14.3.19

WTC 9/11 : étoiles en collision


  Bégaiements et balbutiements constellent ce blog, au gré des petites découvertes qui raniment d'anciennes pistes, et parfois les réunissent, ajoutant encore davantage d'enchevêtrements au labyrinthe quaternitaire...
  Il me faut d'abord revenir sur une série de coïncidences autour des syllabes "rey/ray" et du mot "étoile", dont j'ai parlé pour la dernière fois en mars 2017, dans mes commentaires de la grille de Cyril Epstein dont un des maîtres mots est ANAGRAMME.
  La lecture du nom Marie Renn dans la 5e ligne du carré d'Epstein m'avait fait citer Doubles, doubles où il était aussi question de coïncidences "roi", d'abord dans les deux films Dédales et Identity ouvrant le billet, avec les personnages Malik ("roi" arabe) dans l'un et Malick dans l'autre, le personnage Ray dans l'un et l'acteur Ray (Liotta) dans l'autre.
  Les premiers points retenus par Epstein sont d'autres coïncidences "roi", comme l'expéditeur de la carte Rémy Roy, dont il ôte le M pour faire REY ROY, le café Rey sur la place de la Bastille, et autres.
  Les coïncidences "ray" des deux films m'avaient fait évoquer dans le billet de 2010 un réseau de coïncidences survenues lors d'un passage à Paris le 20 janvier 2005 (jour du début du second mandat de GW Bush II). Au cours d'une réunion avec des amis alors non nommés, mais qui étaient çoeur dp et Bruno Duval, nous discutâmes de coïncidences diverses autour des lettres REY ou RAY qui se matérialisèrent quelques instants après dehors avec le café "ALLERAY" dont les lettres de néon RAY étaient éteintes (je rappelle le café Rey à la Bastille). Bruno avait évoqué le récent film Ray, encore inédit en France.
   Je pris ensuite le métro à Vaugirard jusqu'au terminus Etoile, logeant du côté des Ternes. Je lus pendant le trajet une nouvelle de Pierre Véry, L'étoile jaune, histoire de la mort du cosmonaute Goldberg dit Goldie, dans un recueil que dp m'avait donné, Tout doit disparaître le 5 mai. Il y avait un "incident" à Etoile, avec les flics barrant l'accès à la sortie vers l'avenue Carnot que j'aurais normalement prise. Je pris l'avenue Mac-Mahon pour changer, ce qui me fit passer devant le restau L'étoile d'or, qui me frappa à cause de L'étoile jaune et d'autres occurrences récentes d'étoiles d'or. Je pensai notamment au roman de Daniel Zufferey L'étoile d'or (1998), où un bijou d'or en étoile est censé rappeler à quelques banquiers suisses leur monstrueux enrichissement grâce aux avoirs juifs non réclamés pour cause d'holocauste.
   En consultant ma boîte mail une fois rentré, j'appris le suicide de ZuffeREY par un message de la liste 813.
   Une colistière, Dominique Sylvain, venait de publier un polar intitulé Les passeurs de l'Etoile d'or, que j'achetai et lus le lendemain. Son personnage principal est un flic nommé Blaise REYER, un palindrome que je vis composé à partir de REY, "roi" espagnol, alors que Blaise est l'anagramme de Basile, "roi" grec (basileus).

  Voici pour ce que je rapportais en 2010, j'y ajoute maintenant:
- Le polar de Dominique Sylvain avait trait à la cour de l'Etoile-d'Or, voie privée située à 300 m de la place de la Bastille. Je ne retrouve pas le livre, mais me souviens que sur l'une des photos apparaissait la colonne, et son Génie de la Liberté.
- Quelques jours plus tôt c'était le séminaire Perec mensuel à Jussieu, le samedi 15 janvier 2005, sur La phrase perecquienne. Je me rappelle avoir ensuite déjeuné avec Gilles et quelques autres perecquiens au bistrot voisin L'Etoile d'Or (devenu depuis Le Passage)... C'était peu après que Gilles m'ait permis de participer au Formules n° 9 qui paraîtrait en mars, et c'était la première fois où j'avais l'occasion de le remercier en personne.
- Blaise Reyer, Basile Rey, je ne sais si j'ai jusqu'ici fait le lien avec le nom honoré par la stèle de ma nouvelle castelrennaise, Basile Rexadon, à décomposer en basile, roi grec, rex, roi latin, et adon, seigneur hébreu. Ceci m'est l'occasion de confronter les rois latin et espagnol, REX et REY, en songeant aux chromosomes X et Y. Il en irait de même du mot "loi", LEX ou LEY...

Note du 14/3 : l'indispensable dp me signale le compositeur Ernest REYER, né REY!!! Une de ses oeuvres majeures est l'opéra Sigurd, basé sur la légende des Nibelungen comme le Ring de Wagner. Peut-être le compositeur, toujours représenté de nos jours, sera-t-il prochainement au programme de l'Opéra Bastille...
  Ce large extrait est encore insuffisant, et je ne peux qu'inviter à se reporter aux deux premiers billets sur la grille de Cyril, en mars 17, et au rôle croissant de cette grille, souvent évoquée jusqu'au récent A travers de doubles grilles, probablement pas définitif.
  J'ajoute maintenant que la grille de Cyril est inspirée par l'histoire biblique de la reine Esther, dont le nom vient du persan setāreh, à l'origine des mots "astre" et "étoile". Je remarque aussi que la place de la Bastille est une des plus grandes places étoilées de Paris, qui pourrait revendiquer le second rang après L'Etoile(-Charles de Gaulle) pour la présence d'un monument de premier plan (ensuite viendrait sans doute le Lion de Denfert-Rochereau).

  Le roman Passage, étudié dans le précédent billet, m'a rappelé le nouveau nom du bistrot L'étoile d'or, dont j'avais cherché en mars 17 une image, infructueusement, mais voici donc Le Passage, avec en fond la fac de Jussieu.
  J'ai tout de même trouvé des traces de l'ancienne Etoile d'or, ayant cessé son activité en 2012, mais l'enseigne existait avant 1973, comme en témoigne cet article.

  Je n'avais pas souligné en 2017 le lien entre ce restau Le passage et Les passeurs de l'Etoile d'or, à moins que c'eût été le sens des points de suspension après Le passage dans le rappel ci-dessus, je ne m'en souviens pas.
  Ces passeurs sont les petits vendeurs de drogue de Patrick Boniface, un important dealer que le lieutenant Blaise Reyer cherche à coincer, et qui a une planque cour de l'Etoile d'or, à côté de la Bastille. Le récit est parsemé de nombreuses photos de Stéphanie Léonard, dont celle-ci, où le Génie apparaît au-dessus des immeubles (c'est la photographe qui a encerclé le Génie et ajouté la légende).
  Je remarque l'effet de lune, alors que la grille de Cyril a, parmi ses énigmes, la formule MOON WOMAN, ci-dessous en jaune.
G A R E O P E R A
I W A N M A N O N
R O M A N P R I A
A W A G N E R E G
R E N E M A I N R
E I N E R O I M A
R I A G E M I R M
O O N W O M A N
M
I O I M P R I M E
   Le premier O est en orange car il croise avec ROI en rouge, de la colonne GIRARE ROI. Je rappelle que la grille est composée à partir des lettres de GENIE et OPERA, plus MW. Le mot "génie" n'y apparaît pas explicitement, mais on peut le trouver de diverses façons, notamment à partir du G de MARIAGE (entre la REINE et le ROI), ce que j'ai figuré en rouge aussi.
  Ainsi, ROI, GENIE, et MOON apparaissent dans un étroit secteur de la grille de Cyril, tandis que REYER enquête sous la LUNE en espérant un coup de GENIE. Je rappelle qu'après la Révolution, les rois étaient remplacés dans certains jeux de cartes par des génies.
   Relu ce court roman, qui s'achève par une bagarre entre Reyer et Boniface, lequel succombe. Boniface laisse un enfant de 10 ans, Jonas, probablement baptisé ainsi à cause de Moby Dick, que Reyer a remarqué parmi ses livres en fouillant son domicile de l'Etoile d'or. Parmi ces livres qui ne semblent pas avoir été lus, Moby Dick se distingue car Boniface y a ménagé une planque au coeur des pages, contenant un billet de 50 euros. Ceci me rappelle la photo cachée dans un autre exemplaire de Moby Dick, dans le film Monsieur Klein, de Losey, et la carte postale de Rudolf Jonas retrouvée dans mon propre exemplaire, un Jonas qui m'avait remarqué en gare de Termini alors que j'avais 10 ans.

  J'ai poursuivi mes investigations en reprenant le dossier Manzor-Mangold, et sursauté devant ce que je n'avais aucune raison de remarquer en 2010: le premier film de Manzor était Le passage, en 1986, avec pour vedette Alain Delon, lequel incarnait monsieur Klein 10 ans plus tôt.
  L'affiche du film fait aisément comprendre qu'il est plus proche du Passage de Connie Willis que des Passeurs de Dominique Sylvain.
  Je ne me souviens pas l'avoir vu. Jean Diaz (Delon) est un ex-créateur de dessins animés, remarqué par la Mort qui provoque un accident où il meurt tandis que son fils David (joué par le fils de Manzor, alors âgé de 8 ans) est plongé dans le coma. Pour sauver David, Jean doit achever un film violent qu'il avait abandonné, mais il se rend compte que de son entreprise dépend la survie de l'humanité...
  Cet extrait est probablement la fin du film. , Delon en parle.

  Incidemment, le roman le plus connu de Dominique Sylvain est Passage du désir, adapté pour la télévision.

  Je me suis procuré une édition anglaise de Passage (même titre) de Connie Willis. Elle débute par une longue cohorte de 52 appréciations élogieuses, essentiellement issues de journaux, mais deux auteur.s.es y figurent aussi, Amanda Quick et Laurie R. King:
“I have long thought that Jerome K. Jerome’s three men in a boat is one of the highest points of inimitable British humor. I chuckle; I gurgle; I know those three men—to say nothing of the dog. And now I am convinced there was a woman concealed in that boat, too: Connie Willis.”

                              —Laurie R. King
  Laurie King a attiré mon attention pour plusieurs raisons, et je lui ai consacré le billet Jonas, story of a fallen king (c'est en français en dépit du titre). Tiens, Jonas encore, mais il s'agit ici de sauver le jeune Jason menacé par le vilain Jonas (lequel mourra dans le combat final).
  Je remarque ici le nom king, "roi".

  Il est souvent question dans Passage de la formule laissée par Harry Houdini à sa femme sur son lit de mort. Houdini avait espéré entrer en contact avec sa mère décédée, mais tous les médiums consultés n'avaient pu l'aider, aussi avait-il entrepris de dénoncer tous les charlatans de la médiumnité. Avant de mourir, le 31 octobre 1926, il avait cependant donné à sa femme Bess la formule "Rosabelle, believe", par laquelle il se ferait reconnaître d'elle au cours d'un éventuel contact médiumnique.
  Bess consulta divers médiums sans succès, jusqu'à ce qu'en 1929 un certain Arthur Ford prétendit avoir eu la révélation de la formule. Une séance fut organisée, au cours de laquelle il put effectivement énoncer "Rosabelle BELIEVE" selon le code utilisé jadis par le magicien dans ses jeux mentalistes...
  Hélas, la formule avait été révélée l'année précédente dans une biographie de Houdini, et Bess connaissait par ailleurs fort bien Ford.

  Si je connaissais cette histoire, je n'aurais pu citer la formule "Rosabelle, believe", et elle ne m'a pas été immédiatement évocatrice dans Passage, alors que sa forme française, "Rosabelle, crois", aurait dû l'être encore plus.
  Je rappelle ma grille 11x11 composée en 1998, 11 titres de chapitres faisant apparaître en diagonale ROSENCREUTZ, Rosecroix, en toute ignorance que Ricardou avait fait exactement la même chose en 1969 dans Les lieux-dits, où les 8 chapitres ont des titres en 8 lettres permettant de lire en diagonale BELCROIX. 
  Après l'immédiate sidération sont venues des approfondissements, avec notamment des tentatives de rapprocher "BEL" de "ROSE". J'ai pensé à la Guerre des Roses, puisque Ricardou voit son BEL issu du latin bellum, "guerre". La guerre, c'est la mort, Thanatos, et ROSE est l'anagramme d'Eros, la vie...  La vie ou la mort, that is the question, et il est fabuleux que le mot ROSABELLE puisse avoir été proposé dans l'espoir d'y répondre (c'était le titre d'une chanson qu'aimait Bess Houdini).
  S'il est intéressant de voir la syllabe BEL doublée dans BELieve, la traduction "Rosabelle, crois" m'est encore plus évocatrice: ROSE-BEL-CROIX...

  Mes yeux se sont dessillés au moment où je décelais des échos entre Passage et Le passage de Manzor, entre Les passeurs de l'Etoile d'or de Sylvain et la Bastille de Cyril Epstein, avec ses multiples rois, dont le café Rey sur la place.
  J'ai intitulé le précédent billet La luciole au bout d'un passage car Joanna dans sa dernière expérience prend d'abord les étoiles du ciel pour des lucioles, un mot clé du blog de Patrick Bléron, qui appelle ainsi les coïncidences isolées. Une de ses récentes lucioles concernait le 11 Septembre (2001), et j'avais rebondi dessus car l'un des personnages de Passage, paru en avril 2001, est obsédé par les catastrophes, et n'aurait pas manqué de se passionner pour cet événement.
  Or les récentes trouvailles dans les romans de Belletto m'ont amené à me procurer ses livres que je n'avais pas lus, et à redécouvrir Créature, paru en février 2000, que je pense avoir lu à l'époque, mais il était difficile alors d'en imaginer la portée, le roman étant centré sur une catastrophe majeure devant frapper la Terre le 11 septembre 2001...

  Voici un extrait d'une chronique de Thierry Gandillot publiée le 24 février 2000:
Mais qu'est-ce que la mort? Une transition? Un passage? Une ordalie? Le polar vire alors à la SF; et le meilleur du roman est à venir. Créature happe, secoue, concasse, broie, malaxe, déchiquette, digère, régurgite les vies, les passions, les espoirs des minuscules lecteurs que nous devenons par la magie d'un grand écrivain. Rendez-vous le 11 septembre 2001. Dans le cosmos ou rue des Martyrs.
  J'y note le "passage" au début, et il y a peut-être un étroit cousinage entre Créature et Passage, mais il faut donner quelques éléments du roman de Belletto pour le préciser, quelques éléments seulement car c'est comme Hors la loi un roman foisonnant, mêlant polar et fantastique.
  Les mots clés "étoile" et "roi" y sont aussi au premier plan, car la première partie est titrée Histoire d'Estella, Estella Klehr, soprano qui doit donner un important concert Bach à l'Opéra (Garnier) le 11 septembre 2001, et la seconde Histoire de Michel, Michel Rey, le flic déjà héros des deux précédents Belletto, issu de la série TV Le Lyonnais à laquelle il a participé à plusieurs niveaux, mais où le flic était un beur, Selim Rey.
  Les deux premiers romans étaient dérivés des scénarios écrits pour la série TV, mais celui-ci n'a rien à voir. Michel Rey a quitté la police et Lyon, s'est marié et est désormais luthier à Paris.
  Sa femme Anna disparaît, le lecteur sachant qu'elle a été tuée par l'étrange Jean Prêtre, habitant rue Perceval. Michel Rey obtient une licence de détective pour enquêter sur sa disparition, et est par ailleurs engagé par Estella pour enquêter sur la disparition de Thérèse Delluc, l'alto avec laquelle elle habitait, au 1bis rue de la Tour (au passage, Thérèse est presque une anagramme d'Esther, et ces deux stars auraient ainsi des noms appropriés).
  Michel et Estella se sentent attirés l'un vers l'autre, en ce 16 août 2001 qui est un jour particulier: l'astéroïde Fisher va frôler la Terre à midi pile. Estella lui indique que Thérèse fréquentait l'Auberge du Trou, rue Say, et là Michel découvre l'existence de Jean Prêtre. Il se rend rue Perceval, force la serrure de l'appart, et découvre la tête de sa femme dans le congélo de Prêtre... Des indices montrent par ailleurs qu'Estella est menacée. Il fonce vers son domicile...
  Mais Prêtre a déjà tué Estella, et fonce vers la rue Perceval... Les deux véhicules se percutent violemment, Prêtre est tué sur le coup, et Rey éjecté de son Alfasud est gravement blessé à la tête. Fin de la première partie.

  Michel passe six jours dans le coma, et reprend conscience le 22 août, quelque peu dyslexique. Ainsi il parle de l'astéroïde Schiffer.
  Michel rentre chez lui le 5 septembre. Le lendemain, il est contacté par une femme se présentant d'abord comme une amie d'Estella Klehr, et qui est son sosie parfait. Elle se déclare ensuite venir de la planète "Musica", à 24 milliards d'années-lumière de la Terre, où les êtres sont constitués d'ondes sonores. Elle a pris la forme d'Estella pour venir sur Terre, et sera désormais nommée ESTELLA.
  La Terre est menacée par un de ses semblables qui a aussi pris forme humaine, l'homme-planète PINKERTON. Je renonce à donner les détails de ce délire qui conduit Michel à accompagner ESTELLA dans sa capsule spatiale vers "Musica", où ils doivent parvenir le 8 septembre. A mi-chemin, ils croisent une planète inconnue d'ESTELLA, une planète jumelle de la Terre.
  Ils y font escale, en commençant par Paris, et découvrent que tout le monde est mort. PINKERTON a déjà fait son oeuvre sur cette Autre Terre où tout n'est pas absolument identique à ce qui se passe sur Terre, ainsi la planète jumelle attendait pour le 11 septembre le passage de l'astéroïde Schiffer. Michel songe à sa soeur Nadia à laquelle il est très attaché, et ils font un saut à New York où elle vit. Vivait, car elle est morte aussi.
  Michel et ESTELLA vont à "Musica", puis reviennent vers la Terre, en faisant à nouveau escale sur l'Autre Terre qui, surprise, a retrouvé vie. C'est que l'astéroïde Schiffer n'a pas fait que la frôler le 11 septembre, il l'a percutée, provoquant un cataclysme tel que la planète a fait un bond en arrière dans le temps, jusqu'au matin du 16 août, avant que PINKERTON eût accompli son oeuvre néfaste. Michel a alors l'opportunité de sauver doublement cette Autre Terre d'une part en faisant lancer des missiles vers Schiffer, d'autre part en démasquant l'affreux PINKERTON.
  Son séjour dans l'Autre Terre est pour lui l'occasion de rencontrer son double Michel, et de comparer leurs techniques de lutherie. Il devient aussi l'amant de Nadia à New York, sans contrevenir à la prohibition de l'inceste.
  Bref, PINKERTON est neutralisé, Schiffer sera désintégré avant d'atteindre l'Autre Terre, et il faut revenir sur Terre pour vérifier que ces bienfaits seront répercutés sur la planète jumelle. Ils arrivent sur Terre peu avant midi le 11 septembre et découvrent la planète figée... Arrive midi, et miracle, la vie reprend. Estella n'est plus morte, elle va donner son concert le soir même à l'Opéra. Michel lui laisse son téléphone pour qu'elle l'appelle après le concert, confiant qu'elle le rejoindra...
  Un épilogue sibyllin peut donner à entendre que Michel est mort, et que toute cette fantastique seconde partie représente la dernière activité de son cerveau, de même que la dernière partie de Passage montre les ultimes soubresauts du cerveau de Joanna mourante.

  Ce n'est qu'une possibilité, et le voyage interstellaire de Clara Nomen dans Hors la loi semble ne laisser aucune échappatoire raisonnable.
  Il y a d'autres éléments irrationnels dans Créature, ainsi Michel a recours au pendule pour déterminer le code d'entrée de l'immeuble de Jean Prêtre...

  Je reviendrai plus en détail sur Créature dans un prochain billet, et pour l'heure j'en reste à cette parution début 2000 d'un roman où deux planètes jumelles sont menacées d'être détruites par des astéroïdes le 11 septembre 2001.
  A midi. La première des tours jumelles a été frappée à 8:46 heure de New York, soit à 12:46 UTC. Les deux Boeing 767 ayant frappé les tours étaient prévus pour décoller de Logan à 11:45 et 12:00 UTC (ils ont eu en fait chacun 14 minutes de retard).
  Il est aussi fabuleux que New York soit l'un des lieux où se déroule Créature, et que ce soit là où se joue le sort des Terres jumelles. Lors des passages de Michel dans la New York de l'Autre Terre, plusieurs gratte-ciels sont mentionnés, l'Empire State et le Chrysler Building (mais je n'ai pas vu le WTC).
  Je rappelle que les deux cantatrices, Estella et Thérèse, habitent 1bis rue de la Tour.
  Le soir du 11 septembre, sur Terre, ESTELLA informe Michel que, quelques heures plus tôt, Michel de l'Autre Terre a pris un avion pour rejoindre Nadia à New York, mais son avion a heurté un autre avion au-dessus de l'océan. Nul survivant.

  Il faut tout de même préciser que Belletto a quelque raison de privilégier le 11 septembre, car il est né le 11 septembre 1945. Mais je n'ai pas repéré dans ses autres romans d'obsession marquée pour cette date, hormis la naissance de Rainer von Gottardt le 11 septembre 1917 dans L'enfer, et tous les écrivains nés un 11 septembre ne sont pas tenus d'imaginer de catastrophe impliquant une gémellité le 11 septembre 2001.
  A noter que 12 mois après la parution grand format d'un livre vient sa possibilité de parution en poche. C'est le 31 octobre 2001 qu'est parue la première édition poche de Créature, le J'ai Lu n° 5964. Ceci devait certainement être programmé antérieurement au 11 septembre.

  Au-delà du phénomène proprement bellettien il y a les circonstances de ma relecture de Créature, juste après Passage originellement paru en avril 2001, où la petite Maisie amatrice de catastrophes se serait certainement passionnée pour cet attentat le plus spectaculaire et le plus meurtrier de tous les temps.
  J'ai rapproché plus haut  la formule "Rosabelle, crois" de Houdini, telle qu'elle apparaît dans la version française de Passage, du mot clé BELCROIX des Lieux-dits de Ricardou, roman de 1969 qui peut offrir aussi des échos avec l'attentat contre les tours jumelles.
  On y voit le personnage Atta, même nom que le terroriste aux commandes du premier Boeing (Mohammed Atta), énoncer qu'il faut allumer correctement deux cigarettes afin qu'elles se consument entièrement.  J'ai découvert ce roman à partir d'une nouvelle de 1983 où apparaît aussi le nom Atta, et des gens volant dans le ciel de New York.

  J'ai eu à diverses reprises l'occasion de commenter le nom de naissance de Houdini, Ehrich Weiss, essentiellement pour la thématique blanc/noir, mais weiss ne signifie pas seulement "blanc", c'est aussi une forme conjuguée du verbe wissen, "savoir", et le nom complet laisse entendre ich weiss, "je sais".
  C'est évocateur pour un jungien, car dans une de ses dernières interviews, Jung répondit à la question "Croyez-vous en Dieu?" par "Je ne crois pas, je sais", dans l'allemand originel Ich glaube nicht, ich weiss.
  Plutôt que prendre à la lettre cette formule lapidaire, il vaut probablement mieux lire attentivement quelques oeuvres maîtresses de Jung pour entrevoir ce qu' "il savait".
  Je rappelle qu'Ehrich Weiss est l'un des pseudonymes de Beyssandre dans La Vie mode d'emploi, deux autres pseudos étant Frederic Dannay et MB Lee (les vrais noms des cousins Queen). Belletto fait aussi partie de la liste des auteurs auxquels sont empruntées des citations, parfois très légèrement modifiées (et précisément parce que dans Livre d'histoire, Belletto avait emprunté des citations, parfois légèrement modifiées).

  Parce que dans Ville de la peur, le Belletto précédent, Michel Rey proclamait son amour de la Fugue de la suite BWV 997, j'ai envisagé dans le précédent billet un partage doré des 60 chapitres (18-23-19) de Passage en 37-23.
  Dans Créature, Michel joue la Gigue achevant la suite pour essayer une guitare. Le roman compte
1 prologue;
23 chapitres de Histoire d'Estella;
12 chapitres de Histoire de Michel;
1 épilogue;
soit 37 éléments en tout, dont il pourrait être tentant de proposer un partage doré 23-14.

  Pour finir, un autre jeu de nombres avec
LE PASSAGE = 17 + 68.
  Dans sa biographie de Jung, Colin Wilson indique que Jung était âgé de 68 ans lors des événements de 1944, et qu'il a vécu 17 ans après l'échange du 4/4/44. Comme il m'est immédiat que 68 est le quadruple de 17, j'ai envisagé que cette info eût été stockée dans un recoin pour resurgir des années plus tard et me souffler que le schéma quaternitaire pût être respecté au jour près, autour du 4/4/44, et c'était le cas, 25088 jours après la naissance de Jung, 6272 jours avant sa mort.
  Il se trouve que j'achève ce billet quelques heures après avoir vécu 25088 jours, depuis le 06/07/1950, 16:45. Vivrai-je encore 6272 jours, ce qui mènerait au 15 mai 2036?

  Dans Créature, Michel apprenant le sort de Michel se demande s'il n'est pas mort à sa place.
  Dans Hors la loi, il y a un échange le 8/8/88, où meurt Albin Nomen et naît Louis Archer, à la même heure.

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