9.6.21

circulez, il y a tout à craindre ici


  J'ai terminé le précédent billet le 4 juin. J'avais d'abord prévu de le publier le 6 juin, le 6/6, car je chéris les dates géminées, mais j'ai choisi le 1/6 à 9 h 9, en pensant aux pages autoréférentes des deux volumes de nouvelles publiés simultanément par Ricardou en 1988, la page 99 de Révolutions minuscules, dans sa préface Révélations minuscules..., et la page 61 de La cathédrale de Sens, dans sa première nouvelle, Le lapsus circulaire.
  J'en ai parlé à diverses reprises depuis 2018 où j'ai découvert ces livres, en explorant diverses approches de ces nombres 99-61, mais l'écriture de ce billet m'a conduit à une nouvelle découverte: la phrase de la page 66 qui invite à se reporter à une phrase de la page 61 est elle-même construite à partir de cette phrase de la page 61, et ce nombre 66 est lui-même important.

  Dans la première heure du 6/6, je me suis éveillé avec une autre intuition sur cette phrase, si riche que j'y consacre ce billet.

  Voici la phrase de la page 66:
  Ainsi, par exemple, entre autres, si mes tristes pensées du moins ne m'en ôtent pas la mémoire (ce qui, j'en conviens, sauf à en revenir sans tarder à la page 61, n'est point des plus faciles), quand j'ai noté qu'"Adieu", les ultimes syllabes, quasiment, de mon conducteur, au terme de l'itinéraire, reflétaient, en quelque façon, l'endroit à partir duquel, "la monumentale maison de Dieu", je m'étais soumis aux digressions de son véhicule, j'ai procédé moi aussi (ce dont, pour éviter de perdre plus de temps, il me faut apparemment ici m'accorder dispense), selon un discours plus symétrique encore, peut-être, que le sien.
et celle de la page 61:
  "Adieu", par exemple, les ultimes syllabes émises, avec un air plutôt rêveur, par le trop sagace amateur de physionomies, et sur lesquelles mon voyage en automobile venait à l'instant de s'achever, nul doute, selon la symétrie secrète d'un clandestin renversement, qu'elles n'aient eu pour mission de refléter son début, vous ne l'avez pas oublié, lecteur, j'espère, vers l'angle du parvis, devant, presque, la monumentale maison de Dieu.
  Le narrateur a pris un taxi à côté de la cathédrale, lequel l'a mené rue Louis Braille, à un numéro variant au fil du récit, 69, puis 9, puis 6. La famille Ricardou habitait au 6 rue Louis Braille à Cannes (06), détail donné dans Le théâtre des métamorphoses (1982).
  A partir de la page 66 débute l'analyse symétricologique de la phrase de la page 61, et il va être plus facile de la vérifier avec cette version numérotée, selon les exemples proposés par Ricardou dans la préface ouvrant l'autre volume:
(1) "Adieu", (2) par (3) exemple, (4) les (5) ultimes (6) syllabes (7) émises, (8) avec (9) un (10) air (11) plutôt (12) rêveur, (13) par (14) le (15) trop (16) sagace (17) amateur (18) de (19) physionomies, (20) et (21) sur (22) lesquelles (23) mon (24) voyage (25) en (26) automobile (27) venait (28) à (29) l' (30) instant (31) de (32) s' (33) achever, (34) nul (35) doute, (36) selon (37) la (38) symétrie (38) secrète (37) d' (36) un (35) clandestin (34) renversement (33), qu' (32) elles (31) n' (30) aient (29) eu (28) pour (27) mission (26) de (25) refléter (24) son (23) début (22), vous (21) ne (20) l' (19) avez (18) pas (17) oublié (16), lecteur (15), j' (14) espère, (13) vers (12) l' (11) angle (10) du (9) parvis (8), devant, (7) presque (6), la (5) monumentale (4) maison (3) de (2) Dieu (1).
  Les mots sont donc comptés à partir du début et de la fin, à partir de "Adieu" et "Dieu" donc, dont les échos sont immédiat. La phrase a 75 mots, et les comptes se rejoignent au centre sur le 38e mot, "symétrie", le maître mot du procédé.
  Ricardou note en outre la correspondance aux positions 12 entre "rêveur" et "vers", soit un renversement de la syllabe "REV" qui ouvre et ferme la nouvelle.
  Aux rangs 24 apparaissent "voyage" et "refléter", ce qui laisse entendre (toujours au narrateur) que le voyage s'est accompli sous le signe du miroir.
  Aux sites 33 (mais le texte indique 38, erreur peut-être volontaire), ce sont "achever" et "renversement", dont il tire quatre conclusions:
- puisque le but a reconduit à son début, c'est bien sur un renversement que le phrase s'est achevée;
- si l'on renverse les lettres sur lesquelles "achever" s'achève, c'est le mot "rêve" qu'on obtient;
- si l'on achève en renversant le centre du mot "renverser", c'est le son "rêve" qui résonne;
- c'est sur la syllabe du mensonge que s'achève le mot "renversement", ce qui atténue quelque peu les trois points précédents.

  Lors de ma première analyse de ce passage, j'avais pointé que cette phrase de la page 61, constituant un seul paragraphe, était immédiatement suivie d'un paragraphe constitué de deux phrases, s'interrogeant en partie sur les deux sens du mot "terme", tantôt "vocable", tantôt achèvement". En considérant le paragraphe comme un tout, ses termes étaient "Revérifier" et "achever.", à nouveau un renversement de "REVE", et son mot central était "terme".
  Sans commentaires du narrateur.

  J'avais alors analysé la plupart des phrases dans cette zone des pages 61-66, sans rien y trouver d'aussi immédiat. Contrairement à la préface de l'autre volume, où toutes les phrases sont réglées par le procédé (328 phrases, dont la plus longue compte 285 mots), certaines phrases seulement du Lapsus circulaire sont concernées, et elles ne respectent pas toujours la règle de base de la symétricologie, l'écho entre début et fin.
  Avant cette phrase de la page 61, les seules phrases explicitement symétricologiques étaient les trois phrases de la page 16 attribuées à Noël Ryvéla (Valéry, imaginé dans l'autre texte avoir été un promoteur du procédé dans Le cimetière marin). Je m'étais émerveillé dans le billet susmentionné de la façon dont Ricardou avait joué des symétries dans la phrase intégrant les trois phrases de Ryvéla, puis dans les paragraphes suivants de commentaires, tous ces jeux étant offerts à la sagacité du lecteur.

  J'avais donc notamment scruté la phrase appelant à se reporter à la page 61, sans rien y déceler. Elle avait 112 mots, sans échos symétriques immédiats.
  En rédigeant le précédent billet, je me suis dit que, plutôt que de simplement parler du report à la page 61, il me fallait donner la phrase complète, et la recopier m'a aidé à prendre conscience que les syllabes "si-mé-tri" apparaissaient dans "si mes tristes pensées", et qu'elles étaient symétriques du mot "symétrique".
  Depuis mes premières approches, j'ai appris que les parenthèses pouvaient jouer un rôle particulier dans les phrases de Ricardou, lequel donnait des indices en ce sens dans Révélations minuscules. Omettre les expressions entre parenthèses laisse 74 mots, le milieu tombant après le mot "reflétaient", dont la position entre deux virgules est intrigante.
  La découverte que les mots "Adieu" et "Dieu" étaient équidistants de "reflétaient" m'a conduit à penser que cette phrase était effectivement très travaillée, et qu'il pouvait être imaginé une erreur soit de la part de Ricardou, soit de la suite de la chaîne éditoriale.
  Il y a de multiples possibilités d'erreurs dans la composition de ces phrases, dont les brouillons ont hélas été détruits. La solution la plus simple est l'oubli d'un mot, ou un mauvais compte, dans la première partie, car ceci conduirait à 75 mots, le même total que la phrase de la page 61.

  Ci-dessous, j'ai repris la phrase sans les parenthèses, en numérotant les mots, et en imaginant le mot absent au rang 10, car il y aurait alors écho aux rangs 12 entre "moins" et "moi", mais il y a bien d'autres possibilités, pourvu que ce soit avant le rang 25.
  Il n'est par ailleurs pas exclu que Ricardou ait ici faussé la règle, estimant peut-être avoir par trop facilité la tâche au lecteur en affichant d'emblée l'indice des mots "par exemple" aux mêmes rangs que dans la phrase de la page 61, et en déclarant ouvertement "un discours plus symétrique encore"...

  Quoi qu'il en soit, l'étude approfondie de la phrase montre non seulement qu'elle est extraordinairement travaillée, mais qu'elle joue un rôle essentiel dans l'ensemble de la nouvelle, sinon dans l'ensemble des deux textes symétricologiques, sinon peut-être dans l'oeuvre entière...
  Bref, voici:
(1) Ainsi, (2) par (3) exemple, (4) entre (5) autres, (6) si (7) mes (8) tristes (9) pensées (10) ??? (11) du (12) moins (13) ne (14) m' (15) en (16) ôtent (17) pas (18) la (19) mémoire, (20) quand (21) j' (22) ai (23) noté (24) qu' (25) "Adieu", (26) les (27) ultimes (28) syllabes, (29) quasiment, (30) de (31) mon (32) conducteur, (33) au (34) terme (35) de (36) l' (37) itinéraire, (38) reflétaient (38), en (37) quelque (36) façon (35) , l' (34)  endroit (33)  à (32)  partir (31)  duquel (30), "la (29) monumentale (28) maison (27) de (26) Dieu (25) ", je (24) m' (23) étais (22) soumis (21) aux (20) digressions (19)  de (18)  son (17)  véhicule, (16 ) j'  (15) ai (14)  procédé (13)  moi (12)  aussi (11) , selon (10)  un (9)  discours (8)  plus (7)  symétrique (6)  encore (5) , peut-être (4) , que (3)  le (2)  sien (1).
  Dans les premières minutes du 6/6, j'ai émergé du sommeil avec des pensées se bousculant dans ma tête. Sans trop pouvoir en retrouver le fil exact, il m'est enfin apparu que ce n'était peut-être pas par hasard si les symétries entre les syllabes "si mes tristes" et "symétrique" survenaient aux sixièmes rangs, et ce page 66.
  A plusieurs reprises, Ricardou nomme ces rangs "sites", ou "situations".

  Je n'avais jusqu'ici considéré que l'écho entre la syllabe initiale "Ain(si)" et celle finale "(si)en", mais il m'est apparu que les mots complets pouvaient livrer 1-6, et 6-1.
  Peut-on désormais considérer comme un hasard que les phrases données comme explicitement symétricologiques dans la nouvelle se situent pages 16 et 61? Je précise tout de même que les deux premiers mots de la première phrase de Ryvéla sont page 15, ces phrases en italiques étant incluses dans la première phrase du paragraphe 15 qui se poursuit par une autre phrase, en 61 mots.

  Est-ce donc à dire que le récit aurait été minutieusement pesé pour permettre les occurrences des passages codés à des numéros de pages choisis dans le final objet livre? Il semblerait bien, et les infos dont je dispose sur l'établissement du tapuscrit destiné à l'éditeur vont dans ce sens. Peut-être chez l'éditeur se trouvera-t-il quelqu'un se souvenant si des modifications sur épreuves ont été nécessaires pour peaufiner cette entreprise...

  Il semble bien en aller de même pour la préface ouvrant l'autre volume, Révélations minuscules, en guise de préface, à la gloire de Jean Paulhan, un titre en 12 mots, avec une césure 6-6, comme un alexandrin.
  Page 99 y est reprise, avec ses mots numérotés, une phrase de la page 47, et page 100 un premier commentaire souligne que le mot "centre" est au centre de cette phrase, à la position 99, en remarquant que "cent" est contenu dans "centre". Il y a aussi ici un double jeu, avec la page référée, et avec la page où se fait la référence.

  La phrase de la page 66 du Lapsus circulaire recèle probablement d'autres signes. Elle contient 6 fois la syllabe "si", avec les deux couples symétriques, "Ainsi-sien" et "si-symétrique", et les mots "syllabes" et "aussi", aux sites 28 et 11.
  "syllabes" y est symétrique de "monumentale", un mot essentiel des deux textes, où il est diversement découpé selon ses syllabes. Révélations minuscules débute par "Monumentalement" et s'achève par "divers vagues demi-mots, nus, mentalement". Le narrateur du Lapsus circulaire y cherche la signification du distique holorime
Délaissez des lits qu'ornent, mots nus, mentalement,
Des laies et des licornes, monumentalement.
  "aussi" serait symétrique de "du", à moins que ce ne soit de "moins", si l'éventuel mot manquant était plus loin dans la phrase. On pourrait le réduire à ses phonèmes O-S-I, avec I-O couple de lettres complémentaires pour Ricardou, ainsi utilisées comme symétriques dans diverses phrases de Révélations minuscules, où elles sont vues en outre équidistantes dans son nom.
  Quant à S, c'est aussi une lettre symétrique, et l'initiale du mot Symétrie. Elle est essentielle dans la nouvelle pour ses deux prononciations, car le distique n'est holorime que lorsqu'il est zézayé.
  OSI se renverse en ISO, préfixe dont le sens est proche de "aussi".

  Si S a deux prononciations, le mot "si" a deux valeurs grammaticales:
- adverbe, en anglais so, I y devient O donc;
- conjonction, en anglais if, formé des lettres de rangs 9 et 6, se renversant l'une en l'autre. If six was nine, chantait Hendrix.
  Précisément, je donnais dans le billet précédent plusieurs cas d'échanges entre 6 et 9, dans la nouvelle elle-même, et au verso de la couverture le prix du livre, 96 tout court, alors que l'autre volume affiche au même emplacement 98 F.
  Ceci me conduit maintenant à regarder ce qui se passe page 69, où se détache un paragraphe central débutant par une phrase que je n'avais pas décortiquée jusqu'à présent. L'eussé-je fait que je n'aurais probablement pas remarqué son harmonie.
  La phrase décrit la gravure à laquelle se rapporte le distique holorime, lié au mystère de la naissance du narrateur:
  Au milieu de l'image, adossées croupe à croupe, jusqu'à former un monument unique, les deux vastes cavales au front armé, chacune, de la fabuleuse torsade, émettent sans pitié les flammes de leur vue, de part et d'autre, contre, aux extrêmes, les deux vivaces sangliers: celui de gauche, et qui regarde à droite; celui de droite, et qui regarde à gauche.
  Si la gravure est totalement symétrique, la phrase l'est bien moins immédiatement, avec 63 mots, de "Au" à "gauche", avec au milieu "flammes". Mais ce semble loin d'être un hasard si "deux vastes cavales" et "deux vivaces sangliers" occupent les mêmes rangs, 17-18-19, à l'égard des deux bords, les épithètes débutant par V invitant peut-être à former un X.
  Car ces bêtes flamboyantes semblent issues du Sonnet en X de Mallarmé,
Des licornes ruant du feu contre une nixe,
auquel il est fait nettement allusion dans le paragraphe suivant, avec un interne du lycée de Sens, prénommé Etienne ou Stéphane. Ricardou voit dans Révélations minuscules ce sonnet relever de la symétricologie (début "Ses purs", fin "septuor").
  Sans doute aurait-il été plus significatif que la phrase comptât 69 mots, plutôt que 63, mais je me demande si Ricardou n'a pas considéré l'addition 63+6, avec un compte double pour ces deux expressions symétriques comportant "deux"...
  Je pense souvent à celui dont se réclame souvent Ricardou, Roussel qui disait avoir appelé l'une des faces de son dé "l'ai-je eu?" parce qu'il craignait que "dé l'eus-je" eût été trop clair pour ses lecteurs. Ces surdoués du bulbe ont tendance à imaginer que les lecteurs sont aussi intelligents qu'eux, mais les lecteurs, ils se contentent essentiellement de lire, et si ça les emmerde, ils lisent autre chose, les lecteurs.

  Mon billet de février étudiait la numérotation des phrases et paragraphes dans Révélations minuscules, avec des résultats prometteurs. Il n'est pas aussi simple de dénombrer les phrases dans Le lapsus circulaire, mais le dénombrement des paragraphes (279 en tout) livre un résultat immédiat.
  Les trois phrases symétricologiques de Ryvéla sont données dans le paragraphe 15, pages 15 et 16. C'est dans le paragraphe 16, entièrement page 16, qu'apparaît une phrase symétricologique du narrateur, ouvertement donnée comme telle dans le paragraphe suivant, où elle est reprise au centre d'une phrase analysée dans le billet déjà mentionné, offrant 6 fois la syllabe "il", en 3 couples symétriques. J'y soulignais que le début et la fin de la phrase reprise étaient les syllabes "san" et "tre" formant "centre".
  J'étudiais aussi les symétries au sein du paragraphe 17 entier, mais j'avais négligé d'approfondir le paragraphe 16, composé de 6 phrases totalisant 167 mots, le mot central tombant dans la phrase avec "centre" formé par ses extrémités, et c'est le mot "fin", 84e mot (Ricardou est mort à 84 ans).
  J'évoquais plus haut le paragraphe de la page 61 qui compte 111 mots avec en position centrale le vocable "terme". 16 et 61 encore...

  C'est probablement dans la même optique du renversement que la phrase de la page 69 débute par "Au milieu", nullement au milieu, et finit par "à gauche", indubitablement à droite.

  Tiens, je suis du signe du cancer, , né le 187e jour de l'année, prédestiné peut-être pour étudier Ricardou dont le QI a été évalué à 187.
  Je me sens d'ailleurs limité dans cette étude, par mes immenses lacunes littéraires notamment. Je crois en avoir assez fait pour démontrer que ces derniers textes de fiction de Ricardou sont vertigineux, et qu'il serait peut-être temps de passer la main aux universitaires, par exemple.
  Je me hasarde à avancer que c'est parce que ces derniers textes, ces "champs du signe", n'ont pas été compris, que Ricardou a cessé d'écrire de la fiction.

  Il y a tout de même un point où j'ai quelques compétences, Perec, et les nouvelles découvertes peuvent venir appuyer une hypothèse déjà émise, un hommage à La Vie mode d'emploi (LVME).
  Je rappelle que le dernier texte de La cathédrale de Sens est L'art du X, offrant en exergue
En ses calculs, que ce texte rende hommage au travail de Perec.
tandis que l'exergue du Lapsus circulaire, le premier texte, est
En ses calculs, que ce texte rende hommage au travail de mon père.
  Je le redis, L'art du X, auquel j'ai consacré plusieurs billets, dernièrement ici, est bien plus lisible que ces ultimes textes, et il est accessible en ligne.

  Je crois n'avoir pas mesuré toute la portée d'un détail de Révélations minuscules. Un lecteur arrivé à sa page 100, après la reprise de la phrase de la page 47, avec ses mots numérotés, y apprend que le mot central de cette phrase est "(99) centre (99)", page 99, et que le mot "centre" contient "cent".
  Ce lecteur aurait-il la curiosité de se reporter à la phrase originale, il constaterait que cette phrase a trois mots de plus, 200 en tout, et que les mots centraux en sont "(100) juste centre (100)".
  Un cent(re) (100) qui devient (99) évoque fortement LVME, conçu en 100 chapitres, mais qui s'achève sur un chapitre 99 parce que Perec a décidé de ne pas écrire le chapitre 66.

Note du 10/6: Le texte de Révélations minuscules couvre exactement 100 pages, de la page 9 à la page 108, mais la page 10 est blanche, au revers de la citation en exergue:
Vous tournez la page et le nom écrit d'un côté ne l'est plus de l'autre.
Chateaubriand, Vie de Rancé
Comme chez Perec, il est utile d'aller étudier la citation dans son contexte. Rancé est mort à 75 ans, en 1700, mais un moine s'est trompé de 100 ans.
100 pages donc, mais seulement 99 imprimées... Le texte est présenté en quatrième de couverture comme "un inédit capital d'une centaine de pages". Les mots en gras pourraient livrer les capitales IC, 99.  Il y a également un clinamen dans L'art du X, où un mot du sonnet n'est pas codé, de part et d'autre duquel se trouvent 36 et 82 mots, éventuelle allusion à la vie de Perec (1936-1982).
Il y a 80 pages dans
Le lapsus circulaire, toutes imprimées, soit en tout 180 pages, dont une blanche. Ceci évoque encore LVME, avec les 180 lignes prévues pour le Compendium du chapitre 51, la dernière étant restée blanche. La diagonale était une contrainte de L'art du X, avec peut-être le souvenir que Ricardou avait inauguré le procédé dans Les lieux-dits.
Il est suggéré page 96 (!) de
Révélations minuscules que la place de cette préface devrait être au milieu des nouvelles. Je comprends maintenant qu'il s'agit d'un autre jeu entre cent (pages) et cent(re).


  La conception de LVME a de quoi émerveiller les amateurs de complexité. On y visite tour à tour les 100 (ou 99) parties de l'immeuble du 11 rue Simon-Crubellier vu comme un damier de 10 fois 10 cases, selon la polygraphie du cavalier.
  Le chapitre 66 aurait été le coin inférieur gauche sur le diagramme ci-dessus, mais Perec a choisi de cacher ce trou par une continuité des numéros de chapitres, le 67 devenant 66, jusqu'au 100 devenant 99.
  Les rangées du damier sont numérotées de 1 à 10 (devenant 0) de haut en bas, de même les colonnes de gauche à droite (comme une grille de mots croisés). Les deux chiffres juxtaposés forment un nombre identifiant la case, nombre que Perec s'est imposé de faire apparaître dans le chapitre correspondant. C'est ainsi qu'il apparaît un domino double-six dans le chapitre 1, que Bartlebooth meurt au chapitre 99, laissant 61 puzzles irrésolus.
  Les exégètes se sont penchés sur diverses curiosités, l'achèvement sur 99 du fait de la suppression du chapitre 66, son renversement (tiens, "achever" et "renverser" symétriques page 61 chez Ricardou), le fait que ce chapitre 66 aurait eu l'indicatif 01, alors que le chapitre 1 à l'indicatif 66. (Note du 10/6, comme il y a une case 00, la case 01 est la seconde selon l'ordinalité, et la page blanche de Révélations minuscules est la seconde des 100 pages que couvre le texte; incidemment, le manque d'un mot dans la phrase de la page 66 pourrait être lié au chapitre 66 manquant)
  La case 66 correspond au palier de Bartlebooth, dont l'appartement couvre 5 pièces, les cases 61 à 65. Est-ce par hasard si la phrase de la page 66, supposée en 75 mots, invite à se reporter à la phrase de la page 61, en 75 mots?
  Bartlebooth est né en 1900, et c'est en ce chapitre 99 qu'est donné l'exact moment figé où se passe la visite de tous les lieux de l'immeuble, le vingt-trois juin mille neuf cent soixante-quinze à huit heures du soir: Bartlebooth a donc 75 ans.

  Perec a choisi ce moment exact parce que c'est celui où il a fait la rencontre décisive de celle qui resterait à ses côtés jusqu'à la fin, Catherine Binet.
  L'art du X est également inspiré par la rencontre de celle qui accompagnerait Ricardou jusqu'à la fin.

  L'accident de la circulation du Lapsus circulaire a un fondement biotextuel. Ricardou a été renversé par une motocyclette en 1986, ce qu'il exploite dans la nouvelle en l'assimilant à la chute d'Icare, et plus généralement au mythe crétois, avec plusieurs références à Dédale et Ariane.
  L'un des 10 tableaux fournissant des éléments à 10 chapitres de LVME est La chute d'Icare.

  Lorsque je me suis intéressé à la phrase de la page 47 de Révélations minuscules, où "cent" est le 100e mot à partir de la fin, j'ai pensé à Perec, car
PEREC = 47,
mais je me suis gardé de le mentionner, n'y soupçonnant aucune intention. Je n'en suis plus si sûr, sachant qu'il s'agit de la 160e phrase, et que
LA VIE MODE D'EMPLOI = 160.
  Que se passe-t-il à la page 47 du Lapsus circulaire? Le narrateur déduit étrangement de la formule Renverse-moi, je suis ta créature le numéro de téléphone de ladite créature. Les 4 premières lettres donnent 4, puis le renversement des 4 autres en E-R-U-T correspond aux rangs alphabétiques 5-17-20-19 (il est utilisé ici une correspondance particulière, probablement issue de l'équivalence de O à zéro avancée dans La prise de Constantinople).
  Après cette fine déduction, le narrateur découvre que la créature avait aussi écrit Renverse la série 16-20-17-45, chéri, et tu lambderas de l'i grec. Ce 19 devenant 16 m'avait fait envisager une erreur, je suis bien plus circonspect aujourd'hui.

  Quel rapport avec Perec? Le 23 juin à 8 heures est en chiffres le 23/6, 8:00, et taper ces chiffres 2-3-6-8 sur un cadran de téléphone équivaut à taper les lettres C-E-N-T, 100 qui aurait du être le numéro du chapitre où est donné 6 fois ce moment précis du 23 juin 1975, 8 heures.
  Que ç'eût été intentionnel ou non chez Perec, Ricardou était tout à fait capable de découvrir cette possibilité, et ceci pourrait rendre compte de la bizarre correspondance entre lettres et numéro de téléphone à la page 47.

  J'étais bien plus certain d'une bévue pour la position 38 donnée pour la symétrie "achever-retournement" de la phrase de la page 61. Ceci aurait pu mettre la puce à l'oreille d'un lecteur venant de voir ce 38 aussi attribué au rang central de "symétrie". Les réels rangs 33 pouvaient, pourquoi non, inciter à scruter plus avant la phrase de la page 66, et s'apercevoir que les expressions entre parenthèses totalisaient précisément 38 mots.
  Si c'est bien par erreur que cette phrase sans parenthèses compte 74 mots au lieu de 75, alors la phrase complète totaliserait 113 mots, et j'ai été conduit à voir dans les nombres 113 et 226 des signatures équivalant à la valeur 89 de RICARDOU, lequel appréciait le Modulor, où les mesures 226 et 113 cm correspondent à 89 pouces et demi-pouces.
  Cette phrase de la page 66 est aussi le paragraphe 178 du récit, deux fois 89.

  Dans la note du 6/6 ajoutée au précédent billet, je prévoyais que ma découverte 6-6 aurait des suites que j'envisageais d'aborder dans un billet titré 6-6 face à son dessin.
  Lorsque je me suis avisé que ce billet serait le 314e de Quaternité, évoquant pi, Le lapsus circulaire y étant au premier plan, il m'a semblé devoir l'exploiter, et j'ai trouvé ce titre de valeur 314
circulez, il y a tout à craindre ici
qui s'offre le luxe d'une symétrie ci-ci.
  Je prévoyais de publier le précédent billet le 6/6, non seulement parce que c'est une date géminée, mais aussi parce que c'est le 157e jour de l'année, et que ceci m'évoque la valeur des 18 premières lettres, 171, moins le N de valeur 14.
  Je ne pensais aucunement alors que si 314 évoque pi, 157 évoque pi/2.

Note le soir du 9/6: je n'avais même pas pensé que ce 9/6 est le 160e jour de l'année,alors que la suite 061-99-160 m'est essentielle (voir notamment le précédent billet).

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