5.10.08

Quintet, ou Alttet ?

Il est assez nécessaire d'avoir lu le billet précédent avant d'aborder celui-ci.
Sachant que Giroud, le scénariste de Quintett, s'était inspiré de Rashomon, le film de Kurosawa, et du Livre des Crânes, de Silverberg, j'ai fait jeudi 25 septembre une expédition dans mon grenier où se trouvaient en principe ce roman, ainsi que La glace à quatre faces, novélisation du remake hollywoodien de Rashomon, The Outrage de Martin Ritt (1964).
J'ai retrouvé les deux livres, et ai été frappé, après consultation de la fiche imdb de ce dernier film, que l'acteur sur la photo de couverture était Paul Newman, méconnaissable en bandit mexicain.
Samedi, la première nouvelle de la journée était la mort la veille de Paul Newman, âgé de 83 ans, le 26, jour où j'ai fini de relire cette Glace à quatre faces.
C'était une première curiosité, qui devint réellement troublante lorsque mon amie dp, informée, me rappela que Newman avait été la vedette d'un film décrié d'Altman, Quintet... Ainsi Quintett de Giroud, où j'avais vu le "vieil homme" pouvoir figurer Jung, était inspiré par Rashomon, dont la "vedette américaine" était Newman, acteur principal d'un autre Quintet, d'Altman, un autre "vieil homme" (alte Mann en allemand). Et l'actualité s'en mêle avec la mort de Cool hand Luke (Newman dans Luke la main froide, diffusé le 10 août dernier sur Arte).

Avant d'aller plus loin, peut-être faut-il préciser que je n'ai pas l'outrecuidance d'imaginer que la mort de l'estimable acteur résulte de ma lecture de Quintett et/ou de ma redécouverte de La glace à quatre côtés. Toutefois les mêmes questions déconcertantes se posent pour toute synchronicité, qu'elle concerne une catastrophe planétaire ou l'incident le plus quelconque.
D'abord c'est quoi une synchronicité ? J'ai pour ma part renoncé à toute tentative de définition et considère qu'il est déjà vain de prétendre discerner une synchronicité d'une "simple coïncidence".

Toujours est-il que ce qui ne restera qu'un simple hasard pour les uns constituera pour les autres un déclic, et que cette présence du beau Paul dans Quintet d'Altman m'a donné une nouvelle interprétation de la localisation des 4 premiers volumes de Quintett de Giroud à Pavlos, en Macédoine. Je ne sais si ce village existe (il y a bien un Agios Pavlos, "Saint-Paul"), toujours est-il que j'avais pensé à celui qu'on appelle le "cinquième évangéliste", et qui de fait est le véritable créateur du christianisme. Par ailleurs il y a les réflexes pavloviens (pavlov fils de Pavel-Paul) et Pavlos est pour le docteur Guibert un champ d'expérimentation où il entend démontrer que le meurtre est un réflexe inné...

Le titre original du film d'Altman, Quintet, m'a encore fait prendre conscience d'une curiosité. La scène où est baptisé le Quintett est présente directement ou non dans les 4 premiers albums, où ce "Couinn'tett" est supposé venir de "Nouillorque", or Quintett est la forme allemande de "quintette", et c'est d'ailleurs sous ce titre que le film d'Altman a été distribué dans les pays germanophones, comme en témoigne l'affiche ci-contre. Tout de même un peu bizarre de prendre un nom allemand alors que la guerre fait rage contre l'Allemagne.

Je ne sais si j'ai jamais vu Quintet d'Altman, dont les résumés glanés ça et montrent quelques points communs avec Quintett de Giroud. Dans un monde futur où tout est organisé selon le nombre 5, 5 personnes sont choisies au hasard pour participer au Quintet, jeu dont le gagnant sera le seul survivant...
Ils s'entretuent donc, et Essex (Paul) sera contraint de tuer Ambrosia (Bibi Andersson) par réflexe (pavlovien ?) de survie. Je note que les initiales des joueurs de ce Quintet, qui comprend encore (Saint) Christopher, Deuca et Goldstar, sont ACDEG, à une près celles des prénoms des membres du Quintett, ACDEN (Alban, Charles, Dora, Elias, Nafsika). Je note encore que les initiales du Quintet sont des notes de la gamme anglaise, en quinte précisément, CGDAE (do-sol-ré-la-mi).
Une telle série de 5 notes en quinte forme une gamme dite pentatonique, sur laquelle restent basées diverses musiques traditionnelles (gamelan de Java par example). Il y a 65780 possibilités de choisir 5 lettres différentes, parmi lesquelles seules 3 permettent de former une gamme pentatonique, et celle-ci commence sur la note ayant donné son nom à la gamme (gamma devenu C dans notre alphabet) et s'achève sur E, 5e lettre (Essex sera seul survivant du Quintet). De plus, dans notre gamme, do et mi débutent le mot dominante, synonyme de quinte...
Altman a dit à propos de ce film qu'il avait voulu faire quelque chose dans le genre du Troisième homme de Carol Reed, The third Man... Or il y a un 3e "man" en tête d'affiche de Quintet, Vittorio Gassman qui joue précisément le rôle de Christopher, ainsi Altman aurait décliné dans son film une gamme de Gassman à Newman, de Christopher à Essex, de C à E, de do à mi.
Si tout cela n'est que hasard, il faudra y ajouter qu'au SOL ("soleil" en latin, jour du dominus) correspond Goldstar, "étoile d'or".

Voici donc où m'a mené La glace à quatre côtés, dont il faudrait souligner qu'il s'agit en quelque sorte du 4e volet d'une quaternité. La nouvelle Dans le fourré d'Agutakawa est devenue à l'écran Rashomon de Kurosawa, westernisé en L'outrage de Ritt, novelisé enfin par Albert. Il y a ainsi 4 versions d'une histoire donnant 4 versions fortement divergentes d'un même événement raconté par ses 4 protagonistes ou témoins.
L'actualité s'en mêle encore, et il est paru en juillet dernier une adaptation en BD de Deville et Nicloux, qui tente de mieux respecter la nouvelle originale d'Agutakawa.

J'ai relu aussi Le livre des Crânes, qui m'a déçu, mais qui offre des échos certains avec mon affaire. 4 amis, Ned, Oliver, Timothy, Eli, découvrent au fin fond de l'Arizona une mystérieuse communauté proposant une épreuve à tout quatuor intéressé : deux de ses membres accèderont à la vie éternelle, mais les deux autres mourront... Les 42 chapitres sont autant de récits subjectifs, introduits tour à tour par ces 4 prénoms, sans toutefois une alternance régulière des 4.
Je note, et je m'étonne, que les 4 initiales puissent former le mot NOTE (ou TONE, "ton", "tonalité" en anglais).
Eli tue Tim qui veut quitter le jeu, Oliver se suicide, restent Eli et Ned.
J'ai la première édition française du roman, aux éditions Opta, dont l'achevé d'imprimer est daté du 5 mai 1975, le 5/5.

Au nom Newman s'associe d'abord pour moi le logo ambigramme, se lisant identiquement tourné de 180°, des vêtements New Man, dessiné par Raymond Loewy en 69 (année ambigramme également), qui m'a profondément frappé à l'époque. Je remarque que les 3 premières lettres de Paul, pau (ce qui est la forme catalane du prénom Paul), se renversent pareillement en ned, le nom d'un des 2 survivants du Livre des Crânes. Incidemment, un ambigramme sur le nom de Paul McCartney, un des Fab Four qui aujourd'hui ne sont aussi plus que deux, a été réalisé pour la pochette d'un disque récent.

Entre Jung et Altman, je suggère plutôt pour musique d'accompagnement Old man de Neil Young...

Parallélement à Quintett, Giroud a développé une autre série chez Dupuis, Secrets, basée sur l'inépuisable thème des secrets de famille. Ce 1er octobre, j'ai découvert qu'il en existe actuellement 4 titres, en 2 ou 3 albums, et que la parution d'un 5e titre est prévue pour ce mois d'octobre, Pâques avant les Rameaux. Celui-ci est en 1 seul album, mais comme paraît aussi ce mois le deuxième et dernier volet de Samsara, ce mois va voir la série passer de 4 à 5 titres et de 8 à 10 albums. Je découvre que les premiers albums de la série, les tomes 1 de L'écharde et Le serpent sous la glace, sont parus le 8/9/04, 4 ans exactement avant ma découverte du 8/9/08.
Le serpent sous la glace est l'histoire d'un Russe qui aurait été le premier homme à poser le pied au vrai Pôle Nord, mais qui a été dépossédé de cet exploit suite à des affaires politiques. Contraint à l'exil, il vit à Paris au village Saint-Paul en compagnie de ses souvenirs du Pôle... Sur la première planche de la série on le voit mourir village Saint-Paul en regardant une météo polaire.
Le monde où vit Paul Newman dans Quintet connaît aussi un climat polaire.

Ce 26 septembre a aussi disparu une autre personnalité, le dessinateur Raymond Macherot, créateur de Chlorophylle et Minimum. Jadis lecteur du journal Tintin auquel était abonné mon frère aîné, j'avais tant apprécié leurs exploits à Croquefredouille, le paradis des animaux, que j'ai acheté en 84 les albums correspondants, Les Croquillards et Zizanion le Terrible. Les ressortant de ma BDthèque, je vois que ces seuls Macherot en ma possession sont les aventures 4 et 5 de Chlorophylle.
Dans le n° 5, l'éternel adversaire de Chloro, Anthracite, victime du régime à base de saindoux de la "cellulite 13", veut maigrir rapidement après son évasion, mais il a le malheur d'avaler la boîte entière de pilules Whixt après le repas, et non avant, ce qui le fait diminuer en hauteur, non en largeur, et devenir méconnaissable sous l'identité du petit Quinquin...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis bluffée par ton érudition...Amitiés.

Anonyme a dit…

Je crois très fort à la synchronicité. Amitiés.