18.9.24

Htebasile Eladnevol

 à Ruth & Kees

  Un nouveau dessillement est survenu au matin du 7 septembre. C'est encore quelque chose que j'aurais aisément pu voir le siècle dernier, et je suis encore ébahi par mon aveuglement.
  Je l'ai souvent dit, et détaillé ici, l'un des plus beaux résultats de mes études bibliques des années 80 est le rôle des nombres 4 et 5 dans la généalogie patriarcale. Les valeurs 273 et 348 des mots "quatre" et "cinq" en hébreu y interviennent, avec notamment les 16 patriarches de Sem à Moïse dont la somme des noms vaut 16 fois 348, se répartissant en 16 fois 273 pour les 13 premiers et 3 fois 400 (valeur de "deux") pour les 3 derniers. 
  Or le premier cahier du Clavier bien tempéré (CBT) est constitué de 24 préludes totalisant 819 mesures, 3 fois 273, et de 24 fugues totalisant 1269 mesures. La somme est 2088, 6 fois 348.

  Je connaissais ces deux factorisations, mais indépendamment, et n'avais "jamais" songé à les relier (avec de prudents guillemets car des consultations d'anciens écrits m'ont fait plusieurs fois reconsidérer des déclarations péremptoires).
  Le 819 des préludes m'était important car il se scindait en 546 pour les 14 premiers, et 273 pour les 10 derniers. J'y reviendrai. C'est en partie à cause de ce 819 qu'il m'a été immédiat, lorsqu'il m'est venu de fusionner le 81-90 d'ELISABETH LOVENDALE en 8190, que ce nombre est multiple de mon 273 fétiche.
  Je commence ce billet le 10/09, et j'espère l'avoir achevé le 18/09, renversement de 81-90, d'où son titre.

  Je me souviens d'avoir remarqué que 2088 était multiple de 348 en étudiant la grille magique que le pianiste néerlandais Henk Dieben avait composée à partir des 48 nombres de mesures du CBT1, en 1954. Elle était reproduite ainsi dans un article de Kellner, in Revue de Musicologie, T. 80, No. 2 (1994):
 
  Kellner indiquait
(les italiques, gras et italiques-gras mettent en évidence les diverses caractéristiques de symétrie)
mais ne précisait pas mieux. Ce qui l'intéressait était le nombre 174, valeur de l'allemand meine Temperatur, "mon tempérament", et son article accumulait tant d'aberrations que je n'avais pas cherché à approfondir. Si la somme des 48 nombres était un multiple de 12, il n'était pas si extraordinaire qu'ils puissent s'arranger en 12 séries de même valeur 174. Ensuite, il allait presque de soi de réarranger les nombres dans chaque rangée pour obtenir 4 colonnes de valeur 522. Certes il fallait le faire à la main en 1954, alors qu'aujourd'hui l'ordi fournit des centaines de réponses en quelques secondes...

  Je me rappelle avoir remarqué que deux rangées totalisaient 348, valeur du "cinq" hébreu, mais ceci se passait avant 2001, avant ma période Fibo, sinon j'aurais probablement réagi devant le fait qu'il fallait 8 nombres pour faire "cinq", 5 et 8 étant des Fibos, l'hébreu "cinq", HMS, étant formé dans l'ordre des lettres de rangs 8-13-21, Fibos consécutifs, "quatre" = 273 étant le produit de 13 par 21...

  Bref, je n'avais pas exploré plus avant le tableau, mais la révélation le 7 septembre de la présence de 273 et 348 dans le CBT1 m'a fait reprendre l'article, tout de même photocopié, et essayer de comprendre quelles étaient ces "diverses caractéristiques de symétrie".
  Mon regard s'est d'abord porté au centre, où les nombres en italiques-gras du carré central sont 41-40, somme 81. Les autres nombres en italiques-gras des deux autres carrés sont 18-24 et 24-24, somme 90.
  81 90, ELISABETH LOVENDALE, et ceci survenait moins de deux mois après la découverte de Vertig (2005), de Richard Morgiève, où l'énigme du titre est résolue dans la dernière des 950 sections, après les indices survenus aux sections 613 et 739, Vierzig et Fünfzig (40 et 50 en allemand),
VIERZIG FÜNFZIG FERTIG ("fini") que le narrateur écrivait VERTIG, soit
40 50 81 (valeur de VERTIG), 90 81 également; je souligne que l'Allemand Bach m'a conduit à 81 90 via les nombres 4 et 5 en hébreu.
  C'était loin d'être la seule bizarrerie du "roman" dont la construction m'avait conduit à y lire en morse TGIVRE, anagramme de VERTIG qui exprime idéalement l'état du narrateur, "t'es givré".  J'ai depuis pris contact avec Richard qui a été ébahi de mes découvertes, ayant écrit le texte en état second, sans rien calculer.

  Aujourd'hui le net permet d'avoir accès à de multiples ressources. Cette requête donne en premier résultat l'article de Kellner, puis une étude en allemand apparemment non publiée, où Hermann Gottschewski donne ces diagrammes plus lisibles de la grille de Dieben:
 

  Le diagramme de gauche met en évidence que, dans chaque paire de rangées, 348 s'y répartit en 116 et 232. Dans le diagramme de droite, 12 cases de même couleur donnent la somme 522.
  C'est tout de même nettement plus sophistiqué que 12 rangées 174 et 4 colonnes 522, et je me demande comment Dieben a pu composer sa grille. Je suis déjà éperdu d'admiration devant les prodiges réalisés par ceux qui ont sans ordi construit des carrés, cubes, tesseracts magiques avec d'éventuelles propriétés supplémentaires, mais leurs résultats concernent le plus souvent des suites séquentielles de nombres, et répondent en principe à une logique plus ou moins immédiate.
  Rien de tel ici, où il s'agit de nombres apparemment disparates.

  Gottschewski aborde la question en mathématicien, constatant que si Bach avait eu cette grille magique en tête, il aurait pu la rendre plus accessible, au moins en donnant des diptyques Prélude-Fugue correspondant aux paires de la grille... Si ç'eût été le cas, la question ne se poserait pas, du moins pas en ces termes.
  Il montre que d'autres nombres auraient pu être choisis pour composer une grille avec plus de propriétés. Il donne également pas moins de 50 grilles issues de tirages au hasard de 48 nombres compris dans le même étiage que ceux de Bach et sommant 2088. Toutes ces grilles ont les mêmes propriétés que celle de Dieben, mais ce qui serait intéressant, ce serait le pourcentage de tirages permettant une telle construction.
  Bref il conclut qu'il est peu probable que Bach ait eu cette grille magique en tête, CQFD, ce dont je ne doute guère, mais les questions qui m'intéressent sont:
- comment Dieben a-t-il réussi à construire cette grille vers 1954?
- comment les nombres correspondant à ELISABETH LOVENDALE peuvent-ils s'y retrouver sous une même forme? (il est fort probable que les 48 nombres de Bach permettent de construire maintes autres grilles offrant les mêmes propriétés que celle de Dieben)

  Le web offre aussi accès à l'article de David Rumsey, Bach and Numerology: dry mathematical stuff?, publié en 1997 en Australie.
  Rumsey n'a rien d'un matheux, et énonce que la probabilité d'obtenir par hasard les nombres de Bach est inférieure à une chance sur 21 à la puissance 48, un nombre astronomique qui est aussi complètement fantasmagorique. Je ne sais d'où il vient, et il est clair qu'effectivement obtenir par hasard ces 48 nombres précis relève d'une probabilité infinitésimale, mais la question réelle est d'obtenir 48 nombres se prêtant à ce cas particulier, et il y a beaucoup de possibilités dont la probabilité est difficile à évaluer, mais restant "acceptable", et puis il y a maintes autres possibilités de constructions mirobolantes à partir de 48 nombres, offertes à l'imagination des chercheurs de tout poil.

  Rumsey s'émerveille aussi que toutes les constantes de la grille de Dieben soient des multiples de 29, un nombre "bachien", et il en énumère 10... Mais puisque 2088 est multiple de 29, nombre premier, il est clair que 29 doit apparaître dans toutes ses factorisations...
  29 est donc pour lui un nombre "bachien" car valeur des initiales JSB de Johann Sebastian Bach, ou de SDG, Soli Deo Gloria, "à Dieu seul la gloire", sigle présent à plusieurs reprises dans les manuscrits de Bach.
  Il a manqué ici de signaler que cette "signature" SDG achevait précisément le manuscrit autographe du CBT1:

 
  Je prends conscience aujourd'hui (11/9) que sa présence en fin du CBT1 peut être doublement significative, sans lien avec la grille de Dieben:
- horizontalement, car elle clôt le dernier diptyque Prélude-Fugue BWV 869 en 47-76 mesures, et 76 moins 47 = 29;
- verticalement, car les 24 fugues du CBT1 totalisent 1249 mesures, 27 fois 47: 27 pourrait être la Trinité exaltée à la puissance trois, 3.3.3, et 47 est la valeur de DEUS; ces 1249 mesures sont exactement réparties en 423, 9 fois 47, pour les 8 premières fugues, et 846, 18 fois 47, pour les 16 autres; 47 moins 18, c'est encore 29.

  Mon renouveau d'intérêt bachien ces derniers temps m'a conduit à l'ouvrage assez récent de Ruth Tatlow, Bach’s Numbers: Compositional Proportion and Significance (2015). C'est une brillante universitaire dont j'avais lu jadis Bach and the Riddle of the Number Alphabet (1991), où, en gros, elle concluait qu'il était fort possible que Bach ait codé des messages dans sa musique, mais que, puisqu'il n'en avait pas laissé la clé, on n'en saurait jamais rien...
  Avec une telle attitude, Turing et von Neumann n'auraient pas tenté de déchiffrer les codes allemands et japonais, et abandonné le monde libre aux forces de l'Axe.
  Je n'avais pas été enthousiasmé par cette conclusion, mais l'ouvrage apportait beaucoup d'informations intéressantes, ainsi des contemporains de Bach, dont certains qu'il connaissait personnellement, composaient effectivement des musiques codant pour des messages alphabétiques.

  Je n'avais donc pas été pressé de consulter Bach’s Numbers, mais Tatlow semble avoir radicalement changé en 20 ans, et admettre en 2015 que Bach a probablement utilisé l'alphabet Schwenter préconisé par les exégètes qu'elle pourfendait auparavant. Elle ne fait cependant intervenir cet alphabet que pour soutenir sa thèse, à savoir que Bach aurait privilégié dans les formes finales de ses oeuvres des rapports simples de mesures, 1:1 et 1:2.
  Dire que Bach se préoccupait des nombres de mesures de ses compositions pourrait donner du crédit à maintes théories qui utilisent ces nombres, mais Tatlow ne daigne pas les mentionner. Section d'or et séries additives sont écartées en un paragraphe parce qu'aucun témoignage d'époque n'accrédite un intérêt des musiciens à ce sujet...
  Bref, si on écarte au départ tout ce qui est hors de la norme, on ne peut qu'aboutir à du planplan...
  Enfin ce qui m'intéresse est que le déclic qui a amené Tatlow à sa théorie a été l'étude des 2 fois 15 Inventions, totalisant 1032 mesures, entreprise proche des 24 diptyques du CBT, totalisant 2088 mesures.
1032 + 2088 = 3120, permutation des chiffres 0-1-2-3. Ceci pourrait être lié aux 3 lettres B-A-C, se trouvant faire écho au jour de naissance de Bach, un 21/3.
  Les 6 premières Inventions à 2 voix couplées aux 6 dernières à 3 voix totalisent 516, moitié de 1032, et Tatlow considère que c'est voulu. Pourquoi pas? mais Van Houten voyait aussi ses analyses sur ces mêmes 1032 mesures irréfutables, bien que menant à des conclusions extravagantes.
  Tatlow trouve un partage des 24 nombres issus du CBT  en 1044:1044 assez proche, et chacun de ces 1044 offre un partage en 522:522 (mais Dieben n'est pas évoqué). La preuve décisive serait dans ce tableau:
 

  D'accord, mais on peut imaginer d'autres schémas qui seraient autant significatifs, sinon plus. J'observe pour ma part qu'elle a omis d'examiner Préludes et Fugues séparément, bien que leurs sommes 819 et 1269 figurent dans ses tableaux. Il m'avait suffi en 2001 d'entrer les nombres séparément dans un tableur pour voir que les 8 premières fugues totalisent 423 mesures, les 16 autres 846, un partage 1:2 doublement immédiat, que Tatlow n'aurait pas manqué d'exploiter si elle l'avait vu.
  Mais ça me semblait bien moins intéressant que d'autres résultats, et je serais fort déçu si Bach avait utilisé son génie à construire de façon répétitive des rapports 1:1 ou 1:2 dans son oeuvre.

  Tatlow a de la suite dans les idées, et trouve 3120 mesures dans deux autres ensembles liés, les Clavier Übung I et II d'une part, les Clavier Übung III et IV d'autre part (en y incluant les 14 canons découverts tardivement). Ce pourrait être péremptoire si les calculs étaient incontestables, ils ne le sont pas à mon avis, mais je n'ai aucun désir de me lancer dans une critique approfondie.
  Elle trouve d'autres 3120 et 1560 ailleurs, et va jusqu'à émettre l'hypothèse d'un plan de l'Art de la Fugue en 3120 mesures, interrompu par la maladie et la mort. Pure hypothèse, mais il est parfaitement établi aujourd'hui que l'oeuvre compte 14 fugues (dites "contrepoints"), et que l'exposition du thème BACH s'achève à la mesure 207 de la dernière fugue, qui est aussi la mesure 1685 de l'ensemble, 1685 l'année de naissance de Bach. Comment ne pas en être frappé?
  J'admire cette découverte de Van Houten, lequel a gâché ses chances d'une reconnaissance universitaire en l'associant à la thèse zarbi d'un Bach rosicrucien et prophète, ayant signifié sa mort en 1750 par les 7 notes de valeur 33 achevant la mesure incomplète 1717, ou dernière mesure 239 de la fugue 14 telle qu'elle nous est parvenue.
  Curieusement, Tatlow reprend cette idée d'un inachèvement volontaire de la fugue 14. Les aficionados ayant repéré le motif récurrent 3120 dans les grands corpus de Bach n'auraient pas manqué de s'apercevoir d'un manque dans l'Art de la Fugue, et de l'évaluer à 41 mesures, JS BACH...
  Qui est le plus dingue?

  J'assume ma propre dinguerie, et déclare ma certitude de l'existence d'un phénomène X.  Tout se passe comme si X influait les créateurs pour coder des messages dans leurs oeuvres, usant de codages parfois indéchiffrables aux époques concernées. X pourrait aussi influer sur d'autres événements.
  Un autre aspect du phénomène (mais ne serait-ce pas un autre phénomène, qu'en sais-je?, aussi je le nomme Y) serait de révéler ces codages, ou d'en donner des indices, par des coïncidences, des rêves, des intuitions...
  Cacher et révéler, n'est-ce pas la nature même de l'art?

  Il existe maints témoignages de faits bien plus extraordinaires, mais j'ai été si souvent confronté aux phénomènes X et Y (ou XY) que je ne peux douter, bien qu'il me soit difficile de les caractériser plus avant.
  J'ai généralement privilégié l'approche "trickster". La diversité des messages transmis par X était telle qu'il semblait vain d'y envisager un sens global. Le sens était plutôt dans le phénomène lui-même, et dès mes premières études bibliques, il y a environ 35 ans, j'étais arrivé à la conclusion "Ça se fout de nous!".
  Et puis en 2023 et 2024 X et Y (ou XY) ont été particulièrement actifs, établissant de nouveaux liens entre mes principaux dossiers, hébreu, Bach, Virgile, Perec, Leblanc, si bien que je me pose la question d'une possible unification de tous ces dossiers.
  Hélas ceci survient concomitamment à un net affaiblissement de mes capacités intellectuelles, et je me sens submergé par l'abondance des données accumulées en 40 ans de recherche. Je crains aussi un début d'Alzheimer, avec d'inacceptables oublis.

  Précisément l'écriture de ce billet m'a confronté à l'un de ces oublis. Avoir donné plus haut la répartition des fugues du CBT1 en 423-846 mesures m'a rappelé que ces nombres correspondent aux mots hébraïques "tu vis" et "tu meurs", que j'associe depuis longtemps au rêve 1La vie 2Mortelle qui m'a marqué vers 25 ans. J'avais aussi considéré les nombres des fugues en mi (majeur et mineur, E et e) du CBT2, 43 et 86, valeurs dans l'alphabet Schwenter de Ich lebe et Ich sterbe, "je vis" et "je meurs". Bach a harmonisé de façon guillerette le choral Alle Menschen müssen sterben.
  Il me semblait que je ne l'avais pas relié aux fugues du CBT1, et ceci m'est apparu comme prodigieux...


...mais patatras, la recherche du nombre 423 sur Quaternité m'a montré que ce lien était énoncé dans ce billet de juillet 2023, et il reprenait une page bachienne de 2006.
  C'est pourtant frappant, et ça le devient plus encore lorsqu'une brillante universitaire constate après 20 ans d'étude que Bach aurait privilégié le rapport de mesures 1:2 dans ses ensembles. Si j'ai montré quelques réserves pour les pièces pour clavecin que je connais quelque peu, Tatlow étudie toute l'oeuvre de Bach avec maints résultats troublants, j'aurai probablement à y revenir.

  J'énonçais plus haut que les 819 mesures des préludes du CBT1 se scindent en 546 pour les 14 premiers, et 273 pour les 10 derniers. Le rapport 2:1 n'est pas respecté pour le nombre de préludes, mais il peut être significatif, car 14 est le NOM(bre) de BACH, et 546 se factorise en 14 fois 39, valeur de l'allemand NAHME, "nom".
  Le nom BACH a 4 lettres, et le 4e de ces préludes a 39 mesures. C'est le seul nombre de mesures qui est indiqué sur le manuscrit autographe:
 

  Est-il de la main de Bach? Je n'en sais rien, et laisse la question aux spécialistes car Tatlow cite Smend qui avait appuyé une thèse par la présence du nombre de mesures 84 sur l'autographe de la Messe en si mineur, mais il s'est avéré ensuite qu'il n'était pas de la main de Bach.

  Quoi qu'il en soit la réflexion sur ces rapports 1:2 du CBT1 m'a conduit à une réelle nouvelle approche, laquelle a trouvé son ordonnancement exact ce matin du 16, toujours au réveil (après un rêve où il était question d'une secte qui refusait que l'auteur d'un délit en rapport avec le nombre d'or passe plus de 24 heures en prison).
  Puisque 273 est pour moi "quatre" en hébreu, à quoi peut correspondre 546? Ma réponse immédiate est שמור, shamor, impératif du verbe shamar, "veiller", "garder".
  Le mot est important dans l'exégèse juive car il existe deux versions du Décalogue, en Exode 20 et en Deutéronome 5. La principale différence touche le 4e commandement, "Rappelle-toi le jour du Shabbat pour le sanctifier" dans l'un, "Garde le jour du Shabbat pour le sanctifier" dans l'autre.
זכור את־יום השבת לקדשו
שמור את־יום השבת לקדשו
  "Rappelle-toi" est זכור, zakhor, de valeur 233, or ce qui m'avait le plus marqué dans mon analyse des fugues en 2001 était les 11 fugues 14 à 24, totalisant 610 mesures, 15e Fibo, réparties en 377 pour les 7 premières fugues, 14e Fibo, et 233 pour les 4 dernières; 13e Fibo.
  Or le mot shabbat, שבת, est apparenté à shive'a, שבעה, "sept", de valeur 377, et on aurait donc
- 14 préludes 1 à 14 = 546 = shamor;
- 4 fugues 21 à 24 = 233 = zakhor;
- 7 fugues 14 à 20 = 377 = shive'a ("sept", 7e jour);
- 10 préludes 15 à 24 = 273 = arba' (le 4e commandement);
- aux 4 fugues 21 à 24 correspondent les lettres du titre VIER, "quatre" en allemand et 4 lettres;
- et CLAVIER est un mot de 7 lettres.

  Zakhor?, "pas zakhor" dirait Tatlow, puisque Bach ignorait l'hébreu: il faut donc oublier tout ça.
  J'ai vu un 610 dans ses Bach's numbers, pour les reprises dans les sonates pour violon et clavecin, BWV 1014-19; il s'agit aussi de 11 pièces, soit 40+61+30+115+35+36+118+60+22+62+31. Je remarque 115+118 = 233 (ou 118+22+62+31). Compter ces reprises lui permet d'arriver à un joli rapport 2:1 entre 4 et 2 sonates, 1600:800.

  Les mots shabbat, שבת, et shive'a, שבעה, "sept", sont aussi apparentés au verbe shava', שבע, "jurer", "faire serment". C'est ce verbe qu'on trouve dans Elisheva, "Dieu a fait serment", nom de la femme d'Aaron, devenu Elisabeth dans la Vulgate.
  Voilà qui nous ramène à miss Lovendale, et Tatlow m'a appris une nouvelle possibilité de 171 chez Bach. Un événement souvent cité pour montrer l'obsession de Bach pour le nombre 14 est son entrée à la société Mizler, regroupant des adeptes de théorie musicale. Mizler ayant été son élève, Bach aurait pu y entrer bien plus tôt, mais il aurait attendu 1747 pour en être le 14e membre.
  Chaque membre devait marquer son entrée par une pièce composée pour l'occasion, et Bach a composé Cinq variations canoniques sur le choral luthérien Von Himmel hoch da komm ich her. Il a déjà été remarqué que leurs nombres de mesures, 18-23-56-27-42 pouvaient constituer des signatures bachiennes, avec 18-23 = AH-BC, et le total 166 = 83.1.2, HC.A.B, mais Tatlow a remarqué qu'aussi bien l'autographe que la partition publiée plaçait en tête de la première variation l'ancienne orthographe de Luther, Von Himel hoch da kom ich her, alors que l'orthographe moderne figurait sur la page de titre:
 

  Tatlow y voit un appel à chercher plus avant, et trouve que les 5 premiers mots ont pour valeur 166,
VON HIMEL HOCH DA KOM = 47+45+33+5+36 = 166,
soit le même nombre que les mesures des 5 variations. De plus, les deux groupes permettent un partage 1:1,
 

  Van Houten a compté les notes des deux versions, avec des résultats étonnants. Tatlow ne va pas au-delà de la mesure, et certains de ses résultats trouvent des échos dans mes propres recherches, sur les nombres de notes des thèmes, et sur leurs valeurs (voir par exemple ici).

  Pour ma part, je constate que ces jeux sur 166 et 5 pourraient pointer vers leur somme, 171. En partant du titre, il est possible d'avoir un partage 81-90, avec les deux mots en M de valeurs 45 et 36 (en fait le redoublement de la lettre est indiqué par le trait au-dessus des M).
  Ce n'est pas possible à partir des mesures, où en revanche on peut obtenir le partage doré 65-106 (18+42+5 mots du titre). Au passage 171 triangle de 18 débute par 18 mesures.
  Je ne suis pas revenu récemment sur ce partage doré, d'abord remarqué pour une autre raison: 65 et 106 sont les durées de vie de Bach et Rosencreutz.
  Alors conscient de leur rapport d'or, je l'avais utilisé en 2006 dans la nouvelle L'enchanté réseau, où Bérenger Saunière découvrait en 1908 le tombeau de Rosencreutz. Il avait été aidé par Debussy qui lui avait indiqué les pièces en D et F du CBT2, en 106 et 171 mesures. Ces lettres DF interviennent aussi dans L'aiguille creuse.
  J'y étais revenu dans Novel Roman en 2018, avec notamment le chapitre 12 où était étudié le thème BACH du Contrepoint 14:

 
  Après avoir souligné que le caractère spécial de l'Invention 14 partageait 120, somme des 15 premiers nombres, en 14 et 106, Marvel Noon constatait que la valeur du thème Bach était de même
BACH   cis d cis h cis d = 14 + 106,
et que la fin du thème était superposée aux 4 premières notes du thème en quinte, avec
F E G Fis = 51, qui additionné à BACH donne 65.

  Marvel Noon ne sait rien du nombre d'or, mais ce n'est pas le cas de Nolven Amor qui, chapitre 17, exalte la double césure dorée de la formule
CREDO IN     DEUM     UNUM = 65 + 41 + 65 = 171,
magnifiée dans la Messe en si mineur.

  J'ai donné d'autres éléments ici, et je rappelle tout de même le minimum.
  Si la recherche de la lettre 14 parmi 18 mène au jeu N-AMOR (14-1..13;15..18), le rang 2 de La lettre d'amour du roi George parmi les 8 nouvelles de L'agence Barnett mène à B-ACH (2-1;3..8). D'où, ce que chercherait miss Lovendale, ce pourrait être la fin du Contrepoint 14, la pièce inachevée parmi les 18 de l'Art de la fugue.
  La nouvelle de rang 3 est La partie de baccara, où je suis tenté de comprendre que cette "partie" est BAC. Après une partie de baccara entre 5 personnes, l'un des joueurs est assassiné, et Barnett démontre que l'assassin est
MAXIME  TUILLIER = 65 + 106 = 171.
  Petite nouveauté. Tatlow privilégiant avec 3120 l'ordre CAB, j'ai cherché les occurrences de cette séquence dans l'e-book L'Agence Barnett & Cie (je remarque au passage les initiales ABC).
 

  Il y a donc 18 occurrences de CAB, la 14e dans le mot CABotinage, un mot associé à Lupin, dont c'est la seule occurrence dans le recueil.
  Je remarque que les 4 premières occurrences sont dans la 1e nouvelle, Les gouttes qui tombent, pour le mot CABinet. Cardiaque, proche de la mort, le baron Assermann entend punir cruellement sa femme Valérie en la faisant elle-même l'agent de sa perte. Son seul bien est le collier de perles qu'il lui a offert, alors il fait installer par un plombier un réduit dans le tuyau d'évacuation de l'évier de son cabinet de toilette. Il y place les perles, de telle façon qu'elles soient évacuées vers les égouts au premier usage de l'évier, et c'est à Valérie qu'il demande d'en ouvrir le robinet...
  Il y a 5 occurrences de BAC, toutes pour BACcara, dont celle du titre de la nouvelle. Ainsi 4 "CABinet" et 4 "BACcara" encadrent la quête de la lettre 14.

  Quelques petites choses n'ont pas trouvé une place immédiate en cours d'écriture, alors les voici.
  Un important facteur déclencheur a été, le 7 septembre, la prise de conscience que les 819 mesures des préludes correspondaient à 3 fois le "quatre" hébreu, et les 2088 totales du CBT1 à 6 fois le "cinq" hébreu.
  Le 11 il m'est apparu un parallèle avec des relations dont j'avais peut-être été conscient avant, mais qui prennent plus de sens maintenant:
819 = 3 fois 13 fois 21, trois Fibos
2088 = 4 fois 18 fois 29, trois nombres de Lucas,
et si l'on considère comme dans le billet précédent que les trois premiers Fibos sont 1-2-3, les trois premiers Lucas 1-3-4, alors 3-8-13 et 4-18-29 ont dans les deux séries les rangs 3, 6, et 7.

  Tatlow me semble avoir omis de souligner que le dernier diptyque du CBT1 compte 123 mesures, ce qui pourrait accréditer son idée d'un choix privilégié des nombres 1-2-3 par Bach. Je remarque que le SDG après la dernière de ces 123 mesures est le sigle pour
SOLI  DEO  GLORIA = 52 + 23 + 59 = 134, confronté dans le précédent billet à 123, je n'y reviens pas. En tant qu'échos aux suites de Fibo et Lucas, je note que les deux diptyques dorés du CBT1 sont le 14, avec 24/40 égal à 3/5, deux Fibos, et le 24, avec 47/76, deux Lucas.
   Jim est le diminutif de James, et
JAMES  BARNETT = 48 / 80 est encore un 3/5.

   Je remarque encore que 3 fois "quatre" devenant 6 fois "cinq" est équivalent à 12 pour les Préludes devenant 30 par l'ajout des Fugues, qui "vaudraient" donc 18. Tatlow considère comme significatif que le rapport 1:1 des 30 Inventions corresponde à leur partage en 12 et 18, soit 2:3. Elle se garde bien d'évoquer Fibonacci (certains exégètes s'en contentent).
  Pour le tableau reproduit plus haut, avec l'élégant schéma 1:2 répartissant les paires d'Inventions et les paires de diptyques, elle se garde de souligner que les paires sont en rapport 15/24, ou 5:8, un rapport Fibo plus significatif.

  "quatre" et "cinq" évoquent la quarte et la quinte, les harmonies musicales les plus immédiates. Le diptyque doré 14 est en fa#, dont la quarte est si, tonalité de l'autre diptyque doré du CBT1, le 24. La quinte de si est fa#, envoyant soit à ce diptyque doré 14 du CBT1, soit à celui du CBT2.

  A propos de 14, l'écriture de ce billet est restée bloquée du 14 au 16, lors de l'essai d'introspection qui m'est toujours ardu. Le 15, j'ai écouté en différé Gwenaëlle Aubry qui parlait de Perec, fort bien d'ailleurs. Elle y citait à plusieurs reprises une phrase de W, qu'elle avait placée en exergue de son roman Personne, prix Femina 2009,
L'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie.
  Le 16, j'ai pu reprendre l'écriture, et faire partager mon oubli d'avoir déjà associé les paires de nombres signifiant "vie" et "mort" en hébreu et allemand. Au cours d'un intermède, j'ai ouvert un livre voyageur trouvé quelques jours plus tôt à Manosque, Le voile noir, d'Anny Duperey (1992). Il a en exergue la même phrase de Perec.
  Le livre coûtait en 1992 149 F, et 149 est la valeur de l'expression de mon rêve de 1975,
LA VIE   MORTELLE = 49 + 100, que j'avais transformée en
MA VIE   MORTELLE = 50 + 100, pour coller au réel titre vu en rêve, 1La vie 2Mortelle.

  "mort" m'a remémoré ce soir du 17 les mots shamor et zakhor vus plus haut. J'ai pensé au paradoxe de Schrödinger, le chat en même temps mort et vivant.
  Chat mort, shamor...
  La double recension du Décalogue est aussi un paradoxe, et le Talmud l'a résolu en avançant que Dieu avait dit en même temps shamor et zakhor.
  La valeur 233 de zakhor m'évoque le plus immédiatement 'ets hahayim, "l'arbre de vie"...
 

   Tiens, Anny Duperey a publié Les chats mots, recueil de textes et de photos.

   En commençant ce billet, j'envisageais d'y étudier en détail la grille de Dieben.
   C'était plutôt rébarbatif, et d'autres pistes se sont présentées, mais un résultat immédiat mérite mention. Si les italiques-gras somment 171, somme des 18 premiers nombres, comme des 18 lettres de A à R, les romains-gras somment 351, somme des 26 premiers nombres, comme des 26 lettres de A à Z.
   La découverte de Letters de John Barth a été ahurissante, par son contenu et par les circonstances de sa découverte. Barth a choisi pour sa pénultième "lettre", la 87e, datée du 7 septembre 1969 (55 ans exactement avant le déclic à l'origine de ce billet), un vieux texte acrostiche qui n'a que 25 lignes; la lettre N y est oubliée.


Aucun commentaire: