3.1.25

Jasperville

à JE & IL

  Après Norferville (2024) de Thilliez et la réelle Schefferville d'Isabelle Lafortune dans Terminal Grand Nord (2019), étudiée dans le précédent billet, voici  Jasperville, de RJ Ellory dans Une saison pour les ombres (2022). Jasperville comme Norferville sont inspirées par Schefferville, ville minière de l'extrême Nord canadien.

  Ellory est assurément une plume du polar, mais je ne vois guère de commentaires à faire sur son livre. C'est une nouvelle affaire de tueur en série, thème fréquent chez l'auteur, le seul rapport notable avec Norferville étant l'intervention de la légende locale du windigo, mais les victimes sont ici des blanches, alors que c'étaient des Innues chez Thilliez.
  L'essentiel pour moi est l'absence de coïncidences onomastiques avec Norferville ou Terminal Grand Nord, alors que j'en avais relevé sept entre ces deux romans, et pourtant Ellory n'est pas avare de détails; alors que le principal personnage ne fait que passer par Sept-Iles en allant à Jasperville, le lecteur a droit au détail
Par la fenêtre, il voyait les sept îles auxquelles la ville devait son nom : les deux Boules, les deux Basques, Corossol, Manowin, et les îlets de Quen.
et aux noms des deux réserves innues, Uashat et Maliotenam, avec des développements sans intérêt pour l'intrigue.

  Isabelle Lafortune a lu le précédent billet et reconnu les implications religieuses de son roman. Si certaines identités onomastiques peuvent s'expliquer par la surreprésentation de certains patronymes chez les Innus, comme Mackenzie, elle a été sidérée par la reprise du prénom Angelune dans Norferville, car elle pensait avoir forgé ce prénom qu'elle voyait correspondre à son personnage.
  Effectivement, une recherche "Angelune" montre que le prénom est rarissime.

  Je suis aussi sidéré, et ce n'est pas ma première sidération en lisant Thilliez, "Thilliez" écris-je depuis quelque temps car j'ai des doutes...
  On ne peut penser ici à un plagiat, malgré la localisation commune des intrigues. Une inspiration, peut-être, mais il aurait alors fallu citer en annexe le roman de Lafortune.
  Il est bien plus évident que la nouvelle Neige, du recueil Le Pire des Noëls, est calquée sur le film de Chabrol Alice ou la dernière fugue.
  De même, Le syndrome [E] semble devoir beaucoup au superbe roman de Theodore Roszak, La conspiration des ténèbres. Je me suis étonné d'y trouver des coïncidences onomastiques. Nicolas d'Estienne d'Orves s'en est aussi inspiré pour Ce que l'on sait de Max Toppard, mais NEO a eu la politesse de citer ses sources. Le cinéaste subliminal de Roszak se nomme Max Castel, et les procédés du cinéaste correspondant de Thilliez sont exploités par un certain Chastel.
  La faille de Thilliez exploite l'idée des NDE négatives conduisant à des comportements homicides, déjà développée par Grangé dans Le serment des limbes. De même, certains tentent de provoquer cette expérience, nommée "la gorge" chez Grangé, "la faille" chez Thilliez.
  Et l'extraordinaire mode d'exécution du tueur de La ligne noire (2004), du même Grangé, réapparaît en 2007 dans Deuils de miel.

  Mes plus grandes sidérations viennent des écrits où "Thilliez" commente ses oeuvres, les Secrets d'auteur de Labyrinthes, Le plaisir de la peur, où apparaissent d'invraisemblables erreurs.

  Il serait ahurissant que les cas que j'ai repérés soient les seuls. Toujours est-il qu'à force d'être sidéré il a fini par me venir une idée.
  Si on ne comprend guère pourquoi un plagiaire reprendrait des détails très précis des oeuvres dont il s'inspire, au risque de donner prise à des poursuites en justice, l'objection tombe si le plagiaire est un "nègre", un ghost writer.
  Car jamais, à ma connaissance, un "auteur" reconnu coupable de plagiat n'a admis avoir eu recours à un nègre, ce qui ternirait à jamais sa réputation, alors qu'un plagiat peut toujours trouver des excuses, genre "J'ai oublié de mettre des guillemets". Plusieurs cas sont flagrants à mes yeux, mais donner des noms m'exposerait à être attaqué en diffamation.

  J'ignore ce que peut être exactement un contrat passé entre un "auteur" et son nègre, mais j'imagine qu'il comporte des clauses drastiques de confidentialité.
  Je présume aussi qu'un nègre, même convenablement payé, puisse éprouver du ressentiment envers l' "auteur" qui est probablement mieux payé que lui, sans s'être cassé la tête, et peut se pavaner sur les plateaux télé et ailleurs. D'où pour certains la facilité du plagiat, et la tentation du plagiat identifiable, sachant que ce sera l' "auteur" qui sera incriminé.

  Un exemple intéressant est Fils du peuple, biographie de Maurice Thorez, publiée en 1937, signée par ce dernier mais rédigée par Jean Fréville, critique littéraire à l’Humanité. Un étrange passage peut alerter la curiosité du lecteur:
“ferrailles rongées et verdies, informes lacis, larges entonnoirs aux escarpements crayeux, ravinés, immenses, tranchées creusées en labyrinthes, infranchissables vallonnements ravagés, embroussaillés”.
  Ces 21 mots livrent l'acrostiche
“Fréville a écrit ce livre”.
mais la chose serait plus complexe. Fréville a écrit le livre en collaboration avec son ami André Wierzbolowiez, exclu du PCF en 1934, et ce serait ce dernier qui aurait vendu la mèche par cet acrostiche, et l'aurait fait savoir... Le passage a été réécrit dans l'édition de 1949 pour faire disparaître l'acrostiche (merci à Alain Chevrier de ces infos).

  Nor-Fréville ? Ce cas montre qu'il peut y avoir des raisons au dévoilement du nègre (dénigrement?): André aurait crédité Jean, peut-être à son insu, afin de discréditer Maurice...
  Je ne sais si un ou plusieurs nègres sont intervenus dans l'écriture des textes signés Thilliez, mais je me pose des questions et je les partage. Ceci ne rendrait de toute façon pas compte de la complexité que j'ai étudiée en mai dernier.
   Il ne s'agit peut-être pas tant des individus que des éditeurs, lesquels investissent sur des auteurs publiant un best-seller par an, et ne peuvent envisager un échec qui remettrait en cause leur investissement. Pour info, le premier tirage de Norferville était 460 000, et il y a eu au moins deux autres tirages, et l'édition en poche est encore à venir.

  Parmi les pratiques éditoriales contestables, on sait que depuis des décennies il ne peut quasiment plus paraître un roman d'un nouvel auteur de polar US qui n'ait en couverture un éloge d' un grand nom du genre, Coben, Ellroy, King... J'imagine que personne n'est dupe dans le milieu littéraire, mais la pratique semble maintenant banale, et depuis quelques années elle progresse en France, avec notamment "Thilliez" parmi  les louangeurs.

  Après ces quelques remarques, je répète que je ne formule aucune accusation, et que l'utilisation de nègres ou le plagiat ne peuvent rendre compte de toute la complexité rencontrée chez Thilliez.
  Le billet précédent m'a fait rappeler les noms des tueurs de Norferville, Paul leur chef, Marc un autre, ce qui m'a remémoré une double curiosité, figurant parmi ce récapitulatif il y a deux ans.
  L'été 1994, j'avais établi un contact avec Paul Römer, habitant un village voisin, avec qui j'avais des intérêts kabbalistiques communs. Nous devions nous rencontrer, et je pensais à lui en me baignant dans un lac du Verdon, mais ne parvenait pas à me souvenir de son prénom. Après mon bain, je regagnai la route, et le premier véhicule qui passa était une voiture allemande dont l'immat débutait par PA UL, je n'eus pas le temps de voir la suite.
  Le 8 octobre 2007, parti pour une balade, j’avais avant de quitter la route croisé un camping-car allemand immatriculé MA RK 251.
  J’avais emmené un roman de Tonino Benacquista, Saga (1996), dont j’avais lu les trois premiers chapitres, Louis, Mathilde, Jérôme, introduisant 3 des 4 scénaristes de la série télévisée Saga. Le chapitre suivant était Moi, "moi" qui était Marco, et grâce à MA RK j'avais pigé que ces 4 correspondaient par leurs initiales aux 4 évangélistes MMLJ (Matthieu Marc Luc Jean), ce qui donnait une clé de lecture constamment utile pour la suite du roman.
  Alors ceci n'est-il pas plus étonnant que la victime Angelune Gill chez Thilliez, qui devait aller voir Kelly McKenzie dans la réserve de Maliotenam, tandis qu'Angelune Morin chez Lafortune va voir à Maliotenam les parents des victimes Mackenzie, dans un roman évoquant les évangélistes?
 
  Je ne peux prouver les deux incidents ci-dessus, mais je sais qu'ils se sont bien produits, et ceci m'interdit de déduire quoi que ce soit de coïncidences onomastiques.
  Le billet précédent m'a fait découvrir que Bach avait, comme Paul de Tarse, été considéré comme le cinquième évangéliste. Lors de l'instauration de la nouvelle numérotation des plaques minéralogiques, ma marotte bachienne m'avait fait espérer rencontrer une voiture BA-xxx-CH, en étant curieux de ce que serait xxx. Je n'en ai vu qu'une, BA-024-CH, le 21/02/12, au carrefour de la D 907 avec la RN 85, cette route où j'avais croisé quelques km plus loin le camping-car MA RK 251.

 
  24 m'était tout à fait significatif pour Bach, maître des 24 tonalités, auteur notamment des 24 diptyques Prélude-Fugue du Clavier bien tempéré.
  80 jours plus tard, une balade me fit découvrir au parking de Beynes une voiture allemande immatriculée RE-MI 2501. Curieusement, l'annuaire du 04 me domiciliait à Beynes, alors que nous habitions Mézel.


  Ce n'est qu'en rédigeant ce billet que je remarque la proximité de 251 et 2501.
  Puisque Benacquista et Lafortune ont estimé que les initiales étaient suffisantes pour identifier les évangélistes, je me suis avisé que leurs noms latins sont, dans l'ordre canonique,
Matthaeus
Marcus
Lucas
Ioannes

leurs initiales formant MMLI, soit 2051 en chiffres romains.
  Tiens, leurs valeurs latines totalisent 300, un nombre souvent revenu sur Quaternité, notamment valeur de la lettre hébraïque Shin, que j'ai envisagée ici de prendre comme signature.

  Serai-je le sixième évangéliste, ou le septième, puisqu'il y a de la concurrence?

  Il y a encore, explicitement, les évangélistes de Vargas, Mathias, Marc, et Lucien. Ils ne sont que trois (les synoptiques), mais viennent parfois aider Jean-Baptiste (Adamsberg).

  Un détail du roman d'Ellory a cependant retenu mon attention. Son personnage principal est Jacques Devereaux, lequel a quitté Jasperville et sa famille à 18 ans. Il y revient 20 ans plus tard lorsque son frère Calvis est accusé de tentative de meurtre. Il se trouve que
CALVIS  DEVEREAUX = 66  105 = 171.
  J"ai rencontré ces valeurs pour un personnage réel, l'acteur Mickey Cottrell qui joue dans My Own Private Idaho un personnage né le 4/4/44:
 

  66-105-171 sont les triples de 22-35-57, une suite additive qui se poursuit par 92-149 et que j'ai appelée Golden Numbers, parce que
GOLDEN  NUMBERS = 57  92 = 149.
  En 1996, j'ai adhéré à l'association 813 et y ai reçu le numéro 149, nombre qui m'était déjà significatif, mais qui le devint encore plus lorsque je découvris la suite Golden Numbers. Ceci me fit m'intéresser à qui portait le numéro 92, c'était l'auteure Claude Amoz, et je remarquai que nos noms étaient en rapport d'or optimal comme nos numéros,
AMOZ  SCHULZ = 55  89 (Fibos) et
55/89 = 0,617... comme 92/149.
  J'eus la surprise de découvrir un nouveau type de roman pascal avec le premier roman que je lus d'elle, une intrigue se déroulant sur 5 jours, du Lundi au Vendredi de la Semaine Sainte.

  Je n'ai pas trouvé trace du prénom Calvis, dans lequel je vois aussitôt l'anagramme du latin CLAVIS, "clé". J'avais vu ici que les différentes personnalités du personnage principal de Labyrinthes de Thilliez
avaient pour initiales CLAVIS, dont Camille, "la clé de tout" selon le docteur Marc Fibonacci...
  Encore un Marc... au nom évidemment choisi dans ce roman égrenant les Fibos jusqu'à 2584, en 55 chapitres, également nombre de sections découpant les 7 jours de la Semaine Sainte 2012 dans Terminal Grand Nord.

  Isabelle Lafortune a dénié toute intention dans ce découpage, pourtant presque idéal, et c'est loin d'être
la première architecture dorée non intentionnelle que je découvre.

  Les trouvailles dans Terminal Grand Nord m'ont conduit à lire son autre roman, Chaîne de glace (2022), qui se passe en partie à Schefferville (où a vécu Isabelle).
  On y retrouve les personnages de Terminal Grand Nord, essentiellement pour l'enquête sur la mort d'un Chinois, retrouvé la bouche cousue. On soupçonne l'implication de sa famille, intriguant pour obtenir des contrats hydroélectriques au Québec, ou de la Métald'Or, la principale compagnie minière, mais la vérité était presque de l'ordre du fait divers.
  Le Chinois tentait de corrompre  un employé de la société Hydro-Québec, Jonathan Dumont, mais, au cours d'une dispute entre eux, Martine, la femme de Jonathan, a cru qu'il était en danger et a abattu le Chinois. Ensuite, avec l'aide de Jonathan et de la garde du corps du Chinois, Margaret, ils ont maquillé le meurtre pour envoyer l'enquête sur une fausse piste.
  Martine, Margaret, Jonathan... Le tueur de Terminal Grand Nord se nommait Martin, et les autres responsables directs de la mort des Innues était Marc et John. Bis repetita?
  Lucas s'estimait aussi responsable de ces morts et tentait de se suicider. Il y a bien un L dans Chaîne de glace, le patron de la Métald'Or, Gary Lindman, dont Margaret est l'âme damnée, et c'est à son instigation qu'elle a aidé les Dumont à se débarrasser du cadavre du Chinois.
  Lindman était aussi celui qui avait commandité la mise en scène pour faire chanter John Casey, et on découvre ici qu'il a "ses raisons", comme disait Renoir (La règle du jeu). Lui réussit son suicide, et lègue ses parts de la Métald'Or à Samuel Jourdain, qui est plutôt du côté des "bons".
  Le dénouement a lieu le 20 décembre 2019, mais l'épilogue se passe le 25, Noël, commémorant la naissance du Christ, tandis que Terminal Grand Nord s'achevait le Dimanche de Pâques, commémorant sa résurrection.

  Petite curiosité: Lindman a dans son repaire secret une salle exposant des corps plastinés, et le dénouement de Il était deux fois (2020) de Thilliez fait découvrir à Gabriel Moscato le corps plastiné de sa fille.

  A propos de Fils du peuple, je ne me rappelais plus des détails de cette affaire de nègre, et j'ai fait appel aux oulipotes, dont Alain Chevrier qui a donné les détails rapportés supra.
  Marc Parayre (encore un Marc...) m'a aussi appris que, dans la nouvelle Passage d’enfer qui clôt le recueil Passages d’enfer, de Didier Dæninckx (1998), une ambassadrice qui se targue de capacités littéraires a confié à un nègre, Victor Dalosis, l'écriture d'un roman, Le foulard de Bali.
Celui-ci y a dissimulé un "acrostiche à la manière de Fils du peuple..." (sic), et c'est cette phrase:
Là, avec une terreur élé­mentaire, un renard cendré et sa tribu déboulèrent aux limites où, surpris, ils stoppèrent.
qui livre : L’AUTEUR C’EST DALOSIS.  Je rappelle qu'il y a des acrostiches très habiles chez Thilliez, et même un acrostiche d'acrostiches, étudié ici.
  Il ne serait peut-être pas inutile de relire tous les Thilliez pour voir s'il ne s'y dissimule pas un "acrostiche à la manière de Fils du peuple..."

  La ListeOulipo s'est intéressée à cette nouvelle année 2025, qui n'a rien de quelconque, car c'est le carré de 45, 45 étant la valeur de "carré". Je l'ai illustré par ce poème de gématrie 2025 (1936 est le carré de 44):
Depuis dix-neuf cent trente-six
où le divin Perec naquit,
on ne vit aucune naissance
représentant une puissance.
Or arrive l'an adoré,
l'idéal carré du carré,
un quart de siècle après deux mille,
un an de jouvence fertile.
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2025 au Gématron.
  Mais d'autres oulipotes ont fait bien mieux, illustrant que 45 est la somme des 9 premiers nombres, et que la somme des n premiers cubes égale le carré de la somme des n premiers nombres.
  Robert Rapilly ne tient guère à jour son blogue, aussi je reproduis sa création:
Quarante-cinq au carré égale :
- un au cube
- plus deux au cube
- plus trois au cube
- plus quatre au cube
- plus cinq au cube
- plus six au cube
- plus sept au cube
- plus huit au cube
- plus neuf au cube...
ou deux mille vingt-cinq.
  Evidemment 2025 au Gématron,

  Gef n'a pas été de reste, et a composé ceci.
  Et Nicolas a proposé cette animation.

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