18.5.23

la forêt des nombres

à Johann et Franck

  Je reviens à l'erreur de l'édition originale de La forêt des ombres (2006), reprise dans la première édition Pocket (2008), corrigée dans les éditions ultérieures. Les 9 occurrences du nombre allemand "huit", acht, y sont orthographiées archt, notamment dans la séquence
- Neun... archt... sieben... archt... vier...  
qui m'avait parue extrêmement significative en 2020 lors de ma lecture de sa forme corrigée. Je ne reviens pas sur l'architecture dorée déduite de cette "correction", réétudiée dans les précédents billets, car il se trouve que ACHT=32 devenu ARCHT=50 amène une autre relation dorée:
(3 chiffres exacts)/(2 chiffres faux) = (3x54)/(2x50) = 162/100,
soit 1,62, approximation courante du nombre d'or 1,618033...

  100 et 162 sont des termes de la suite
4, 10, 14, 24, 38, 62, 100, 162, ...
doubles de ceux de la suite OEIS 1060, utilisée par certains compositeurs:
2, 5, 7, 12, 19, 31, 50, 81, ...

  Les deux suites me sont évocatrices. La première parce que l'étude du Thilliez suivant, La mémoire fantôme (2007), m'a conduit à une trouvaille magnifiant ma proposition d'architecture des tonalités BACH dans le Clavier bien tempéré (WTC), or une autre découverte essentielle a marqué mes recherches sur les deux cahiers du WTC, vus comme 48 ensembles Prélude-Fugue.
  Dans 3 ensembles, le nombre de mesures du Prélude est en rapport d'or optimal avec celui de la Fugue, ce sont les ensembles 14-24-38, et le nombre moyen de mesures des 3 ensembles est 100, idéalement réparti en 38-62.
 

  Ainsi les nombres moyens de mesures 38-62-100 sont le prolongement des rangs 14-24-38... L'élégance de ce résultat plaiderait aisément pour une intentionnalité effective, mais un approfondissement conduit à d'étranges constatations, et l'ensemble de mes découvertes bachiennes est si vertigineux que j'ai abandonné ce terrain, estimant en avoir assez fait.
  Après avoir rappelé cela il y a quelques jours, il m'est venu ce matin 25 avril de calculer la valeur de l'allemand "100" selon l'alphabet prêté à Bach,
EIN HUNDERT = 27+86 = 113,
soit le nombre de mesures de l'ensemble 38, ou ensemble 14 (=BACH) du second cahier, lequel est souvent vu comme le plus accompli. Hors toute appréciation subjective, c'est la seule triple fugue du WTC, fugue à 3 voix et 3 sujets superposables. La triple fugue est un sommet de l'art contrapuntique, et Bach n'en a composé que deux autres, pour orgue.
  Je m'imagine un instant dans la tête d'un Bach désireux de magnifier son nom et le nombre d'or dans le WTC: Je vais composer trois ensembles dorés du 14e au 14e du second cahier, soit le 38e, ainsi l'ensemble intermédiaire sera nécessairement le 24e; pour être parfaitement compris, je vais donner à mes ensembles une moyenne de 100 mesures, et le dernier aura 113 mesures, valeur de "100".

  L'Art de la fugue semblait être prévu pour s'achever sur ce qui n'avait encore jamais été fait, une quadruple fugue dont la fin a été perdue. Les adeptes numérologues ont apprécié que ce Contrepoint 14 introduisait pour la première fois dans l'oeuvre de Bach un sujet débutant par les notes B-A-C-H.
  Le résultat sur EIN HUNDERT m'a conduit, pour la première fois, à m'intéresser à 2-1-3-8, soit
ZWEI EINS DREI ACHT = 59+45+35+31 = 170, 
ce qui m'a été aussitôt évocateur. L'ensemble Prélude-Fugue 24 a 123 mesures écrites (47-76), mais son Prélude est à reprises, seul cas dans le premier cahier, ce qui conduit donc à 170 mesures jouées, 170 se partageant selon le nombre d'or en 65 et 105, or les ensembles 13 et 15 du WTC1, encadrant l'ensemble 14, ont 65 et 105 mesures.
  Je m'étais extasié jadis sur le fait que, selon la correspondance des 24 ensembles avec les 24 lettres du titre donné par Bach au WTC, ces 3 ensembles 65-105-110 correspondent aux 3 lettres R, et, plus récemment, sur le nom d'un pianiste imaginé par Belletto, pianiste particulièrement célèbre pour son interprétation de l'ensemble 24 du WTC1 (en 170 mesures jouées donc),
RAINER GOTTARDT = 65 + 105 = 170.

  Là le vertige est tel que je me borne à signaler que la Fugue est vue comme la plus profonde du WTC1, et que la seconde mesure du sujet peut être considérée comme deux séquences BACH transposées se chevauchant:
 

  En ce qui concerne la suite
2, 5, 7, 12, 19, 31, 50, 81, ...
j'avais vu que La mémoire fantôme était le premier roman de Thilliez mentionnant le nombre d'or (et Fibonacci), et la première mention était à la fin du chapitre 18, parmi 48, or 18 est la petite section d'or de 48, ou encore les deux nombres font partie de la suite de Fibonacci sextuplée,
6, 6, 12, 18, 30, 48, ...
à sa place dans ce roman où l'assassin est un sextuor.
  Il y a un Prologue et un Epilogue, et les prendre en compte fait passer de 18-30-48 à 19-31-50. Ce ne pourrait être qu'un détail insignifiant si le thème de l'assassin multiple n'avait été inauguré par Stanislas-André Steeman, avec L'assassin habite au 21.
  J'ai cité Steeman dans mon recensement des cas 21-13, pour deux cas:
75/ L’assassin habite au 21La morte survit au 13 (écrits en 1939 et 1958, 31 et 50 ans)
76/  21 lettres Stanislas-André Steeman = 233, 13e Fibo
  Si "publiés" devraient remplacer "écrits", la référence à Steeman à partir des 50 éléments de La mémoire fantôme, répartis en 19-31, m'a conduit à ces 31-50 ans.
  13 et 21 étant les 7 et 8es termes de la suite de Fibonacci, j'ai aussi inclus parmi les cas 13-21 les cas 29-47, 7 et 8es termes de la suite de Lucas, l'autre suite additive essentielle. Ce n'est qu'en rédigeant le présent billet que je m'aperçois que les nombres allemands 7-8, sieben-acht, ont les valeurs 54-32 correspondant en cm à 21-13 pouces.
  S'il est maintenant acquis que ce ne pouvait être intentionnel chez Thilliez, son erreur conduit à
(ARCHT+ARCHT) / (NEUN+SIEBEN+VIER) = 100/162,
100 et 162 étant les 7 et 8es termes de la suite
4, 10, 14, 24, 38, 62, 100, 162, ...

  Les assassins de 1939 habitent la pension de famille du 21 Russell Square à Londres, l'assassin de La morte survit au 13 en 1958 est un client du bordel sis au 13 rue des Cultes d'un bourg provençal.
  Le roman se passe en 1910, où M. Wens n'est encore qu'un garçonnet sur les bancs de l'école, ce qui ne l'empêche pas de démasquer le responsable, à chaque fois involontaire, des morts successives de Clémentine, Odile, Amadou, et Sibylle.

   J'avais cité l'an dernier M. Wens, nom composé des initiales des 4 points cardinaux en anglais, et suis charmé de le voir élucider ici 4 morts. J'ai bien sûr examiné les initiales des victimes, COAS, dont certaines anagrammes peuvent être significatives, COSA, "chose" (entre toutes), OCAS, "oies"...
  Le COAS est un instrument d'alignement dans l'espace, utilisé dans le programme Apollo.
  On pourrait encore nommer les points cardinaux Couchant, Orient, Austral, Septentrional.

  La morte survit au 13 est dédié à Pierre Fresnay, interprète à deux reprises de Wens, notamment dans L’assassin habite au 21, bien qu'il n'y apparaisse pas dans le roman original.

  Les 31 et 50 ans de Steeman me rappellent que les dates principales associées aux deux cahiers du WTC sont 1722 et 1744, 1722 étant la date du manuscrit de Bach lui-même pour le WTC1, 1744 celle du premier manuscrit complet connu du WTC2, de la main du gendre de Bach, Altnikol. Il est cependant probable que tous les ensembles du WTC2 existaient dès 1742.
  Quoi qu'il en soit, j'avais vu que 1722 et 1744 étaient les années où Bach a eu 37 et 59 ans, partage doré de 96, précisément le nombre de pièces distinctes des deux cahiers, 48 Préludes et 48 Fugues.
  Aujourd'hui, je m'avise que, si Steeman est né le 23 janvier 1908, ce qui donne une bonne probabilité à ses 31 et 50 ans lors des publications de ses uniques romans avec un numéro d'adresse dans le titre, Bach né un 21 mars permet un peu plus de latitude, ainsi 36 et 58 sont envisageables, or
36x58 = 2088, précisément le nombre de mesures du WTC1.
  Il se trouve que le premier billet sur La forêt des ombres m'avait conduit à parler de ces 2088 mesures, s'y reporter pour savoir pourquoi.
  Incidemment, j'ai utilisé la date du 23 janvier 1908 dans le chapitre 3 de Novel Roman, en rapport avec l'anniversaire de Stendhal  né le 23 janvier 1783. Steeman-Stendhal, je l'aurais exploité si j'en avais été conscient...

  Dans La forêt des ombres, il est souvent question du "mystère des nombres", les 7 nombres du type 98784 tatoués sur les victimes du Bourreau 125. Ceci m'a fait envisager le titre alternatif La forêt des nombres
 

et à le confronter à l'autre titre publié en 2006 par Thilliez:
DEUILS DE MIEL = 118,
LA FORET DES NOMBRES = 191,
deux nombres en excellent rapport d'or (191/118=1,618...) faisant partie d'une autre suite additive additive intéressante, la suite OEIS 22095:
1, 5, 6, 11, 17, 28, 45, 73, 118, 191, 309, 500, 809,...

  Elle est intéressante en ce que ses doubles produisent des approximations plus évocatrices du nombre d'or (souvent donné pour 1,618):
2, 10, 12, 22, 34, 56, 90, 146, 236, 382, 618, 1000, 1618,...
  Curieusement, le billet où j'ai abordé en juillet 2015 Deuils de miel avait pour "working title" 500, et c'est sous ce nom que la page web apparaît, car j'avais oublié de trouver un titre définitif au moment de publier:
https://quaternite.blogspot.com/2015/07/500.html
  Je ne me souviens pas exactement du pourquoi de ce 500, mais je pense que c'est lié au numéro ISBN de l'édition Pocket dans laquelle j'avais lu le roman, 978-2266-20500-9. Je venais de découvrir en juin-juillet trois romans offrant un découpage 21-13, j'en étudiais deux dans ce billet, et le suivant le 18 août, Le Livre de saphir, de Gilbert Sinoué, or j'avais découvert Sinoué en août 2008 avec son polar métaphysique Les silences de Dieu, où l’indice du « jumeau 0,809 » mène à Satan, qui partage avec Dieu la « divine proportion », le nombre d’or 1,618…
  Ceci m'avait conduit à lire un autre Sinoué, Des jours et des nuits, ce qui a très probablement joué un rôle important dans mon intuition quaternitaire du 8/9/2008.

  Dans un second billet sur Le Livre de saphir, le 31 août, je mentionnais une curiosité à propos de son édition originale, son code ISBN à 13 chiffres étant  9782207240809, alors que le code de sa traduction anglaise, 9780967698809, se termine aussi par les chiffres 809.
  C'était dans l'édition de poche Folio que j'avais lu Le Livre de saphir, et je ne pense pas avoir connu en écrivant le billet sur Deuils de miel cette coïncidence sur les ISBN se terminant par 809, sans aucune raison logique car le dernier chiffre du code est obtenu par pondération des 12 premiers chiffres, pour vérifier qu'il n'y a pas erreur. C'est pour cela que les codes ISBN à 10 chiffres, omettant le 978 initial correspondant à la catégorie livre, ont un dernier chiffre différent.
  Ce sont peut-être uniquement les "jumeaux 0,809" qui m'avaient fait mettre en avant le nombre 500 achevant la partie "numéro chez l''éditeur" du code ISBN de Deuils de miel, et je n'avais apparemment pas jugé pertinent de le mentionner lors de l'écriture des billets sur Sinoué.
   Il aurait été bien plus pertinent de faire un lien entre l'erreur de chapitrage de Deuils de miel, significative, et une erreur du premier tirage de l'édition originale du Livre de saphir, significative dans son contexte, où le Tétragramme était donné avec chacune de ses lettres inversée latéralement.
  Le second tirage donnait la forme correcte.
  C'était une erreur de l'éditeur, de même que celle de chapitrage dans Deuils de miel, et je n'avais pas alors souligné ce cousinage, ni plus tard dans Erreurs et galéjades, consacré aux erreurs dans la collection Rail Noir.
  Errare synchronicitam est... Je ne compte plus les erreurs significatives rencontrées çà et là, ne me souvenant que des récentes, Zvi Alon devenu Zvi Mon, "déchiffrer" devenu "déchifrer" chez Queen et Ricardou... Il faudrait essayer de reprendre tout ça...

  Le passage ci-dessus a été interrompu par une intuition bachienne le 27 avril, ce qui m'a conduit à écrire Le tempérament bien formaté.
  Y a-t-il une raison pour ces télescopages entre Thilliez et Bach? Une raison logique, non, mais une résonance, peut-être...
...car un autre roman de Thilliez dont je n'ai guère parlé est Vertige (2011). Le narrateur Jonathan Touvier se réveille enfermé au fond d'une grotte en haute montagne, en compagnie du jeune Farid Houmad, et d'un homme masqué, que le dénouement révèlera être Max Beck, un alpiniste pensé mort depuis 20 ans (mais il y a peut-être un twist final remettant tout en cause, j'y reviendrai à la fin du billet).
  Les trois prisonniers ont une inscription dans le dos: Qui sera le voleur? le menteur? le tueur? Ils sont attachés par des chaînes et ne peuvent être libérés que par la bonne combinaison d'un cadenas à 6 chiffres. La solution est gématrique, 93-96-85, car
VOLEUR = 93, MENTEUR = 96, TUEUR = 85.
  Ceci peut conduire à examiner les noms des protagonistes:
FARID HOUMAD = 38 62;
BECK MAX = 21 38.
  De quoi attirer l'attention d'un amateur de BACH (2138) ayant repéré les 3 diptyques dorés Prélude-Fugue de moyenne 38-62.
  Pour le personnage principal, JONatHAN contient JOHANN (sebastian), et touVIER se termine par VIER, comme claVIER (bien tempéré)?

  Je doute fortement que ceci ait été intentionnel, mais il y a longtemps que ça ne m'arrête plus, et même que je considère que c'est à partir du moment où l'intentionnalité n'est plus plausible que les choses deviennent intéressantes...
  Toujours est-il qu'il y a moyen d'aller plus loin. L'une de mes anciennes pages Bach était titrée VIER, parce que vier signifie "quatre", et j'y étudiais 4 tonalités du WTC offrant des interrelations remarquables.
  L'une des tonalités était la 4e, do# mineur, avec 154 mesures pour le diptyque du WTC1 (39-115), 133 pour celui du WTC2 (62-71). Or l'un des événements fibonacciens notables de l'an dernier a été la parution de Labyrinthes en mai, et de La diagonale des reines en septembre, par les deux auteurs de thrillers "annuels" le plus concernés par le nombre d'or, cité explicitement à de nombreuses reprises dans leurs oeuvres.
  Ce sont donc
FRANCK THILLIEZ = 53 + 101 = 154 et
BERNARD WERBER = 62 + 71 = 133,
correspondant aux nombres de mesures des diptyques 4 du WTC1 et du WTC2. De plus, l'ensemble Prélude-Fugue du WTC2 est découpé 62-71 comme BERNARD-WERBER. L'une des particularités de la tonalité do# mineur est que les préludes et fugues sont respectivement en rapport d'or, les 101 mesures des préludes donnant le partage idéal 62-39, les 186 mesures des fugues donnant le partage idéal 115-71, or on peut former ces nombres à partir des valeurs des auteurs, ainsi 53+62 donne 115.
  On pourrait se passer de Werber, car LABYRINTHES=133.

  Comme je l'ai étudié ici, il ne fait aucun doute que les 55 chapitres de Labyrinthes soient intentionnellement un nombre de Fibonacci. Il n'est pas aussi certain qu'il en aille de même pour les 89 chapitres de La diagonale des reines, j'en parle .

  Je n'ai pas souvenir d'avoir vu passer le nom de Bach dans un Thilliez, mais Werber y a consacré un extrait de son ESRA, mentionnant notamment le thème BACH de L'Art de la fugue.

  Mes recherches dorées m'ont fait étudier Rohmer, et j'ai obtenu des confirmations que certaines de mes conjectures étaient fondées, en ce qui concerne le découpage temporel de ses films, et l'organisation spatiale de nombreux plans. En septembre 2007, j'ai appris qu'il avait composé la musique du Rayon vert, coécrit avec sa principale actrice Marie Rivière, à partir des notes B-A-C-H.
  J'en ai parlé ici, en soulignant que Bach signifie en allemand "rivière", et j'ai approfondi les points peu raisonnables sur une page de mon site, non récupérable par Wayback, et que je ne souhaite pas aujourd'hui remettre en ligne.
  Mais un point en demeure d'actualité. Juste après avoir publié le billet sur le Rayon vert, j’avais découvert un article d’un blog commentant les pages de mon blog sur Rohmer et le nombre d’or, blog aujourd'hui disparu et non récupérable par Wayback.
  L’auteur y avait inclus divers liens vers des sites sur le nombre d’or, dont un que je ne connaissais pas, cette fois récupérable, où j’avais découvert une nouvelle forme poétique en 1-6-1-8 vers, exprimant l'approximation courante à 3 décimales du nombre d'or, 1,618.
  La page offrait 4 poèmes de ce type, liés par une même thématique et gouvernés chacun par le même acrostiche, "L'eau va à la rivière". Ceci m'avait fait remarquer que cet acrostiche pouvait exprimer les approximations à 1 et 2 décimales de Phi:
- 0,6 + 1 =  1,6 car LEAUVA a 6 lettres et ALARIVIERE 10;
- 0,62 + 1 = 1,62 car à ce découpage immédiat correspondent les gématries 62 et 100.


  Je reviens sur le dénouement de Vertige. Farid Houmad succombe aux conditions extrêmes de la grotte, et l'homme masqué sauve Touvier inconscient une fois le cadenas débloqué, chapitre 44. Lorsque Touvier reprend conscience, il est à l'hôpital, où un flic lui apprend qu'on l'a trouvé dans un bunker en compagnie du cadavre d'un homme qu'il aurait tué. Rien ne permet de corroborer son histoire, et sa culpabilité semble démontrée à la fin du chapitre 48.
  L'épilogue nous apprend qu'il a été interné pendant 7 ans, et qu'il n'a été jugé guéri que lorsqu'il a admis avoir inventé cette histoire. Mais il est toujours persuadé que c'est Max Beck qui a tout organisé, Beck qui aurait survécu miraculeusement à son assassinat par Touvier, lequel l'avait précipité dans un à-pic en montagne. A l'asile, il a écrit un roman, Darkness, relatant la folle histoire de la grotte, roman qui a été édité.
  Libéré, Touvier songe à en finir, et à se jeter lui aussi dans un à-pic. C'est alors qu'il trouve dans sa voiture un exemplaire de son roman, et qu'en le feuilletant s'en échappe une photo, la photo de lui, l'homme masqué, et Farid prise dans la grotte avec un Polaroïd. La dernière phrase du livre est
J'ai enfin la preuve que je ne suis pas fou.
  Mais des lecteurs attentifs ont repéré que la description finale de cette photo diffère de celle donnée dans le corps du récit. S'agit-il donc d'une nouvelle illusion? Touvier est-il vraiment fou? Où s'arrête sa folie?
  Seul Thilliez pourrait révéler ce qu'il avait en tête, mais à partir du moment où le narrateur est fou, le lecteur peut imaginer n'importe quoi... Si les 44 premiers chapitres sont entièrement imaginaires, pourquoi les 4 derniers seraient-ils plus réels?
  Dans son one-shot suivant, Puzzle, analysé ici, la narration suit Ilan Dedisset, mais toute son histoire, soit presque tout le roman, est un fantasme né d'un esprit incapable d'affronter une réalité criminelle où il est impliqué. Que le narrateur ne soit pas fiable est connu des amateurs de polar depuis la première aventure de Lupin en 1905, mais que la narration soit complice est peu acceptable, et ceci se multiplie, en littérature comme au cinéma.

  D'autres Thilliez sont concernés, Fractures et Labyrinthes, où la narration suit des fausses personnalités. Des bizarreries apparaissent dans ces romans, comme si l'auteur se fichait du lecteur. Alors que l'assassin de Puzzle a tué sa copine Chloé Sanders, comment sa psy peut-elle se nommer Sandy Cléor? Comment un personnage "réel" de LabYrINthES peut-il se nommer LYSINE barth?

  Un nouveau Thilliez est paru ce mois, La faille, que j'ai aussitôt dévoré. Son thème principal, les NDE négatives, m'a rappelé un Grangé, Le serment des limbes (2007). Je l'ai relu, et il m'apparaît que Thilliez s'en est nettement inspiré, de même que Deuils de miel était nettement inspiré par La ligne noire, un autre Grangé.
  Le serment des limbes souffre, à mon sens, de divers défauts, trop grande complexité, exagérations difficiles à avaler, et je comprends parfaitement qu'on ait souhaité reprendre ses thèmes pour une intrigue mieux construite, ce qu'a réussi Thilliez, mais la moindre des choses aurait été de citer Grangé parmi les diverses sources données en postface.


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