17.7.22

il mit le mot âme dans La vie mode d'emploi


  Voici ci-dessous la représentation, annoncée dans le précédent billet, du dernier codage sympathique du mot AME, avec en évidence le message caché.
 

  Le message diagonal est donc:
il mit le mot âme dans La vie mode d'emploi
  On peut cliquer sur l'image ci-contre pour avoir une représentation plus proche d'un carré.
  Je ne doute pas que la plupart des lecteurs du précédent billet auront scruté la diagonale sénestro-descendante  du carré 43x43, aussi ce n'est pas pour faire un scoop que j'ai différé cette "révélation".
  La formule concoctée pour la diagonale a pour valeur 345, et il se trouve que le billet précédent était le 344e de Quaternité: il m'a semblé devoir ne pas manquer cette coïncidence.
  Le billet 344 peut aussi être significatif, car j'y étudiais les 4 niveaux de codage du texte final, or 344 est la gématrie du vocable hébraïque PaRDèS, "paradis", dont les 4 lettres servent aussi d'acronyme aux 4 niveaux d'interprétation de la Tora.

  Le nombre 345 m'a conduit à une curieuse constatation, à partir précisément du titre du "romans":
LA   M    E
  vie oded mploi
   3    4    5   
lettres
  L'AME est bien dans La Vie mode d'emploi, et pas seulement dans le Compendium... Je précise que je n'ai pas cherché à obtenir cette valeur 345. L'idée de départ était de construire une phrase de 11 mots couvrant 43 espaces. Je me suis arrêté à la première solution venue, et j'imagine qu'il n'y en a pas beaucoup d'aussi satisfaisantes.
  Le produit 3.4.5 égale 60, le nombre d'espaces-signes de chaque énoncé du Compendium.

  Au fait, pourquoi Perec a-t-il codé ce mot AME, dans ce résumé presque au centre du livre? Il avait révélé en 1979 que le texte obéissait à deux contraintes, l'une étant les 60 espaces-signes de chaque énoncé, gardant le silence sur l'autre, qui n'a été découverte que peu avant sa mort, en 1981.
  Le Cahier des charges révèle qu'il avait d'abord pensé à composer 5 strophes, avec pour diagonales les lettres A-M-E-C-S. Il est supposé que CS désigne Cyrla Szulewicz, sa mère, embarquée dans un train pour Auschwitz le 11 février 43.
  Perec aurait-il estimé que AME pouvait aussi exprimer l'idée de "mère"?, les phonèmes "a" et "m" apparaissant dans beaucoup de langues pour désigner la mère, peut-être parce que ce sont les premiers formulés par les bébés.

  On trouve notamment en estonien ema, en portugais mãe... Il est frappant qu'en hébreu, la langue des parents de Perec, que lui ne parlait pas, les lettres AME correspondent aux lettres hébraïques אמה, dont un sens est "mère".
 
  Ça se prononce 'ima. Je ne connaissais avant ce retour au Compendium que l'hébreu biblique אמ, 'em, et j'ai eu la curiosité de consulter un dictionnaire d'hébreu moderne. Je précise que notre alphabet dérive de l'alphabet sémitique, via le grec et le latin, et qu'il ne fait aucun doute que les lettres A-M-E sont issues des alef-mem-he hébraïques, elles ont d'ailleurs les mêmes rangs 1-13-5 dans les deux alphabets.

  J'ai expliqué dans le précédent billet pourquoi j'avais nommé Anna la candidate au pacte, en regrettant de n'avoir pas choisi Ana. En turc, "mère" se dit ana.

  Dans W ou le souvenir d'enfance, ce souvenir serait une lettre hébraïque qu'il aurait très jeune su tracer, ce qui aurait provoqué l'admiration des siens. Il y en a plusieurs versions dans les travaux préparatoires, et le graphisme finalement donné dans le livre est en fait fort proche du G qu’il utilisait comme signature, mais vu dans un miroir, latéralement, comme l'a vu Philippe Lejeune.

la signature de Georges et le graphisme donné dans W ou …
la signature de Georges et le graphisme donné dans W

  Il est au moins certain que le graphisme n'a rien à voir avec la lettre gimel, comme Perec l'avance; il rappelle plutôt mem, מ (ם en forme finale), ou éventuellement pe, פ. Bernard Magné a souligné que ça ressemblait à un carré ouvert dans le coin inférieur gauche, ce qu'on retrouve dans les clinamens perecquiens, l'écart du chapitre 66 correspondant au coin inférieur gauche de l'immeuble, l'omission du dernier vers du Compendium, le dernier E de la diagonale sénestro-descendante, le seul qui aurait été une majuscule.

  A propos de majuscule, le premier texte sur les diagonales du Compendium a été écrit par Philippe Guinet, un étudiant de Magné, en juin 1981 (mais c'est un autre étudiant de Magné, Dominique Bertelli, qui avait découvert ces diagonales). Dans ces 12 pages ronéotées, archivées à l'Association GP, à l'Arsenal, Guinet matérialise les diagonales par des majuscules, toutes les autres lettres étant minuscules. Hormis les derniers "vers" des strophes A et M, ceci permet de constater que le seul M originellement majuscule est celui de Méphistophélès.
 

  Les commentaires de Guinet sont souvent pertinents, et j'apprécie celui sur le hamster du vers 29: l'âme s'terre...
  Pour ce vers 74,
74 La jeune femme faisant conclure un pacte avec Méphistophélès
il souligne comme ailleurs la rime femme-âme, et rappelle que le pacte consiste à vendre son âme.
  Etrangement, il donne la forme correcte du vers 6, telle qu'elle est donnée sur le manuscrit de Perec,
6 Le faiseur de puzzle s’acharnant dans ses parties de jacquet
mais toutes les éditions ont "puzzles" au pluriel, portant le nombre de signes-espaces à 61, y compris la récente édition Pleïade, où une note indique que Magné avait signalé l'erreur à Perec, lequel avait dit que, si elle faisait sens pour le lecteur, il fallait peut-être la laisser.
  Il y a une autre anomalie pour le vers 104,
104 La petite parfumeuse choisissant les bagues du vieil artisan
où le "m" de parfumeuse est en position 16, alors que le codage demande la position 17. Guinet suggère de lire "par fumeuse", cette "par(t) fumeuse" étant l'âme.

  Philippe Guinet n'a pas eu l'occasion d'approfondir, car il est mort peu après lors d'une altercation pour une place de parking, devant le bar Le Diagonal, à Toulouse...

  Il voyait encore "E fait mère" dans "éphémère" du vers 163 (43e vers de la strophe E). Je note pour ma part 3 occurrences de "mère" dans le Compendium, chaque fois dans des mots composés, "belle-mère" vers 42, "déesse-mère" vers 49, "fille-mère" vers 124.

 Au 100e chapitre, devenu chapitre 99 par la suppression du chapitre 66, le lecteur comprend que la visite des 100 cases de l'immeuble s'est effectuée au moment figé de la mort de Bartlebooth:
  C’est le vingt-trois juin mille neuf cent soixante-quinze et il va être huit heures du soir. Assis devant son puzzle, Bartlebooth vient de mourir.
  Le vingt-trois juin à huit heures: j'ai déjà remarqué que les chiffres 23/6 et 8 correspondaient sur un cadran de téléphone à C-E-N-T, "cent" dans l'ordre, "sans" vraisemblablement que ce soit intentionnel, car ce moment est celui où Perec a fait la rencontre décisive de Catherine Binet.
  J'avais aussi vu que ces chiffres 2-3-6-8 livrent aussi 36-82, les années de naissance et de mort de Perec, et que les valeurs 36-82 correspondent au découpage voyelles-consonnes de Bartlebooth:
AEOO = 36; BRTLBTH =82.

  Ce que je n'ai pas su voir jusqu'à aujourd'hui, 16 juillet,  vers 3 heures de l'après-midi, c'est que "cent" se dit en hébreu מאה, se prononçant mea, s'écrivant avec les lettres correspondant à MAE dans notre alphabet.
  A l'origine de LVME, il y a la découverte en 1960 d'un carré bi-latin d'ordre 10, de 100 cases donc, objet mathématique qui avait précédemment été conjecturé impossible.
  Le 100e chapitre est aussi un compendium, en ce qu'avant de montrer Bartlebooth mort à son bureau, les événements se passant dans les autres lieux de l'immeuble sont brièvement rappelés.
  Je rappelle le portugais mãe pour "mère".

  Je me souvenais avoir écrit des anagrammes relatives au Compendium, à partir de "naissance et mort". Le 8 juillet, j'ai cherché dans les archives de la liste Oulipo, et les ai retrouvées:

âmes contraintes

c'est son art animé

en tacites romans

âmes contraintes

naissance et mort
  J'ai aussi cherché le mot "diable", ce qui m'a fait redécouvrir un message de Robert Rapilly, intitulé Diable !, et posté le 8 juillet 2013, exactement 9 ans plus tôt. Je me le suis renvoyé sur ma boîte mail.
  Il commémorait l'arrivée sur terre 66 ans plus tôt de l'extraterrestre satanique de Roswell par un texte de 66 lettres et 666 de gématrie:
Soixante-sixième anniversaire de l'affaire de Roswell ? Diable, ce jour amène ban !
  Robert m'a signalé qu'il en avait donné une version améliorée sur son blogue.

  Certaines choses sont fort difficiles à croire, mais je jure, et Robert peut en témoigner aussi, que ce 8 juillet 2022 il a posté un autre message intitulé Diable !, mais je n'en ai pris connaissance que deux jours plus tard, parce que je croyais que c'était le message que je m'étais envoyé quelques heures plus tôt. Aucun autre message avec pour seul objet "Diable" n'a été posté sur la liste de 1999 à 2022. Voici les deux messages sur ma boîte:
 

  Cet autre message Diable ! montrait 48 lettres qui, disposées en 8 rangées faisaient apparaître l'acrostiche ESPOSITO, et en 6 rangées le télostiche FARESE, les deux parties du nom de notre colistier Gef.
 

  Parmi d'autres énonces plus clairs, Robert a choisi celui-ci pour sa gématrie 666. Je me suis avisé ensuite que Robert ne l'avait envoyé qu'à Gef et à moi.

  J'ai cité plus haut le vers 74 du Compendium,
74 La jeune femme faisant conclure un pacte avec Méphistophélès
et remarque maintenant qu'il compte 9 mots, avec
9 x 74 = 666.
  Le nombre satanique est cité dans le chapitre 65, où le complice de la Lorelei qui incarnait Méphisto est prisonnier sous le matricule 1 758 064 176, soit
6 x 66 x 666 x 6666.

  Il y a 105 vers après ce vers 74, et
MEPHISTO = 105 (PHELES = 65).

  Si le mot AME est dans LA VIE MODE D'EMPLOI, comme vu plus haut, le nombre 179 des vers du Compendium s'énonce en français hexagonal 160 19 (cent soixante  -dix-neuf), or
LA VIE MODE D'EMPLOI = 160,
AME = 19.

  A propos d'Apocalypse, le mot vu plus haut  אמה, signifiant "mère" quand il est vocalisé 'ima, m'a rappelé que j'avais déjà vu ce mot dans la série Dig, où un complot vise à faire sauter le Mont du Temple à Jérusalem, et la mosquée Al-Aqsa, afin de pouvoir reconstruire le Temple, sans se soucier des conséquences apocalyptiques...
  Lors d'une fouille de l'appartement d'un comploteur, on découvre ce document  où figure 3 fois le mot אמה, ainsi que la valeur du mot, 46 (1+40+5). Le document n'est jamais commenté. Peut-être l'aurait-il été si la série n'avait été annulée, et recadrée pour aboutir à un dénouement rapide. 
  A mon humble avis, le contexte suggère qu'il s'agit du mot ama, "coudée", et son triplement pourrait évoquer le Saint des Saints du Temple de Salomon, un cube de 20 coudées de côté.
  J'ai donné dans le précédent billet les 1849 signes-espaces du codage final, en 43 rangées de 43 espaces. Comme je ne voulais pas y mettre en évidence la diagonale, j'ai choisi d'y colorer en rouge les 46 lettres AME livrant le mot AME au 4e décodage, sans penser alors à la valeur 46 des lettres hébraïques correspondantes (ou des lettres de notre alphabet selon le Français classique, une option offerte par le Gématron).
  En hébreu, l'expression "vingt coudées", עשׂרים אמה, a pour valeur 666. J'ai étudié ici le croisement de l'expression en clair, précisément pour une dimension du Saint des Saints, avec l'ELS trouvée par le "code biblique".
 
  Robert Rapilly a déjà été cité à plusieurs reprises dans Quaternité pour de formidables coïncidences.
  Il y a eu les 3 grilles en hommage à Perec publiés dans Formules n° 9 (2005), dont les 747 lettres totalisent la valeur 7647, évoquant
GEORGES PEREC = 76  47.
  Il y a eu sa grille ferroviaire FIVES-LILLE, avec sa colonne centrale contenant inconsciemment les lettres PRENOM NOM, comme une autre grille ferroviaire publiée dans ce même numéro de Formules.
  Il y a eu sa grille AIR A RAT, donnée sur la liste Oulipo alors que j'étais en train d'écrire un billet sur ARARITA...

Note du 19/7: Les textes Diable ! de Robert des 8/7/2013 et 8/7/2022 m'ont rappelé que j'avais aussi fait quelque chose en rapport avec 666. J'ai retrouvé ce que c'était.
  Un oulipote, Noël Bernard, a eu l'idée d'un thème journalier de contrainte inspiré d'abord par le calendrier pataphysique. L'année suivante ce fut le calendrier positiviste d'Auguste Comte. L'année dernière, Bernard Maréchal proposa les journées mondiales. A presque chaque jour correspond une journée mondiale, sauf un, et Noël décréta que ce serait la Journée du Mystère des Oulipotes.
  J'écrivis un texte pour ce jour, inspiré par le constat que l'expression comptait 28 lettres, nombre parfait (au sens arithmétique). Voici sa forme finale:

jeu puéril ou vaine anecdote
pour qui refuse l’élan mutin
tout ce fatras emberlificote
le rustre comme le philistin
les nicodèmes et les bigotes
l'indélicat y perd son latin
mystère opaque des Oulipotes

pour coder la fable rigolote
il se faut détenir un dessin
un fantasme su sans antidote
émotif on y vient et revient
étrange cuisine qu'on mijote
suivant l’aptitude de chacun
mystère intime des Oulipotes

pour la décoder tel numérote
tel rumine le texte oulipien
tel tire le fil de la pelote
tel surdétermine et à la fin
découvre comme ça se tricote
logique clé du trésor surfin
mystère vaincu des Oulipotes

qui n’a tête vide de linotte
avouera n'être qu'un ripolin
et pourra crier saperlipotte
je ne sais encore quel moyen
élargit au-delà des jugeotes
un écrit digne d’un magicien
mystère infini des Oulipotes
--
  Le premier jet avait 664 lettres de valeur 7941, proche du multiple 7992 de 666, et il m'a suffi de modifier le 20e vers,
il a la clé du trésor surfin
pour avoir 666 lettres de valeur 666 x (6+6).
  Il y avait une autre contrainte, révélée par une police à chasse fixe:
 

  Il s'agit donc d'un bathmostiche, comme mon codage final de "AME", et je n'ai pas composé d'autre bathmostiche depuis ce Jour du Mystère.
  Quel était-il? Le 8/7, prévisible dans son ironie même. Les autres textes composés pour ce jour sont sur cette page du site de Noël. Je n'ai pas souvenir d'avoir exploité le nombre 666 dans d'autres créations, et je l'avais fait ici parce que le hasard le suggérait.
  Alors en quoi le 8 juillet pourrait-il être une date diabolique? Je ne vois rien d'immédiat sur la page Wikipédia, sinon la naissance de Kevin Bacon, interprète de plusieurs rôles sulfureux.
  C'est le 189e jour de l'année, et je constate que Robert a posté ses deux Diable 666 à 9 ans d'intervalle, et moi mes 666 lettres 8 ans avant le premier Diable et 1 an avant le second.

 
  Voici ce qu'est devenu le Compendium dans la traduction en hébreu de LVME ('החיים הוראות שימוש'). AME est devenu נפשׁ, nefesh, l'un des mots pour "âme" en hébreu. La langue s'écrivant de droite à gauche, la diagonale devient dextro-descendante, ce qui pourrait trahir l'intention de Perec...
  J'ai fait figurer les premiers dizains de chaque strophe, car elles sont numérotées avec les lettres nombres, toujours employées pour certains usages (dates, versets bibliques). Ce sont donc les nombres א-ב-ג, soit 1-2-3, ce qui m'évoque la valeur 123 de GEORGES PEREC.
 

  Note du 23: Dans sa traduction anglaise de LVME, David Bellos a choisi de rendre AME par EGO. Il m'est venu que, de même qu'on passe des lettres hébraïques AME, "mère", à MAE, "cent", par permutation des premières lettres, on passe de EGO à GEO, les premières lettres du prénom GEORGES.
 
 

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