter une réponse, en présentant la seconde forme de cette phrase, donnée pages 98-99-100, introduite par les 22 mots de la phrase 314. La forme totalement numérotée étant peu lisible, j'ai choisi de ne numéroter que les mots ensuite commentés, avec des flèches pointant vers les mots numérotés:


  Les 6 phrases suivantes commentent les symétries:
- "centre", 99e mot, page 99, reprenant la syllabe "ce" des premier et dernier mots, "Ce" et "concordance";
- "triple fourche" et "auguste bouche", aux rangs 90-91;
- "prénom" et "émergence" (Jean) aux rangs 28;
- "les romances nouvelles" et "telle préface sempiternelle" aux rangs 49-50-51;
- les ouvertures et fermetures des parenthèses, aux rangs 58 et 79, formant "écriture, jeu avec lecture";
- enfin "auteur révolu" fait face aux "nouveaux imprimeurs", rangs 24-25.

 Il m'est apparu que la disposition choisie permet d'isoler le rang (50) de "romances", et que ce numéro est à gauche du mot, alors que dans la seconde moitié du texte les numéros sont à droite des mots correspondants.
  Bref je me suis avisé que (50) est à mi-chemin entre (1) et (99), et que les mots d'ordre (50), "préface" et "romances" comportent aussi la syllabe "ce" de ces mots de rangs (1) et (99), "Ce", "centre", et "concordance".
  Ceci pourrait expliquer pas mal de choses, pourquoi "roman" est devenu "romance", pourquoi ce texte est une "préface", alors qu'il est nettement plus long que l'ensemble des neuf nouvelles de Révolutions minuscules, pourquoi il est insisté sur la présence de "cent" dans "centre", au centre donc de deux (50).

  Note du 26/10/2023: je m'avise aujourd'hui que les mots "romances (50) nouvelles (49)", se croisant en cette page 99, cas unique, ont pour somme de leurs indices 99, ce qui est encore bien venu, intentionnel ou non (mais j'imagine que Ricardou ignorait que NOUVEAU=99). 
  Ailleurs, page 52, dans la phrase qui a pour centre "Nouvelles impressions d'Afrique", Ricardou affiche la tranquille certitude que l'adjectif "nouvelle" convient à ce qui fait "neuf".

  La première forme de la phrase, page 47, donnée plus haut, avait 200 mots, avec au centre "(100) juste centre (100)". Comme les mots ajoutés l'ont été non loin du centre, les mots "(50) préface" et "romances (50)" en sont équidistants, et il peut y avoir un autre niveau, avec aux rangs 25 "(25) imprimeurs" et "auteur (25)". Je rappelle que "romances" remplace "impressions" du nom de l'éditeur.
   Lors de la fondation en 1985 de la maison, dont le but premier avait été d'éditer l'oeuvre textique de Ricardou, c'est Marc Avelot qui avait eu l'idée de ce nom, et Patrice Hamel qui avait élaboré le logo. Je ne sais s'il pensait au dernier mot de la phrase essentielle de Ricardou en concevant cette symétrie du mot "concordance":


  Alors que certains mots, comme "conscience", sont utilisés ailleurs dans la Préface pour former "ce con", la "pire structurale injure" adressée au professeur Richard, le mot "concordance" offre, au milieu des syllabes "ce con", "cordan", or Ricardou adapte quelques mots précédemment le logo en transformant le "n" de "romance" en le "u" de "nouvelle", ainsi "cordan" est la quasi-anagramme de "cardou", dans ce texte où Ricardou est supposé se nommer Ricoeur, et où "coeur" est sa signature codée au centre de la pénultième phrase...
  Inadvertance ou auto-dérision?
Note du 3/9: Il m'est venu que "ce con", issu par symétricologie d'une phrase de JP Richard, utilise aussi la syllabe "ce", d'où peut-être une autre dimension à ce jeu.

  Entre les jalons (1)-(50)-(99)-(50)-(1), aux 5 syllabes "ce", il y a chaque fois 48 mots, une des formes des nombres fétiches de Ricardou, 4 et 8. Je rappelle qu'il avait demandé à son ami Denis Roche de lui réserver le numéro 48 de la collection Fiction & Cie.
  4 fois 48 mots dans une phrase qui m'a semblé associée à la structure des 328 phrases de la Préface, vues comme 320+8, ou 4 fois 80 plus 8.

  Avant mon passage à l'IMEC je pensais avoir décodé une autre de ces 8 dernières phrases, et le jeu "Ce"-"préface"-"centre"-"romances"-"concordance" découvert ensuite me semble aller dans le même sens.
  Il s'agit de l'antépénultième phrase, en 187 mots:
           C'est pourquoi, immensément carbonisé, sur le champ, en ses pourpres tréfonds combustibles, par tel suave vigoureux verdict sans appel, mon improbable client (qui vous parle, vous, les blancs, de vous introduire dans son histoire ?), et si l'on excepte, je dois en convenir, publié dans le numéro quatre vingt dix neuf (c'était, si du moins j'ai bien lu, page sans, la seule structurale issue, évidemment, pour l'y soustraire), dans le numéro quatre vingt dix neuf (une acrobatie, m'avait-il confié l'ultime soir, singulièrement osé, il y perdit son être, de ses expériences obscures) de La Nouvelle Nouvelle Révolution Française (il la nommait alors, que n'a-t-il murmuré, "la nounou des rêves”), en guise de testament, tout littéraire, un minime récit, L'encensement d'un toilier, ou quelque chose de ce genre, et qui évoquait (c'est la moindre des politesses) une pétanque au bord de l'eau, mon improbable client (qui vous parle, bande de blancs, malgré mes balbutiements, de l'introduire dans vos histoires ?) avait d'emblée, s'agissant de l'Art des Lettres, purement et définitivement renoncé.
  Les parenthèses divisent la phrase ainsi:
23 (12) 17 (20) 7 (20) 6 (14) 23 (6) 10 (15) 14,
et ôter les propositions entre parenthèses mène à exactement 100 mots, dont le centre tombe entre les deux "Nouvelle":
           C'est pourquoi, immensément carbonisé, sur le champ, en ses pourpres tréfonds combustibles, par tel suave vigoureux verdict sans appel, mon improbable client, et si l'on excepte, je dois en convenir, publié dans le numéro quatre vingt dix neuf, dans le numéro quatre vingt dix neuf de La (50) Nouvelle Nouvelle (50) Révolution Française, en guise de testament, tout littéraire, un minime récit, L'encensement d'un toilier, ou quelque chose de ce genre, et qui évoquait une pétanque au bord de l'eau, mon improbable client avait d'emblée, s'agissant de l'Art des Lettres, purement et définitivement renoncé.
  Le "verdict vigoureux" dont il est question, c'est celui de Paulhan à la fin de la phrase précédente, dont la saturation en nombres de Fibonacci a été étudiée plus haut, verdict qui aurait donc conduit le jeune auteur à ne publier qu'un texte, la nouvelle Lancement d'un voilier dans le n° 99 de la NRF.
  La phrase suivante conduit Noëlle Riçoeur à constater que, puisque son frère n'a écrit ni Révolutions minuscules ni La cathédrale de Sens, une préface n'a plus lieu d'être, et la dernière phrase laisse entendre que ses illusoires feuillets n'auront plus d'existence que dans son esprit.

  La Nouvelle Nouvelle Révolution Française, c'est plutôt pour le n° 99 de mars 1961 La Nouvelle Revue Française, car Ricardou sait bien que le doublement de "Nouvelle" a été aboli en 1958, et sans doute imagine-t-il que ses lecteurs le savent aussi. Rétablir le titre réel conduit donc à 99 mots, avec pour centre au rang 50 le mot "nouvelle".
  Est-ce un hasard si la syllabe initiale comme finale est encore "ce" ("C'est" et "renon")? Il serait plus rigoureux de parler des lettres "ce", mais le jeu symétricologique semble souvent faire fi de cette distinction.
  Bref, il ne semble pas fortuit que les jeux cachés révèlent aux rangs 50 parmi 99 les mots "préface", "romance", "nouvelle", donnant à comprendre que cette Préface pourrait être le "nouveau roman" de Ricardou, sinon un "nouveau nouveau roman" (l'expression a été employée).

  La symétrie pourrait aller plus loin, avec le centre de la phrase, "de La Nouvelle (Nouvelle) Révolution Française", en 6 (ou 5) mots, et de chaque côté trois groupes totalisant 47 mots, et trois groupes entre parenthèses, soit 6 groupes de part et d'autre.
  Ressort-il encore de la contingence si les deux groupes de 6 mots autour des 6 mots du centre, "le numéro quatre vingt dix neuf " (ainsi écrit sans tirets, pour imposer probablement le décompte désiré) et "en guise de testament, tout littéraire", rappellent, par la structure 6-4-2 et quelques mots communs, la structure 2-4-6 du titre, Révélations minuscules, en guise de préface, à la gloire de Jean Paulhan. La révolution n'aurait-elle pas transformé le 99 de l'ancien "testament" (en 9 lettres) en ce 66 de la nouvelle "oeuvre" (en 6 lettres)?

  Si la Révolution Française, c'est (17)89, la Nouvelle Révolution pourrait être (19)68, or 68 c'est 89 après un demi-tour. 1968 est aussi la date de la mort de Paulhan (le 9 octobre).