8.8.20

Homme sage,
demain tu reliras Perec


  J'ai fait de nombreux ajouts au précédent billet, après sa première publication, et j'ai finalement décidé de consacrer un autre billet aux romans de Thilliez, que voici.


  J'ai relu un Thilliez qui est loin d'être mon préféré, La forêt des ombres (2006), où l'infirme Arthur Doffre demande à David Miller d'écrire un livre sur le Bourreau 125, un affreux tueur qui a massacré sept couples 27 ans plus tôt. La rémunération est si fabuleuse que David accepte les conditions de Doffre, venir avec sa famille dans un chalet isolé en Forêt-Noire.
  Le Bourreau 125 tatouait des séries de chiffres sur le crâne des enfants des couples qu'il tuait après un atroce chantage. Il y a d'abord eu 101703, et David s'aperçoit que ça pourrait correspondre à l'inscription Oktober 1703 gravée en profondeur sur un chêne autour duquel a été construit le chalet.
  Le nombre suivant, 101005, apparaît sur une photo découverte sur place. David se pose des questions, et envisage de quitter les lieux, mais une tempête de neige l'interdit.
  Puis une jeune femme en piteux état arrive au chalet. Elle répète la suite de chiffres en allemand neun... acht... sieben... acht... vier..., 98784, le nombre trouvé tatoué sur le crâne de l'enfant du troisième couple assassiné. Lorsqu'elle recouvre ses esprits, elle dit se nommer Emma, avoir eu un accident de voiture, et que ce nombre 98784 était celui indiqué par le compteur kilométrique au moment de l'accident.
  Ma marotte gématrique m'avait fait remarquer le nom
ARTHUR DOFFRE = 86 + 54 = 140,
nombres de la série bleue du Modulor. Je rappelle que Le Corbusier a construit son système à partir de deux séries additives, la série rouge qui correspond à la série de Fibonacci exprimée en demi-pouces, et la série bleue doublant ces valeurs, en pouces donc. Les équivalences dans le système métrique donnent 16-27-43-70-113 cm pour la série rouge, 32-54-86-140-226 cm pour la série bleue (correspondant à 13-21-34-55-89 pouces).
  J'ai été sidéré de trouver les chiffres allemands correspondre à
NEUN ACHT SIEBEN ACHT VIER = 54+32+54+32+54 = 226
soit la longueur exacte en cm de l'instrument Modulor, ruban gradué avec les séries rouge et bleue, car une concession a été faite au système métrique, et les mesures 113 et 226 cm sont les seules exactes du système, les autres nombres en pouces et cm étant des approximations commodes.
  Ce croquis du Corbusier est supposé montrer la parfaite adéquation de son système avec les postures courantes d'un homme, pourvu qu'il mesure 6 pieds ou 183 cm:
  On y voit 226 construit à partir des éléments 16 et 27 de la série rouge, dont les doubles sont 32 et 54. C'est pour le moins étonnant de trouver quelque chose d'équivalent "construit" à partir des valeurs des noms de chiffres en allemand, avec d'autres curiosités:
- l'ordre des chiffres permet une quadruple césure d'or de 226 (54-32-54/32-54, 140/86, ou 54-32/54-32-54, 86/140, et 54-32-54 mène à 54-32/54, 86/54 ou 54/32-54, 54/86);
- ils sont donnés par EMMA=32, et il s'avèrera que c'était une complice de DOFFRE=54;
- ARTHUR DOFFRE = 86+54 = 140 n'est autre que le BOURREAU 125 = 101+125 = 226 (voir ces nombres énigmatiques sur le Gématron).

  L'édition Pocket peut livrer le nombre suivant, le texte du roman s'achevant page 366. Le Corbusier a fini ses jours dans son cabanon Modulor, de 366x366 cm. Je rappelle son nom réel,
CHARLES-EDOUARD JEANNERET = 226.
 
Note du 15/08: Je viens de relire Sharko (2015), et y ai trouvé de multiples indices suggérant l'intérêt de Thilliez pour Le Corbusier et la suite de Fibonacci. 
- Sharko y enquête sur l'assassin de 13 personnes, 5 hommes et 8 femmes, 5-8-13 nombres consécutifs de Fibonacci.
- Le tueur appartient à un trio, qu'il a représenté sous la forme d'1 grand diable et de 2 diablotins sur une peinture où figurent aussi les 5+8 victimes, 1-2-3 nombres précédents de Fibonacci.
 Le tueur avait inscrit dans sa chair chacune des victimes, par 13 scarifications. Sharko a maquillé son cadavre en le lacérant de 21 coups de couteau, 21 nombre suivant de Fibonacci.
- Une victime du trio se nomme Grégoire CORBUSIER (!), 34 ans, 34 nombre suivant de Fibonacci.
- Le nombre suivant 55 apparaît aussi dans le roman, avec deux âges mentionnés..
- Le nombre suivant, 89, peut apparaître dans la structure du roman: 1 prologue, 87 chapitres, et 1 épilogue.
- Le nombre suivant 144 correspond à la somme des âges du trio criminel, 61 ans pour le diable, 52 et 31 pour les diablotins.

  L'intrigue de La forêt des ombres est grand-guignolesque et aussi difficile à prendre au sérieux que la théorie du Corbusier, mais on a confié de grandes réalisations à l'architecte, et le romancier a pu publier d'autres livres,  bien meilleurs à mon sens.

  Je ne crois pas avoir jusqu'ici rencontré une telle concentration de nombres significatifs, du moins dans un texte où une contrainte n'est pas clairement affichée, et il y a d'autres éléments ébouriffants, comme cet édifice de 32 et 54, correspondant selon le Modulor à 13 et 21 pouces, alors que c'est la construction en 21 et 13 chapitres de Deuils de miel, paru aussi en 2006, qui m'avait fait scruter les romans de Thilliez.
  Les numéros 13 et 13121 de Deuils de miel dans les collections Rail Noir et Pocket m'avaient été significatifs, et celui de La forêt des ombres en Pocket me l'est aussi, 12986, multiple de 86 (151 fois 86), le nombre au coeur de la série 32-54-86-140-226.
  Dans le Manuscrit inachevé, le faux cadavre de David Jorlain, retrouvé à moitié calciné, m'avait évoqué une autre substitution d'identité grâce à un cadavre brûlé, dans Le triangle d'or de Leblanc, où il y a aussi une étonnante accumulation de valeurs correspondant à la série bleue du Modulor.
  Et puis le nombre 98784 a quelques propriétés supplémentaires. Ses facteurs sont 25x32x73, permettant par exemple la factorisation 288x73, pouvant évoquer la naissance de Thilliez le 288e jour de 73 (15 octobre 1973).
  C'est aussi un multiple de 144, 12e terme de la suite de Fibonacci, et la valeur obtenue pour les chiffres, 226, correspond en pouces à 89, le terme précédent.
  Ces nombres sont supposés correspondre aux battements du coeur du Bourreau lors des journées de ses crimes. Comme il y a 1440 minutes dans un jour, 98784 est le seul nombre de la série livrant un résultat sans arrondi, 68,6 battements à la minute.

  Par ailleurs 987 est le 16e terme de la suite de Fibonacci, et 84 le 8e terme de la suite de Fibonacci quadruplée, celle qui m'intéresse pour l'échange Haemmerli-Jung (84/52) dont j'ai trouvé un écho dans le couple de tueurs Chmielnik-Lavache (aussi 84/52) de Il était deux fois, la mort de Chmielnik ayant peut-être quelque chose à voir avec l'éventuelle survie de Lavache, alias Traskman.
  Ceci m'a conduit au nombre 610, 15e terme de la suite de Fibonacci et valeur de la lettre grecque khi, Xi, lettre du chiasme, de l'échange. Le rapport 987/610 (1,618032...) est si proche du nombre d'or (1,618033...) que la section d'or arrondie de 98784 est 61052 (610-52 pourrait s'appliquer à Lavache ayant réussi un chiasme analogue à celui de son personnage David Jorlain).

  La curieuse égalité de trois noms de chiffres en allemand, m'a fait regarder les autres chiffres, et découvrir que sechs, "six", a aussi pour valeur 54. Ceci permet une ENG immédiate (égalité numéro-gématrique):
VIER+NEUN = SECHS+SIEBEN = 108
4+9 = 6+7 = 13
  On trouve encore selon le principe ayant mené de 98784 à 226,
86 = ACHT+SECHS = 32+54 = 86

  Les chiffres tatoués sur le crâne m'ont fait penser à un autre Thilliez, [ANGOR] (2014). Le 14 août 2012 est trouvée une jeune femme livrée à elle-même dans une grotte depuis des mois. Elle a des chiffres énigmatiques tatoués sur le crâne, et les enquêteurs découvrent qu'elle est la douzième femme enlevée dans des conditions similaires.
  Le 14 août m'est une date essentielle, car c'est ce jour que tombe la grande section d'or de l'année. Lorsqu'elle est bissextile, cette section d'or tombe vers 5 h du matin, et donc, en jours entiers, l'année de 366 jours se répartit en
226 jours du 1er janvier au 13 août, et 140 jours du 14 août au 31 décembre.
  Ce billet du 13 août 2008 m'avait été l'occasion de découvrir ceci:
TREIZE AOUT = 83+57 = 140.
  Le principal criminel de [ANGOR] est un enfant adopté qui a découvert à la quarantaine qu'il avait un frère jumeau, et qui le tue, ce qui est très proche de ce qui se passe dans le Manuscrit inachevé.

   Je rappelle que les 84 chapitres de Il était deux fois livrent par leurs lettrines ce message en 84 lettres:
  Le romancier Caleb Traskman est vivant, vous l'avez peut-être croisé entre ces pages, c'est cela la magie.
   Les deux dénouements du Manuscrit inachevé de Traskman actualisent les deux possibilités de l'affrontement entre Léane et le jumeau de son mari, David Jorlain. Les dernières phrases livrent les acrostiches
CESTLEANE et ABRACADABRA, de valeur 84 et 52, rapport 21/13, 8 et 7es termes de la suite de Fibonacci. Ces lettres ôtées, il reste dans les deux phrases 29 et 47 lettres, 7 et 8es termes de la suite de Lucas. L'une des propriétés de ces suites s'énonce ainsi
FmLn + FnLm = 2Fm+n
Pour m = 7 et n = 8, on a
F8L7 + F7L8 = 21x29 + 13x47 = 609 + 611 = 1220 = 2F8+7 = 2F15
F15 est donc 610, un nombre qui est aussi la valeur du nom de la 22e lettre de l'alphabet grec, chi, ou khi, Xi (lettres de valeurs 600 et 10 dans l'alphabet numéral grec), la lettre d'où vient le "chiasme", décrivant un ensemble quelconque où les éléments A et B s'inversent en B et A.
  Or le premier membre de l'équation vue plus haut, FmLn + FnLm, est un chiasme, de même que le double dénouement du Manuscrit inachevé, Léane vit et David meurt dans la version du fils Traskman, Léane meurt et David vit dans la version du père, Caleb Traskman, pseudo de Christian Lavache, dont le prénom est issu du grec Xριστός, "oint", débutant par un X, un chiasme.
  Les valeurs 84 et 52 de CESTLEANE et ABRACADABRA sont aussi celles de CHMIELNIK et LAVACHE, les deux principaux membres de la Société du Xiphopage.
  Les deux autres membres sont ABERGEL et KALININE, valeurs 50 et 75, en rapport fibonaccien 2/3, somme 125. Les valeurs des 29 et 47 lettres complétant CESTLEANE et ABRACADABRA sont 375 et 625, 3 et 5 fois 125.

  Tiens, 125 comme le Bourreau 125, et la valeur 101 de BOURREAU m'avait fait entrevoir quelques équivalences laissées de côté dans le précédent billet:
CHRISTIAN = 101, le vrai prénom du principal assassin de la Société du Xiphopage, or
ASSASSIN = 101
SOCIETEDU  XIPHOPAGE = 101+101 = 202
  Je rappelle que la voiture qui transporte les victimes de David Jorlain est immatriculée JU-202-MO.
  Quelques autres mots de valeur 101, miroirs, frérots, parallèles, ambidextre, simulacre, romancière, et Thilliez...


  Je passe à une autre piste vertigineuse, esquissée dans le précédent billet, le rapprochement entre Il était deux fois et The Greek Coffin Mystery, d'Ellery Queen (1932).
  Le roman de Queen a 34 chapitres, répartis en deux books, "livres", de 21 et 13 chapitres, dont les titres sont formés de mots uniques. Le titre The Greek Coffin Mystery est énoncé en acrostiche dans le premier livre, tandis que le second épelle By Ellery Queen.
  Ce jeu a été perdu dans les deux traductions françaises, toutes deux parues sous le titre Deux morts dans un cercueil. Ces deux morts sont Georg Khalkis, galeriste de New York mort accidentellement, et Albert Grimshaw, voleur d'une toile de Léonard de Vinci. Un incident conduit à ouvrir le cercueil de Khalkis quelques jours après sa mort, et on y découvre le corps de Grimshaw, assassiné.
  Le premier livre débute par une coupure de journal, Georg Khalkis, dead at 67 of heart failure, et s'achève sur le nom Albert Grimshaw, dont la face "lunaire" apparaît dans un rêve.
  Ses initiales sont AG, pouvant évoquer l'élément Ag, l'argent, par ailleurs homologué à la lune, tandis que khalkis signifie "cuivre" en grec. Les numéros atomiques de ces éléments sont 47 et 29. J'avais remarqué que c'étaient comme 21 et 13 les 8 et 7es termes des suites de Lucas et Fibonacci, mais c'est la lecture de Thilliez qui m'a fait prendre conscience que Khalkis, Χαλκίς, débute par la lettre Khi.
  Un élément secondaire du roman est que Khalkis était aveugle, mais un rebond survient dans un autre Queen, publié 36 ans plus tard, The House of Brass, où est assassiné Hendrik Brass, magnat du cuivre, aveugle (brass signifie "cuivre"). Le roman est fort décevant, et je soupçonne fortement Lee, l'autre Queen, d'avoir publié un projet avorté de son cousin Dannay, sans son accord (Dannay a dénigré ce roman dans une interview, sans en dire plus).
  Curiosité, le titre de la traduction française
LA MAISON AUX ETRANGERS = 257
a la même valeur que
THE GREEK COFFIN MYSTERY = 257

  J'ai repris ce Queen en 2001 à la suite de la lecture d'un article de la revue Europe 825-826,  Mallarmé et le Nombre d’Or, où Gehrard Goebel évoque l’acrostiche courant sur les 38 chapitres de l’Hypnerotomachia Poliphili, le Songe de Poliphile (1499), avançant l’idée que son climax est la découverte du tombeau d'Adonis au milieu du chapitre 24, divisant l’ouvrage en 23,5 et 14,5 chapitres, soit le rapport doré
23,5/14,5 = 47/29.
  Ceci m'est apparu fort contestable, d'autant que le livre a deux parties de 24 et 14 chapitres, les chapitres de la seconde partie étant bien plus courts que ceux de la première. Le tombeau grec m'a rappelé l'acrostiche du roman d'Ellery Queen, où la répartition 21/13 est immédiate.
  Je me suis intéressé à l'acrostiche du Songe,
POLIAM FRATER FRANCISCVS COLVMNA PERAMAVIT
et ai remarqué que la division de l'ouvrage en 24 et 14 chapitres le répartissait en
POLIAM FRATER FRANCISCVS CO = 252 = 12 x 21
LVMNA PERAMAVIT = 156 = 12 x 13

  La césure survient dans le nom de l'auteur présumé, Franciscus Columna, Francesco Colonna, lequel semblait prédisposé à inscrire son nom "en colonne". L'idée de Goebel de choisir comme césure d'or le milieu du chapitre 24 peut s'accorder à ce 21/13, puisque la lettrine O est au début de ce chapitre.
  C'est encore une fois Thilliez, Franciscus Tilius, qui m'a fait me demander s'il y avait du chiasme dans le Songe, ou la lettre grecque khi (chi), or le premier mot du titre original est un néologisme forgé à partir du grec, HYPNEROTOMACHIA, "combat entre le rêve et l'amour", et le "combat", μαχία, est un mot de 5 lettres avec un khi en son centre.
  L'écriture en grec livre une curiosité, car selon l'alphabet numéral grec,
Υπνερωτομαχία = 2457 = 9 x 21 x 13.
  La scission livre
Υπνερωτο  μαχία =1805 + 652, et il y a eu une fameuse bataille en 1805, terme de l'épopée napoléonienne.

  Il existe ainsi trois livres offrant une remarquable série de points communs:
- un acrostiche couvre tous leurs chapitres, acrostiche dans lequel apparaît le nom de l'auteur, réel ou présumé;
- des possibilités dorées permettent de faire apparaître les rapports 21/13 et 47/29, les 8 et 7es termes des suites de Fibonacci et Lucas, les deux suites additives particulièrement liées au nombre d'or;
- une propriété chiastique relie les suites de Fibonacci et Lucas, et elle mène dans ce cas des couples 21-13 et 47-29 au 15e terme de la suite de Fibonacci, 610, valeur du nom de la lettre chi ou khi, apparaissant dans les trois oeuvres, avec machia, Khalkis, et Christian Lavache, vrai nom de Caleb Traskman.

  Par ailleurs les chiasmes sont multiples dans Il était deux fois, voir le billet précédent, et j'en vois d'autres. L'acrostiche suggère que Christian Lavache, alias Caleb Traskman, ne serait pas mort, alors que son suicide a été officialisé début 2018, et le second membre du Xiphopage est Henri Chmielnik, alias Arvel Gaeca, mort d'une crise cardiaque en 2015. Chmielnik est le nom d'une ville polonaise s'écrivant en cyrillique Хмельник, débutant par la lettre Х, Kha, venant du Khi grec. Ce pourrait être un double chiasme, avec le prénom de l'un débutant par la même lettre que le nom de l'autre et cette lettre est celle à l'origine du chiasme.
  Les pseudos des deux tueurs sont dérivés des noms de deux assassins. Arvel Gaeca est l'anagramme de Le Caravage, le peintre qui a dû s'exiler après avoir tué quelqu'un à Rome.
  Caleb Trask est l'un des jumeaux d'A l'est d'Eden, responsable de la mort de son frère Aaron. Le père se nomme Adam Trask, et Steinbeck s'est inspiré du meurtre originel d'Abel par son jumeau Caïn. Le "man" de Traskman pourrait faire allusion à Adam, le mot adam signifiant "homme" en hébreu.
  Caïn exclu d'Eden a été marqué d'un signe, 'ot qui signifie aussi "lettre". Parmi les diverses interprétations envisagées, il y a la lettre tav, qui en paléo-hébraïque était une croix en X.
  Caïn et Abel, Caleb et Aaron, Caleb et Arvel... Je vois mal quelle relation il pourrait y avoir entre la mort d'Arvel et l'éventuelle survie de Caleb, mais peut-être Thilliez apportera-t-il une solution dans l'opus de 2022.
  Le manifeste de la Société du Xiphopage débute ainsi (ce qui peut évoquer l'édition originale de The Greek Coffin Mystery, dont la 4e de couv' débutait par The fine art of murder):
Depuis le meurtre d'Abel par Caïn, l'artiste a figuré le crime.
  Il est signé des initiales des quatre membres, CT, AG, AA et DK. Les deux premiers semblent les principaux, et leurs initiales correspondant aux bases de l'ADN font le lien avec [GATACA], où trois scientifiques ont imaginé une solution au problème de la "bombe P" (la surpopulation) en important le génome de la tribu amazonienne Ururu (un palindrome), où les mâles sont saisis de frénésie meurtrière peu après être arrivés à l'âge adulte, puis se suicident.
  Ceci est lié à la chiralité, dont la racine est un autre mot grec débutant par la lettre khi, χείρ, "main". Les Ururus sont gauchers, et leur vision s'inverse à l'âge adulte; ils voient les paysages à l'envers, et souffrent de tels maux de tête qu'ils se tuent.


  L'ADN, au centre de ce roman, est le lieu de multiples chiasmes. L'unité essentielle est le chromosome, dont la racine est un autre mot grec débutant par la lettre khi, χρώμα, "couleur", et sa structure est apparentée à un X, comme le montre le génome humain:
  C'est par hasard que les seuls chromosomes identifiés aujourd'hui par des lettres sont X et Y, parce qu'on a d'abord compté 23 paires autosomes, identifiées par les lettres de A à W, plus les chromosomes sexuels XX ou XY, mais plus de précision a conduit à 22 paires autosomes.

  Le constituant essentiel du chromosome est le double brin d'ADN, chaque brin étant une chaîne de plusieurs dizaines de millions de nucléotides. Le brin codant est dit 5'-3', portant l'information contenue par les bases distinguant les nucléotides, symbolisées par leurs initiales, ATGC. L'autre brin, 3'-5', est dit antiparallèle, il contient la même information, selon la complémentarité des bases ATGC y devenant TACG.  
  Lors de la réplication, les deux brins se séparent, et la machinerie cellulaire complète chaque brin pour former deux molécules d'ADN à deux brins.
  Lors de la transcription, un secteur de l'ADN s'ouvre pour transmettre son information par l'ARN messager, à un seul brin, les bases ATGC devenant UACG. Il est supposé que jadis l'ADN utilisait aussi l'Uracile, ensuite remplacé par la Thymine. Toujours est-il que les lettres du code génétique sont UAGC, pouvant donner les symboles Ag et Cu de l'argent et du cuivre.

  Tout ceci est fascinant, mais bien décrit ailleurs, et je reviens à [GATACA], où les scientifiques dévoyés ont fécondé une femme avec du sperme Ururu, et ont baptisé l'enfant né sous X (!) le 4 janvier 1987 Grégory Arthur Tanael Carnot, GATC... En 2011, le gène de violence activé le conduira à tuer, par hasard (?), les jumelles de Lucie Henebelle, et il se tuera peu après en prison.
  Il peut y avoir davantage, car la gématrie, utilisée ailleurs explicitement par Thilliez, livre
GREGORY ARTHUR TANAEL CARNOT = 95+86+53+71 = 305.
  Le rare prénom Tanael pourrait avoir été choisi pour évoquer le brin 5'-3', tandis que le total 305 désignerait le brin 3'-5'.
  Par ailleurs 305 est la moitié de 610, valeur du grec Khi.

  Il est le plus souvent appelé Grégory Carnot, avec pour initiales les bases complémentaires G-C. Arvel Gaeca a lui pour initiales les symboles des purines, Adénine et Guanine, tandis que Caleb Traskman correspond aux pyrimidines Thymine et Cytosine qui leurs sont complémentaires.

  Le dénouement de Caleb est donné en écriture manuscrite, probablement de la main de Thilliez, s'achevant sur une page numérotée 495. Je remarque que le rapport 305/495 est égal à 61/99, les valeurs de NOUVEAU ROMAN évoquées dans le précédent billet, à propos d'une autre dernière page. Un roman peut en cacher un autre.


  Les voisinages de 610, nombre du chiasme, et des suites de Fibonacci et Lucas me rappellent un cas extérieur à la littérature, mais je suis très loin d'être sûr qu'il existe un rapport logique entre les trois oeuvres littéraires étudiées plus haut.
  Lorsque j'ai lu l'étude d'Europe citée supra, sur le nombre d'or chez Mallarmé, j'ai été peu convaincu par les exemples donnés, et ai eu l'idée de tester un ensemble de nombres que je connaissais bien, les nombres de mesures des pièces du premier cahier du Clavier bien tempéré.
  J'ai composé trois feuilles Excel avec les nombres de mesures des préludes, ceux des fugues, et ceux des ensembles prélude-fugue. J'ai regardé parmi toutes les sommes de pièces consécutives ainsi apparentes s'il apparaissait des nombres de Fibonacci, ou des nombres de Lucas, ou leurs multiples, parce que ce sont les suites additives les plus immédiates.
  J'ai relaté dans une page aujourd'hui disparue des résultats qui m'avaient surpris, mais l'un d'eux me semble aujourd'hui bien plus frappant que je ne l'avais jugé alors.
  Il y a deux ensembles "dorés", le 14 avec 24-40 mesures, ce qui correspond au rapport fibonaccien 3/5, et le 24, 47-76, deux nombres de Lucas, donnant un excellent rapport d'or,
76/47 = 1,617... (le nombre d'or est 1,61803...), alors que
40/24 = 1,666...
  Ceci ne me semblait intéressant que dans la mesure où les 11 fugues 14 à 24 totalisent 610 mesures, 15e terme de la suite de Fibonacci, et
les 7 fugues 14 à 20 totalisent 377, 14e terme,
les 4 fugues 21 à 24 totalisent 233, 13e terme,
377/233 = 1,61802...

  Ce n'est qu'aujourd'hui, encore grâce à Thilliez, que j'entrevois où peut mener ce jeu, avec un rapport fibonaccien pour le PF 14, un rapport de Lucas pour le PF 24, et 11 fugues 14 à 24, nombre de Lucas, totalisant 610, nombre de Fibonacci, avec un parfait découpage 7-4 correspondant à 377-233.

  J'avais vu plus tard que 610 correspond au ΧΙ grec, mais XI est aussi 11 en chiffres romains, ainsi 11 fugues = 610 mesures pourrait aussi s'écrire ΧΙ = XI...
  Le piètre hébraïsant que je suis s'est aussi émerveillé des 377 mesures des 7 premières fugues, car 377 est la valeur de "sept" en hébreu, sheva'a. Quant aux 4 dernières fugues, j'ai déjà souligné la correspondance entre les 24 tonalités et le titre qu'a donné Bach à son oeuvre, DAS WOHLTEMPERIRTE CLAVIER, en 24 lettres; à ces 4 fugues correspondraient les 4 dernières lettres, VIER, "quatre" en allemand.
  Il y a aussi des choses à dire sur les 11 préludes correspondants, totalisant 297 mesures, 11 fois 27. Les 13 autres préludes totalisent 522 mesures, 18 fois 29, deux nombres de Lucas, alors que le 11e a 18 mesures, et le 18e 29 mesures. 11-18-29-47-76, la suite de Lucas semble très présente dans ce premier cahier, dont le nombre total de mesures, 2088 (4 fois 522), peut se factoriser en 3 nombres de Lucas, 4x18x29. Je rappelle qu'en comptant 48 pièces, la 47e est le prélude 24 en 47 mesures, le seul à répétitions, et la fugue associée a 76 mesures. A la fin de cette fugue, Bach a apposé l'une de ses signatures sur le manuscrit de l'ensemble, SDG, pour Soli Deo Gloria, "à Dieu seul la gloire", signature employée pour plusieurs autres oeuvres.
  Les rangs de ces lettres SDG sont dans l'alphabet latin 18-4-7, soit trois nombres de Lucas, dont la somme est un autre nombre de Lucas, 29.

  Il y a d'autres choses à dire sur ces 11 ensembles, et j'ai remis en ligne une page qui leur était consacrée, mais pour l'heure peut-on envisager des échos entre Bach et les autres points commun entre les trois oeuvres littéraires vues supra.
  Chiasme et chiralité font partie de l'écriture polyphonique, notamment au sens propre pour "chiralité" dans l'écriture pour clavier, où au moins une voix doit passer souvent d'une main à l'autre.
  Bach a-t-il pratiqué l'acrostiche? Bien sûr, et un exemple célèbre en est le RICERCAR de l'Offrande musicale:
« Regis Iussu Cantio Et Reliqua Canonica Arte Resoluta » (À la Demande du Roi, le Chant et le Reste Résolus selon l'Art Canonique).
  Un autre exemple fait apparaître le nom BACH après le canon pour son ami FABER (et une petite énigme ensuite avec les majuscules IT):

  J'avais été conduit à évoquer les 24+40 mesures de l'ensemble 14 du Clavier bien tempéré à propos de Puzzle, de Thilliez, en 64 chapitres offrant une nette possibilité de partage 24-40. On trouve dans le roman une énigme qui fait intervenir explicitement un code alphanumérique A=0, B=1, C=2, etc., et une tout autre énigme a pour solution CA2017. J'ai eu la curiosité d'appliquer le code à 2017, et découvert CABH.
  Dans le one-shot précédent, Vertige, le responsable d'une effarante machination se nomme
MAX BECK = 38 21 (CH BA selon un code plus immédiat).

  Fusionner 24-40 mène à 2440, 4 fois 610. L'équation vue plus haut,
FmLn + FnLm = 2Fm+n
reste valable lorsque F est une série multiple de la série normale de Fibonacci, et si on prend les valeurs réelles des initiales des deux dénouements du Manuscrit inachevé, 84 et 52, avec les nombres de lettres complémentaires 29 et 47, on obtient
84 x 29 + 52 x 47 = 2 x 2440.
  Fusionner 47-76, les nombres de mesures de l'ensemble 24, mène à 4776, soit 24 fois 199. C'est une curiosité car 199 est le nombre suivant après 47-76-123 dans la suite de Lucas. Je ne connais pas d'autre exemple de ce type dans une suite additive quelconque.

  47-76 m'évoque
GEORGES PEREC = 76 47
et provoque un nouveau dessillement. Perec propose un magnifique type d'acrostiche au chapitre 87 de La Vie mode d'emploi, où les deux sociétés Marvel Houses International et Incorporated Hostellerie fusionnent pour créer 24 complexes hôteliers dans 24 lieux dont l’énoncé fait apparaître, verticalement et côte à côte, l’intitulé des deux firmes créatrices:
  Il y a maintenant près de 24 ans que je me suis avisé que la valeur des 24+24 lettres des noms des deux firmes est 576 = 24x24,
MARVEL HOUSES INCORPORATED = 296
INTERNATIONAL HOSTELLERIE = 280,
mais il ne me semble pas avoir encore accolé cet omniprésent 24 au numéro du chapitre concerné, or
24x87 = 2088, le nombre de mesures des 24+24 pièces du premier cahier du Clavier bien tempéré, en deux colonnes 24 préludes et 24 fugues, tandis que le jeu de Perec constitue à mettre en colonnes les 24+24 lettres des deux firmes (il y a 3 possibilités de conjuguer un prélude et une fugue pour parvenir au total 87, la plus intéressante semblant être les 47 mesures du prélude 24 avec les 40 de la fugue 14, les deux ensembles "dorés").
  J'ai souvent évoqué ce jeu de Perec à propos du Clavier bien tempéré, essentiellement à cause des 47-76 mesures du dernier ensemble Prélude-Fugue, mais je découvre aujourd'hui que deux constatations jusqu'ici jugées mineures, chacune à part, se superposent étrangement:
- les 8 premiers noms des lieux de Perec totalisent la valeur 444;
- les 8 premières pièces de Bach (ou 4 ensembles Prélude-Fugue) totalisent 444 mesures (j'ai donné ici le détail des deux cahiers).

  Dans l'alphabet d'aujourd'hui, X est la 24e lettre, et il est fort probable que Perec l'ait eu à l'esprit en composant ce jeu, lui pour lequel les lettres W et X formaient une "géométrie fantasmatique"; La Vie mode d'emploi s'achève sur le puzzle que tente de résoudre Bartlebooth, dont le dernier espace libre à la forme d'un X, alors que la dernière pièce a celle d'un W. Le chiasme est présent dans cette histoire des deux firmes, lesquelles créent deux holdings pour financer leurs activités, Marvel Houses Incorporated et International Hostellerie.

  On a donc acrostiche et X, qu'en est-il de Fibonacci et Lucas? 576 appartient à la suite quadruplée de Fibonacci, et les 132 lettres composant les 24 lieux peuvent se factoriser en 3x4x11, trois nombres de Lucas, tandis que leur valeur 1365 se factorise en trois nombres de Fibonacci, 5x13x21 (encore un 13x21=273, rencontré pour les nom et pseudo de Traskman-Lavache, et pour Υπνερωτομαχία = 9x273.
  1365 est encore le plus petit commun multiple de 65 et 105, les valeurs de
RAINER GOTTARDT = 65+105, le pianiste de L'enfer de Belletto, célèbre pour son interprétation du Clavier bien tempéré, notamment du Prélude-Fugue en 47-76 mesures, ce qui donne lieu à la formidable coïncidence détaillée ici.

  Je n'imagine pas que Perec ait fait ces calculs, et je suis loin d'être sûr que le plus évident, les 24+24 lettres de valeur 24x24, ait été intentionnel. Ce qui me semble certain, c'est qu'une fois trouvés les noms des deux firmes, choisir des noms de lieux de 5 ou 7 lettres permettant le double acrostiche était un exploit tel qu'y mêler un jeu numérique aurait été faramineux.

  Il y a d'autres oeuvres où interviennent acrostiche et nombre d'or, avec un statut différent car il ne fait aucun doute dans ces cas que ce soit intentionnel.
  Au premier rang figure House of Leaves, car il est fort probable que Thilliez l'ait lu, et que ceci ait au moins influencé la cauchemardesque maison de Caleb Traskman. On y trouve notamment le nom de l'auteur en acrostiche, et je crois avoir démontré que Danielewski connaissait la "quine des bâtisseurs" et avait établi sa correspondance avec le Modulor, le livre imaginaire Concatenating Le Corbusier d'Aristides Quine en étant un fort indice.
  Il y a aussi Letters, de John Barth, où acrostiche et nombre d'or sont explicites. Je rappelle que Barth y fait référence explicitement au 14 août comme phi-point de l'année, mentionné plus haut comme point de départ d'[ANGOR] de Thilliez.
  Enfin mon Novel Roman, bien sûr, où j'ai notamment utilisé un ensemble de 4 noms donnant l'acrostiche LOVE et la valeur 273 = 21x13.

  302e billet de Quaternité, et donc titre de valeur 302. X (et Y) m'ont rappelé une admirable potence d'un des premiers mots croisés de Jacques Drillon pour l'Obs,
I - X et 1 - Y
  Ma première idée a été ce jeu, incluant les solutions:
X, POL
Y (la patte d'oie)
technique
  L'écriture m'a fait reprendre La forêt des ombres, Pocket n° 12986 (302x43), découvrir son édifice de 32 et 54, et désirer l'utiliser, d'autant que le nombre 98784 utilise deux fois 8, alors que ce billet était prévu pour le 8/8. Chercher des couples de mots de valeurs 54 et 32 m'a fait trouver "homme sage", penser à un vers de Baudelaire, et donc parvenir à
Homme sage, demain tu reliras Perec

  Les jeux sur la série bleue du Modulor m'ont fait étudier d'autres nombres formés comme 98784 de 3 chiffres de type B=54, soit 4-6-7-9 (vier-sechs-sieben-neun) et de deux chiffres de type A=32, nécessairement 8 (acht).
  Avec la forme BABAB de 98784, il n'y a pas de possibilité de multiple de 226, essentiellement cherché, mais avec la forme BABBA, également fibonaccienne, étudiée ici, il y a deux résultats:
68478 = 226 fois 303
78648 = 226 fois 348
  On trouve aussi le nombre suivant de la série bleue, avec
48678 = 366 fois 133,
et 78948, formé des mêmes chiffres que 98784, mérite d'être mentionné, car
78948 = 86 x 54 x 17,
86 et 54 étant les valeurs de ARTHUR DOFFRE, qui est donc aussi le
BOURREAU 125 = 226, toujours somme des valeurs des chiffres allemands composant 78948.
  Incidemment, Doffre est responsable de 17 morts dans le roman, les 7 couples qu'il a tués jadis, et 3 nouveaux morts en Forêt-Noire, la femme et la fille de David tuées par EMMA=32, et Emma tuée par Doffre.

  Une petite chose encore. Je viens de découvrir un site russe offrant des tas de livres dans toutes les langues. C'est probablement tout à fait illégal, mais en attendant que monsieur Poutine y mette bon ordre j'en ai profité pour lancer une requête "Fibonacci", ce qui m'a ouvert de nouvelles pistes.
  Incidemment, les rares résultats français arrivent d'abord, et le résultat 4 est La mémoire fantôme de Thilliez, dont j'ai déjà dit un mot. Chez lui, ceux qui s'intéressent au nombre d'or et à Fibonacci sont essentiellement des psychopathes de la pire espèce...
  Les nouvelles pistes, ce sont les résultats 6 et 13. L'un est Lost Empire (2010), de Clive Cussler, dont les héros Sam et REMI Fargo utilisent la spirale de Fibonacci pour résoudre une énigme. On m'avait déjà dit que Remi était un prénom féminin US, mais j'ignorais qu'une Remi se passionnait pour Fibonacci.
  L'autre est une série d'essais de Bruce Sterling sur la SF. L'auteur Carter SCHOLZ y dit avoir utilisé la suite de Fibonacci pour déterminer le nombre et la longueur des chapitres de son roman Palimpsests (1984), et se demande si quelqu'un s'en est aperçu.
  Ainsi Rémi Schulz lance une requête menant parmi les premiers résultats à Remi et Scholz... Je vais me procurer ces livres (de façon légale, bien sûr), et ce sera peut-être l'objet d'un prochain billet.


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