3.4.22

Ono mastique (3)


  Et voici donc le 334e billet de Quaternité, et Yoko qui vient de s'enfourner un morceau de la galette portée à sa bouche dans le billet Onomastique (2)

  Je reviens sur la mention de Nobody True (Le jour où je suis mort) dans Mort... ou presque, troisième enquête de Roy Grace. Elle survient lors de la visite par le tueur de la maison de Cleo Morey, la maîtresse de Grace. Il examine sa bibliothèque, et trouve qu'il a les mêmes goûts qu'elle:
Il vit Le rocher de Brighton, de Graham Greene, Nobody True, de James Herbert, un roman policier de Natasha Cooper, plusieurs livres de Ian Rankin et un thriller historique de Edward Marston.
  J'ai depuis lu la seconde enquête de Roy Grace, La mort leur va si bien, où Roy rencontre Cleo, visite sa maison au chapitre 63, et examine aussi sa bibliothèque, avec plus de détails. Il y voit aussi plusieurs Graham Greene, de nombreux romans policiers, mais encore un ouvrage de Jeanette Winterson, deux de James Herbert, et pas mal d'autres choses témoignant d'un intérêt pour la "vraie" littérature. L'inventaire s'achève sur L'occulte, de Colin Wilson, que Roy s'étonne de trouver là, mais Cleo lui dit qu'elle s'intéresse à ces choses et qu'elle sait qu'il est dans le même cas (de fait, la première enquête de Grace, Comme une tombe, révèle que L'occulte est un de ses livres favoris).

  J'ai lu L'occulte peu après sa traduction en français (1973), et ça m'a marqué. Wilson y expose sa conviction que l'ensemble des phénomènes paranormaux est lié, et suppose une faculté X, présente en chacun mais active à divers degrés.
  Colin Wilson intervenait dans une coïncidence qui m'avait profondément perturbé quelques années plus tôt. J'avais été voir Easy Rider, l'automne 1969 je présume, et avais été impressionné par le documentaire présenté avec le film, sur Göreme, la cité troglodyte des chrétiens d'Anatolie.
  Quelques heures plus tard, les nouvelles du soir annonçaient la découverte d'une cité troglodyte en Anatolie.
  Au lit, je me replongeais dans le roman en cours, Les parasites de l'esprit, de Colin Wilson, et il y était question de la découverte d'une cité troglodyte en Anatolie.

  Me remémorer ce cas éveille divers échos. Je sais aujourd'hui que l'Anatolie doit son nom illustration par Raban Maur de la correspondance des 4 lettres grecques ADAM avec les 4 régions du monde au grec, Anatolê, , et qu'une lecture classique du nom Adam voit dans ses 4 lettres les initiales des 4 Points Cardinaux en grec, Anatolê, Dusis, Arktos, Mesembria (Est, Ouest, Nord, Sud). Raban Maur l'a illustré par un carmen quadratum de ses Louanges à la Sainte Croix.
  Sur cette figure, l'A d'ADAM et d'Anatolê est en position supérieure, et l'on s'orientait volontiers dans l'Antiquité vers le soleil levant. Ceci me rappelle la triple occurrence début juin 2011 de la racine hébraïque zarach, "briller", avec le nom propre Zerach et le dérivé mizrach, "est".
  J'y suis revenu dans divers billets, notamment en novembre dernier, dans un billet s'achevant sur ceci:
  Le 4 mai dernier, je me suis réveillé avec en tête le nom Dietrich Tarincik. La seule occurrence en ligne est un village de la province turque de Van, s'écrivant en fait avec des i sans point, Tarıncık.
  Van, c'est en Anatolie (et à l'est de l'Anatolie). J'ai repensé à ce mot Tarincik en lisant Pig Island, où la narration alterne le récit de Joe Oakesy, à la première personne, et ce qui semble être le journal de sa femme Lexie (aussi nommée Lex et Alex (ce qui m'a fait penser au frère d'Ana dans le Domaine d'Ana (tolie?))), se présentant comme des lettres au Cher monsieur Taranici. Une recherche sur ce mot "taranici" amène essentiellement des références au roman de Hayder. Elle oriente aussi vers le taranica, dans la cuisine croate, semblant lié au tarhana turc (anatolien?).

  Au passage, le nord grec est arktos, "ours", car l'étoile Polaire appartient à la Petite Ourse.

  Le carré et les 4 directions me sont essentiels, ce qui m'a conduit à créer la forme SONÈ, à partir des initiales de Sud-Ouest-Nord-Est. J'ai remarqué que les formes anglaises South-West-North-East permettent de former NEWS, "nouvelles", WENS, le flic de Steeman, ou SWEN, prénom nordique signifiant "garçon", "jeune homme".
  La couverture française de Pig Island m'a appris qu'un certain angle de vue d'une girouette pouvait faire lire NEWS, ce qui serait bien trouvé pour une histoire dont le héros est journaliste. Il n'est cependant pas certain que ceci ait été intentionnel, et cette girouette est une particularité de l'édition française.
  Ceci a tout de même été remarqué, mais je n'ai pas trouvé de photo de girouette exploitant explicitement le fait. Tiens, je pense à la "nouvelle" de Borges La Mort et la Boussole citée dans Preuve par 3 en janvier, et constate que la façon "hébraïque" de lire NEWS dans les points cardinaux est la même que j'employai pour lire YGAL dans les initiales des 4 victimes.

  Je me souvenais avoir évoqué Colin Wilson sur Quaternité, pour l'un de ses romans. Une recherche m'a montré que c'était ici, pour La cage de verre, mais que je l'avais aussi cité, à plusieurs reprises, notamment (aussi cité dans Onomastique (2) pour Estella Klehr et Michel Rey), pour quelque chose de bien plus important.
  Il a publié en 1984 une biographie de Jung, que j'ai lue dès sa traduction en 1985. Son introduction débute par les événements de 1944, avec pour première phrase:
  Jung avait soixante-huit ans quand, au cours de sa promenade quotidienne, il glissa sur une route givrée et se fractura le pied.
  Après deux pages relatant la maladie, les visions, l'échange avec son médecin le 4 avril 1944, mais je n'avais pas alors perçu le schématisme de la date, Wilson écrit:
  Jung vécut encore dix-sept ans.
  Si je n'ai pas souvenir d'avoir remarqué à première lecture que 17 est le quart de 68, je suis au moins certain d'avoir lu attentivement ces pages, et il me semble plausible que ces nombres 68-17 et leur rapport 4 aient été enregistrés dans quelques neurones, réactivés quelque 20 ans plus tard lorsque le 4/4/44 était au coeur de mes préoccupations, déclenchant peut-être mon intuition que le 4/4/44 était aux 4/5es de le vie de Jung.
  Je rappelle que cette intuition a été immédiatement précédée d'une réminiscence d'une erreur d'un roman lu 25 ans plus tôt, où Jung était dit né le 6 juillet (mon anniversaire), au lieu du 26. J'aurais pourtant eu d'autres occasions antérieures d'exploiter cette erreur, mais elle était demeurée oubliée.

  Ainsi Colin Wilson pourrait avoir été un artisan essentiel de la découverte à l'origine de ce blog Quaternité.
  Un de ses romans a surgi des piles de livres constituant maintenant l'essentiel de ma bibliothèque, L'assassin aux deux visages (1984). Je l'ai relu, sans d'ailleurs être certain d'avoir été jusqu'au bout d'une lecture antérieure. L'intrigue tourne autour des personnalités multiples, thème déjà abordé par Robert Bloch en 1959, dans Psycho magnifié par Hitchcock, puis par Ellery Queen dans L'adversaire (1963), le roman qui a suivi Le mot de la fin.
  Ce qui m'a le plus interpelé dans le roman est une erreur sur le titre original, donné pour The James Murder Case

  Il n'y a aucun James dans cette affaire, et il s'agissait plutôt de Janus:


  James, Janus, Jonas... Le titre L'affaire du meurtre James pourrait être celui de Le jour où je suis mort, de James Herbert, puisque le mort s'y nomme James True.
  L'annonce d'une reprise de la série Demain à la une, avec une femme dans le rôle principal, m'a fait revoir quelques-uns des premiers épisodes. Dans l'un d'eux, j'ai repéré Jim True au générique.
  Souvent crédité en tant que Jim True-Frost, son nom de naissance est James True. Voyant qu'il a joué dans un épisode de Medium, une de mes séries favorites, je l'ai revu, et ce Garçon d'à-côté pourrait aussi être titré Le jour où James True est mort...
  Allison rencontre Stephen (Jim True) en faisant ses courses. Il la reconnaît comme son ancienne voisine lorsqu'ils étaient ados, et l'épisode oscille entre cette époque et le temps présent, où un crime horrible est commis à Phoenix. Allison rêve que Stephen en est l'auteur, et l'enquête révèle qu'il a bien d'autres meurtres à son actif. Stephen arrêté apprend à Allison qu'il a toujours été mal dans sa peau, et qu'il était jadis sur le point de se tirer une balle dans la tête, au moment où Allison était venue sonner à sa porte, apportant un gâteau fait par sa mère pour les nouveaux arrivants.
  On repasse alors au flashback où Allison est ado, et qui après un premier temps de copinage avec Stephen se défie de lui, et le soupçonne d'avoir tué son chat. Sa mère doit la menacer pour porter le gâteau aux nouveaux voisins, et lorsqu'elle arrive à leur porte elle tarde à sonner, jusqu'à ce qu'un coup de feu retentisse, et on comprend alors que ce qui est censé se passer au temps présent n'est qu'une virtualité, effacée par le suicide de Stephen.

  Le jour où j'ai rendu Mort imminente de Peter James, et Tokyo de Mo Hayder, j'ai emprunté à Gréoux 3 Peter James, tous des enquêtes de Roy Grace. J'ai d'abord lu Mort... ou presque, où est mentionné Le jour où je suis mort, puis l'enquête précédente, où dans la même bibliothèque sont signalés deux romans de James Herbert.
  J'ai ensuite lu Pour l'éternité (2014), 10e enquête de Grace (2014), et ai eu la curiosité d'éplucher les remerciements finaux. Ils s'achèvent sur un hommage à Jim Herbert, dont Peter James a appris la mort à la fin de la rédaction de son roman; il était depuis longtemps un ami pour lui.
  James Herbert est mort le 20 mars 2013, et Colin Wilson le 5 décembre de la même année.

  Jonas, Jason... Jonas Seraph tente d'emmener avec lui dans la mort le jeune Jason dans le roman de Laurie King. L'anagramme y est explicite.
  Un personnage important de Tokyo de Mo Hayder se nomme Jason Wainwright.
  Dans Pour l'éternité de Peter James, emprunté le jour où j'ai rendu Tokyo, le psychopathe Bryce Laurent se cache sous diverses identités, l'une d'entre elles étant Jason Benfield. Pour mener à bien sa vengeance, il fait accuser quelqu'un d'autre de ses méfaits, Matt Wainwright.
  Dans ce cousinage onomastique entre Peter James et Mo Hayder, je remarque que la maîtresse puis femme de Roy Grace est Cleo Morey, tandis qu'une relation privilégiée se noue au fil des cinq dernières enquêtes de Jack Caffery entre lui et Flea Marley, une autre flic. Il est conseillé de lire ces romans dans l'ordre.
  Jonas Seraph est vu ressembler à un ours, lorsque Ana le rencontre. Dans la dernière enquête de Caffery, Wolf (2014, Viscères en français), un personnage important est la petite chienne Bear (Ourse en français).
  Dans le billet consacré au roman de Laurie King, je mentionnais les analogies remarquées entre les navigations de Jason et de Jonas. A la lecture du précédent billet, l'indispensable çoeur dp m'a signalé que Jason avait utilisé une colombe pour franchir les Symplégades.

  J'ai depuis longtemps un livre de Ian Wilson, Expériences vécues de la survie après la mort (1988), qui est d'ailleurs une compilation intéressante. L'auteur a écrit de nombreux livres sur la religion et le paranormal.
  Etant par ailleurs un lecteur assidu de l'auteur de SF Ian Watson, mentionné ici sur Quaternité, je m'étais demandé s'il existait un auteur nommé Colin Watson, pour compléter le trio Colin Wilson, Ian Wilson, et Ian Watson, et avais facilement découvert, avant l'Internet, l'auteur de polars Colin Watson (j'avoue n'avoir jamais été tenté d'en lire).
  Colin Wilson réunit les trois casquettes: auteur d'essais sur le paranormal, de polars, et de romans de SF. J'ai procédé à ce montage:
 

  Parmi la dizaine de romans de Ian Watson, il y a ce Modèle Jonas, où il est question du langage des baleines. Dans le Nouveau Testament, le "signe de Jonas" fait référence aux trois jours passés par Jonas dans la baleine comme préfiguration de la résurrection du Christ, ce qui m'a fait choisir le livre de Ian Wilson sur le suaire de Turin, supposé donner l'autre face de Jésus, son négatif, d'où reprise du Janus murder case de Colin Wilson. Et pour finir un titre de Colin Watson avec "murder".

  J'ai retrouvé plusieurs Ian Watson, pas Le Modèle Jonas (The Jonah Kit en anglais, Jonah devenu Jonas, le prophète "Colombe" étant usuellement Jonah en anglais), mais notamment Le monde divin, dont l'édition originale Calmann-Lévy (1983) offre une erreur péritextuelle, éventuel écho au Janus devenu James chez Colin Wilson.
  En 4e de couverture, on lit:
Un équipage international, dont faisait partie la sociologue Amy Dove, qui nous raconte l'aventure, embarqua à bord du Croisé-Pèlerin.
  Or dans le texte la narratrice est constamment nommée Amy Colombe. Pourtant, le responsable de cette 4e de couv' a eu accès au texte traduit, le Croisé-Pèlerin étant dans l'original le Pilgrim Crusader.

  Divers événements sont survenus pendant la rédaction de cette trilogie, si bien qu'elle ne peut s'arrêter là, et se poursuivra donc dans Onomastique (4), où mon jeu de mots puéril sur Yoko Ono va trouver une formidable justification.

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