4 avril : le premier 4/4 depuis ma découverte sur le 4/4/44 à l'origine de ce blog. Et l'occasion de revenir sur le 4 avril de Dans les bois éternels, dans un 4e billet sur Fred Vargas.
J'indiquais donc que la date "Lundi 4 avril" (page 278) m'avait interpellé dans ce roman paru en avril 06, parce que je pensais que l'action se passait en 2005, où ce lundi 4 avril avait été exceptionnellement pour les cathos la fête de l'Annonciation, normalement le 25 mars, tombant cette année le Vendredi saint. La précédente occurrence de ce fait avait été en 1932, où je ne crois pas qu'il avait provoqué un déplacement de l'Annonciation. En 992, le pape Jean XI avait décrété une abondance de grâces pour ces années où se rencontraient les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption...
Je précise que ce n'est pas une quelconque ferveur religieuse qui m'a poussé à m'intéresser en 2005 à cette particularité, et à l'exploiter dans ce poème, mais un intérêt pour les dates pascales né de hasards de lecture ayant conduit aux découvertes partiellement exposées ici.
Etant donc sensibilisé à ces dates du 25 mars et du 4 avril, je les ai remarquées l'année suivante dans le roman de Vargas, où l'action n'est pas datée explicitement. Les quelques indices aidant à le faire sont :
- le voisin Velasco d'Adamsberg, qui a perdu un bras pendant la guerre civile espagnole, 69 ans plus tôt, ce qui place l'action de 2005 à 2008, cette guerre couvrant les années 1936-1939;
- la précision "lundi 4 avril" n'est compatible qu'avec 2005, aux alentours de l'année de parution.
2005 était donc parfaitement logique, à l'exclusion d'un petit détail sur lequel je vais revenir, et je décelais des échos immédiats à la crucifixion dans ce qui se passait le 25 mars (le "bois éternel" y est supposé être la croix du Christ) et à la Vierge le 4 avril (où est établie une liste de 29 vierges), mais Vargas informée indirectement sembla ne rien comprendre à mes élucubrations...
Je comprends aujourd'hui pourquoi, car après relecture du roman précédent, Sous les vents de Neptune, qui s'achève en novembre 2003, il est clair que l'enquête suivante s'enchaîne dans l'exacte continuité et débute donc en principe en mars 04, ce qui cadre maintenant avec le petit détail qui clochait. Ce sont alors les indices précédents qui clochent, puisque 2004 ne vient pas 69 ans après la guerre d'Espagne et que le 4 avril y était un dimanche, mais ce sont des broutilles comparées à l'âge d'Adamsberg, qui avait 45 ans dans sa première enquête se passant en 1990, L'homme aux cercles bleus, qui en a toujours 45 dans la suivante, L'homme à l'envers, en 1998, qui a quand même pris un coup de vieux en 2003, où il a 48 ans, et qui rajeunit d'un an en 2004...
Donc Vargas n'a pas un souci extrême de cohérence temporelle, ni d'un roman à l'autre, ni à l'intérieur d'un même roman, ce qui n'exclut pas qu'il puisse demeurer des dates significatives.
Ainsi, le détail qui me gênait, c'est le vendredi suivant le 4 avril, où il survient un épisode limite grotesque assez typique de Vargas, où il y a besoin le soir de donneurs de sang vers Dourdan, difficiles à trouver car C'est Pâques, commissaire, la moitié de la ville s'est barrée. (page 353)
Plutôt désireux de dater l'action en 2005, où Pâques tombait le 27 mars, je m'étais dit qu'il devait s'agir des vacances de Pâques, variables selon les zones, mais en 2004 Pâques tombait le 11 avril, et le soir du vendredi 9 était bien le début du long week-end pascal.
Et c'était Vendredi saint. Et il y a une mort ce Vendredi saint, suivie d'une résurrection, celle de la mystérieuse Violette Retancourt, déjà impliquée lors du roman précédent dans l'épisode déconcertant du portage d'Adamsberg, nu dans son dos.
Bref résumé de 6 chapitres : le vendredi matin, les enquêteurs s'avisent que Violette a disparu depuis une semaine, Adamsberg décrète que la seule possibilité de la retrouver est de lâcher La Boule, le chat de la brigade, sur sa piste. Le chat parcourt 38 kilomètres jusqu'à un hangar, où Violette est retrouvée à la nuit tombée, d'abord déclarée morte par un toubib... Mais il reste un souffle de vie à cet être hors du commun, transporté à l'hôpital de Dourdan. A 23h 40, l'hôpital fait savoir qu'elle va mourir si elle ne bénéficie pas d'une transfusion totale, ce qui nécessite 3 donneurs, et l'hôpital n'en a qu'un sous la main, à cause de Pâques.
Seul Adamsberg semble convenir parmi les flics présents, mais pendant que le sang de Jean-Baptiste est transfusé dans les veines de Violette arrive un 3e donneur providentiel, le lieutenant Noël, qu'Adamsberg avait banni de l'enquête au début du roman. Jean-Baptiste et Noël (Jésus), deux personnages complémentaires dans la symbolique chrétienne, ayant donné leurs noms aux deux fêtes solstitiales, Noël et la Saint-Jean, "Il faut qu'il croisse et que je diminue..." (Jn 3,30).
Quant au premier donneur, le seul du groupe A moins de Dourdan, c'est un éleveur de boeufs, or la forme de la lettre A est originellement une tête de boeuf ou taureau (hébreu alouf, à l'origine de la lettre alef devenue alpha en grec). Il est suivi par Adamsberg, groupe O, donneur universel, et Noël, "Groupe O." (derniers mots du chapitre L).
Violette reçoit donc dans cette nuit du Vendredi saint du sang A, puis du sang O, puis le sang de Noël... Or Noël-Jésus est aussi connu comme Alpha et Oméga, et le tueur du roman est encore un Alpha-Oméga ! La tueuse en l'occurrence, puisque c'est la légiste-psy qui est à l'origine de cette terminologie pour les tueurs dissociés, dans son livre De part et d'autre du mur du crime, lesquels mènent une vie paisible Alpha en ignorant tout des pulsions criminelles de leur personnalité Oméga; elle était bien placée pour l'écrire puisqu'elle est elle-même une dissociée, docteur Ariane et mistress Oriane ?
Adamsberg a été conduit dans le roman précédent à étudier l'étymologie des noms propres, or Dourdan viendrait de la liaison des mots celtiques dor ou dour, "eau", "rivière" et dan, "colline". Ce nom ressemble fort à Jourdain, en hébreu Yordan, de yar "rivière" et dan "jugement". Les deux toponymes signifieraient donc chacun "rivière de Dan", et le Jourdain évoque Jean le Baptiste, saint patron d'Adamsberg.
Quant à Adamsberg, c'est le "mont d'Adam", adam qui est en hébreu de la même famille que dam, "sang", et adom, "rouge". L'enquête débute par trois petits cailloux qui mènent Adamsberg non à "la maison de l'Ogre", selon une réminiscence erronée du conte de Perrault par un inspecteur (page 83), mais au cimetière de MONTROUGE...
Quant à la "rivière de la colline" de Dourdan, c'est l'Orge, anagramme d'Ogre.
Il faut peut-êre considérer aussi le taurobolium, dans l'Antiquité baptême par le SANG, après sacrifice d'un taureau...
Je ne me risque plus à faire des suppositions sur les intentions de Vargas, échaudé par mes premières "déductions" basées sur l'an 2005.
Déductions dont je ne renie d'ailleurs que les intentions prêtées à l'auteur, car les indices textuels demeurent quelles qu'aient été ces intentions, et je suis sidéré par la complémentarité entre les deux lectures permises par ces indices, complémentarité qui n'est possible que grâce à l'intervention de l'année 2005, peut-être la première année où l'Annonciation a été déplacée.
Donc, hypothèse 2005 :
- 25 mars, Vendredi saint : première interprétation du De reliquis dans la salle du Concile, où il est envisagé que "la croix qui vit dans le bois éternel" est une relique de la Croix.
- 4 avril, Annonciation : la liste des 29 vierges menacées par le tueur est punaisée dans la salle du Concile.
Et hypothèse 2004 :
- 25 mars, Annonciation : Adamsberg annonce à ses hommes que le tueur s'en prend aux vierges et qu'une troisième vierge est menacée.
- 4 avril, début de la Semaine sainte.
- 9 avril, Vendredi saint : "mort" et "résurrection" de Violette.
- 10 avril : pendant sa transfusion, Adamsberg rapproche la survie de Violette, grâce à 3 donneurs, de la vie éternelle que le tueur compte obtenir grâce à 3 vierges; il remarque que Violette s'est teint les cheveux il y a quelques mois, et la différence de teinte des cheveux repoussés l'amène à comprendre que "le vif des vierges" correspond aux cheveux poussés après la mort. L'interprétation littérale du De reliquis lui fait décréter qu'il doit exister un os en forme de croix dans le coeur du cerf...
- 11 avril, Pâques : Adamsberg se fait confirmer l'existence de cette croix par ses amis chasseurs de l'Eure.
Je ne serais pas surpris que Fred ne se reconnaisse pas plus dans l'hypothèse 2004 que dans l'hypothèse 2005. Quoi qu'il en soit, l'hypothèse 04 m'entraîne bien au-delà des intentions attribuables à l'auteur, car l'une des 4 seules dates précisées dans le roman serait donc le 4/4/4 (les autres dates sont le 21/3, le 25/3, et le 3/5), la date la plus quaternaire depuis le 4/4/44 jungien.
Or la candidate à la vie éternelle n'a pas choisi cette année par hasard, mais parce que c'est l'année où elle atteint 60 ans, "cinq fois le temps de jeunesse" selon le De reliquis, le moment de réaliser le grand oeuvre. S'il s'agit de l'an 2004, c'est donc qu'Ariane est née en 1944, et qu'elle a été junge, "jeune", jusqu'en 1956.
Que de résonances avec Jung, en dehors du 4/4/44, puisque je distinguais ici une première quintessence dans sa vie, avec sa maison de Bollingen, construite en 4 tranches de 1923 à 1935, des 48 aux 60 ans de Jung, et qu'il estima alors achevée, car correspondant à une quaternité, reflétant sa personnalité profonde.
Mais après la mort de sa femme, il s'imposa à lui une dernière élévation centrale, comme une germination, et c'est en 1956 que la "Tour" connaît son réel achèvement.
Ce 4/4 dans la 60e année après 1944 vient après Sous les vents de Neptune, où l'illumination d'Adamsberg à Richelieu lui fait découvrir successivement 4 vents, 4 éléments, et l'année 1944, date du premier crime du JUGE amateur de mah-JONG qui était plus JUNG, jeune, qu'on ne croyait, et avant Un lieu incertain, dont la latitude est néanmoins établie, 44°44'.
J'ai déjà indiqué l'abondance des 4 dans les romans de Vargas, ma relecture de L'homme à l'envers m'y a fait remarquer que l'assassin entend faire endosser ses 4 meurtres au coupable idéal livré aux enquêteurs, Auguste Massart, 44 ans. L'aventure a débuté dans le département 04, et elle s'achève sur la D44 en Haute-Marne, sur le dévoilement du vrai coupable par le quatuor des poursuivants.
Je m'en tiens là pour les 4 et 44 chez Vargas, je pourrais en citer d'autres, mais seul un relevé systématique de tous les nombres dans son oeuvre permettrait d'évaluer lesquels reviennent le plus souvent.
La datation en 2004 amène plusieurs échos intimes.
Je rappelle que c'est le 4/4/4 que j'ai découvert (ou redécouvert) l'aspect éminemment quaternaire du 4/4/44.
L'épisode du Vendredi saint me fait inclure Vargas parmi les auteurs chez qui apparaissent des dates pascales significatives, soit essentiellement des Vendredis saints ou Dimanches de Pâques où il se produit des morts ou résurrections. Je fais partie de ces auteurs, pour des textes publiés, mais aussi pour des projets inédits, avec notamment Le parfum de l'amant d'Anouar, offrant une coïncidence si fabuleuse que j'hésiterais à en parler si je n'avais la preuve de mes dires.
- A l'automne 2003, j'ai envoyé à divers amis et connaissances ce synopsis, où un nommé Adam Breger assassine un certain Delaunay à l'aube du Dimanche pascal 2004.
- En avril 2006 paraissait Dans les bois éternels, où le sang d'Adamsberg ressuscite Violette dans la nuit suivant le Vendredi saint 2004.
Mon Adam Breger n'avait a priori rien à voir avec Adamsberg, qui n'était alors qu'un nom perdu parmi des milliers, car je lis des centaines de livres par an et je n'avais rien lu de Vargas depuis Les quatre fleuves en 2000. Fred n'est devenue un auteur essentiel pour moi qu'en 2005, où j'ai conservé mon appréciation de lecture de Pars vite et reviens tard le 23 novembre, accompagnée de mon qualificatif le plus élogieux catégorie polar, "queenien".
"Adam Breger" était un nom résultant de telles obligations qu'il n'aurait guère pu être très différent :
- Adam, "homme", parce qu'une de mes sources était La dernière femme de sa vie, de Queen, où un homme agonisant dans la nuit de Pâques prononce une dernière syllabe désignant son meurtrier, "hom..."
- Breger, pour Berger (!), fine allusion au docteur Shepard (sheperd, "berger"), narrateur meurtrier du Meurtre de Roger Ackroyd, car Adam Breger était aussi dans mon projet le narrateur et l'assistant de l'enquêteur. Je prévoyais un niveau supplémentaire par rapport au roman d'Agatha Christie, peu importe puisque je n'ai pas écrit le roman, mes timides démarches ne m'ayant donné aucune assurance qu'il pût trouver un éditeur.
Je suis encore saisi de vertige en rapprochant ceci des autres coïncidences onomastiques étudiées dans le dernier billet, entre les oeuvres de Vargas et de Demouzon de 1999-2000:
- un tueur en série qui élimine une personne nommée OGIER, sans rapport avec ses victimes de prédilection;
- un MELCHIOR qui traque le LOUP.
Je n'avais pas alors à l'esprit que, si Vargas avait donné à l'un de ses personnages le nom du commissaire de Demouzon qui traquerait pareillement un loup, Wolf, dans un roman inédit, sinon inécrit, j'avais fait jouer à un personnage au nom fort proche de celui du commissaire de Vargas un rôle similaire à celui d'Adamsberg dans une future aventure, puisque un meurtre le jour de Pâques relève pour moi exactement du même esprit qu'une résurrection le Vendredi saint. Mon dessillement a été induit par la datation de Dans les bois éternels en 2004, alors qu'à première lecture je m'étais demandé si Fred n'avait pas exploité comme moi la particularité de l'Annonciation 2005.
Mon Adam Breger ouvre à un autre jeu, pouvant être reporté au roman de Vargas. Mon intrigue jouait avec la lecture adom, "rouge", "roux", et l'homme tuait Delaunay à cause de l'outrage commis envers Gaston Leroux. Je remarque la possibilité de lire AMBRE dans adAMBREger, en pensant à la rue delAMBRE revenant à plusieurs reprises chez Vargas, et OMBRE dans adOMBREger. Les lettres résiduelles peuvent former GARDE, or la criminelle du roman, le docteur Lagarde, a pris soin de fournir aux enquêteurs un coupable évident pour ses crimes, la tueuse Alpha-Oméga qui a été l'objet de son livre, l'infirmière Claire Langevin, surnommée l'Ombre, arrêtée deux ans plus tôt par Adamsberg. On trouvera dans L'OMBRE et LAGARDE toutes les lettres de ADAMBERG.
Comme on pourrait lire CARLE JUNG L'AINE dans CLAIRE LANGEVIN, en utilisant les mêmes équivalences I-J et U-V rencontrées dans le classique VOLTAIRE = AROUET L(e) J(eune).
L'Ombre appartient précisément aux concepts essentiels de la psychologie de Jung, c'est la face obscure de la personnalité, "mister Hyde" pour abréger.
Et j'abrège tant l'intrication avec tout ce qui vient d'être vu semble extrême, me contentant de signaler que Carl Gustav était effectivement l'aîné des enfants Jung (d'autres anagrammes de Claire Langevin sont "Carl Jung aliéné", "Carl Jung l'a niée").
L'équivalence U-V permet encore de transformer "Fred V." en la simpliste antithèse de Jung, Freud (je rappelle que j'avais intitulé mon premier billet Carl V).
Fred V offre à ses lecteurs une seconde fausse piste, avec l'affaire entre Adamsberg et un de ses inspecteurs, survenue 34 ans plus tôt, soit donc en 1970 si nous sommes en 2004. Or le meurtre de La dernière femme de sa vie, qui a directement inspiré celui du Parfum de l'amant d'Anouar, est daté le plus logiquement du jour de Pâques 1970. Si je montrais ici que cette datation est problématique, sinon impossible, en tenant compte du "vrai Queen" précédent, c'est cette date de 1970 que j'avais prise en compte pour mon projet, et qui m'avait fait choisir 2004 pour mon propre meurtre pascal, 34 ans plus tard, 34 étant un nombre important selon mes analyses queeniennes.
C'est une autre curiosité que ces deux romans de Vargas et Queen s'inscrivent dans l'exacte continuité de leurs romans précédents, et que leurs datations immédiates soient remises en cause par la lecture de ces romans précédents.
Ce n'est pas le seul point commun entre ces deux auteurs, dont les identités réelles Fred Audoin et Fred Dannay offrent une certaine ressemblance. Ainsi, après un silence de 5 ans, Dannay est revenu à l'écriture avec un cycle de romans dont j'espère avoir démontré qu'ils ont au moins en commun une thématique pascale. Le premier de ces romans est L'Adversaire (1963), dont le tueur est, non un dissocié Alpha-Oméga selon la terminologie de Vargas, mais déjà un être à deux personnalités indépendantes. Si le thème était à la mode à l'époque, avec notamment Psychose, Dannay lui a donné une portée théologique en donnant à un être fruste, limite débile, la personnalité seconde de Dieu. Le déclic initial avancé est ses initiales, JHW, correspondant aux lettres du Tétragramme hébraïque JHWH. JHW a pris par ailleurs à son compte la vengeance de celui qu'il estime spolié par ses patrons, Nathaniel né le dimanche pascal 1924.
Je remarque qu'aux initiales d'Ariane Lagarde correspondent les lettres hébraïques alef lamed, formant le mot el, "dieu" (et aussi la particule négative al).
Le roman suivant de Fred Dannay sera Et le huitième jour... (1964), couvrant exactement la semaine sainte 1944.
La date alternative pour le dimanche 29 mars du meurtre de La dernière femme de sa vie est 1964.
1924-1944-1964, Dannay est mort trop tôt pour exploiter la Pâques 1984, et Audoin venue à l'écriture trop tard, restait 2004, et rendez-vous en 2024...
A propos, une fidèle amie de ce blog s'est souvenue, en découvrant l'importance de la rue Delambre chez Vargas, qu'elle avait lu jadis un livre de la collection Mademoiselle intitulé La maison de la rue Delambre. La consultation du catalogue de la collection lui a fait découvrir Le rendez-vous avec Vargas, de JP Vivier.
J'en ai cherché la couverture sur la toile, et ne l'ai trouvée que sur cette annonce e-bay (sans doute prochainement retirée) où un vendeur propose "4 romans de Jean-Paul Vivier". Curieusement, le 4e est un des premiers numéros de la collection, de maquette différente, et c'est surtout un Marie de Vivier.
Auteur et titre de ce 4e roman me semblent riches de sens, sachant que
- Jung considérait la quaternité essentiellement comme un 3+1;
- il voyait notamment la Vierge Marie constituer le 4e pôle de la Trinité chrétienne;
- Fred a emprunté son pseudo au personnage de Maria Vargas;
- Adamsberg devient "commissaire Lamproie", lampe-roi, pour traquer le juge porteur de pseudos évoquant lumière et grandeur;
- Adamsberg lâche ensuite "Lamproie" pour l'hombre dans son enquête suivante, son voisin Velasco l'appelant systématiquement hombre (soit "homme", ou adam).
J'ai donné des exemples de la récurrence phénoménalement complexe de thèmes et situations dans l'oeuvre de Queen. Un autre exemple serait les meurtres en carré JHWH des cousins York dans L'Adversaire, qui semblent répéter les meurtres en losange JHVH de la nouvelle de Borges de 1942, La mort et la boussole.
Or Queen a écrit en 1932 La tragédie de Y, série d'incidents criminels dans la maison des Hatter, famille un brin dégénérée dont la dernière génération est formée de JH et WH (John et William Hatter). Comme JHW tuera ses employeurs York selon les instructions données par un certain Y., le jeune John s'applique à réaliser les crimes imaginés par son grand-oncle York Hatter, qui avait écrit secrètement un polar se passant dans sa propre famille, La tragédie de Y...
Je vois des récurrences similaires chez Vargas, qui construit peu à peu une oeuvre cohérente malgré deux premiers romans un peu faiblards. J'ai signalé la présence de la citation Et mourir de plaisir dans 3 des 4 derniers romans, et je l'ai également trouvée dans son 2e roman, Ceux qui vont mourir te saluent, écrit en 1987 (page 110). Curieusement, il s'y trouve un peu plus loin, page 122, une allusion aux vampires, assez gratuite:
Un autre exemple numérique est la liste des 29 vierges parmi lesquelles le tueur devrait choisir sa prochaine victime, liste affichée le 4/4/4 dans la salle du Concile. Pourquoi 29 ? Il se trouve que dans "l'affaire des 4", Pars vite et reviens tard, le vengeur, qui vient de condamner une personne dans un immeuble dont il a "protégé" tous les autres habitants par des 4 tracés sur leurs portes, a multiplié les immeubles pareillement marqués, pour dérouter les enquêteurs, lesquels ne pourront protéger les "29 portes vierges"... Page 169:
Je crois entendre un fort écho entre la transfusion de Violette à l'hôpital de Dourdan, sur l'Orge, qui en semi-coma marmonne "et mourir de plaisir", et l'aventure aux sources du vampirisme à Kisilova, au bord du Danube, la Donau en allemand.
Je remarque que les lettres de Donau sont toutes dans Dourdan (comme dans Jourdain). Mieux, dans ce contexte médical, une anagramme de Dourdan est Dr Donau... et mister Ogre ?
J'indiquais dans le dernier billet mes questions à Fred en juin 2001 à propos du nom OGIER rencontré chez elle et chez Demouzon.
De même que le vrai nom de Vargas est AUDOIN = DONAU+I,
de même qu'elle a transformé le nom du village d'origine du vampirisme Kisilova en Kislova, tel que KISILOVA = KISLOVA+I,
de même qu'elle y a fait naître l'oncle Slavko de Danglard, tel que KISLOVA = SLAVKO+I,
je remarque que OGIER = ORGE+I.
Dans l'affaire Ogier du côté Demouzon, j'avais omis la remarquable unique anagramme du nom d'une autre victime de Wolf, Richeaume, donnant la "chaumière" de la grand-mère mangée par le loup, en attendant la chair fraîche du petit chaperon rouge. Voyant que OGIER est aussi OGRE+I, je me suis alors demandé s'il existait une anagramme de RCHEAUME (Richeaume sans I), et mon dictionnaire ne m'a livré qu'un substantif inconnu, "chrémeau".
Le chrémeau est un bonnet dont on coiffait l'enfant après le baptême. Ainsi un premier jeu de lettres sur Dourdan m'a mené au Jourdain du Baptiste Jean, et ces insistants jeux d'anagrammes sans I me ramènent au baptême, dans les méandres du Danube et de l'Orge...
J'ai commencé il y a quelques jours ce billet, afin d'être prêt à le mettre en ligne ce 4 avril à 19:44, en écho au 4/4/44. J'avais collecté quelques images sur la toile, pas encore intégrées au billet, mais un accident sur mon disque dur m'a fait perdre le dossier contenant les images de ce blog. J'avais notamment choisi ceci en tapant l'Alpha et l'Oméga sur GoogleImages.
Il m'a donc fallu rechercher l'image, mais une requête formulée un peu différemment, Alpha-Oméga, m'a fait découvrir le logo d'une association chrétienne US d'amateurs de 4x4 (Benoît 16 n'a-t-il pas interdit le 4x4 à ses ouailles ?), qui est basée sur le même graphisme que les Alpha-Oméga entrelacés précédents. Le 4x4 en ce 4/4 m'a fait choisir cette nouvelle image.
Après un temps froid et pluvieux ces derniers jours sur la Provence, j'ai profité du magnifique soleil de ce 4/4 pour faire une grande balade à vélo et à pied dans la montagne proche, du côté de Jaron où j'ai rencontré un chrisme pendant l'écriture de L'heure du chrisme (je songeais à reprendre pour ce billet des images de chrismes avec Alpha et Oméga); pour la seconde fois je crois depuis 25 ans que je crapahute dans ces sentiers du 04, je suis tombé sur un rallye de 4x4...
J'indiquais donc que la date "Lundi 4 avril" (page 278) m'avait interpellé dans ce roman paru en avril 06, parce que je pensais que l'action se passait en 2005, où ce lundi 4 avril avait été exceptionnellement pour les cathos la fête de l'Annonciation, normalement le 25 mars, tombant cette année le Vendredi saint. La précédente occurrence de ce fait avait été en 1932, où je ne crois pas qu'il avait provoqué un déplacement de l'Annonciation. En 992, le pape Jean XI avait décrété une abondance de grâces pour ces années où se rencontraient les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption...
Je précise que ce n'est pas une quelconque ferveur religieuse qui m'a poussé à m'intéresser en 2005 à cette particularité, et à l'exploiter dans ce poème, mais un intérêt pour les dates pascales né de hasards de lecture ayant conduit aux découvertes partiellement exposées ici.
Etant donc sensibilisé à ces dates du 25 mars et du 4 avril, je les ai remarquées l'année suivante dans le roman de Vargas, où l'action n'est pas datée explicitement. Les quelques indices aidant à le faire sont :
- le voisin Velasco d'Adamsberg, qui a perdu un bras pendant la guerre civile espagnole, 69 ans plus tôt, ce qui place l'action de 2005 à 2008, cette guerre couvrant les années 1936-1939;
- la précision "lundi 4 avril" n'est compatible qu'avec 2005, aux alentours de l'année de parution.
2005 était donc parfaitement logique, à l'exclusion d'un petit détail sur lequel je vais revenir, et je décelais des échos immédiats à la crucifixion dans ce qui se passait le 25 mars (le "bois éternel" y est supposé être la croix du Christ) et à la Vierge le 4 avril (où est établie une liste de 29 vierges), mais Vargas informée indirectement sembla ne rien comprendre à mes élucubrations...
Je comprends aujourd'hui pourquoi, car après relecture du roman précédent, Sous les vents de Neptune, qui s'achève en novembre 2003, il est clair que l'enquête suivante s'enchaîne dans l'exacte continuité et débute donc en principe en mars 04, ce qui cadre maintenant avec le petit détail qui clochait. Ce sont alors les indices précédents qui clochent, puisque 2004 ne vient pas 69 ans après la guerre d'Espagne et que le 4 avril y était un dimanche, mais ce sont des broutilles comparées à l'âge d'Adamsberg, qui avait 45 ans dans sa première enquête se passant en 1990, L'homme aux cercles bleus, qui en a toujours 45 dans la suivante, L'homme à l'envers, en 1998, qui a quand même pris un coup de vieux en 2003, où il a 48 ans, et qui rajeunit d'un an en 2004...
Donc Vargas n'a pas un souci extrême de cohérence temporelle, ni d'un roman à l'autre, ni à l'intérieur d'un même roman, ce qui n'exclut pas qu'il puisse demeurer des dates significatives.
Ainsi, le détail qui me gênait, c'est le vendredi suivant le 4 avril, où il survient un épisode limite grotesque assez typique de Vargas, où il y a besoin le soir de donneurs de sang vers Dourdan, difficiles à trouver car C'est Pâques, commissaire, la moitié de la ville s'est barrée. (page 353)
Plutôt désireux de dater l'action en 2005, où Pâques tombait le 27 mars, je m'étais dit qu'il devait s'agir des vacances de Pâques, variables selon les zones, mais en 2004 Pâques tombait le 11 avril, et le soir du vendredi 9 était bien le début du long week-end pascal.
Et c'était Vendredi saint. Et il y a une mort ce Vendredi saint, suivie d'une résurrection, celle de la mystérieuse Violette Retancourt, déjà impliquée lors du roman précédent dans l'épisode déconcertant du portage d'Adamsberg, nu dans son dos.
Bref résumé de 6 chapitres : le vendredi matin, les enquêteurs s'avisent que Violette a disparu depuis une semaine, Adamsberg décrète que la seule possibilité de la retrouver est de lâcher La Boule, le chat de la brigade, sur sa piste. Le chat parcourt 38 kilomètres jusqu'à un hangar, où Violette est retrouvée à la nuit tombée, d'abord déclarée morte par un toubib... Mais il reste un souffle de vie à cet être hors du commun, transporté à l'hôpital de Dourdan. A 23h 40, l'hôpital fait savoir qu'elle va mourir si elle ne bénéficie pas d'une transfusion totale, ce qui nécessite 3 donneurs, et l'hôpital n'en a qu'un sous la main, à cause de Pâques.
Seul Adamsberg semble convenir parmi les flics présents, mais pendant que le sang de Jean-Baptiste est transfusé dans les veines de Violette arrive un 3e donneur providentiel, le lieutenant Noël, qu'Adamsberg avait banni de l'enquête au début du roman. Jean-Baptiste et Noël (Jésus), deux personnages complémentaires dans la symbolique chrétienne, ayant donné leurs noms aux deux fêtes solstitiales, Noël et la Saint-Jean, "Il faut qu'il croisse et que je diminue..." (Jn 3,30).
Quant au premier donneur, le seul du groupe A moins de Dourdan, c'est un éleveur de boeufs, or la forme de la lettre A est originellement une tête de boeuf ou taureau (hébreu alouf, à l'origine de la lettre alef devenue alpha en grec). Il est suivi par Adamsberg, groupe O, donneur universel, et Noël, "Groupe O." (derniers mots du chapitre L).
Violette reçoit donc dans cette nuit du Vendredi saint du sang A, puis du sang O, puis le sang de Noël... Or Noël-Jésus est aussi connu comme Alpha et Oméga, et le tueur du roman est encore un Alpha-Oméga ! La tueuse en l'occurrence, puisque c'est la légiste-psy qui est à l'origine de cette terminologie pour les tueurs dissociés, dans son livre De part et d'autre du mur du crime, lesquels mènent une vie paisible Alpha en ignorant tout des pulsions criminelles de leur personnalité Oméga; elle était bien placée pour l'écrire puisqu'elle est elle-même une dissociée, docteur Ariane et mistress Oriane ?
Adamsberg a été conduit dans le roman précédent à étudier l'étymologie des noms propres, or Dourdan viendrait de la liaison des mots celtiques dor ou dour, "eau", "rivière" et dan, "colline". Ce nom ressemble fort à Jourdain, en hébreu Yordan, de yar "rivière" et dan "jugement". Les deux toponymes signifieraient donc chacun "rivière de Dan", et le Jourdain évoque Jean le Baptiste, saint patron d'Adamsberg.
Quant à Adamsberg, c'est le "mont d'Adam", adam qui est en hébreu de la même famille que dam, "sang", et adom, "rouge". L'enquête débute par trois petits cailloux qui mènent Adamsberg non à "la maison de l'Ogre", selon une réminiscence erronée du conte de Perrault par un inspecteur (page 83), mais au cimetière de MONTROUGE...
Quant à la "rivière de la colline" de Dourdan, c'est l'Orge, anagramme d'Ogre.
Il faut peut-êre considérer aussi le taurobolium, dans l'Antiquité baptême par le SANG, après sacrifice d'un taureau...
Je ne me risque plus à faire des suppositions sur les intentions de Vargas, échaudé par mes premières "déductions" basées sur l'an 2005.
Déductions dont je ne renie d'ailleurs que les intentions prêtées à l'auteur, car les indices textuels demeurent quelles qu'aient été ces intentions, et je suis sidéré par la complémentarité entre les deux lectures permises par ces indices, complémentarité qui n'est possible que grâce à l'intervention de l'année 2005, peut-être la première année où l'Annonciation a été déplacée.
Donc, hypothèse 2005 :
- 25 mars, Vendredi saint : première interprétation du De reliquis dans la salle du Concile, où il est envisagé que "la croix qui vit dans le bois éternel" est une relique de la Croix.
- 4 avril, Annonciation : la liste des 29 vierges menacées par le tueur est punaisée dans la salle du Concile.
Et hypothèse 2004 :
- 25 mars, Annonciation : Adamsberg annonce à ses hommes que le tueur s'en prend aux vierges et qu'une troisième vierge est menacée.
- 4 avril, début de la Semaine sainte.
- 9 avril, Vendredi saint : "mort" et "résurrection" de Violette.
- 10 avril : pendant sa transfusion, Adamsberg rapproche la survie de Violette, grâce à 3 donneurs, de la vie éternelle que le tueur compte obtenir grâce à 3 vierges; il remarque que Violette s'est teint les cheveux il y a quelques mois, et la différence de teinte des cheveux repoussés l'amène à comprendre que "le vif des vierges" correspond aux cheveux poussés après la mort. L'interprétation littérale du De reliquis lui fait décréter qu'il doit exister un os en forme de croix dans le coeur du cerf...
- 11 avril, Pâques : Adamsberg se fait confirmer l'existence de cette croix par ses amis chasseurs de l'Eure.
Je ne serais pas surpris que Fred ne se reconnaisse pas plus dans l'hypothèse 2004 que dans l'hypothèse 2005. Quoi qu'il en soit, l'hypothèse 04 m'entraîne bien au-delà des intentions attribuables à l'auteur, car l'une des 4 seules dates précisées dans le roman serait donc le 4/4/4 (les autres dates sont le 21/3, le 25/3, et le 3/5), la date la plus quaternaire depuis le 4/4/44 jungien.
Or la candidate à la vie éternelle n'a pas choisi cette année par hasard, mais parce que c'est l'année où elle atteint 60 ans, "cinq fois le temps de jeunesse" selon le De reliquis, le moment de réaliser le grand oeuvre. S'il s'agit de l'an 2004, c'est donc qu'Ariane est née en 1944, et qu'elle a été junge, "jeune", jusqu'en 1956.
Que de résonances avec Jung, en dehors du 4/4/44, puisque je distinguais ici une première quintessence dans sa vie, avec sa maison de Bollingen, construite en 4 tranches de 1923 à 1935, des 48 aux 60 ans de Jung, et qu'il estima alors achevée, car correspondant à une quaternité, reflétant sa personnalité profonde.
Mais après la mort de sa femme, il s'imposa à lui une dernière élévation centrale, comme une germination, et c'est en 1956 que la "Tour" connaît son réel achèvement.
Ce 4/4 dans la 60e année après 1944 vient après Sous les vents de Neptune, où l'illumination d'Adamsberg à Richelieu lui fait découvrir successivement 4 vents, 4 éléments, et l'année 1944, date du premier crime du JUGE amateur de mah-JONG qui était plus JUNG, jeune, qu'on ne croyait, et avant Un lieu incertain, dont la latitude est néanmoins établie, 44°44'.
J'ai déjà indiqué l'abondance des 4 dans les romans de Vargas, ma relecture de L'homme à l'envers m'y a fait remarquer que l'assassin entend faire endosser ses 4 meurtres au coupable idéal livré aux enquêteurs, Auguste Massart, 44 ans. L'aventure a débuté dans le département 04, et elle s'achève sur la D44 en Haute-Marne, sur le dévoilement du vrai coupable par le quatuor des poursuivants.
Je m'en tiens là pour les 4 et 44 chez Vargas, je pourrais en citer d'autres, mais seul un relevé systématique de tous les nombres dans son oeuvre permettrait d'évaluer lesquels reviennent le plus souvent.
La datation en 2004 amène plusieurs échos intimes.
Je rappelle que c'est le 4/4/4 que j'ai découvert (ou redécouvert) l'aspect éminemment quaternaire du 4/4/44.
L'épisode du Vendredi saint me fait inclure Vargas parmi les auteurs chez qui apparaissent des dates pascales significatives, soit essentiellement des Vendredis saints ou Dimanches de Pâques où il se produit des morts ou résurrections. Je fais partie de ces auteurs, pour des textes publiés, mais aussi pour des projets inédits, avec notamment Le parfum de l'amant d'Anouar, offrant une coïncidence si fabuleuse que j'hésiterais à en parler si je n'avais la preuve de mes dires.
- A l'automne 2003, j'ai envoyé à divers amis et connaissances ce synopsis, où un nommé Adam Breger assassine un certain Delaunay à l'aube du Dimanche pascal 2004.
- En avril 2006 paraissait Dans les bois éternels, où le sang d'Adamsberg ressuscite Violette dans la nuit suivant le Vendredi saint 2004.
Mon Adam Breger n'avait a priori rien à voir avec Adamsberg, qui n'était alors qu'un nom perdu parmi des milliers, car je lis des centaines de livres par an et je n'avais rien lu de Vargas depuis Les quatre fleuves en 2000. Fred n'est devenue un auteur essentiel pour moi qu'en 2005, où j'ai conservé mon appréciation de lecture de Pars vite et reviens tard le 23 novembre, accompagnée de mon qualificatif le plus élogieux catégorie polar, "queenien".
"Adam Breger" était un nom résultant de telles obligations qu'il n'aurait guère pu être très différent :
- Adam, "homme", parce qu'une de mes sources était La dernière femme de sa vie, de Queen, où un homme agonisant dans la nuit de Pâques prononce une dernière syllabe désignant son meurtrier, "hom..."
- Breger, pour Berger (!), fine allusion au docteur Shepard (sheperd, "berger"), narrateur meurtrier du Meurtre de Roger Ackroyd, car Adam Breger était aussi dans mon projet le narrateur et l'assistant de l'enquêteur. Je prévoyais un niveau supplémentaire par rapport au roman d'Agatha Christie, peu importe puisque je n'ai pas écrit le roman, mes timides démarches ne m'ayant donné aucune assurance qu'il pût trouver un éditeur.
Je suis encore saisi de vertige en rapprochant ceci des autres coïncidences onomastiques étudiées dans le dernier billet, entre les oeuvres de Vargas et de Demouzon de 1999-2000:
- un tueur en série qui élimine une personne nommée OGIER, sans rapport avec ses victimes de prédilection;
- un MELCHIOR qui traque le LOUP.
Je n'avais pas alors à l'esprit que, si Vargas avait donné à l'un de ses personnages le nom du commissaire de Demouzon qui traquerait pareillement un loup, Wolf, dans un roman inédit, sinon inécrit, j'avais fait jouer à un personnage au nom fort proche de celui du commissaire de Vargas un rôle similaire à celui d'Adamsberg dans une future aventure, puisque un meurtre le jour de Pâques relève pour moi exactement du même esprit qu'une résurrection le Vendredi saint. Mon dessillement a été induit par la datation de Dans les bois éternels en 2004, alors qu'à première lecture je m'étais demandé si Fred n'avait pas exploité comme moi la particularité de l'Annonciation 2005.
Mon Adam Breger ouvre à un autre jeu, pouvant être reporté au roman de Vargas. Mon intrigue jouait avec la lecture adom, "rouge", "roux", et l'homme tuait Delaunay à cause de l'outrage commis envers Gaston Leroux. Je remarque la possibilité de lire AMBRE dans adAMBREger, en pensant à la rue delAMBRE revenant à plusieurs reprises chez Vargas, et OMBRE dans adOMBREger. Les lettres résiduelles peuvent former GARDE, or la criminelle du roman, le docteur Lagarde, a pris soin de fournir aux enquêteurs un coupable évident pour ses crimes, la tueuse Alpha-Oméga qui a été l'objet de son livre, l'infirmière Claire Langevin, surnommée l'Ombre, arrêtée deux ans plus tôt par Adamsberg. On trouvera dans L'OMBRE et LAGARDE toutes les lettres de ADAMBERG.
Comme on pourrait lire CARLE JUNG L'AINE dans CLAIRE LANGEVIN, en utilisant les mêmes équivalences I-J et U-V rencontrées dans le classique VOLTAIRE = AROUET L(e) J(eune).
L'Ombre appartient précisément aux concepts essentiels de la psychologie de Jung, c'est la face obscure de la personnalité, "mister Hyde" pour abréger.
Et j'abrège tant l'intrication avec tout ce qui vient d'être vu semble extrême, me contentant de signaler que Carl Gustav était effectivement l'aîné des enfants Jung (d'autres anagrammes de Claire Langevin sont "Carl Jung aliéné", "Carl Jung l'a niée").
L'équivalence U-V permet encore de transformer "Fred V." en la simpliste antithèse de Jung, Freud (je rappelle que j'avais intitulé mon premier billet Carl V).
Fred V offre à ses lecteurs une seconde fausse piste, avec l'affaire entre Adamsberg et un de ses inspecteurs, survenue 34 ans plus tôt, soit donc en 1970 si nous sommes en 2004. Or le meurtre de La dernière femme de sa vie, qui a directement inspiré celui du Parfum de l'amant d'Anouar, est daté le plus logiquement du jour de Pâques 1970. Si je montrais ici que cette datation est problématique, sinon impossible, en tenant compte du "vrai Queen" précédent, c'est cette date de 1970 que j'avais prise en compte pour mon projet, et qui m'avait fait choisir 2004 pour mon propre meurtre pascal, 34 ans plus tard, 34 étant un nombre important selon mes analyses queeniennes.
C'est une autre curiosité que ces deux romans de Vargas et Queen s'inscrivent dans l'exacte continuité de leurs romans précédents, et que leurs datations immédiates soient remises en cause par la lecture de ces romans précédents.
Ce n'est pas le seul point commun entre ces deux auteurs, dont les identités réelles Fred Audoin et Fred Dannay offrent une certaine ressemblance. Ainsi, après un silence de 5 ans, Dannay est revenu à l'écriture avec un cycle de romans dont j'espère avoir démontré qu'ils ont au moins en commun une thématique pascale. Le premier de ces romans est L'Adversaire (1963), dont le tueur est, non un dissocié Alpha-Oméga selon la terminologie de Vargas, mais déjà un être à deux personnalités indépendantes. Si le thème était à la mode à l'époque, avec notamment Psychose, Dannay lui a donné une portée théologique en donnant à un être fruste, limite débile, la personnalité seconde de Dieu. Le déclic initial avancé est ses initiales, JHW, correspondant aux lettres du Tétragramme hébraïque JHWH. JHW a pris par ailleurs à son compte la vengeance de celui qu'il estime spolié par ses patrons, Nathaniel né le dimanche pascal 1924.
Je remarque qu'aux initiales d'Ariane Lagarde correspondent les lettres hébraïques alef lamed, formant le mot el, "dieu" (et aussi la particule négative al).
Le roman suivant de Fred Dannay sera Et le huitième jour... (1964), couvrant exactement la semaine sainte 1944.
La date alternative pour le dimanche 29 mars du meurtre de La dernière femme de sa vie est 1964.
1924-1944-1964, Dannay est mort trop tôt pour exploiter la Pâques 1984, et Audoin venue à l'écriture trop tard, restait 2004, et rendez-vous en 2024...
A propos, une fidèle amie de ce blog s'est souvenue, en découvrant l'importance de la rue Delambre chez Vargas, qu'elle avait lu jadis un livre de la collection Mademoiselle intitulé La maison de la rue Delambre. La consultation du catalogue de la collection lui a fait découvrir Le rendez-vous avec Vargas, de JP Vivier.
J'en ai cherché la couverture sur la toile, et ne l'ai trouvée que sur cette annonce e-bay (sans doute prochainement retirée) où un vendeur propose "4 romans de Jean-Paul Vivier". Curieusement, le 4e est un des premiers numéros de la collection, de maquette différente, et c'est surtout un Marie de Vivier.
Auteur et titre de ce 4e roman me semblent riches de sens, sachant que
- Jung considérait la quaternité essentiellement comme un 3+1;
- il voyait notamment la Vierge Marie constituer le 4e pôle de la Trinité chrétienne;
- Fred a emprunté son pseudo au personnage de Maria Vargas;
- Adamsberg devient "commissaire Lamproie", lampe-roi, pour traquer le juge porteur de pseudos évoquant lumière et grandeur;
- Adamsberg lâche ensuite "Lamproie" pour l'hombre dans son enquête suivante, son voisin Velasco l'appelant systématiquement hombre (soit "homme", ou adam).
J'ai donné des exemples de la récurrence phénoménalement complexe de thèmes et situations dans l'oeuvre de Queen. Un autre exemple serait les meurtres en carré JHWH des cousins York dans L'Adversaire, qui semblent répéter les meurtres en losange JHVH de la nouvelle de Borges de 1942, La mort et la boussole.
Or Queen a écrit en 1932 La tragédie de Y, série d'incidents criminels dans la maison des Hatter, famille un brin dégénérée dont la dernière génération est formée de JH et WH (John et William Hatter). Comme JHW tuera ses employeurs York selon les instructions données par un certain Y., le jeune John s'applique à réaliser les crimes imaginés par son grand-oncle York Hatter, qui avait écrit secrètement un polar se passant dans sa propre famille, La tragédie de Y...
Je vois des récurrences similaires chez Vargas, qui construit peu à peu une oeuvre cohérente malgré deux premiers romans un peu faiblards. J'ai signalé la présence de la citation Et mourir de plaisir dans 3 des 4 derniers romans, et je l'ai également trouvée dans son 2e roman, Ceux qui vont mourir te saluent, écrit en 1987 (page 110). Curieusement, il s'y trouve un peu plus loin, page 122, une allusion aux vampires, assez gratuite:
— Par où es-tu entrée ?A propos de vampires, Fred a évidemment imaginé l'édition de 1663 du De reliquis, comme sa recette d'immortalité, mais elle n'a pas inventé que le premier vampire historique, le premier "non-mort", ait été Peter Plogonowitz né en 1663 à Kisilova, le "Plog" qui sera au coeur de son roman suivant.
— Par la fenêtre, comme les vampires. Est-ce que tu sais, Richard, que les vampires ne peuvent entrer dans les chambres que si le dormeur désire ardemment qu'ils y entrent ?
Un autre exemple numérique est la liste des 29 vierges parmi lesquelles le tueur devrait choisir sa prochaine victime, liste affichée le 4/4/4 dans la salle du Concile. Pourquoi 29 ? Il se trouve que dans "l'affaire des 4", Pars vite et reviens tard, le vengeur, qui vient de condamner une personne dans un immeuble dont il a "protégé" tous les autres habitants par des 4 tracés sur leurs portes, a multiplié les immeubles pareillement marqués, pour dérouter les enquêteurs, lesquels ne pourront protéger les "29 portes vierges"... Page 169:
— Vous passerez dans les vingt-neuf immeubles pour procéder à un nouvel examen des portes vierges. (...) Qui a continué à bosser sur ces vingt-neuf personnes ?Je termine sur un exemple complexe qui outrepasse assez largement les motivations conscientes ou inconscientes attribuables à Fred.
Quatre doigts se levèrent (...)
Je crois entendre un fort écho entre la transfusion de Violette à l'hôpital de Dourdan, sur l'Orge, qui en semi-coma marmonne "et mourir de plaisir", et l'aventure aux sources du vampirisme à Kisilova, au bord du Danube, la Donau en allemand.
Je remarque que les lettres de Donau sont toutes dans Dourdan (comme dans Jourdain). Mieux, dans ce contexte médical, une anagramme de Dourdan est Dr Donau... et mister Ogre ?
J'indiquais dans le dernier billet mes questions à Fred en juin 2001 à propos du nom OGIER rencontré chez elle et chez Demouzon.
De même que le vrai nom de Vargas est AUDOIN = DONAU+I,
de même qu'elle a transformé le nom du village d'origine du vampirisme Kisilova en Kislova, tel que KISILOVA = KISLOVA+I,
de même qu'elle y a fait naître l'oncle Slavko de Danglard, tel que KISLOVA = SLAVKO+I,
je remarque que OGIER = ORGE+I.
Dans l'affaire Ogier du côté Demouzon, j'avais omis la remarquable unique anagramme du nom d'une autre victime de Wolf, Richeaume, donnant la "chaumière" de la grand-mère mangée par le loup, en attendant la chair fraîche du petit chaperon rouge. Voyant que OGIER est aussi OGRE+I, je me suis alors demandé s'il existait une anagramme de RCHEAUME (Richeaume sans I), et mon dictionnaire ne m'a livré qu'un substantif inconnu, "chrémeau".
Le chrémeau est un bonnet dont on coiffait l'enfant après le baptême. Ainsi un premier jeu de lettres sur Dourdan m'a mené au Jourdain du Baptiste Jean, et ces insistants jeux d'anagrammes sans I me ramènent au baptême, dans les méandres du Danube et de l'Orge...
J'ai commencé il y a quelques jours ce billet, afin d'être prêt à le mettre en ligne ce 4 avril à 19:44, en écho au 4/4/44. J'avais collecté quelques images sur la toile, pas encore intégrées au billet, mais un accident sur mon disque dur m'a fait perdre le dossier contenant les images de ce blog. J'avais notamment choisi ceci en tapant l'Alpha et l'Oméga sur GoogleImages.
Il m'a donc fallu rechercher l'image, mais une requête formulée un peu différemment, Alpha-Oméga, m'a fait découvrir le logo d'une association chrétienne US d'amateurs de 4x4 (Benoît 16 n'a-t-il pas interdit le 4x4 à ses ouailles ?), qui est basée sur le même graphisme que les Alpha-Oméga entrelacés précédents. Le 4x4 en ce 4/4 m'a fait choisir cette nouvelle image.
Après un temps froid et pluvieux ces derniers jours sur la Provence, j'ai profité du magnifique soleil de ce 4/4 pour faire une grande balade à vélo et à pied dans la montagne proche, du côté de Jaron où j'ai rencontré un chrisme pendant l'écriture de L'heure du chrisme (je songeais à reprendre pour ce billet des images de chrismes avec Alpha et Oméga); pour la seconde fois je crois depuis 25 ans que je crapahute dans ces sentiers du 04, je suis tombé sur un rallye de 4x4...
3 commentaires:
Lu et à relire, c'est copieux et passionnant. J'aimerais avoir ton avis sur la question que je pose dans ma dernière note où je cite Jacques...
Merci d'avoir participé à cet inégal exercice. Je ne sais pourquoi, et je viens de relire ton texte où je suis encore tombée dessus, je rêve souvent en ce moment à la tour de Bollingen.C'est chaque fois différent. Le plus souvent je m'y perds et je finis par arriver dans une pièce carrée où une voix me dit : tu fois ce n'était pas bien compliqué ! Amitiés.
je suis donc allée faire un "tour" (ah ah ah , en l'écrivant voilà que je constate que je tourne moi aussi autour du "trou") sur ton lien et je c'est vraiment vivifiant de voir comme tu circules de fil en aiguille .
http://remi.schulz.club.fr/813/incidents.htm
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