27.3.23

en aval d'Etretat

à l'aval

  J'avais annoncé ici de nouvelles découvertes sur le Thilliez de 2016, Rêver, et les voici, à l'approche d'un 4/4 approprié car une des trouvailles à première lecture était que le chapitre 44 se passait le 4/4 (4 avril 2015).

  Ma principale découverte touche encore à la quaternité. Le principal méchant du roman est "Freddy", surnommé d'après Freddy, Les Griffes de la nuit, de Wes Craven. Il a enlevé 4 enfants en 2014, ayant précisé dès le premier rapt:
« Il y en aura trois autres. Pas un de plus, pas un de moins. »
  Ces enfants sont
Alice Musier, enlevée le 3 mars
Victor Caudial, enlevé le 7 juin
Arthur Willemez, enlevé le 5 septembre
Léa Durnan, enlevée le 6 décembre
cette dernière étant la propre fille d'Abigaël Durnan, l'héroïne du roman, profileuse, mais l'identité de la 4e proie reste longtemps mystérieuse, car il s'est passé un étrange accident le 6 décembre 2014.
  Yves Durnan, le père d'Abi (Abigaël), les a emmenées en week-end, mais il y a un accident, et quand Abi se réveille on lui apprend que son père et sa fille sont morts. Quelques détails clochent, et Abi enquête, sans soupçonner que son compagnon est impliqué, et qu'il entrave chacun de ses progrès en augmentant les doses de ses médicaments qui ont pour effet secondaire d'effacer ses souvenirs.
  C'est qu'Yves travaillait pour les Douanes, et avait infiltré un cartel mexicain sous le nom de Xavier Illinois, mais sa couverture avait été éventée. Or le cartel était connu pour ne pas se venger directement de ses ennemis, et torturer abominablement les membres de leur proche famille. Ainsi Yves avait décidé de passer pour mort, et d'impliquer sa petite-fille Léa pour crédibiliser l'accident, avec l'aide du compagnon d'Abi.
  Léa était la dernière victime prévue de Freddy, lequel espionnait la famille, avait appris le projet, et en avait profité.

  Ceci donne lieu à un formidable imbroglio, accru par une construction complexe, non linéaire, du roman.
  J'avais certainement vu la possibilité d'acronyme AVAL formé par les 4 proies de Freddy, Alice, Victor, Arthur, Léa, mais n'avais pas su quoi en faire. Honte à moi, car Yves habite Etretat, et l'association "aval Etretat" évoque aisément le cryptogramme de L'Aiguille creuse,
 

dont la première ligne, 2.1.1..2..2.1.1, code ENAVALDETRETAT, "en aval d'Etretat". A Etretat il y a les falaises d'Amont au nord et celles d'Aval au sud, avec la fameuse Aiguille.

  Thilliez semble obsédé par Etretat et le roman de Leblanc. Dans [Angor] (2014), Camille interroge quelqu'un vivant à Etretat. Elle y rencontre Nicolas Bellanger, devant l'Aiguille, et il lui offrira sa rare édition originale de L'Aiguille creuse.
  Il est à nouveau question de cette édition dans le Thilliez suivant, Pandemia (2015).
  Après Rêver, il y a Sharko (2017), où l'un des personnages ayant perdu le sens du danger est tombé d'une falaise d'Etretat (chapitre 44). C'est un nommé Rubbens, or le cambriolage qui ouvre L'Aiguille creuse a pour principal objectif quatre toiles de Rubens.
  Précisément, quatre tableaux sont volés dans Sharko, des oeuvres de la psychotique Mev Duruel peintes avec du sang. Rubens signifie "rouge". Cette dame cache ses initiales dans des détails de ses tableaux, représentant des personnes ayant perdu le sens du danger. Ce serait "le secret du sang" (chapitre 43), expression devenant en hébreu סוד הדמ, sod hadam, mots de valeurs 70 et 49, comme
MAURICE LEBLANC = 70 49 (vérification ici pour l'hébreu, pour le français).
  Les initiales MD peuvent renvoyer au "sang" en hébreu, DaM, qui ne se note que par les consonnes DM, se renversant en mad, "folle" en anglais.
  Enfin le principal criminel du roman est une sorte de vampire qui a besoin d'incessantes transfusions de sang de Bombay (sang rare dont il était aussi question dans Fractures), tout ce sang passant par des aiguilles creuses. Ce groupe sanguin rare l'est moins à la Réunion, et le roman évoque l'affaire des Enfants de la Creuse (la Creuse où Leblanc a imaginé un leurre avec le château de l'Aiguille).
  L'exergue du Manuscrit inachevé (2018) est une longue citation de Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, et son dénouement se passe à Etretat, face à l'Aiguille (ce qui fait évoquer le roman de Leblanc). L'autre version du dernier chapitre sera donnée dans Il était deux fois (2020), où la lutte au bord de la falaise a une issue différente. Une longue citation du dernier chapitre de L'Aiguille creuse joue un rôle important dans le roman (chapitres 19 et 42)
  Entre les deux, la version numérique de Luca (2019) permet de dénicher un passage de Sharko rue Leblanc, dans le 15e arrondissement (chapitre 12)...
  Il y a un brigadier Leblanc, chapitre 25 d'[Atomka] (2012).

  Yves Durnan a laissé un message codé destiné à sa fille, au cas où son plan de disparition serait perturbé, message dur à déchiffrer afin de laisser aux tueurs du cartel le temps de se désintéresser de l'affaire, débutant par
10–30 9-13 1-45 6-32 12–12 19–40 1-24 4–4 6-35 5–7 9-26 14–23 10-13 15–45 8-18 7-44 5–7 1-48 8–8 9-34,
  Abi arrivera à comprendre que chaque couple désigne une page d'un des 23 albums de la série BD XIII (publiés jusqu'à 2015), qu'elle a récupérés à Etretat, son père ayant souligné certaines lettres à ces pages dans sa collection personnelle.
  Le tortueux Thilliez aurait-il codé un autre message pour ses lecteurs? Je repère aux rangs 13(XIII)-14-15 les numéros d'albums 10-15-8 pouvant évoquer le code qui permettait aux lecteurs d'accéder au chapitre 57 manquant dans le livre, 10-15-19-8, les rangs des lettres JOSH. Les pages des albums livrent le total 76, 4 fois 19, tandis que le numéro du chapitre est 3 fois 19.

  L'expression "en aval" amène divers développements.
  Abigaël, ou Abigaïl, est un personnage biblique. Elle a été la première femme de David, après avoir joué un rôle dans la mort de son premier mari, Nabal, se prononçant naval en hébreu, et signifiant "fou". Le nom de sa femme se prononce avigaïl, contenant encore aval.
  Nabal se renverse en Laban, se prononçant lavan ou, pour éviter une nasalisation, lavane, l'exact renversement de "en aval", et signifiant "blanc". Laban est dans la Bible le père de Léa et Rachel, les deux femmes de Jacob. (e)naval lavane ferait donc un lien entre Abigaël et Léa(giba?) dans ce roman au titre palindrome, et le palindrome sera au premier plan du Manuscrit inachevé, avec notamment Léane-Enaël, auteure dans le roman de Traskman du Manuscrit inachevé, avec pour sujet un auteur ayant écrit un Manuscrit inachevé.

  Il n'est pas absurde d'imaginer le jeu "en aval"-"blanc" intentionnel chez LeBLANC, lequel a joué avec ses nom et prénom de sens opposés, car "maure" signifie "brun" ou "noir". Sa femme Marguerite Wormser était juive.
  Ainsi le tueur insaisissable de 813 signe LM, renversement des initiales de Maurice Leblanc, et est connu comme "l'homme noir" (c'est également ainsi que se présente le chef de l'organisation maléfique de Pandemia).
  Le sorcier de L'île aux 30 cercueils se nomme Maguennoc, "blancheur" en breton.
  Arsène a conquis la Mauritanie dans Les dents du tigre.
  L'énigme ALB de Victor de la brigade mondaine désigne un "album" (du latin albus, "blanc") de timbres rares (et les timbres les plus rares viennent de l'île Maurice). Thilliez semble apprécier le prénom Victor, donné à deux de ses héros flics (de L'Anneau de Moebius et du Manuscrit inachevé) et à l'un des kidnappés de Rêver (où il y a des "albums" associés à un message codé).
  De plus ALBUM = 49, même valeur que LEBLANC, et j'ai donné ici d'autres possibilités d'utilisation de cette valeur dans les énigmes qui parsèment son oeuvre.

  A remarquer que Lupin avait un complice sur place lors du vol des Rubens à Ambrumézy, Jean Daval, dont le nom peut faire entendre "en aval", les premiers mots du cryptogramme, qui ne seront déchiffrés qu'à la fin du roman.

  "en aval" a pour anagramme levana, "lune" en hébreu ("blanche"). Le dénouement de Rêver se passe une nuit de pleine lune, et la lune pourrait avoir un rôle important dans L'Aiguille creuse, où deux dates sont données pour l'événement initial, le cambriolage d'Ambrumézy, le 16 avril ou le 23, apparemment plus logique puisque Beautrelet est alors près d'achever ses vacances de Pâques, en 1908 du 12 au 26 avril. La mention de la lune lors du cambriolage pourrait être un indice (elle était pleine le 16 avril).
  La pleine lune de Rêver est d'ailleurs aussi problématique, car le dénouement se situe semble-t-il immédiatement après "le lavoir en flammes", le 25 juin 2015, or la lune était pleine le 3 juillet.

  La gématrie livre une curiosité:
ENAVAL (d') ETRETAT = 55  89, deux nombres de Fibonacci consécutifs.
  La prédilection de Thilliez pour la suite de Fibonacci a connu son climax avec son 21e roman,  Labyrinthes, ses 55 chapitres, son docteur Fibonacci, etc., mais il y avait d'autres éléments dans les romans précédents, explicites dans certains, La mémoire fantôme, [GATACA], implicites dans d'autres, avec des nombres de Fibonacci, isolés ou articulés entre eux, notamment dans Sharko, où Sharko ajoute 21 plaies à 13 scarifications, représentant 8 hommes et 5 femmes, victimes de 3 tueurs, 2 comparses et 1 chef...
  Je ne pense pas que ce soit un hasard si ce roman a 89 éléments, Prologue, 87 chapitres, Epilogue.
  Je ne le crois pas non plus pour Rêver, où, si le livre ne dévoile que 88 de ses 89 chapitres, le Prologue permet d'aboutir au nombre de 89 éléments.
  C'est aussi le cas pour Deuils de miel, 33 chapitres + Epilogue, 34 éléments, avec une nette répartition 21-13. J'avais relevé ici d'autres relations Fibonacci, mais j'en ai repéré une autre récemment: l'intervention trop rapide de Sharko contraint le tueur à ne récupérer que 3 sur 5 colonies de moustiques.

  Le premier personnage du 21e roman est une
CAMILLE = 55, et j'hésitais à y voir une intentionnalité, bien que le premier personnage du 13e roman, Angor, soit aussi une Camille, mais que cette autre Camille soit conduite à
ETRETAT = 89 peut faire pencher un peu plus la balance...
...d'autant que ANGOR = 55, comment ne l'avais-je pas vu plus tôt?
  L'angor est une douleur au coeur en principe interdite aux greffés tels Camille, mais dans de rares cas survient une reconnexion des terminaisons nerveuses du greffon avec le système nerveux de l’hôte, et chez Camille cela va bien plus loin, puisque l'organe semble avoir sa mémoire propre, et lui transmettre des images venues du donneur...
  En anglais, ça se dit organ memory, et il est ahurissant que
ORGAN MEMORY = 55 89 (= ENAVAL ETRETAT).

  La présence du nombre d'or chez Leblanc n'a rien d'aussi péremptoire, mais j'y ai consacré cette page, où Le triangle d'or est à l'honneur (les nombres de la série Bleue du Modulor y semblent omniprésents, de même que dans La forêt des ombres de Thilliez).

  AVAL a la particularité d'être un mot ourobore, uroborus, un presque palindrome, si bien que L'AVAL ou LAVAL est un parfait palindrome, d'ailleurs cité dans la liste des palindromes de Il était deux fois:
ressasser, laval, noyon, abba, xanax
  J'écrivais sur le billet consacré au roman, en l'associant au Manuscrit inachevé et à Rêver:
Le personnage principal de chacun de ces romans est quelqu'un dont la fille a été enlevée, et qui a des problèmes de mémoire. En outre il est question à chaque fois d'un roman offrant de troublants points communs avec l'affaire en cours, et de palindromes.
  Pour Rêver, le seul palindrome relevé était ce titre, dont la particularité était soulignée dans l'édition originale, mais (L')AVAL serait un autre candidat.
  Dans Il était deux fois, David Esquimet a découpé une page du dernier chapitre de L'Aiguille creuse où il a souligné ces mots de Lupin,
Pourquoi ai-je peur ?… C’est comme une oppression… Est-ce que l’aventure de l’Aiguille creuse n’est pas finie ? Est-ce que le destin n’accepte pas le dénouement que j’ai choisi ?
probable allusion aux deux dénouements du Manuscrit inachevé: dans le premier Léane en réchappe, et dans le second c'est David Jorlain, l'affreux criminel. David est en hébreu un palindrome, et c'est encore un David, le libraire David Lebon, qui conseille à Abi La quatrième porte, le roman de JOSH Heyman contenant de formidables coïncidences avec l'affaire Freddy.

  Le moment est venu d'expliciter l'ambigramme (aussi dit "palindrome vertical" par Perec) en début du billet, permettant de lire "rêver" sous un certain angle, avec un accent circonflexe quelque peu déplacé.
  Mais pivoter l'image de 180° mène à quelque chose qui ressemble fort à "laval". Je me suis servi ici des graphismes forgés pour Novel Roman (devant beaucoup aux aventures de Lupin, notamment L'Aiguille creuse), avec quelques pensées pour les chevrons des billets précédents, notamment le signe de ponctuation ^  ^ imaginé par Perec à partir des sourcils de Groucho Marx. D'étranges échos dans Rêver, où Josh Heyman, dont le prénom chiffre le code d'accès au chapitre omis, est décrit avec les sourcils en accent circonflexe (chapitres 29 et 43), et son nom réel est Nicolas Gentil, initiales NG, alors que c'est le passage de G à N de l'amygdalê grecque à l'amande qui est à l'origine de ces billets précédents (le fameux accident du 6 décembre, marquant l'achèvement de l'acrostiche en Aval, a lieu près de Saint-Amand, mentionné 11 fois dans le roman).

  En amont de l'enlèvement des AVAL, il y a ce qui est arrivé au petit Jacques Lambier 20 ans plus tôt, victime d'un médecin psychopathe étudiant sur lui les effets du manque de sommeil. 20 ans plus tard, Lambier entend punir les responsables en enlevant leurs enfants, et en les soumettant à des épreuves analogues. Faut-il cette fois ajouter l'initiale de son nom, L, à celles des prénoms des victimes, AVAL?
  Jacques vient du biblique Jacob, mari de Léa, fille de Lavan(e).

  Dans Atomka, le disciple de l'Ange Rouge qui harcèle Sharko est dit avoir tué le couple Laval en 2004 (chapitre 39), et c'est aussi une vengeance d'un homme qui s'en prend à la fille de celui qui a tué son père, 26 ans plus tôt.

  L'héroïne du roman de Josh Heyman se nomme Valérie Lazinière, et offre des points communs flagrants avec Abigaël Durnan. VA... LA...? Il semble s'agir ici d'un "simple hasard" (mais le hasard est-il simple,), car Thilliez a procédé pour ce roman à une loterie avec ses lecteurs. Les noms de 11 d'entre eux seraient attribués à des personnages du roman, et Valérie Lazinière a été l'une des élus.
  C'est Fabien Hérault qui m'a appris ceci, alors que trouver son nom dans le roman m'avait fait me demander si c'était une allusion au département 34, nombre de Fibonacci.
  Il y a aussi ici une petite coïncidence, car le tueur évoqué supra, celui qui a tué le couple Laval dans Atomka, a aussi tué dans Gataca Frédéric Hurault, en laissant des indices accusant Sharko. F. Hurault, F. Hérault...

  Question département fibonaccien, il ne me semble pas indifférent que, dans Sharko, comptant 89 éléments (Prologue, 87 chapitres, Epilogue), un des chefs "vampyres" habite l'Yonne, le 89.
  Qu'est-ce qu'un vampyre? un vampire en pire, mais encore? L'explication avancée est que les vampyres portent le tatouage PRAY MEV, pour Mev Duruel, celle qui connaît le "secret du sang". Ceci rappelle l'héroïne Irma Vep des Vampires de Feuillade, et j'imagine que Thilliez aurait pu trouver une anagramme exacte s'il l'avait voulu.
  Je remarque que
VAMPYRE = 100, et que CENT est homophone de SANG.
  Mes billets sur les textes symétricologiques de La cathédrale de Sens de Ricardou m'ont fait détailler son utilisation des possibilités de la syllabe "san", avec "100", "sang", "sans", "centre", "sens", et "Sens", chef-lieu de l'Yonne, et précisément le vampyre de l'Yonne, Vincent Dupire (là j'imagine que ce nom n'a pas été tiré au hasard), travaille à l’hôpital de Sens (chapitre 70).
  Ricardou a calibré sa préface symétricologique pour qu'elle occupe exactement 100 pages, des pages 9 à 108, et pour que les nombres 99 et 100 apparaissent aux pages 99 et 100. Il me semble que Thilliez a calibré Labyrinthes pour que son labyrinthe final soit page 377, un nombre de Fibonacci.

  Quoi qu'il en soit de la valeur 100 de VAMPYRE, Thilliez semble avoir joué avec l'expression 100%, et 3 de ses 6 occurrences dans le roman sont directement liées au sang:
— On parle là de sang humain ?
— À cent pour cent. (chapitre 47)
— Ce jour-là, le vampire a embarqué les quatre poches de sang. Je ne l’ai plus jamais revu. Mais il existe. Je ne suis pas folle.
— On vous croit, à cent pour cent. (65)
(...) les receveurs reçoivent du sang cent pour cent français. (76)
  Les mots "sens" et "insensé" interviennent aussi dans le contexte du "sang", comme dans le cas de Carole Mourtier, transfusée avec du sang de vampyre, handicapée à vie après
la remontée en sens inverse d’une portion d’autoroute. Encore un acte insensé, identique à celui du plongeur et à celui de l’ouvrier tombé d’une falaise. (46)
(celle d'Etretat, l'ouvrier étant Rubbens). A remarquer que "sens" est un palindrome phonétique, s'entendant identiquement "dans tous les sens", comme "Laval" ou "Sagas" (la ville imaginaire de Il était deux fois). Faut-il être "sagace" pour s'en apercevoir?
  L'expression "à contresens" aurait probablement été préférable du strict point de vue rédactionnel, mais "en sens inverse" a certes plus de "sens" du point de vue littéraire...

  Tiens, Etretat réunit "être" et Tat, "action" en allemand, un autre mot palindrome. Im Anfang war die Tat, faisait dire Goethe à Faust, "Au commencement était l'acte".
  Certes Lupin "est", et il "agit", deux notions complémentaires en philosophie.
  Et tat signifie "voleur" en slovène...


  En consultant le blog ami Alluvions, j'y vois que l'un de ses posts les plus consultés est sur L'Aiguille creuse, et Patrick y a repéré cette analogie entre un profil de l'Aiguille et le plan de Crozant, dans la Creuse:


  Patrick a mis en scène Dracula en 2010...


  Je reviens au chapitre 57 de Rêver, et ma page consacrée au roman indiquait à quel point ce chapitre disparu m'évoquait Perec, car le code 10-15-19-8 est donné dans le roman par une fillette vue par Abi en rêve (avec un album XIII sur les genoux), tandis que la prétendue responsable de la disparition du chapitre 66 de La Vie mode d'emploi est une petite fille mordant un coin de son petit-beurre à la fin du chapitre LXV (65).
  Il ne m'est pas revenu alors un point qui m'était pourtant depuis longtemps essentiel. Le roman très contraint de Perec débute par un chapitre d'indicatif 66, correspondant aux coordonnées de la case où se passe le chapitre dans le damier 10x10 représentant l'immeuble.
  Cet indicatif est signifié par un porte-clés avec un domino double-six, dans la main d'une agente immobilière, laquelle est dans l'escalier, entre cette case 66 et la case 57. J'explique ici en quoi ça m'était doublement important, et voici qu'il existe un chapitre manquant dans un autre roman, et qu'il s'agit du 57...
  Un personnage secondaire du Syndrome [E] se nomme Georges Péresse. Perec était aussi en quelque sorte affecté d'un syndrome "e", ce qui l'a conduit à écrire La Disparition, où manque aussi un chapitre, le 5 (parmi 26, donc le chapitre E).
  Lupin était aussi important pour Perec, cité dans plusieurs de ses oeuvres, et ce n'est par exemple pas par hasard que l'architecte du 11 rue Simon-Crubellier se nomme Lubin Auzère.

  Le lien donné dans le roman pour accéder au chapitre 57 ne fonctionne plus, mais
Rêver Chapitre 57 - Canal Blog
permet de télécharger ce chapitre manquant.
  Ce chapitre n'apporte pas grand-chose, car le dénouement du roman a déjà révélé ce qui s'y passait. De fait, la narration suit essentiellement Abi dans le roman, où n'importe quel passage honnête aux pensées des autres protagonistes aurait livré la clé des mystères qui entourent Abi. L'omission du chapitre 57 ne semble donc pas avoir de réelle justification, en dehors d'une référence à Perec.


  Je rappelais au début du billet que le chapitre 44 de Rêver se passait le 4/4, et une des nouvelles découvertes de ma 4e lecture touche aussi 44. Je n'avais pas prêté attention auparavant au surnom donné par ses collègues à l'héroïne du roman, la profileuse Abigaël Durnan, Tsé-Tsé, car elle est atteinte de narcolepsie, maladie qui peut la contraindre à tout instant à dormir pendant quelques minutes. Or
TSE TSE = 44 44, et le surnom apparaît 4 fois dans le texte, dont j'ai une version numérisée.

  J'ai eu la curiosité de me renseigner sur la narcolepsie. Wikipédia donne des exemples dans la fiction, comme Rêver, et le film My Own Private Idaho, que nous avions commencé à regarder en décembre 2019.
  Le personnage principal est Mike Waters (River Phoenix), prostitué narcoleptique et toxico, dont un client lui dit au début du film:
 
J'ai beaucoup de chance. Je suis né le 4 avril 1944, 4-4-44, la somme des chiffres est 16, et la somme des chiffres de 16 est 7, le nombre de la chance.
  Le prochain Thillez est annoncé pour le 4 mai, et a pour titre La Faille. Ceci me rappelle Lignes de faille, de Nancy Houston, qui débute le 4/4/2004. (note: juste après avoir mis en ligne, j'apprends que le nouveau titre annoncé est L'onde Shelley, probablement parce que d'autres romans ont déjà La Faille pour titre)
  Ce projet de couverture laisse supposer un jeu entre La Faille et La Fille, et ceci me rappelle la nouvelle de Ricardou L'enlèvement, devenant au fil des pages L'élève ment.

  En ce 79e anniversaire du 4/4/44, une citation de Jung s'impose, de 1929:
Pour moi, c'est un fait d'un irrationnel absolu que l'énergie vitale doive avoir toutes sortes de liens avec la croix ou le chiffre quatre.
L'analyse des rêves - tome 2 - 28e conférence
  Et pour achever ce billet, quoi de mieux qu'une citation du Manuscrit inachevé, mais pas celui de Thilliez, ni celui de Caleb Traskman, ni celui d'Enaël Miraure, ni celui de Janus Arpageon, mais d'un recueil de nouvelles de Noël Devaulx, paru en 1981:
Tout manuscrit est inachevé, puisqu'il invite le lecteur à jouer à son tour, puisqu'il éveille en chacun des prolongements infinis. 
  Tiens, ce DEVAULX = 89 est mort à 89 ans (et exactement 6 mois, né le 9/12/1905, décédé le 9/6/95).
  "vaulx" est un ancien pluriel de "val".

25.3.23

pour les lecteurs chevronnés

à  Migdall & Mandel

  Les échos au précédent billet, qu'il est assez important d'avoir lu, sont si nombreux que je ne sais trop par où commencer.

  Le couteau Gefro m'a conduit à la lune Mau de la ville où il avait été fabriqué, ce qui m'a fait penser au chat Mau, et Wikipédia m'a appris:
mau est un terme venant de l'égyptien qui désigne tout autant le chat que la lumière.
  Ceci m'a interloqué, car un des textes que je considère comme particulièrement "miraculeux" est l'épithalame que Perec a composé en 1981 pour ses amis Kmar et Nour, or en arabe kmar signifie "lune" et nour "lumière", tandis que mau signifierait "lune" en patois allemand, et "lumière" en égyptien.

  J'ai tenté de vérifier ce sens de "lumière", sans résultat. Le mot mau, ماو, semble inconnu des dictionnaires que j'ai consultés, où le seul sens trouvé est une translittération de Mao, le Grand Timaunier, mais je ne connais de l'arabe que l'alphabet, et ma recherche était donc limitée.
  Le seul résultat apparenté était sur une page en anglais affirmant
The word, Mau, means "cat" or "sun" in Egyptian.
  Curieux encore, Mau serait la lune allemande et le soleil égyptien, et ma recherche m'a conduit à associer le couple lune-soleil aux nombres 13-21.
  Selon notre alphabet, aux lettres MAU correspondent les rangs 13-1-21, ce qui m'a rappelé le numéro d'un roman de Thilliez offrant justement une possibilité de découpage 21-13-1. Il m'est souvenu que Sharko allait en Egypte dans Syndrome [E], son enquête suivante, et le texte numérisé m'a permis d'y découvrir ceci, au début du chapitre 22,
Tout au long de la ruelle, des charrettes dormaient, couvertes d’un simple drap, et des chats noirs, des Mau, bondissaient en haut des murs de chaux.
ce qui d'ailleurs est sujet à caution, car la race Mau a été créée récemment, à partir de chats de différents pays, et sa principale spécificité est une robe mouchetée. Un Mau de race coûte $1000 au bas mot, et il est peu probable d'en voir rôder dans les rues du Caire, où on attend plutôt des mau, ou des maus, un pluriel employé, et il est amusant que Maus signifie "souris" en allemand.
  Fibonacci et Thilliez m'ont rappelé son roman Rêver, et une nouvelle lecture m'y a conduit à y repérer des jeux autour du cryptogramme de L'Aiguille creuse de "Maurice Leblanc", un nom équivalent à "noir/blanc". Je le détaillerai dans un prochain billet.

  Je n'avais cité qu'un passage du roman de Jeury, Les yeux géants (1980), dont la première partie se passe en 2010, où les phénomènes aériens sont devenus monnaie courante, avec des yeux géants dans le ciel, vus par de nombreuses personnes. Ceci me rappelle que Soleil et Lune ont été vus comme "Yeux de Dieu". C'est une opposition/complémentarité classique, comme blanc/noir, et c'est le jeu entre
BLANC NOIR = 32 56 et les 52 touches blanches et 36 noires qui m'avait conduit à relire en 2005 le Pocket n° 5236, Les yeux géants.
  Il y est question des chasses célestes du Moyen-Age, un thème étudié par Méheust dans Science-Fiction et soucoupes volantes (1978), l'essai qui a inspiré Jeury. Les visions célestes semblent tributaires de l'époque, au Moyen-Age on voyait des chevaux et des chars, ensuite des navires volants, puis des fusées ou soucoupes...
  Chez Jeury les témoins ont vu des cavaliers dans le ciel se diriger vers les yeux géants, et y entrer par les "pupilles". Ceci n'est évoqué que brièvement au début du roman, mais semble avoir inspiré la couverture du Pocket n° 5236.

  La chasse céleste la plus connue est la Mesnie Hellequin, ou l'armée furieuse qui a inspiré le roman de Fred Vargas. La découverte en décembre que le mot Arlequin était probablement lié à Hellequin m'a rappelé qu'il y avait des arlequins dans La mort et la boussole, nouvelle de Borges, destinés à conduire Lönnrot vers la figure du losange, et ce n'est que maintenant que je m'avise que Vargas et Borges ont probablement la même origine, une racine indo-européenne associée à la hauteur et à la force, ayant conduit aux mots berg, "montagne", et "bourg", ville fortifiée.
  J'avais envisagé ici de relier le nom Borges au grec purgos (probablement de même origine), "tour", car les assassinats de la nouvelle se situent entre une tour et un mirador, les initiales des victimes formant MYGDAEL, évoquant migdal, "tour" en hébreu, et la chaîne de bordels argentins Zwi Migdal que ne pouvait ignorer Borges (et sa nouvelle évoque les bordels).
  Fred Vargas est la fille de Philippe Audoin, surréaliste spécialiste de l'étrange Maurice Fourré, auteur à la fin de sa vie de 4 romans symbolistes, dont le second, La marraine du sel, se passe à Richelieu, et ce ne semble pas un hasard si cette ville apparaît chez Vargas dans Sous les vents de Neptune, où y aurait été enterré un juge assassin, se cachant sous de multiples pseudos, évoquant puissance et lumière.
  Ce ne semble pas un hasard non plus si, avant Richelieu, le juge habitait la Tour-Maufourt, un toponyme toujours inexistant 14 ans après mon billet de 2009, avec probablement "mau" pour Maurice, "fourt" pour Fourré (et "tour" pour la Tour de Cornillé, devenue Colonne Saint-Cornille dans le premier roman de Fourré).

  En 2018, il s'est imposé qu'un chapitre de Novel Roman se passât à Richelieu, et lorsque je me suis rendu à Cerisy il m'a semblé nécessaire de faire le détour.
  Ainsi j'ai eu la surprise le 11 mars, en visionnant l'épisode du Voyageur diffusé le 31 janvier, Au bout de la nuit, de reconnaître Richelieu, rebaptisé Mazarin... Au fil des images, j'ai repéré cette camionnette du peintre Aumont, dont une porte arrière ouverte ne laisse que AUM.

  Précisément, MAU m'avait fait penser à AUM, ce concentré de la sagesse bouddhique, et à un épisode de décembre 2006, peu avant ma découverte du couteau Gimel.
  J"avais mis en ligne le 6 cette disposition en double cône des 1464 lettres de Noce:
 

   Les 870 lettres des strophes Nour ("lumière", mau) correspondent à deux fois le triangulaire 435, permettant de construire un cône en négatif, à l'intérieur duquel j'avais disposé les 594 lettres des strophes Kmar ("lune", Mau), auxquelles il manque 6 lettres pour avoir le double du triangulaire 300.
  A ceci Alain C. m'avait communiqué en privé une remarque triviale, "le cône dans le con", ce à quoi je lui avais répliqué par l'interprétation tantrique du mantra aum mani padme houm, "aum, joyau (dans) lotus, bien", où "joyau" et "lotus" seraient les sexes mâle et femelle. La syllabe "aum", , exprimerait la même chose, avec A et U, les principes masculin et féminin, se fondant dans le bindu, le point marquant la nasalisation M.

  Chez Jeury, l'incident du couteau se produit dans la région de "l'agglomération BSM" (sic), une conurbation englobant Béziers, Sète, et Montpellier.
  En 2016, Sam en Beth m'a conduit à m'intéresser aux 3 "lettres mères" de l'hébreu, mem-alef-shin, de rangs 13-1-21, MAS, symboles de l'eau (mayim), du feu (esh), et de l'air (awir), l'équilibre entre eau et feu. Par ailleurs les 7 "lettres doubles" correspondent aux 6 directions et au centre, la lettre beth, s'écrivant BYT, se transformant par atbash en SMA, les 3 "lettres mères".
  BSM m'a fait penser à ce schéma. La mention de Mireval, où Norman Andrewski a fait analyser le bois flotté ressemblant étonnamment à son couteau, m'a fait chercher si Mireval existait.
  Oui, et c'est depuis 2003 une commune de SAM, Sète Agglopôle Méditerranée, agglomération de communes autour de Sète, créée en 2003, fusionnée en 2017 avec celle du Nord du bassin de Thau. D'autres fusions conduiront peut-être à l'agglomération BSM imaginée par Jeury.

  MAS, 13-1-21, symboles de l'eau, de l'air, et du feu. Ce n'est qu'en écrivant ce billet que je me rends compte que ces trois éléments interviennent dans le Pocket n° 13121, Deuils de miel, où après  la découverte du cadavre de Viviane Tisserand, Sharko est conduit à jouer un rôle dans les crimes suivants, annoncés par un message inspiré de l'Apocalypse, où il est question des eaux de l'abîme, de lumière, s'achevant sur Surveille les maux et prends garde au mauvais air.
  Le mari Olivier a été immergé à 30 m de profondeur dans la Fosse de Meaux (qui semble imaginée pour l'homauphonie maux-Meaux, homophonie que je n'avais pas relevée ici, où je décelais des échos rousseliens, notamment pour cet Olivier), avec une bouteille d'oxygène, mais lorsque Sharko le remonte un piège caché sectionne son artère fémorale.
  La fille Maria est prisonnière d'une pièce réfrigérée, et lorsque Sharko en ouvre la porte la canicule de juillet provoque sa mort à la fin du chapitre 21, rang de la lettre shin, "feu".
  Enfin le dernier acte prévu, après "la Maria", est l'extermination d'un village par la malaria, le "mauvais air" en italien.

  Il y a d'autres phénomènes dans Les yeux géants, tels les "losanges noirs", des machins peu clairs qui apparaissent au voisinage des téléphones, et peuvent être nocifs, sinon létaux, pour les humains:
Il se souvenait : l’affaire des losanges noirs de BSM… Andrewski, le père des jeunes filles qui avaient défrayé la chronique dans le cas de la "ville hantée"…
  Cette "ville hantée" est plutôt une "ville en T", construite selon les idées de l’architecte Robert Cruz. Il se trouve que l'agglomération SAM est aussi appelée Pôle Thau, or thau est une transcription de la dernière lettre de l'alphabet hébreu, également connue comme thaw, à l'origine de notre T, et qui a eu comme premier glyphe une croix (cruz en espagnol, et T est aussi la "croix en tau"). J'utilisais plus haut la correspondance atbash entre alef et thau.

Je ne vais pas tenter d'expliquer ce que sont les "losanges noirs", qui m'ont évidemment fait penser au losange de La mort et la boussole (et ses arlequins), mais aussi rappelé une nouvelle parue dans un vieux numéro de Mystère-Magazine, quelque chose comme Le mystère des losanges noirs...
  Il me semblait que ça remontait à très loin, et j'ai donc regardé les MM que j'avais achetés ado, que j'ai encore. Rien d'immédiat, mais le n° 173 de juin 62, que j'avais acheté pour une nouvelle d'Irish, offre Le disque noir, de Helen McLoy; je l'ai mis de côté, d'abord pour  "noir", et pour "disque", autre forme d'OVNI.
  J'ai une vingtaine d'autres MM, et c'est dans le n° 45 d'octobre 51 qu'il y a Les losanges chantants, de la même Helen McLoy (originellement paru dans EQMM en octobre 49). J'ai dû me procurer ce numéro vers 1996 où je me suis repassionné pour Lupin, car il contient le pastiche Arsène Lupin contre le colonel Linnaus, d'Anthony Boucher (le traducteur de La mort et la boussole en anglais). Il y a aussi une nouvelle d'Irish (sous son nom réel Woolrich).

  J'ai donc lu aussitôt Les losanges chantants, dont une introduction informe que McLoy l'a écrite en 1948 après la vague de soucoupes volantes de 1947. Un certain Anders Verworn veut tuer sa mère adoptive pour en hériter, mais il sait qu'il sera le premier suspect, aussi il a recours à une tortueuse machination. Il paie quelqu'un pour déclarer qu'il a vu et entendu des losanges dans le ciel, produisant une étrange musique. D'autres personnes sont droguées et influencées pour accréditer le fait, ce qui en fait un scoop. La victime programmée en fait partie.
  Puis Anders tue son complice et d'autres personnes ayant "vu" les losanges, afin que sa victime prévue passe dans la série... Ce n'est guère crédible, mais a dû divertir les lecteurs de l'époque...

  J'ai lu la nouvelle le 16 février au soir. Je me suis réveillé le lendemain matin avec le mot Solingen en tête, un mot que je voyais gravé sur la lame d'un couteau. LOSANGES SOLINGEN, je n'ai pas douté d'une interaction dans mon esprit.
 

  Il ne m'a pas fallu longtemps pour apprendre que Solingen était pour la coutellerie allemande ce que Thiers était pour la française. J'indiquais dans le précédent billet que la découverte du couteau Gefro m'avait fait désirer le confronter à un autre couteau allemand arrivé étrangement dans notre vaisselle. Hélas le couteau Gefro a été aussitôt perdu, et l'autre couteau probablement aussi... Etait-ce un Solingen? je n'en sais rien, mais ai la certitude d'avoir eu en main un tel couteau, dans cette vie ou une autre...
  Quoi qu'il en soit, si le couteau Gefro était lunaire, SOLingen m'évoque SOL, "soleil" latin.

  Le mot Tolède m'est venu à l'esprit, la ville d'Espagne spécialisée dans les armes blanches, et l'expression "Arlequin de Tolède", probablement parce que ma recherche "Arlequin" "mandoline" m'avait amené à cette chanson de Dalida:
Et l'Arlequin de Tolède perdu dans la nuit tiède
En caressant sa guitare, trouve un accord bizarre
Un écho de mandoline, il revoit Colombine
Vibrante à la sérénade d'un Pierrot de Grenade
  L'actualité perecquienne a été marquée le 3 mars par l'annonce de la mise en ligne d'un article de Bernard Magné, sur le site de l'Association Perec. Perec à l'index étudie les particularités de l'index de La Vie mode d'emploi, et le mot Arlequin y est cité, à seul titre d'exemple. Je n'aurais pas eu l'idée sans cela d'aller chercher des arlequins chez Perec, mais j'ai évidemment été voir ce qu'il en était de cet Arlequin, chapitre XXX, où un objet précieux est mentionné,
une mandore du XVIIe siècle sur la table de laquelle étaient gravées les silhouettes d'Arlequin et de Colombine en dominos.
  J'ai été ébahi de voir cette sorte de mandoline directement associée à Arlequin. Les "dominos" répondent ici à la contrainte Jeux, tandis que la mandore est un détail de la Nature morte à l'échiquier de Baugin, l'un des dix Tableaux choisis par Perec, très probablement en écho au damier représentant l'immeuble, dans lequel l'ordre de la visite est déterminé par le parcours du cavalier.
 

  Je remarque que la perspective fait de l'échiquier replié un ensemble de losanges (de parallélépipèdes pour être exact).
  Perec a noté dans son Cahier des charges, à côté de "mandore", "allusion à Romain", certainement son ami Romain Weingarten, dont la pièce La Mandore se passe dans un immeuble dont les divers habitants sont les personnages (comme l'oeuvre de Perec). Elle est parue en 1974 dans la collection Le manteau d'Arlequin, ce qui explique l'Arlequin gravé sur la table.
  Une autre contrainte du chapitre est de citer un extrait d'une oeuvre de Nabokov, ce qui, d'après le Cahier des charges, a été fait par "Arthur Rainbow", venu de Lolita.
  Or mes recherches antérieures sur les oeuvres littéraires contenant dans leur titre "Arlequin" m'avaient fait découvrir l'autobiographie imaginaire de Nabokov, publiée également en 1974, Regarde, regarde les arlequins!
  Le titre viendrait des propos d'une grand-tante du narrateur, alors âgé de 7-8 ans:
- Regarde les arlequins!
- Quels arlequins?
- Oh! tout autour de toi. Partout. Les arbres sont des arlequins, les mots sont des arlequins; et les situations et les calculs. Additionne deux choses, et tu obtiens un triple arlequin. Allons! Joue! Invente le monde! Invente la réalité!
  Inventer la réalité... Ces mots me parlent, et me rappellent que j'avais d'abord intitulé le précédent billet Examen de l'oeuvre de Julius Quandt, en référence à Examen de l'oeuvre de Herbert Quain, une nouvelle de Borges.
  Julius Quandt est dans Les yeux géants un théoricien des phénomènes qui frappent le 21e siècle. C'est d'abord un informaticien, peut-être inspiré par Jacques Vallée, et il associe les phénomènes à l'essor de l'informatique, avec un jeu de mots sans doute involontaire:
(...) il y aura un saut quantique entre nos connaissances et celles de l’avenir. (...) En attendant, nous n’avons fait qu’un saut de puce.
  Le livre est paru début 1980, au moment même où était commercialisé le ZX80, un ordi accessible à tous, et qui devait son nom aussi bien à l'année qu'à la "puce" Z80 âme de l'appareil, existant depuis 1976, variante du microprocesseur Intel 8080, conçu en 1974 pour équiper les appareils ménagers...
  Les ordis quantiques, alors hypothétiques, sont devenus réalité dans les années 90, et les perspectives actuelles donnent le vertige.
  Sans aller jusque là, qui a connu le monde d'avant 1980 peut mesurer les chocs du futur qu'ont été l'informatisation généralisée, l'Internet, les smartphones, les réseaux sociaux, les objets connectés, le métavers...
  Quandt (mais sans doute est-ce emprunté à d'autres tels Vallée) semble avoir prévu l'importance de la croissance exponentielle de l'information, et de sa dématérialisation, ce qu'on connaît aujourd'hui comme le cloud, et chercher les occurrences de "nuage" dans Les yeux géants m'a conduit à quelques constatations.
  La première des 21 occurrences concerne précisément les chasses célestes:
1- les cavaliers bondirent dans le ciel. Ils survolèrent la vallée en prenant de l’altitude et disparurent dans les nuages.
  7 occurrences sont directement associées à la lune, alors que l'affaire des couteaux, celui de Norman Andrewski et mon Gefro, m'ont conduit à Mau:
3- de lourds nuages bleus défilaient devant la Lune.
5- Un gros nuage sombre effaça la Lune. L’Œil géant parut alors se détacher sur l’écharpe brumeuse de la Voie lactée.
9- Un petit nuage rouge grignotait la pleine lune, au milieu d’un ciel mauve et or.
14- Un voile de nuages passa devant la lune.
15- La lune passa sous un nuage.
17- Un petit nuage rouge, en forme de lance, perçait la lune ronde, au milieu d’un ciel pur, mauve et or.
18- Un nuage obtura le trou blême de la lune.
  Je ne m'étais pas préoccupé du format du livre, et une page consultée énonce 13 par 21 cm (je rappelle que je vois dans MAU 13-1-21). En fait, c'est plutôt 13,5 par 21,5, et les demi-centimètres pourraient s'additionner pour former 1...
  Il faudrait étudier cela de plus près...

  Une dernière citation de Quandt:
J’affirme que même un contact avec les extraterrestres sur une grande échelle ne mettrait pas fin à l’incertitude, car nous n’aurions strictement aucun moyen de savoir s’il s’agit d’une réalité ou d’une simulation, d’êtres véritables ou imités. C’est que nous ne savons pas encore ce qu’est la réalité; et quand nous le saurons, nous découvrirons sans doute que sa nature nous interdit également toute certitude.
  Plus de 40 ans plus tard, le phénomène OVNI demeure énigmatique. L'un des premiers grands esprits à s'y être intéressé a été Jung, lequel a publié en 1958 Un mythe moderne, où il privilégie l'aspect archétypal des soucoupes, des mandalas, des "cercles" symboles de totalité, rassurant les psychés en ces temps troubles de l'après-guerre et de la guerre froide.
  On voyait aussi à cette époque des formes oblongues, "fusées" ou "cigares", de forme phallique, et ceci m'amène à concrétiser une idée diffuse, à partir du mot migdal qui signifie "tour" en hébreu et "amande" dans diverses langues.
  Il ne semble pas exister de relation étymologique entre les deux, de même entre mandel et mandala, mais il s'agit toujours de symboles sexuels. On revient toujours à "ça", comme dirait l'autre. La "tour" et le "trou".
  Cette page (yeux prudes s'abstenir) envisage une similarité entre la mandorle et la vulve. Une catégorie du blog est "amande adorée".
  Un certain Alberto Gurbanov a publié deux livres avec "zwi migdal" dans le titre, en 1972 et 1989. Je n'ai trouvé que cette page donnant quelques détails sur celui-ci.
  Je remarque sur l'autre le carrelage évoquant damier ou échiquier, et un chat (Mau?) dans le coin inférieur droit.

  En 1954, Jung avait confié à son amie Sabi Tauber: 
Les soucoupes volantes sont aussi un phénomène de synchronicité: une nouvelle vie se développe à l'extérieur de la terre, d'un point de vue nouveau. il pourrait s'agir
a) d'hallucinations de masse
b) de légères matérialisations à partir de l'imagination active d'un "type" qui est par exemple sur Sirius (ou n'importe où ailleurs, sauf sur la terre)
c) d'un nouveau phénomène d'incarnation...
Mon analyse avec Jung (2019)
  S'il faut le préciser, il n'est question que de l'hypothèse a) dans Un mythe moderne, où cependant certains passages sont assez nébuleux.
  Jung y commente les écrits d'un "contacté" oublié, Orfeo Angelucci, s'étant dit choisi comme messager par les extraterrestres, en partie à cause de son nom, venant d'angelos, en grec "messager".
  Il me vient que ANGELOS est l'anagramme de LOSANGE, que le mot grec est αγγελοσ, avec un gamma géminé, introduisant une nasalisation, comme migdal devenant mandel.
  G devient N, une Gutturale une Nasale, un Gars une Nana...
  Le losange borgésien est formé d'un triangle pointe en haut, symbole mâle, et d'un triangle pointe en bas, symbole femelle.
  ORFeo me rappelle le couteau geFRO, et le tag ORmatouF.
  Si l'arme blanche est un symbole viril, l'arme noire aussi, ce qui me conduit à lier le gun anglais (fusil) et la gunê grecque (femme)...

  Bref, ça commence à partir dans tous les sens, et il faudra revenir sur ces nouveaux points, après un peu de décantation...

  Lorsque le titre du précédent billet était Examen de l'oeuvre de Julius Quandt, j'envisageais de placer Arlequin au premier plan du suivant, qui aurait eu pour titre une anagramme, comme
l'arlequin, un jeu de dames dévotieux,
en pensant au damier, ou
arlequinade, jeu de dévots lumineux,
en pensant à la lumière mau.

  Ce n'était plus de mise après l'abandon du titre originel, et j'ai donc choisi pour les lecteurs chevronnés, envisageant d'y mettre au premier plan les combinaisons de deux chevrons, mais j'ai encore dévié de ce programme...
  Alors en dernier mot, puisque le G originel était un chevron, puisque les yeux sont en amande, puisque les losanges noirs ont attaqué la ville "en T", je suggère que les Yeux "géants" soient des yeux "en G"...