16.3.12

Nathaniel

A Laurent

René Daumal, alias Nathaniel pour ses phrères, né le 16 mars 1908, aurait aujourd'hui 104 ans, s'il n'était mort le 21 mai 1944, laissant inachevé un roman essentiel, Le Mont Analogue.
Cette photo a été prise une semaine avant sa mort, le 14 mai, par son ami Luc Dietrich qui mourrait lui-même trois mois plus tard des suites des bombardements de Saint-Lô.

J'apprécie énormément Le Mont Analogue, roman initiatique plein d'humour, que je n'ai pas rouvert depuis ma découverte du schéma 4-1 dans la vie de Jung autour du 4/4/44, et je suis abasourdi par les possibles parallèles, factuels comme temporels.
Le Mont Analogue devait comporter 7 chapitres, mais Daumal n'a pu en achever que les 4 premiers chapitres. Le 5e chapitre était en bonne voie en avril 44, mais il a dû déposer la plume au milieu d'une phrase, et n'a pu la reprendre.
En avril 44 Jung commençait à récupérer après 2 mois entre la vie et la mort où il s'était notamment vu dans son délire quitter la terre, et rencontrer dans l'espace un immense roc dans lequel était bâti un temple. Carl savait que derrière le seuil de ce temple il trouverait la réponse à toutes ses questions, mais il ne put le franchir, rappelé au monde ici-bas par son docteur Theodor (Haemmerli).
Il est fascinant que le narrateur du Mont Analogue se nomme Théodore, et que ce soit le récit d'un voyage initiatique vers une vaste île inconnue sur laquelle se dresse une immense masse rocheuse, plus haute que l'Himalaya, nécessaire pour équilibrer le globe.
Théodore est l'un des 8 membres de l'expédition, qui parvient à l'île dans le 4e chapitre. Un autre membre se nomme Karl...
Les 3 derniers chapitres devaient être consacrés à l'escalade du Mont Analogue, mais la mort l'a limitée aux premiers contreforts. Rien dans le texte achevé ni dans les notes (fort concises) sur la suite ne permet d'imaginer un rapport privilégié entre Théodore et Karl, que voici côte à côte, dessinés par Daumal. Théodore est un écrivain épris de symbolisme et d'alpinisme, comme Daumal, Karl "s'intéresse surtout aux métaphysiques orientales".

Le roman a donc été limité à 4 chapitres complets, or le nombre 4 y joue un rôle majeur. Il est ainsi énoncé explicitement au chapitre 3 que l'homme ne peut embrasser en même temps plus de 4 concepts, et il en est proposé des démonstrations empiriques.
Plus discrètement, 12 personnes sont initialement prévues pour le voyage vers l'île invisible, mais 4 d'entre elles se récusent avant le départ. Parmi les 8 explorateurs, 4 sont entièrement nommés, Pierre Sogol, Judith Pancake, Arthur Beaver et Ivan Lapse, les 4 autres n'étant connus que par leurs prénoms, Théodore et sa femme Renée, les frères Karl et Hans. On remarquera la présence d'une femme dans chaque quaternité, ce qui est fort jungien.
Il y avait aussi une femme parmi les 4 lâcheurs, lesquels auraient ensuite lancé leur propre expédition, selon les notes de Daumal, avec un résultat catastrophique.

Ce n'est pas par hasard si le narrateur se nomme Théodore, du grec theou doron "don de Dieu", car c'est l'exact équivalent de Nathaniel, le nom de Daumal parmi les phrères simplistes, groupe de 4 amis constitué au lycée de Reims; trois d'entre eux créent ensuite Le Grand Jeu.
Nathaniel = Daumal, donc, ce qui est le point de départ d'une fantastique chaîne de coïncidences, ou leur aboutissement, je ne sais. Toujours est-il que, gématriquement,
DAUMAL = 52
NATHANIEL = 84
soit les valeurs de JUNG/HAEMMERLI réunies en une seule personne, celle précisément qui a dû abandonner en avril 44 le 5e chapitre d'un roman mettant en scène un Karl et un Théodore.
Ainsi sémantiquement Theodor = Nathaniel,
et gématriquement NATHANIEL = HAEMMERLI,
ou encore
NATHAN-IEL = HAMMER-IEL, qui pourrait être un "ange du marteau".
Comme j'ai commencé à l' expliquer ici, Haemmerli m'avait entraîné vers l'atbash à cause des coups du marteau de YHWH répétés dans le chapitre 51 de Jérémie où l'atbash est employé à deux reprises, marteau qui est en hébreu MPÇ dont l'atbash est YWH, les trois lettres formant le Tétragramme YHWH, réduit à ces seules lettres dans les noms théophores comme AL-YHW, Elie, "Dieu est YHWH".
Comme je l'ai encore répété à maintes reprises, il me semble important que les valeurs 52-84 de JUNG-HAEMMERLI, les deux protagonistes de ce qui est probablement le premier témoignage publié de NDE, soient identiques aux gématries hébraïques de Elie-Enoch, les deux seuls personnages de l'Ancien Testament montés aux cieux sans avoir connu la mort. Elie, ALYHW, est un personnage essentiel du judaïsme, et Enoch a connu une grande fortune dans les courants ésotériques; il serait notamment l'ange le plus proche de YHWH, sous de multiples noms, comme Metatron, Michael, et Yahoel, YHWAL, autre arrangement des lettres composant Elie, ALYHW.
Cette possibilité d'identité des deux personnages me semble significative, et la découverte de l'agonie de Daumal-Nathaniel à proximité du noeud entre les vies de Jung-Haemmerli est un nouvel écho.
J'ai rencontré divers Nathaniel, notamment dans La cité des anges, de Brad Silberling, dont les 4 personnages principaux forment deux à deux des couples dorés conjugués :
SETH-NATHANIEL = 52-84
MAGGIE-CASSIEL = 42-68 (68 est la moyenne entre 52 et 84, et 42 est par ailleurs la valeur de RENE)
Voici la rencontre entre Seth, ange enviant les humains, et Nathaniel, ancien ange qui a réussi à s'incarner :
Une digression est maintenant nécessaire pour indiquer que c'est grâce à Laurent Cluzel que j'ai ressorti, et relu, Le Mont Analogue. Laurent, graphiste talentueux, a récemment découvert ce blog, ce qui l'a conduit à me contacter. Nous nous sommes aperçus que nous partagions de multiples intérêts, comme Daumal, et que divers fils reliaient nos vies.
Ainsi Laurent a été élève de mon cousin Romain Souverbie aux Beaux-Arts de Dijon.
Ainsi Laurent a collaboré au film d'animation franco-japonais Yona, la légende de l'oiseau sans ailes, que j'avais emprunté l'an dernier à la médiathèque, parce que je suis extrêmement sensible au mot yona, "colombe" ou "pigeon" en hébreu, où "ours" se dit dov, se prononçant comme dove, la colombe anglaise.
Ceci me semble extrêmement riche, et a fait l'objet de divers développements, par exemple ici avec un hasard qui m'a fait découvrir le 4/4 pataphysique le croisement des rues de la Colombe et des Ursins dans le 4e. Le cas présent m'amène à remarquer que le film Yona est l'histoire d'une petite fille prise pour un pingouin, or les animaux emblématiques de la banquise sont l'ours et le pingouin.
En rapport avec Daumal je suis frappé que, comme la colombe de Noé partie chercher une terre émergée, comme Colomb qui a découvert un nouveau continent, Théodore et ses compagnons soient de nouveaux colombs (et colons) d'une terre inconnue, et l'un des aventuriers se prénomme Arthur, du grec arktos, "ours".
Il s'agit d'Arthur Beaver, dont les valeurs 86-53 correspondent encore à un couple doré idéal, dans une suite notable puisque 86 correspond à CARL JUNG.
Arthur Beaver est "médecin, yachtman et alpiniste, donc anglais". C'est avec Karl et Hans un des trois compagnons de Pierre Sogol, le découvreur du Mont Analogue. Les autres membres de l'expédition sont des proches de Théodore. C'est le yacht de Beaver L'impossible qui emmène l'expédition partie un 10 octobre.
Sogol est évidemment le renversement du logos, le "Verbe", la "Logique", et ce jeu peut faire écho aux jeux hébraïques, l'atbash qui utilise un alphabet renversé, les noms inversés Eliahu-Iahuel.
Je rappelle que dans son expérience relatée dans le Livre Rouge, Jung s'est imaginé deux instructeurs, Elie et Salomé, qu'il assimile au Logos et à l'Eros. Je ne sais si Daumal savait que beaver, "castor", désigne aussi en argot la vulve.
Si logos, "le Verbe", apparaît en sogol, beaver contient les lettres de "verbe" (ou de verba, pluriel latin), comme de bear, "ours".
PIERRE SOGOL = 71+68 = 139, même valeur que Arthur Beaver, permettant une série d'or 53-86-139, mais la valeur 68 de SOGOL ou LOGOS est remarquable pour sa section d'or 42, valeur de KARL comme de HANS (ou de RENE), ainsi les "sogoliens" forment une famille entièrement dorée, avec les séries 53-86-139 et 42-68.
Pierre Sogol est inspiré par l'ami de Daumal Alexandre Salzmann, mort en 1934. Les autres membres de l'expédition correspondent aussi à des amis de Daumal, mais je n'ai pu en découvrir plus. Je note ALEXANDRE = 84, se partageant en ALEX = ANDRE = 42 (= RENE), permettant donc un croisement via le Logos en deux noms parfaitement dorés :
RENE SOGOL = 42-68
ALEXANDRE DAUMAL = 84-52
Ceci correspond exactement à la tétrade de La cité des anges, remake élaboré des Ailes du désir, et Dennis Franz (Nathaniel) a chez Silberling un rôle équivalent a celui chez Wenders de Peter Falk, lequel joue son propre personnage, avec des références explicites à son rôle phare de Columbo... On sait que la colombe symbolise l'Esprit Saint, et je m'étais demandé si le goût des anges du film de Wenders pour Siegessäule, la colonne de la Victoire ailée n'avait pas un rapport avec la quasi-homonymie COLUMBA-COLUMNA en latin.

Tout ceci est assez complexe, j'en suis le premier conscient, et je ne suis pas sûr d'avoir choisi la meilleure façon d'énumérer tous ces éléments, qui sont bien plus nombreux que 4, et Sogol a démontré qu'on ne pouvait embrasser plus de 4 concepts en même temps...
S'il n'est pas question de rappeler tous les échos avec des recherches antérieures, auxquelles on peut se reporter, je voudrais développer quelques nouveaux éclairages apportés par cette étude de Daumal.
Un Nathaniel joue un rôle proprement "central" dans L'adversaire d'Ellery Queen (1963), avec la stèle en souvenir de Nathaniel York au centre de York Square, entre les 4 "châteaux" parfaitement symétriques des 4 cousins York, qu'un mystérieux Y assassine l'un après l'autre, en leur adressant d'abord de mystérieux cartons portant des lettres. Les cartons J-H-W des 3 premières victimes semblent désigner l'homme à tout faire John Henry Walt, simple d'esprit qui n'a rien du tueur recherché. Il s'agit en fait d'un cas de personnalité multiple, où Walt est aussi Nathaniel et JHWH (ou YHWH), le dieu vengeur de l'Ancien Testament.
Je ne crois pas avoir jusqu'ici établi le rapprochement entre JHWH ici assassin et la victime du roman suivant de Queen, Et le huitième jour... qui se passe pendant la semaine sainte de 1944. Le magasinier Storicaï y est assassiné à coups de marteau le 5/4/44, Storicaï qui représente à l'évidence Judas Iscariot, mais il faut savoir que Judas est une forme grécisée de l'hébreu Yehuda, qui s'écrit YHWDH, pouvant se décomposer en YWH, les 3 lettres dont l'atbash est MPÇ, "marteau", et DH dont l'atbash est QÇ, "fin".
Ainsi le "marteau" cause la "fin" de ce tacite YHWDH, et L'adversaire débute par un jeu énigmatique dont j'ai vu une possible explication par l'atbash.
Marteau-trauma-marto-torma... Daumal était l'ami, ou au moins un correspondant, de Julien Torma, énigmatique personnage de la galaxie pataphysique.
Je rappelle que le pseudo ELLERY QUEEN a pour valeur 139, comme Pierre Sogol ou Arthur Beaver, en rapport d'or avec le 86 de CARL JUNG.

Lors de mes commentaires sur Seth-Nathaniel dans La cité des anges, je m'étais interrogé sur l'opportunité de parler du Seth égyptien, et je l'avais laissé de côté, privilégiant le Seth biblique fils d'Adam, or le Mont Analogue a un rapport avec l'Egypte, le calcul de sa position faisant intervenir selon Sogol le méridien correspondant à la pyramide de Chéops :Le paragraphe 30 du Isis et Osiris de Plutarque est plutôt énigmatique, énonçant que Typhon serait né exactement à la moitié du nombre pair dont chaque partie égale représente 56. Typhon est un autre nom de Seth, le frère d'Osiris (d'une quaternité où les deux frères ont épousé leurs soeurs Nephtys et Isis). Le nombre de moitié 56 est 112, et le produit 56 x 112 est 6272, le nombre de jours vécus par Jung après le 4/4/44 et la valeur des 112 mots de mon sonnet fétiche.
C'est tout à fait passionnant, mais je connais trop mal la mythologie égyptienne pour approfondir.

J'ouvrais avec la dernière photo de Daumal, sur son lit de mort à 36 ans, le voici 20 ans plus tôt, alors qu'il expérimentait avec des amis et un professeur la vision paroptique ou extra-rétinienne, sujet qui a passionné Jules Romains.
Ce phénomène psi aussi nommé clairvoyance a évidemment été considéré comme du charlatanisme par la science officielle, malgré de multiples expériences fort troublantes. L'affaire a connu une autre approche avec certains témoignages des expérienceurs de NDE, qui ont pu décrire avec exactitude des détails hors de portée de leurs yeux, et parfois inconnus de tous les assistants.
Je repense à Jung qui a pu lors de sa NDE de 44 contempler la Terre de façon crédible à 1500 km de distance, et je remarque que, selon Wikipédia, Daumal
a l’intuition qu’il pourra rencontrer un autre monde en se plongeant volontairement dans un coma proche de ce que nous appelons aujourd’hui les expériences de mort imminente.
Daumal a utilisé pour ses expériences mystiques le tétrachlorométhane, solvant extrêmement toxique qui a probablement contribué à détériorer sa santé.
Je suis frappé que le tétrachlorométhane, CCl4, soit une des plus simples molécules "quaternitaires". Elle forme un tétraèdre avec le carbone tétravalent au centre des 4 atomes de chlore. Je songe que si ce dérivé du méthane CH4 a pu contribuer à une vision paroptique, le méthanol CH3OH qui a connu une certaine vogue pendant la Prohibition rend aveugle à la longue.
Ironiquement, Daumal a pu "chlore" 4 chapitres du Mont Analogue, mais s'est trouvé "carbonisé" lors de l'écriture du 5e.

Il aurait pu y avoir Le Mont Analogue - Le Film, avec Charlton Heston pressenti pour jouer Sogol ! Un producteur anglais en a acheté les droits dans les années 60, et a proposé la réalisation à Truffaut, qui a décliné l'offre et suggéré Luc Moullet, plus amateur d'alpinisme. Moullet a écrit un scénario, mais le film n'a jamais été fait.
Moullet a tourné plusieurs films dans le 04, dont Les disparus de la D17 qui se passe dans la montagne que je vois de mes fenêtres.

On trouve en ligne le texte du Mont Analogue, sans les illustrations de Daumal.Ci-dessus la seule note de Daumal concernant son septième et dernier chapitre :
"Et vous alors ?" Que cherchez-vous ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

En te lisant et en "voyant" le mot CASTOR ... je pense soudain au personnage principal de La Montagne Magique de Thomas Mann : HANS CASTORP !

... et si on rapproche "mont analogue" et "montagne magique" ... on peut se demander si Daumal n'a pas voulu ...
dp

blogruz a dit…

Mais c'est bien sûr, et Daumal aurait pu avec ce Beaver anglais ("vulve") faire d'un Arthur deux coups, avec une allusion à la copine du Castorp, la Clawdia au chaud chat.
Sorry to be crude, mais on sait que la tuberculose ne mettait pas seulement le feu aux poumons, surtout chez les dames, et Daumal qui a passé pas mal de temps dans les sanas était bien placé pour le savoir.