24.2.25

Thoma ! Thoma ! Thoma !


à Aur & Emmet

  J'avais annoncé vouloir abandonner l'étude de Thilliez, mais l'imprévu est survenu. Ma santé se détériore au point qu'il va falloir clore Quaternité. Comme le billet précédent était le 442e, il me semble s'imposer de viser 444. J'ai des idées pour le billet final, et c'est encore de Thilliez dont j'ai envie de parler pour celui-ci.

  Au-delà des diverses constructions que j'ai proposées, à partir de certaines curiosités des écrits signés Thilliez, sans en déduire quoi que ce soit de péremptoire, d'autres curiosités me sont souvent restées impénétrables...
...mais un semblant de lumière peut survenir à forces de cogiter, ainsi...
 
  Le manuscrit inachevé s'ouvre sur un prologue signé Jean-Luc Traskman, lequel a trouvé dans les affaires de son père récemment suicidé, le polardeux Caleb Traskman, un manuscrit inachevé, sans titre. Il y est question d'une romancière, Léane Morgan, qui vient de publier sous son pseudo Enaël Miraure un roman intitulé Le manuscrit inachevé, roman qui ressemble étrangement à un petit polar publié 25 ans plus tôt par Michel Eastwood, où un personnage torture un écrivain afin de lui faire révéler "la fin de l'histoire", ce qui est aussi l'argument du roman de Miraure...
  C'est dans la fin manquante du manuscrit de Caleb Traskman qu'il y aurait la solution de la vertigineuse énigme posée. Le texte était ainsi impubliable, jusqu'à ce qu'une employée de l'éditeur découvre un indice éclairant, lequel va permettre à Jean-Luc Traskman d'écrire une fin satisfaisante à l'histoire de son père.
 
  Dans le roman suivant, Il était deux fois, on apprend que Caleb Traskman était un affreux criminel, comme les écrivains des romans de Miraure et Eastwood, et que Le manuscrit inachevé paraphrasait sa propre histoire.
  Le dernier volet de la trilogie, Labyrinthes, révèle que Caleb passait pour mort grâce à un subterfuge analogue à celui du Manuscrit inachevé: il avait un jumeau caché, de même que le criminel Luc Thomas était le jumeau du mari de Léane Morgan; c'était ignoré de tous, même de leur père Jacques Morgan (tout de même pas de la mère).
 
  Dans Il était deux fois est aussi retrouvé le dénouement original de Caleb Traskman, donné en écriture manuscrite en annexe. Il y a deux anomalies (au moins). Luc Thomas y est appelé Alain Thomas, et son père serait Claude Morgan, au lieu de Jacques.
  Si je joue le jeu de la fiction, en oubliant que les textes ont évidemment un seul auteur, je ne vois pas pourquoi Caleb aurait changé les noms de ces personnages dans le dernier chapitre, et il semble qu'il faille comprendre que c'est l'éditeur qui a fait les deux modifications dans le roman final livré au public, où on trouve partout Jacques et Luc (d'ailleurs aussi dans le dernier chapitre publié, censé écrit par jean-Luc Traskman).
  Les nombreux personnages du roman sont loin d'être tous présents dans cette fin, aussi est-il loisible d'imaginer que d'autres détails aient été modifiés, mais c'est si conjectural qu'on ne peut aller plus loin.
  On peut en revanche se demander pourquoi Alain est devenu Luc, et Claude Jacques. Sachant que Thomas est la grécisation de l'hébreu te'om, "jumeau", il m'avait paru que le choix de ce nom était intentionnel, et que c'était un beau hasard dans la fiction que le bébé abandonné, dont nul ne savait que c'était un jumeau, eût été placé dans une famille Thomas.

  J'avais vu alors le pataquès Alain-Luc, sans pouvoir en tirer quelque chose. Ce n'est qu'il y a peu que je me suis avisé qu'un des Luc les plus people est Luc Besson. Les lecteurs de George Sand savent que les bessons sont des jumeaux ressemblants, en conséquence Luc Thomas kif-kif Luc Besson.

  Dans le même esprit, il peut venir que Jacques est issu de Jacob, le patriarche Jacob étant LE jumeau de l'Ancien Testament, même si ce n'est pas un besson. Au cours des millénaires ont été ressassés les procédés minables utilisés par Jacob pour voler à son frère Esaü le droit d'aînesse et la bénédiction d'Isaac, puis leur réconciliation par l'offrande de "tout un camp" à Esaü.
  C'est plutôt consternant, même si la connaissance de l'hébreu révèle que ces histoires pourraient être construites à partir d'anagrammes ("droit d'aînesse" = "bénédiction", "camp" = "offrande") et d'autres jeux.

  Il y a un Jacob dans le récit, Félicien Jacob, le vieux gardien de l'internat des Roches Noires. C'est lui qui met les enquêteurs sur la piste de Luc Thomas, devenu David Jorlain. Il existe un compositeur nommé Félicien David (1810-1876), mais sa fiche ne m'éveille aucun rebond. Je ne le connais que parce qu'une copine parisienne habitait rue Félicien-David, près de la Maison de la Radio. Je me sens plus concerné par Félicien Rops (1833-1898), peintre sulfureux, notamment de cette Tentation de Saint Antoine.

  Alors, en considérant les différents niveaux fictionnels, il est loisible d'imaginer que l'éditeur ait introduit Luc et Jacques en tant que "détectandes scripturaux", selon l'expression d'Annie Combes. Il s'agit de procédés d'écriture visant à mener subrepticement le lecteur vers où l'auteur le souhaite, ici le thème de la gémellité.
  Si l'expression n'est pas employée, Léane Miraure utilise le procédé dans son Manuscrit inachevé:
Léane avait caché des énigmes dans son roman, qu’elle n’avait signalées à personne. Elle avait notamment renforcé la présence du chiffre 2, avait mis en évidence des palindromes pour symboliser le miroir, le double. Laval, Noyon, le groupe ABBA… Eastwood avait utilisé le même procédé. Ou, plutôt, c’était elle qui avait reproduit ce qu’avait fait Eastwood.
  Cette surdétermination des "2" et "palindromes" est aussi présente dans le Manuscrit inachevé de Caleb Traskman, avec d'autres jeux plus explicites: le récit débute par l'accident de la voiture JU-202-MO, le mari de Léane se nomme JUllian MOrgan.
  Luc Thomas, l'aîné des jumeaux de Jacques, a repris la place que lui avait usurpée Jullian, et Léane le rencontre pour la première fois dans la chambre 222 de l'hôpital:
  Devant la porte 222, Léane serra les deux poings contre son corps et entra. Jullian était allongé sur les draps dans un pyjama blanc, (...)
  Il est ébouriffant que, en hébreu, 222 soit la valeur du verbe BKR, bakhar, "être l'aîné":
  Luc Thomas avait précédemment fait enlever la fille des Morgan, Sarah. La Sarah biblique est la mère d'Isaac, la grand-mère des jumeaux Jacob et Esaü. A noter que Luc tue aussi son père, Jacques, et aurait volontiers tué sa mère si elle ne s'était suicidée quelques mois plus tôt.
  Esaü se distingue de son frère par sa rousseur velue, et il y a un rouquin dans l'histoire, le flic local Colin Bercheron, amoureux de Léane. Luc planifiait de récupérer sa vie volée en endossant définitivement l'identité de Jullian, mais il est assez lucide (le mot est effectivement employé) pour comprendre que les soupçons de Léane vont aboutir à son démasquage:
T’es trop fragile, tu aurais fini par craquer et tout balancer au rouquin qui tuerait père et mère pour t’avoir.
  On apprend dans Il était deux fois que Caleb Traskman a paraphrasé ses propres crimes dans Le manuscrit inachevé. Caleb a enlevé une fille nommée JUlie MOscato.
  On arrive ici au dernier (?) niveau de fiction, celui du réel (?) auteur Thilliez. C'est bien entendu lui qui a choisi les noms Luc et Jacques, et leur remplacement par Alain et Claude. Quelque chose à tirer de ces noms? Je pense à Poher, car je connais un Alain et un Claude portant ce patronyme, mais il y a sans doute bien d'autres correspondances...
  La plus séduisante me semble maintenant Aaron et Caleb Trask, les jumeaux de A l'est d'Eden, référence explicite à Abel et Caïn. Il est au moins évident que Caleb Traskman en découle, laissant supposer l'existence d'un jumeau (nommé Martial, là je ne vois pas pourquoi).

  La nouvelle approche étudiée en janvier privilégiait Luc en tant que nom d'Evangéliste, ce qui n'empêche en rien Luc Besson d'être une autre piste. L'une ou l'autre peut être intentionnelle, ou les deux, ou aucune...
  Il m'a semblé remarquable de trouver dans chaque roman de l'heptalogie non-Sharko un nom d'Evangéliste associé au criminel principal, et j'ajoute maintenant que rien de tel n'apparaît dans la saga Sharko.
  Une relecture maintenant informée du Manuscrit inachevé m'a fait découvrir que les 4 noms y figurent:
- le propriétaire de la villa où sont choisies les victimes est Alexandre Mattioli;
- l'enquête savoyarde est déclenchée par l'accident de la JU-202-MO, poursuivie par le douanier Marc Norez;
- le principal criminel est Luc Thomas;
- un psy détient des infos essentielles, John Bartholomeus.

  La structure des Evangiles étant possiblement dorée, il est notable que les formes particulières de ces noms permettent un bon rapport d'or:
Mattioli = 99
Marc = 35
Luc = 36
John = 47
soit 217 au total réparti en 134-83, avec 217/134 = 1.619... (Phi = 1,618...) Mieux, à ce 134-83 correspondent 12-7 lettres, 7 et 12 nombres de la suite OEIS 1060, nommée "suite évangélique" par Georges Arnoux dans Musique Platonicienne: Ame du monde (1960).

  Le dernier billet de ma trinité évangélique m'a fait souligner un point pourtant déjà vu: une graphie biblique de "jumeau", TAM, est l'anagramme de 'vérité", AMT. Or dans le chapitre final du Manuscrit inachevé, chapitre 79, est révélée la vérité expliquant toute l'énigme, Jullian Morgan avait un jumeau, David Jorlain (né Luc Thomas), et
JULLIAN = JORLAIN = 79 = VERITE.

  Les autres permutations de AMT font sens en hébreu, avec
ATM, pronom personnel "vous";
MAT, forme construite du nombre MAH, "100", à comprendre "cent fois".
  Il faut passer à l'araméen pour trouver les deux autres,
MTA, lu matha, signifie "ville" (l'heptalogie s'achève sur Norferville),
TMA, lu thoma, signifie "destin"; le héros d'un one-shot précédent, L'anneau de Moebius, se nomme Stéphane Kismet ("destin" en turc), et il est détenteur du billet gagnant du loto, 4-5-19-20-9-14 (D-E-S-T-I-N).
Dictionnaire Chaldéen-Français
de Joseph Guenassia, page 326:
  Aïe Aïe Aïe...
  Jorlain-Thomas déclare au chapitre 79: 
On dit que les destinées des jumeaux sont liées, quoi qu’ils fassent, où qu’ils aillent.
  Aïe Aïe Aïe !!!
  Comme dirait Harry Bosch, Remue-toi le cul et va secouer les dicos. Le mot "fassent" étant le seul mot non trivial de la phrase à ne pas être lié à "thoma", j'ai consulté le Guenassia et découvert page 235 que phass signifie "tirer au sort". A noter qu'il est très rare qu'une lettre פ au début, d'un mot araméen se prononce "ph", en hébreu biblique c'est toujours "p" dur.
  Ouille Ouille Ouille !!!
  Le monde entier est une fiction.

  Lors de ma première approche de ce roman en 2020, j'avais bien vu que c'était au chapitre 79 et dernier qu'était révélé que JORLAIN=79 était le jumeau de JULLIAN=79, mais lorsque j'ai développé l'an dernier l'idée d'une heptalogie exaltant diverses formes du mot "vérité", j'utilisais les chapitrages totaux incluant prologues et épilogues, et Préface dans le cas du Manuscrit.
  Revoici le tableau déjà donné, avec en première colonne un indicatif pour chaque roman, en seconde le chapitrage modifié, en 3e le numéro effectif du dernier chapitre, puis les occurrences de "vérité", celles de "lumière", les valeurs des titres, et enfin les titres eux-mêmes:

VER  49  48   42   61      86   Vertige
PUZ  64  64   42   93    106   Puzzle
REV  89  89   30   54    68   Rêver
LEM  81  79   25   51   202   Le manuscrit inachevé
ILE   84   83  30   53   179   Il était deux fois
LAB  55  55   31   35  133   Labyrinthes
NOR  68  67  10   38   136   Norferville
 
  On a donc maintenant toujours 64 pour PUZ, valeur de "vérité" en grec selon l'alphabet grec, 89 pour REV, valeur de "vérité" en latin selon l'alphabet latin, mais 79 pour LEM, valeur de "vérité" en français selon l'alphabet français.
  Et VER se passe toujours dans la grotte Vérité, où sont prisonniers les trois personnages dont les valeurs des noms totalisent 441, valeur de "vérité" en hébreu selon l'alphabet hébreu.
  Une autre nouveauté est le chapitre 83 et dernier de ILE, 83 valeur de "lumière" en français. , mot que j'ai pensé important lorsque j'ai découvert la devise de Yale, "traduction" de l'oracle évoqué dans la Bible, les Ourim et Toumim (אורים ותמים).
  Ainsi les deux romans complémentaires LEM et ILE s'achèvent-ils sur des chapitres 79 et 83, Vérité et Lumière, et les chapitrages totaux  mènent à
81+84 = 165 = LUX ET VERITAS (52+24+89 selon l'alphabet latin). 

JE n'ai pas du tout fini, mais je pars consulter et poste ce message inachevé, n'étant pas assuré de pouvoir le finir.
 


 


 
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  Les 441 chapitres des 6 derniers livres correspondent donc à emeth, "vérité" en hébreu. La répartition 3-3 donne 234-207, avec 207 valeur de 'or, "lumière" en hébreu. 234 peut correspondre à דרכי, de דרכ, "chemin", soit sa forme construite plurielle, comme dans Job 40,19, derkhi-el, "les chemins de Dieu", ou derki, "mon chemin", avec un suffixe possessif.
  Je rappelle Jean 14,6,
Je suis le chemin, la vérité et la vie.

 


 


 



 


 

   Un nouveau dessillement est survenu hier, 8 janvier, en écrivant le précédent billet.
  J'y revenais sur les romans de Thilliez, semblant illustrer, en ordre inverse, des propriétés fibonaciennes associées à la "vérité"; revoici le tableau, où TRA désigne la trilogie Traskman:
        chapitres        occurrences de "vérité"
NOR    68                   10
TRA   220     288        86       96

REV   89                    30
PUZ   64       153        42       72
       441                  168

  Ainsi 68 et 220 sont 2 fois 34 (F9 ou 9e terme de la suite de Fibonacci) et 4 fois 55 (F10), et leur somme est 288, 2 fois 144 (F12), selon une loi générale
2F(n) + F(n-1) = F(n+2).
  Ensuite 288 + 89 (F11) donne 377 (F14), selon la même loi.
  Enfin 64 est le carré de 8 (F6) et l'addition à 377 (F14) donne 441, carré de 21 (F8), selon une autre loi générale
F(n)2 + F(2n+2) = F(n+2)2.

 89, 64, et 441 sont les valeurs de "vérité" en latin, grec et hébreu.

  Il m'est donc revenu quelque chose que j'avais repéré voici près de 40 ans, durant une phase de frénésie biblique. J'avais vu que les 4 Evangiles totalisaient 89 chapitres, 11e terme de la suite de Fibonacci, et que le dernier, celui de Jean, en avait 21, 8e terme, soit
68 + 21 = 89, mais cela ne m'avait guère retenu, ne me sentant alors guère concerné par nombre d'or et Fibonacci, et je ne pense pas avoir vu le lien avec la loi générale
2F(n) + F(n-1) = F(n+2).

  Je rappelle que l'Evangile de Jean se distingue des trois autres, dits synoptiques (28+16+24=68 chapitres), et que le 220 de Thilliez correspond à la trilogie Traskman (81+84+55= 220 chapitres).
  Il est remarquable que Matthieu et Luc totalisent 52 chapitres, soit 4 fois 13, F7, tandis que Marc a 16 chapitres, 2 fois 8, F6, ce qui correspond exactement à ce qui se passe pour les 4 derniers romans de Thilliez, 4 fois F10 + 2 fois F9.
  Le même schéma appliqué à la trilogie Traskman donnerait 81+55=136, 4 fois F9, avec en intermédiaire 84, 4 fois F8. C'est différent, mais néanmoins fibonaccien.
  Toujours est-il qu'on a un même double schéma, pour les Evangiles
52 + 16 = 68; 68 + 21 = 89, ou 4F7 + 2F6 = 2F9; 2F9 + F8 = F11;
et pour Thilliez
220 + 68 = 288; 288 + 89 = 377, ou 4F10 + 2F9 = 2F12; 2F12 + F11 = F14.
  Les deux font intervenir directement les nombres 68 et 89, et l'ultime opération thilliézienne conduit au carré de 21, le dernier nombre de l'égalité 68+21=89.

  Peut-être faut-il souligner que le schéma de Thilliez se situe 3 Fibos au-dessus de celui des Evangiles. Le rapport entre deux Fibos consécutifs tend vers le nombre d'or, donc le rapport entre des Fibos distants de 3 rangs tend vers le cube du nombre d'or (4,236..., et le rapport 377/89 en est très proche, 4,2359...).

1 commentaire:

Patrick Bléron a dit…

Cher Rémi, je suis frappé et ému par ce post inachevé. J'espère de tout cœur que tu vas dépasser l'épreuve que tu traverses. Et que nous pourrons lire bien d'autres billets quaternitaires. Avec toute mon amitié en ce moment très difficile.