11.11.19

21-38 GOTT mit BACH


  Récemment, un hasard m'a apporté une nouvelle découverte sur les nombres "bachiens" 21-38. Comme mes pages Bach ont été perdues lorsque SFR a supprimé les pages perso, il me faut d'abord redonner la page publiée en septembre 05 que voici, légèrement épurée.

21-38 GOTT mit BACH

  La question des signatures numériques chez Bach agite la musicologie depuis plus de 50 ans. S’il est aujourd’hui généralement admis que Bach ait été obsédé tardivement par le nombre 14, somme des rangs alphabétiques des lettres de son nom, B+A+C+H = 2+1+3+8 = 14, la plupart des spécialistes sont réticents à considérer toutes les combinaisons imaginées par les numérologues bachiens, à partir des chiffres 2-1-3-8 ou des possibilités presque infinies offertes par la généralisation du procédé.
  Mon intérêt pour la question m’a amené à porter une attention particulière à la combinaison 21-38, c’est-à-dire à la paire de nombres 21 et 38 dont je distingue plusieurs occurrences remarquables dans un corpus restreint, les recueils pour clavecin, et à des positions clés dans ces recueils, leur début ou leur fin. Ce corpus se répartit en neuf recueils, dont quatre ne m’ont pas livré d’occurrence immédiate du motif 21-38, ce qui ne révèle peut-être que mon incompétence ou mon manque d’imagination.

  En effet ma seule conclusion certaine est que, au cas où Bach aurait effectivement eu recours à des signatures numériques, il s’est alors évertué à trouver à chaque occasion une nouvelle combinaison. Ceci peut se comprendre chez un génie aussi exceptionnellement créatif, mais n’aide guère à établir de critère décisif.

  On verra cependant qu’au moins un de mes exemples, celui de la première Partita, pourrait être jugé probant à lui seul ; j’invite à une certaine circonspection, connaissant des cas n’ayant rien à voir avec Bach mais où les nombres « bachiens » sont pourtant redondants.
  Ces avertissements donnés, l’hypothèse de base de la numérologie bachienne n’a rien d’absurde, Johann Kuhnau, prédécesseur de Bach au poste de Cantor de Leipzig, ayant explicitement composé des pièces de nombres de mesures déterminés par des équivalences gématriques, les Sonates bibliques. C’est la sophistication du procédé qui fait problème chez Bach, mais la musique de Bach est aussi bien plus élaborée que celle de Kuhnau…

  Après avoir repéré une certaine abondance de 21-38 chez Bach, je me suis demandé si ce motif pouvait avoir une signification particulière, parmi toutes les possibilités 2-1-3-8.
  D’abord, je constate que personne ne semble avoir mis en évidence indiscutable la succession de 2-1-3-8 éléments (notes, séquences musicales, mesures, etc.) dans une œuvre quelconque de Bach, mais ceci peut s’expliquer par le fait que ces petits nombres se rencontrent trop souvent pour être significatifs. 2138 étant en revanche trop grand, 21-38 semble le meilleur compromis.

  Ensuite, à 21 et 38 correspondent les lettres BA et CH qui sont aussi les notes b-a et c-h, si bémol-la et do-si naturel, présentant le même intervalle d’un demi-ton descendant. La différence des intervalles de la gamme, le ton et le demi-ton, est essentielle, ce que Bach a vraisemblablement signifié par la formule FA MI et MI FA est tota musica, placée en exergue d’un canon composé pour un élève. On pourrait traduire en allemand : BA und HC ist ganze Musik.

  Enfin je relève un mot allemand de quatre lettres dont le découpage en deux groupes de deux lettres livre les valeurs 21 et 38, selon l’alphabet numérique prêté à Bach, et c’est un mot essentiel:
GOTT = 59 avec GO = 7+14 = 21 et TT = 19+19 = 38.
  Gott, "Dieu", est un mot fréquemment associé à Bach. Cette équivalence est a priori un hasard, et elle n’existe d’ailleurs que si on transforme les 2-1 et 3-8 de BA et CH en 21 et 38, ce qui n’a rien d’évident. Puisque Bach n’a jamais livré le moindre indice explicite sur la numérologie, il n’est pas interdit d’imaginer que l’abondance du motif 21-38 n’exprime que sa dévotion, sans lien avec BACH.

  Après ces hypothèses, les seules que j’ai été capable d’imaginer, passons aux cas concrets.

** * *** ********

  Je dois mon premier exemple à Bach et le nombre de Van Houten et Kasbergen, le livre qui m’a amené à m’intéresser à la question. Les thèses des auteurs sont fantasmatiques, mais leurs analyses de signatures bachiennes me semblent souvent remarquablement pertinentes.

  Le premier ensemble de pièces pour clavier conçu par Bach semble être les 15 Sinfonien, ou Inventions à 3 voix, composées vers 1720, suivies peu après par 15 Inventions à 2 voix dans les mêmes tonalités.
  Entre autres choses, Van Houten remarque que la première Sinfonie a 21 mesures, tandis que la dernière en a 38. Je ne vois rien à ajouter.

** * *** ********

  En 1722 Bach a achevé son Clavier bien tempéré, rassemblant 24 paires de Préludes et Fugues dans toutes les tonalités. Van Houten signale que la première paire compte 1283 notes, et j’ai vérifié qu’il y a bien 549 notes dans le prélude et 734 dans la fugue.

J’ai découvert quelque chose qui semble étrangement complémentaire :
– Le prélude est basé sur le célèbre arpège popom tatati tatati, qui dans sa première occurrence s’écrit avec les notes CE GCE GCE, de valeur totale 38, il s’achève sur l’accord CCEGC de valeur 21. Je présume que ce prélude est une des œuvres les plus connues et les plus jouées au monde, alliant merveilleusement facilité d’exécution et richesse harmonique.
– La fugue, dont le thème compte 14 notes, s’achève sur ce même accord de 5 notes CCEGC, une octave plus haut, toujours de valeur 21. Si chaque compositeur a probablement utilisé à maintes reprises cet accord immédiat, on ne peut que constater que les 1283 notes de l’ensemble prélude-fugue débutent par un groupe de notes de valeur 38 et s’achèvent par un autre groupe de valeur 21. 38-21 se lit à rebours 12-83, ainsi les 1283 notes de l’ensemble pourraient ne pas être un arrangement quelconque des chiffres 2-1-3-8 équivalents à BACH.


** * *** ********

  La première œuvre que Bach jugea bon d’éditer fut le recueil de ses 6 Partitas, composées de 1726 à 1731, qu’il intitula Clavir Ubung (Exercices pour le clavier) et dont il fit son OPUS 1.
  La première Partita est en B (Si majeur) comme Bach ; elle débute par un Prélude de 21 mesures suivi d’une Allemande de 38 mesures.
  L’Opus 1 de Bach débute par 21+38 mesures ! Je n’imagine pas être le premier à l’avoir découvert, mais le fait est que je ne l’ai vu nulle part dans mes lectures bachiennes, et encore moins ce qui suit, qui me semblerait propre à convaincre n’importe qui (à condition qu’il ne soit pas accoutumé comme moi aux plus fantastiques rencontres numériques).
  Voici que non seulement une autre de ces danses de la Partita I a 38 mesures, mais que les 4 danses restantes ont en moyenne 38 mesures. Mieux, le schéma suivant montre avec quelle régularité se distribuent les 6 danses de cette Partita, par paires totalisant 76 mesures :
              danses 1 à 3
Allemande Courante Sarabande
38                  60             28      mesures
              danses 4 à 6
Menuet I   Menuet II    Gigue
38                  16             48      mesures
                   totaux
76                  76             76

  Chaque danse est à reprises, et est donc entendue deux fois, sauf le Menuet I qui est entendu trois fois (la 3e sans reprises après le Menuet II), cette Partita étant la seule offrant un couple de danses I et II. Une exécution conforme aux canons classiques fait donc entendre 14 pièces complètes, un 14 qui peut se décomposer idéalement en 1-2-3-8, en privilégiant les nombres « bachiens », soit :
– 1 fois les 21 mesures du Prélude;
– 2 fois les 38 mesures de l’Allemande;
– 3 fois les 38 mesures du Menuet I;
– 8 fois les autres danses confondues, de nombre de mesures moyen 38.

  Ce schéma est d’autant plus remarquable qu’une danse classique est habituellement une pièce très structurée, composée d’unités bien marquées de 4 ou 8 mesures. Il est très curieux de trouver des danses dont le nombre de mesures n’est divisible que par 2, moins lorsqu’il ne l’est que par 4, mais la singularité de l’harmonie immédiate des 6 danses de la Partita I se mesurera mieux en sachant que, parmi les nombres de mesures des 35 danses des Partitas, il y en a 20 divisibles par 8, 11 divisibles par 4, et 4 seulement divisibles par 2.
  L’une de ces 4 a encore 38 mesures, la Sarabande de la Partita IV, et c’est presque une surprise que la Gigue de la Partita III ait 50 mesures, et non 38 comme ses trois consœurs.
  Il y a peut-être encore quelque chose là-dessous : avec leurs 6 préludes, les 41 pièces des 6 Partitas comptent 2150 mesures, sans compter les reprises (ce qui est discutable, mais tout autre choix serait également discutable). Je laisse calculer ce que deviendrait ce nombre si la Gigue avait 38 mesures au lieu de 50.

** * *** ********

  Bach a jugé bon de compléter en 1744 une seconde série de 24 Préludes et Fugues dans toutes les tonalités, formant le second cahier du Clavier bien tempéré.
  C’est ici la première fugue qui me semble offrir un remarquable motif 21-38, associé à une série d’autres possibilités de signatures.
  Cette fugue en do majeur a 3 voix, son thème de 21 notes s’étend sur exactement 4 mesures ; l’exposition est on ne peut plus classique, avec la succession immédiate des thèmes dans les 3 voix, en 12 mesures :
– le medium ouvre la fugue avec le thème à la tonique, en 21 notes, suivi de 38 notes;
– l’alto suit avec 21 notes du thème à la quinte, puis 17 notes, 38 notes en tout;
– enfin la basse donne les 21 notes du thème à la tonique.

  On aurait donc, en isolant le thème dans sa forme originale (le thème à la quinte présente des hauteurs relatives légèrement modifiées, comme souvent chez Bach), un 21-38 encadré par 21 et 38, ce qui semble déjà significatif mais ne s’arrête pas là.
  L’alto fait entendre les notes HCAB, le nom Bach à l’envers, et il est sidérant que ce soient les notes 28 à 31 de l’alto qui égrènent ces notes HCAB. D’une part la seule possibilité de combiner les chiffres 2-1-3-8 pour obtenir deux nombres dont la différence soit 3 est 31 et 28, d’autre part la somme 28+29+30+31 donne 118, nombre de notes de l’exposition.

  Le thème est formé d’un motif de 6 notes suivi d’un silence, puis d’une série de 15 doubles croches. A la tonique, ces notes sont :
– gfgcag = 31
– fefgefdfefgafge = 82

  Cette fugue s’achève sur le même accord ccegc = 21 qui concluait aussi bien le prélude que la fugue du premier cahier. J’ai déjà dit que cet accord n’est en rien exceptionnel – on en trouve plusieurs fois l’équivalent dans d’autres tonalités du Clavier bien tempéré –, mais il faut signaler qu’il existe une version antérieure de cette fugue, qui finissait sur un accord de 3 notes. Cette version en 68 mesures était identique à une note près au début de celle du Clavier bien tempéré, où Bach l’a prolongée jusqu’à 83 mesures, et cette note ne manque pas d’importance puisque c’est une note en moins dans l’exposition, à l’alto, qui ne compte plus que 37 notes. En conséquence la relation magique des 21+38 notes du medium entre les 21 et 38 notes des deux autres voix n’existait pas dans cette Fughetta, mais il est difficile d’en déduire quoi que ce soit de définitif. Peut-être cette relation résulte-t-elle de l’addition de quelques hasards, comme le thème de 21 notes, mais il faudra alors admettre qu’à ces hasards s’en ajoutent bien d’autres :
– La note supplémentaire est un ajout rythmique qui n’était évidemment pas indispensable, puisque Bach s’en était d’abord abstenu.
– En faisant de cette petite fugue la première Fugue du Clavier bien tempéré II, où elle peut être comparée à la première paire Prélude-Fugue du premier cahier, Bach lui a apporté deux autres modifications également interprétables selon le motif 21-38, l’allongement à 83 mesures dont la dernière, la mesure 83, est un accord de valeur 21 (et je souligne que la partie obligée de ces 83 mesures est l’exposition en 12 mesures).
– Il existe une autre Fugue dont le thème à 21 notes dans ce second cahier, la dernière ; ainsi les deux Fugues en C-h (Do majeur et si mineur) ont des thèmes de 21 notes (B-A). Ce sont encore les tonalités des première et dernière Sinfonien, celles qui comptent 21 et 38 mesures.
– Ceci amène à se demander s’il existe dans le Clavier bien tempéré un thème de 38 notes ; oui, un et un seul, celui de la Fugue 21 du premier cahier. 38 notes pour la Fugue 21!, car c’est ainsi, Fugue 21, que Bach nomme cette fugue sur le manuscrit autographe, mais la logique élémentaire de la succession des tonalités dans le Clavier bien tempéré fait que c’est aussi la fugue en B, comme Bach, la tonalité de la première Partita débutant par deux pièces de 21 et 38 mesures, écrite alors qu’existait déjà cette Fugue 21 au thème de 38 notes. On pourrait penser à une certaine suite dans les idées.

  Le premier ensemble prélude-fugue du premier cahier a 1283 notes. Je viens de voir les 12 mesures de l'exposition de la première fugue du second cahier complétées à 83 mesures. Au total, sans les répétitions, les préludes des cahiers 1 et 2 totalisent 819 et 1363 mesures, les fugues 1269 et 1681 mesures; la moyenne de ces 4 nombres est 1283.

** * *** ********

  J’en viens à l’ultime œuvre, le mythique Art de la fugue, considéré comme un testament musical, et qui est remarquable à plusieurs titres :
– Cette œuvre montre pour la première fois les notes B-A-C-H débutant un thème, et ce thème apparaît dans la 14e et dernière fugue, ce qui a conduit les musicologues les plus sérieux à admettre que Bach, à la fin de sa vie du moins, se préoccupait fortement de la somme 14 des lettres de son nom. On a pu imaginer que Bach soit mort en écrivant cette fugue, incomplète.
– Bien que Bach y ait travaillé depuis près de 10 ans, nul dans son entourage ne semblait connaître grand chose de ce projet, ni de sa structure, ni de sa destination instrumentale. Il a fallu plus de deux siècles pour qu’il soit établi qu’il s’agissait d’une œuvre pour clavecin, et qu'elle comptait 14 Fugues et 4 Canons..
– Bach a collaboré étroitement avec un imprimeur en vue d’éditer l’Art de la fugue, au point de lui préparer directement les planches à partir desquelles seraient gravées les matrices de cuivre destinées à l’impression de l’œuvre. On sait ainsi que l’édition de l’Art de la fugue, conforme aux désirs de Bach, aurait comporté 59 pages de musique, numérotées de 1 à 59 par lui-même.

  Dans cette structure de 59 pages un découpage 21-38 ne correspond à rien, mais le découpage 38-21 peut être commenté. L’un des tours de force de Bach est les Fugues-miroirs 12 et 13, présentées sous deux formes, la seconde étant l’exact renversement de la première dans toutes les voix. Dans l’édition telle que la prévoyait Bach, la première forme de la Fugue 12 occupait les pages 37-38, et la seconde forme les pages 39-40 ; c’est une curiosité que ces deux formes semblent interverties, par rapport à ce qui aurait été logiquement attendu (il en va de même pour les deux formes de la Fugue 13), et un esprit tortueux pourrait induire de cette interversion autour du pivot de la répartition 38-21 une allusion à 21-38…

  On ignore aujourd'hui si la Fugue 14 était réellement inachevée, il semble plus probable que sa fin ait été égarée, ce qui serait rageant car ç’aurait été la clé de l’œuvre entière, avec la réapparition du Grand Thème, le thème qui architecture tout l’Art de la fugue, présent sous une forme ou une autre dans chacune de ses pièces, et qui n’était pas encore apparu dans cette Fugue 14 qui a énoncé successivement deux thèmes avant le thème BACH. Elle se serait achevée par la superposition de ces trois thèmes avec le Grand Thème, démontrant que tous ces thèmes avaient été calculés pour permettre l’épellation musicale du nom BACH, et donc que tout l’Art de la fugue était construit sur le nom du compositeur, bien que ce thème BACH n’y apparaisse que dans quelques mesures.

  Le manuscrit de Bach s’arrête à la mesure 239, incomplète, dont une seule voix est donnée intégralement, probablement parce que la fin de la fugue existait sur un autre feuillet, égaré. Cependant l’édition posthume de l’Art de la fugue s’arrête au premier temps de la mesure 233, dans la tonalité incongrue de La majeur, privant de 6 belles mesures écrites par Bach s’achevant au premier temps de la mesure 239 sur l’accord fondamental de ré mineur. Cette omission est probablement due à ce que la mesure 233 tombait à la fin d’une page, l’éditeur s’étant refusé à « gâcher » une nouvelle feuille pour imprimer seulement les 6 mesures restantes…
  Les voix alto, ténor et basse de ces mesures donnaient la première superposition des 3 thèmes utilisés jusque là dans la 14e fugue, figure essentielle suggérant la prochaine superposition de ces 3 thèmes avec le Grand Thème. Il se trouve que ces 3 thèmes totalisent 59 notes, et Van Houten les voit nettement réparties en 21 et 38 par le fait que, si les 3 thèmes finissent ensemble, le thème BACH démarre 2 mesures après les autres, qui ont égrené 21 notes avant que ne résonne le B du thème Bach.

  S’il est joli que ce soit l’entrée du thème BACH qui détermine ce partage 21-38, peut-être aurait-il été davantage significatif que ce partage apparaisse entre les notes BA et CH ? Je crois devoir rappeler qu’il s’agit du seul thème BACH de toute l’œuvre connue de Bach, donc de la seule superposition du nom BACH avec d’autre(s) thème(s), il est de toute manière saisissant que les 59 notes de cette unique superposition des trois thèmes de la fugue 14 permettent de lire un 14 (5+9)…
  D’autant que les 3 thèmes comptaient dans leurs expositions 7, 41 et 10 notes, 58 en tout, et que c’est parce que le second thème a pour la première fois 42 notes que cette superposition compte 59 notes, qui, parce que la note supplémentaire est la première entendue, pourraient également être réparties en 1+58, autre figure significative à rapprocher de 158, valeur du nom complet JOHANN SEBASTIAN BACH.
  Dans l'édition posthume, la Fugue 14 a été reléguée après les pièces jugées canoniques de l’Art de la fugue, sans qu'il ait été reconnu qu'elle en faisait partie. Son emplacement prévu a été comblé par une fugue, un temps classée BWV 1080.14, avant qu’elle ne soit identifiée comme une première version de la Fugue 10, devenant alors BWV 1080.10a. Les 14 fugues et 4 canons de l’Art de la fugue voulu par Bach totalisent 2089 mesures selon les manuscrits, ou plus exactement 2088 mesures complètes plus la dernière mesure incomplète de la Fugue 14, laquelle a gardé son premier numéro BWV 1080.19 (les 4 canons portaient les numéros 1080.15 à 1080.18). Il se trouve que BWV 1080.14 (ou 1080.10a) a 49 mesures, ainsi, si l’éditeur avait livré intégralement le manuscrit de la Fugue 14, les 19 pièces de l’Art de la fugue d’abord classées 1080.1 à 1080.19 auraient totalisé 2138 mesures ! Et c’est parce qu’ont été omises les 21+38 notes de la superposition que la première édition de l’Art de la fugue compte 2132 mesures et non 2138 !

  Avant la superposition, il apparaît, non un motif 21-38, mais une nette ostentation des paires de notes BA et CH séparées. Juste avant l’arrivée du thème BACH, la seconde partie de la Fugue 14 s’achève sur deux thèmes de 41 notes dans des tonalités plutôt inattendues, et les deux dernières notes de ces thèmes exotiques sont BA puis CH. Ces thèmes sont superposés aux thèmes de 7 notes de la première partie dans lesquels sont aussi présentes ces notes BA et CH.

** * *** ********

  Un dernier point, découvert en écrivant cette étude. Les nombres mêmes gouvernant les recueils étudiés ici permettent un 21+38 :
– 15 Sinfonien + 6 Partitas = 21
– 24 Préludes et Fugues + 14 Fugues = 38
  C’est très curieux car aucun de ces nombres n’est isolé chez Bach, et ce ne semble être le cas pour aucun nombre intermédiaire. La redondance a été particulièrement remarquée pour le nombre 6, qui est aussi celui des Suites Françaises, des Suites Anglaises, des Concertos brandebourgeois, des Sonates et Partitas pour violon, des Suites pour violoncelle, des Sonates pour orgue, des Sonates pour violon et clavecin, de l’Offrande Musicale.
  Les 15 Inventions ont doublé les 15 Sinfonien, et les 30 Variations Goldberg sont réparties en 15+15, parce que la 16e variation est une étrange Ouverture.
  Les 24 Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré de 1722 ont été doublés par le second cahier en 1744.
  Le nombre 14 semblait avoir été réservé à l’Art de la fugue jusqu’à ce que soit découvert l’exemplaire personnel de Bach de ses Variations Goldberg, sur lequel il avait noté une série de canons basée sur les premières notes de l’Aria, et ces canons étaient au nombre de 14, numérotés de la main même de Bach de 1 à 14.
   Il ne me semble pas qu’il y ait d’autres nombres supérieurs à 6 qui gouvernent plusieurs recueils de Bach.

Rémi Schulz, le 9/9/05

  C'était donc l'étude de 2005. En septembre dernier, une tentative poétique a abouti à quelque chose de fort peu satisfaisant, que voici:

T R A D U I T
U N P O E T E
S E M I R E T
A G I T E R E
I N E B E A T
S O L E L L E
I S E E S A D
S E P R I M E
L A I E T O N
A M C A E N T
R I O P A L E
T E R R I E R
M A N E A D R
O C E T C I E

  Peu importe ici ce que j'envisageais, puisque le résultat était inexploitable, mais avant d'envisager une autre approche, j'ai soumis l'essai au Gématron, pour voir...
  Les 14 lignes totalisaient la gématrie 1044, et le Gématron signalait une petite section dorée aussi exacte que possible après la cinquième ligne, 399.
  Or je connais les doubles de ces nombres, 2088 qui est le nombre de mesures du premier cahier du Clavier bien tempéré, et 798, le produit de 21 par 38, un nombre déjà rencontré, précisément dans le Clavier bien tempéré, mais sans savoir qu'il s'agissait de la petite section d'or de 2088 (car la relation reste valable pour les doubles).

  Voir apparaître un nouveau rapport d'or associé au nom Bach dans le Clavier bien tempéré ne peut me laisser indifférent. J'ai étudié ici une répartition dorée des 8 tonalités BACHbach dans les deux cahiers du Clavier bien tempéré. C'est si parfait, et sa découverte s'est accompagnée de telles coïncidences, que ça me semble venir "d'ailleurs".
  L'idée d'un Bach amateur du nombre d'or a néanmoins inspiré plus d'une centaine d'études musicologiques, et un livre entier, Bach ou la passion selon Jean-Sébastien - De Luther au nombre d'or, du luthiste Guy Marchand.
  L'une des conclusions majeures de son étude basée sur des critères rigoureux est que, dans un corpus donné, c'est la première pièce qui offre des caractéristiques dorées, le plus souvent un rapport fibonaccien. C'est aussi ce que j'ai rencontré pour les motifs 21-38, et de fait il y a plusieurs points de rencontre:
– Le fameux premier prélude du Clavier bien tempéré a 35 mesures, 34 d'arpèges en doubles croches plus un accord final (de 5 notes de valeur 21 tandis que les 8 notes du premier arpège donnent 38). Le critère retenu pour un découpage 21-13 est que la première note altérée à la basse survient mesure 22.
– Le prélude de la première Partita a 21 mesures, et il est aisé d'y voir un découpage 13-8.
– La première fugue de l’Art de la fugue a 78 mesures, et elle se signale par l'entrée d'un thème spécial au début de la mesure 49. 48-30 correspond au rapport fibonaccien 8/5.

  Il reste les Sinfonien. J'observe que la première Sinfonie a 21 mesures, et qu'au point d'or attendu, le début de la mesure 14 (!), le médium commence pour la première fois par une note altérée, un b comme Bach suivi par un a, avec ce ba=21 qui ferait pendant au ch=38 présent 7 fois parmi les 38 mesures de la dernière Sinfonie (en Si majeur, où c est donc une huitième augmentée, la note la plus problématique à caser).
  Le critère est sans doute faiblard pour envisager un partage doré 13-8, mais pas plus que la note altérée de la mesure 22 du prélude du Clavier bien tempéré, que Marchand a mentionnée avec une certaine réticence en s'appuyant sur une étude antérieure.

  Le nombre d'or 1,618... étant irrationnel, les rapports entre deux entiers ne peuvent qu'être approximatifs, les meilleurs étant ceux entre nombres consécutifs de la suite de Fibonacci. Si 798 est bien la petite section d'or la mieux approchée de 2088, elle serait plus exacte pour 2089,
1290 / 798 = 1,6165...
1291 / 798 = 1,6177...
or les acharnés de numérologie bachienne ont constaté que l’Art de la fugue tel que nous le connaissons compte 2088 mesures complètes, comme le premier cahier du Clavier bien tempéré, plus une mesure incomplète, soit 2089 en tout, et il serait bien plus significatif d'avoir dans cette oeuvre basée sur le nom BACH une relation d'or faisant intervenir le nombre 798, 21x38.

  Cette relation ne serait interprétable que si Bach avait effectivement souhaité laisser l'oeuvre inachevée, ce qui est l'idée développée par Van Houten et Kasbergen dans Bach et le nombre, où ils observent notamment que l'exposition du thème BACH s'achève à la mesure 1685 de l'ensemble des 14 Fugues, 1685 qui est l'année de naissance de Bach. La suite représenterait sa vie...

  Ceci m'a fait reprendre ce livre foisonnant, et ç'a été l'occasion de découvrir une superbe relation 2-1-3-8, bien plus immédiate que cette éventualité dorée.
  Pages 257 à 262, les auteurs recensent 31 motifs BACH parmi les 18 pièces de l’Art de la fugue (14 fugues et 4 canons). Le critère retenu est d'avoir la succession des notes b-a-c-h dans l'ordre normal ou rétrograde dans une même voix. Les répétitions sont permises, comme baaachhh, mais l'ordre bach ou hcab est impératif.
  Ces motifs se répartissent en 14 formes de base, comme suit, selon le rythme ou les notes répétées (les octaves peuvent varier).
   Les auteurs voient un motif 2-1-3-8 en groupant les 8 formes de base comptant une seule occurrence, et en constatant que les formes à occurrences multiples se répartissent en groupes de 3, 1, et 2 parmi ces 8.
  Certes, mais quand on a 14 éléments différant par plusieurs points, il existe probablement souvent un critère permettant de les répartir en 2-1-3-8.
  Il m'est apparu une autre répartition 2-1-3-8 en considérant les seules 7 formes de base normales, totalisant 14 motifs BACH, et là on a, dans l'ordre du tableau ci-dessus, 4 groupes entre les formes rétrogrades:
– 2 motifs (2-3) pour les formes 2-3;
– 1 motif (8) pour la forme 7;
– 3 motifs (13-14-21) pour la forme 9;
– 8 motifs (18-20-22-23-24-25-26-27) pour les formes 11-12-13.

  J'écrivais dans l'étude de 2005 que les nombres 2-1-3-8 étaient trop petits pour que leur présence dans un ensemble quelconque soit décisive, mais il est tout de même à considérer que ces nombres apparaissent ici dans l'ordre pour des motifs BACH, précisément, et dans la seule oeuvre où le nom Bach est illustré musicalement.
  Mais bien sûr, tout ceci disparaîtrait si la fugue 14 était achevée, car il était obligatoire que le thème BACH, lequel correspond ici aux 6 occurrences de la forme 13, y réapparaisse au moins une fois, superposé au Grand Thème.
  Les 4 dernières occurrences, les motifs rétrogrades de la forme 14, correspondent au premier canon, et il n'y aurait donc pas besoin des canons pour avoir le partage 2-1-3-8 des 14 motifs BACH parmi les 14 fugues de l’Art de la fugue...
  J'ai cependant beaucoup de mal à accepter l'idée que Bach ait sciemment laissé cette Fugue 14 inachevée. Comme j'ai rencontré ailleurs, notamment chez Bach, de multiples harmonies ininterprétables, j'imagine que dans cette oeuvre devenue mythique des surcodages venus "d'ailleurs" sont venus se superposer aux codages effectifs de Bach, leur démarcation étant des plus problématiques...
  Il y a d'autres "signatures bachiennes" relevées dans la fugue 14 en l'état:
– Van Houten soulignait les 238 mesures complètes, plus 1 inachevée.
– Corten dénombrait 50 thèmes, répartis en 12 thèmes BACH et 38 autres thèmes.
– J'ai remarqué pour ma part que les nombres 2-1-3-8 ont pour moyenne 3,5, ce qui n'a pas de signification alphabétique mais en a une musicale, car entre les notes do ou c=3 et ré ou d=4 il y a do dièse, s'écrivant cis dans la notation allemande, cis de valeur 30 dans l'alphabet prêté à Bach.
Les 10 notes du thème BACH ont précisément pour valeur 120, 4 fois 30,
b a c h cis d cis h cis d = 120. 
Le premier thème débute mesure 193 au ténor, et on y trouve sur le manuscrit la seule note ornementée de toute la fugue, un trille simple sur la pénultième note, cis, note sensible en tonalité de ré mineur. Bach donne ailleurs l'interprétation qu'il préconise pour le trille simple,
cis d cis d cis, 
ce qui porte donc le nombre de notes entendues à 14.
Il y a davantage, car cette seule ornementation fait donc entendre trois fois cis, et avant elle la Fugue 14 compte 21 cis au ténor, après elle 8, soit
21-3-8 !! ! !!! !!!!!!!!

  J'ai jusqu'ici repris mes anciennes pages Bach sur mes autres blogs, mais j'ai choisi de reprendre 21-38 sur Quaternité, car elle concerne au premier chef le tétragramme BACH. 
  Par ailleurs de récents développements, notamment ici, m'ont conduit à entrevoir certaines similitudes entre les noms Bach et Jung.

  Cette reprise a été motivée par la découverte que le produit 21x38 correspond à la petite section d'or de 2088 comme de 2089, nombres de mesures de deux importantes oeuvres de Bach. J'aurais pu découvrir ce fait de multiples manières, mais ce fut en analysant un ensemble de 14 lignes (destinées à servir de matrice à un sonnet), avec la petite section d'or gématrique tombant exactement à la fin de la 5e ligne, 5 étant la petite section d'or de 14, se partageant donc en 9-5 (ou 5-9).
  C'est une curiosité que le seul couple de nombres de deux chiffres en rapport doré, avec l'un rétrogradation de l'autre, est 59-95, nombres rencontrés dans l'étude de 2005, sommes de 21+38 et 12+83, notamment tous présents dans la seule Fugue 1 du second cahier du Clavier bien tempéré (83 mesures dont 12 d'exposition du thème, avec dans les 3 voix 59, 38, et 21 notes.)

  59 et 95 sont donc les petite et grande sections d'or de 154, un nombre qui a une certaine importance dans l'histoire de la gématrie car c'est la valeur du mot antichristus donnée par un père de l'Eglise au 5e siècle. Je ne connais pas de cas antérieur en latin, bien que le procédé devait être alors assez courant.
  Le mot se décompose en 
ANTI = 42 = 3 x14 et
CHRISTUS = 112 = 8 x 14,
ces 3 et 8 fois 14 me rappelant les récents 3 et 8 motifs BACH (BACH vu dans l'étude de 2005 comme GOTT, "Dieu").
  8 motifs BACH totalisent donc la valeur 112, qui se trouve être la petite section d'or de 293, ce billet étant le 293e de Quaternité. C'est aussi la petite section d'or de 292, et mon billet précédent étudiait les 112 vers des 8 formes du sonnet en X de Ricardou.

  En 2006, j'ai composé une autre version du Menuet II de la Partita I, dont chaque reprise a 21 notes à la main gauche et 38 à la droite. En voici l'interprétation d'alors:


  Le titre est à décomposer en B.A-C.H-U-LZ, soit numérologiquement 2.1 – 3.8 – 21 – 38.
  Dans les deux dernières mesures apparaît une succession H-C-A-B répartie en hc main droite puis ab main gauche.
  Les dernières mesures de chaque reprise ont chacune 4 notes de valeur totale 14.


Aucun commentaire: