2.2.25

Prælude op. 2025


à Gilles & Robert

  Le 11 janvier, Robert Rapilly proposa une nouvelle contrainte sur la ListeOulipo, le "rafalanagramme", constituant à bâtir des textes composés d'anagrammes de mots, par exemple
Subito, éternellement,
tu bois tellement, René :
le cœur à terre,
écroulé... arrête !
  Des propositions très voisines avaient déjà été faites sur la liste, mais pas aussi radicales: chaque mot doit trouver l'exacte redistribution de ses lettres en plusieurs mots.
  Quelques oulipotes ont suivi, et j'ai ainsi proposé
vrai ciné :
écrivain.
vaticiner :
écrit vain.
  Puis il m'est venu l'idée du "rémifalanagramme": chaque mot utilisé doit être l'anagramme d'une série de notes. J'ai proposé un exemple s'achevant par
Mobiles, d'Aloïs Bercera
si bémol la do si bécarre
soit l'équivalent des notes b a c h dans le système allemand.

  Gef a pris le relais avec quelques phrases dont il donne sur son site une version mp3, puis un sonet (anagramme de "notes") rimé.
  Connaissant ma passion pour Bach, il m'a transmis quelques séries de notes, de valeur 187 comme si bémol la do si bécarre.
  Il m'est venu l'idée de créer de la musique isogématrique, dont les sommes des valeurs des noms des notes de chaque mesure seraient identiques. J'ai pensé qu'en ôtant bécarre=52, il restait
si bémol la do si = 135,
 et que 15 fois 135 font 2025.
  Je suis donc parti sur l'idée d'un système de deux portées, avec une basse ostinato si bémol la do si sur 9 doubles mesures, car la barre de mesure annule l'altération sur le si de la mesure précédente.
  La voix supérieure aurait 6 doubles mesures écrites, avec les notes issues des équivalences fournies par Gef, celles comportant un bécarre, supprimé. Ça laissait un choix assez limité, dans lequel apparaissaient souvent les notes mi fa, ce qui a orienté ma composition, en pensant à l'énigmatique canon Super Fa Mi de Bach, également construit sur une basse continue, énonçant Fa Mi et Mi Fa est tota Musica.

  Bref, voici ce à quoi je suis arrivé, que j'ai d'abord appelé Musique pour 2025, en pensant à l'album Musique pour 88 de Tom Johnson (1988, mais le piano a 88 touches).



  J'ai essayé de l'enregistrer sur mon piano, via l'enregistreur du PC. C'était atroce, et le résultat ci-dessus a été obtenu par Gef avec un logiciel performant.

  J'avais écrit en 2007 une page sur le canon Super Fa Mi, que je viens de remettre en ligne. Lorsque je reprends ces vieilles pages, je me rends compte que j'avais alors l'esprit nettement plus affûté qu'aujourd'hui, et c'est peu dire.
  J'invite donc à se reporter à cette page pour aborder la complexité de ce canon à 7 voix, 8 en comptant la basse continue.
  Le retour à sa partition m'a été l'occasion d'une formidable surprise...
 

  Sa dernière mesure est mi ré mi, exactement la même que ma dernière mesure, à ceci près que Bach notait noire-noire-noire-silence,
et moi noire-noire-blanche, avant tout par paresse (à l'exécution, c'est à l'instrumentiste de choisir le temps exact pendant lequel il tient chaque note, liée ou piquée). 
  On peut penser que c'est une imprégnation inconsciente qui m'a poussé à reprendre cette dernière mesure du canon, dont je ne cache pas avoir décortiqué la partition en 2007, pianotée dans la limite de mes possibilités, à une seule voix plus la basse. Tout ce que je peux dire est que le réexamen de la partition a été une totale surprise, et que j'avais une excellente raison d'achever ma pièce ainsi, après avoir repéré qu'une des combinaisons de notes de valeur 135 associait 3 et 3 mi.
  Outre la signature ré mi, je rappelle que 2025 est le carré de 45, soit REMI x REMI, donc ma pièce s'achèverait sur les notes ré mi ré mi. J'ai utilisé une autre combinaison, 8 fa 3 do 1 mi, pour construire une phrase musicale acceptable.

  Pour autant que je m'en souvienne, ma dernière composition a été vers 2009 une réécriture du Menuett II de la Partita BWV 806, en un Bachulz dont chaque reprise a 21 notes à la main gauche et 38 à la droite, pour compléter les harmonies 21-38 de cette Partita.

 
   Le titre est à décomposer en B.A-C.H-U-LZ, soit numérologiquement 2.1 – 3.8 – 21 – 38. Je suis encore surpris qu'après cette adéquation entre le nom Bach et le mien, l'écriture de la nouvelle pièce ait révélé une coïncidence sur mon prénom.
  J'avais fait du Bachulz un opus 2138, il s'imposait de faire de celui ci un opus 2025. Constatant que OP = 31, il restait à trouver un titre de valeur 82 pour parvenir à l'ensemble des chiffres bachiens 2-1-3-8. "Javanaise" convenait, mais c'est une danse à 3 temps, et j'ai forgé "Prælude" qui m'a satisfait (Præludium a été souvent employé par Bach).
  Nouvelle surprise confirmée par le Gématron:
Praelude op. 2025 = 2138 !! ! !!! !!!!!!!!
en 14 signes.. . ... ........

  Autre constatation après coup: avant le final rémi.rémi = 2025, les 14 notes précédentes de la phrase musicale sont
2 mi 1 3 do 8 fa. (Fa Mi et Do Ré est tota Musica)

  J'ai encore eu la curiosité de transcrire en notes françaises le Bachulz, et constater que les reprises ont les valeurs 2022 et 2125. Il n'est pas hors de ma portée de réécrire la pièce afin d'avoir les valeurs 2138 pour chaque groupe de 21+38 notes. Ce serait une occasion de refaire la vidéo de 2009, pas terrible...
  En l'état, la valeur 4147 pour l'ensemble correspond à 11 fois 377, 14e terme de la suite de Fibonacci.

  L'affaire de la dernière mesure m'a conduit à une autre version, en prenant pour basse continue les notes fa la si bémol mi du canon de Bach. Je suis arrivé à une forme de valeur 135 en ajoutant deux notes,
fa do la la dièse do mi, sympathique car fa do la correspond à l'accord de Fa Majeur, et la dièse do mi à 3 notes de l'accord de septième diminuée de Do Majeur.
  J'ai opté pour un rythme de bossa à la basse, et un tempo plus rapide:


 
  Il y a de nombreux enregistrements du canon de Bach, tournant souvent à une bouillie infâme de sons, mais existe-t-il des canons audibles à 8 voix? Peut-être ne s'agit-il que d'une oeuvre théorique non destinée à l'exécution, ou peut-être faut-il choisir une instrumentation adéquate, diverses octaves...
  Parmi ce que j'ai écouté, cette version limitée à 4 voix (sans basse) me semble la plus audible (2 tons plus haut). Voici une version me donnant l'impression de bouillie, et même Gustav Leonhardt n'y échappe pas. Celle-ci donne lieu à une illustration plus ou moins fractale...

  Gef a aussi fait un canon, à partir d'ensembles de notes de valeur 100 choisis pour leur assonance. Bientôt sur son site.
 
  Ce billet étant un peu court, j'y adjoins, sans rapport, quelques souvenirs d'un rêve au matin du 1er février.
  J'étais chez moi, un chez moi ne ressemblant en rien à la réalité, lorsque le téléphone sonna. Je ne savais pas si c'était le fixe ou le portable, et ne parvenais à repérer ni l'un ni l'autre lorsque la sonnerie s'arrêta, laissant la place à une voix assurée:
- Bonjour, je suis Iée Frugier.
  Dans le rêve, je savais qui était cette Iée, quelqu'un que j'avais contacté parce qu'il me semblait que nous avions quelque chose en commun, mais ça m'étonnait qu'elle me téléphone. Je voulus lui demander de continuer à parler pour pouvoir localiser le téléphone, mais aucun son ne pouvait sortir de ma gorge.
  Le téléphone était dans la poche de mon pantalon. Je compris que la fille était toujours en ligne, et arrivais péniblement à dire "Je ne peux pas parler". "Vous ne pouvez pas parler", reprit-elle.
  Je sortis, et Iée était précisément dehors, avec une autre fille que je connaissais un peu. Cette autre fille lui dit quelque chose comme "Ça ne me gêne pas d'avoir plusieurs boulots, et d'avoir à faire 5 heures de vélo", avant de grimper les quelques marches menant à l'entrée d'un chalet, juste à droite de chez moi... 

  C'est tout ce dont je me souviens, mais je savais en me réveillant l'orthographe exacte de Iée (iée) Frugier , que j'ai aussitôt notée. Je découvris que "frugier" était une ancienne forme de "fruitier", et que ça existait en tant que patronyme.
  En revanche, pas trace de prénom "Iée"...

 

Aucun commentaire: