20.1.12

Ce jeudi de commençant avril

Les rebonds sur les anges de mon dernier billet sont si touffus que je laisse la question un temps de côté, pour revenir à un autre thème qui m'est cher, les dates de Pâques dans la littérature, intentionnelles ou non.
Ou les dates liées aux jours essentiels de la semaine pascale, comme le Jeudi et le Vendredi.
Lors de mes premières analyses lupiniennes, j'avais vu plusieurs bizarreries tournant autour du Jeudi saint, jour de la Cène (l'Arsène ?) et de l'arrestation du Christ, dont trois liées à des erreurs voulues ou non :
- dans L'Aiguille creuse (1909), le cambriolage d'Ambrumésy a clairement lieu le soir du jeudi 23 avril 1908, mais il est une fois (chapitre 4) donné au 16 avril, Jeudi saint; cette nuit Lupin se trouve prisonnier d'une crypte où il sera supposé mourir.
- dans la nouvelle Le signe de l'ombre (1911), une date figure sur un tableau, 15-4-2, un temps envisagée pour être le 15 avril 1802, Jeudi saint; ce tableau a été peint, peu avant son exécution, par un personnage arrêté pendant la Révolution, mais s'il avait bien été arrêté un 15 avril le 2 y signifiait pour lui l'heure.
- Dans Les dents du tigre (1920), Lupin déclare:
Si je n’arrive pas, en quelques heures, à livrer à la justice l’assassin ou les assassins d’Hippolyte Fauville et de son fils, ce soir, jeudi, premier jour du mois d’avril, c’est moi, don Luis Perenna, qui coucherai sur la paille humide.
En 1920, le 1er avril était Jeudi saint, et la personne que Lupin livre à la justice mourra en prison.
Il y a cependant un problème, car l'action se passe sans équivoque juste après la guerre, soit en 1919, où le 1er avril n'était ni jeudi ni saint.
Une blague poissonnière ? peut-être pas, car diverses sources m'indiquaient que ce roman avait une autre version, publiée aux USA en 1914, ce qui me semblait à tel point bizarre qu'il ne m'était jamais venu à l'idée de regarder la traduction anglaise du livre, jusqu'à ce qu'un ami me le suggère, il y a quelques semaines.
Eh bien oui, The Teeth of the Tiger est bien paru à New York en 1914, puis à Londres en 1915, mais la France a dû attendre 1920 pour connaître cette aventure d'Arsène, pour des raisons bien compréhensibles : le début de la guerre a bloqué toutes les parutions, et ensuite l'heure n'était plus aux lupineries, quand le sol français était envahi par les hordes barbares.
Ce problème ne concernait pas les USA, et rien n'y a empêché la parution d'une traduction qui n'a jamais été modifiée ensuite, lorsque le roman est paru en France, adapté à l'après-guerre. On trouve ce texte en ligne, sous divers formats, montrant que les modifications ultérieures de Leblanc ont été minimales.

Elles touchent bien sûr essentiellement les dates. Dans l'historique de la famille Roussel, toutes les dates ont été ensuite augmentées de 5 ans, ce qui ne permet pas de dater exactement l'action, qui dans la version de 1920 est datée par référence à la guerre terminée quelques mois plus tôt, soit 1919.
Dans le texte anglais, la seule réelle précision date l'action de 3 ans après l'aventure de "813", qui elle-même n'était pas directement datée dans sa première édition de 1910. Dans l'édition de 1917, légèrement remaniée, l'action est donnée "deux ans avant la guerre", soit 1912, en total accord avec diverses données du roman. Ainsi The Teeth of the Tiger se passerait en 1915, et ceci est en accord avec le jeudi 1er avril également présent :
(...) it is I, Don Luis Perenna, who will be lodged in durance vile on the evening of this Thursday, the first of April.
Non seulement le 1er avril était un jeudi en 1915, mais c'était encore le Jeudi saint, ainsi mon idée la plus faiblarde sur les Jeudis saints lupiniens se trouvait finalement la plus pertinente, car liée à "813"maints indices convergent pour indiquer que ce n'est pas par hasard que Leblanc a situé une scène essentielle de son roman le 17 avril (1912 donc) à midi à l'est de Paris, à l'instant exact d'une rare éclipse dont la ligne de centralité passait à quelques kms à l'est de Paris (l'éclipse comparable suivante sera celle du 11 août 1999).
Il faut encore souligner que dans ces deux romans l'action est anticipée, bien que non explicitement datée. Les raisons de l'anticipation peuvent aisément se justifier par les intrigues, où Lupin avait besoin de temps après L'Aiguille creuse de 1908 pour créer sa nouvelle identité, et de plus de temps encore après "813" pour conquérir et pacifier la Mauritanie...
Le choix de l'imprécision (relative puisque ces trois romans sont liés par une chronologie explicite) permet bien des hypothèses, parmi lesquelles le désir de ne pas faire directement apparaître des dates significatives. Si on cherche un mercredi 17 avril postérieur à 1908, le premier venu est celui de 1912 où la lune éclipsa le soleil, et si on cherche un jeudi 1er avril postérieur à 1912, le premier venu est le Jeudi saint de 1915. Ce qui pourrait amener à se poser des questions sur cette famille Fauville (étymologiquement de fauves, ou à l'oreille faux-vil), où la tigresse Marie maîtresse de Sauverand (le Sauveur) aurait tué son mari et son fils Edmond (démon), une Sainte Famille inversée ?

N'ayant pu publier Les dents du tigre en 1914, Leblanc a participé à la propagande en écrivant un roman de guerre sans Lupin, L'éclat d'obus (1915, mais Lupin y apparaît à la demande de l'éditeur dans la réédition de 1923). Puis ce fut Le triangle d'or, publié en feuilleton du 21 mai au 26 juillet 1917 (42e anniversaire de Jung), où le premier héros est un brave capitaine, ensuite secondé par Arsène Lupin.
J'ai déjà commenté ce roman dont l'action est très précisément datée du 3 au 16 avril 1915, mais sans avoir alors soupçonné que l'action originelle des Dents du tigre débutait aussi en avril 1915. Si Lupin n'est présent dans Le triangle d'or que du 14 au 16, il apparaît une incompatibilité majeure avec son emploi du temps dans Les dents du tigre, où il passe notamment la nuit du 15 au 16 boulevard Suchet, il est vrai non loin de la rue Raynouard du Triangle d'or.

Je crois avoir montré que les dates de Pâques jouaient un rôle dans ce roman, où l'infâme Essarès tend un piège mortel à la femme qui le dédaigne et à son amant, le 14 avril 1895, dimanche de Pâques. L'amant présumé mort a en fait survécu, et a oeuvré dans l'ombre pour se venger d'Essarès et pour ressusciter son amour en rapprochant son fils le capitaine Belval de la fille de sa maîtresse, avec peu de succès puisque 20 ans après on la trouve mariée à Essarès devenu richissime.
Le roman débute dans la nuit du 3 au 4 avril 1915, nuit de la Résurrection, quand une mystérieuse pluie d'étincelles guide Belval vers la propriété de la rue Raynouard où résident Essarès et sa femme, comme l'étoile a guidé les rois mages vers le lieu de la Nativité, mais c'est de la vraie mort de son père que Belval est témoin, en ce dimanche de Pâques. Sans le savoir, car Essarès a échangé leurs identités cet autre 4/4, et c'est semble-t-il le père Belval devenu fou qui fait tomber le couple le 14 avril 1915 dans le même piège tendu aux parents le 14 avril 1895...
Il peut être intéressant de comparer cet imbroglio au début des Dents du tigre où, dans la nuit du 31 mars au 1er avril, l'ingénieur Fauville tue son fils Edmond et se suicide, maquillant leurs morts pour en faire accuser sa femme Marie-Anne et l'amant d'icelle. Dans la 1e version, c'est donc le soir du Jeudi saint qu'est arrêtée Marie-Anne, et bien que Lupin soit ensuite certain de son innocence il ne pourra empêcher sa mort en prison.
Est-ce par inadvertance que Leblanc a conservé le "jeudi 1er avril" dans la 2e version, incompatible avec l'année 1919 de l'action, ou parce qu'il a remarqué que le 1er avril était en 1920, année de parution, un Jeudi saint ?

La parution originelle en 1914 des Dents du tigre a un autre écho, avec l'énigme des multiples points de rencontre entre les oeuvres de Leblanc et de Raymond Roussel, étudiés notamment par Richard Khaitzine dans divers ouvrages, comme La langue des oiseaux (1996). Si je ne suis guère convaincu par les interprétations de Khaitzine, qui imagine une entente alchimique entre divers écrivains de la Belle Epoque, je ne peux que constater la pertinence des points soulevés, surtout quand ils recoupent mes propres préoccupations.
Le livre précité m'a ainsi appris que Khaitzine avait vu et publié avant moi une curiosité des Dents du tigre, où on recherche les héritiers Roussel, et où l'un d'eux, Gaston Sauverand, habite boulevard Richard-Wallace; après la mort de sa mère en 1911, Raymond Roussel a hérité de la propriété du 25 boulevard Richard-Wallace dont il a fait sa résidence principale.
A remarquer que les Fauville sont les premiers de ces héritiers Roussel, noms de même sens étymologique, dérivés de "fauve" et "roux" (couleur volontiers diabolique).
La mort des Fauville le jeudi 1er avril, première date mentionnée dans le roman (qui débute la veille, donc le 31 mars), pourrait être particulièrement significative sachant qu'en janvier 1914 a été publié le second roman de Roussel, Locus Solus, qui débute ainsi:
Ce jeudi de commençant avril, mon savant ami le maître Martial Canterel m'avait convié, avec quelques autres de ses intimes, à visiter l'immense parc environnant sa belle villa de Montmorency.
Un épisode de ce texte bizarre, comme toutes les oeuvres de Roussel, l'histoire de François-Jules Cortier, semble calqué sur les trois crimes d'Arsène Lupin, détaillés dans "813", où précisément pourrait apparaître une utilisation du "procédé" homophonique rousselien, avec notamment les "lettres de l'empereur", titre d'un chapitre, et la constatation jalouse "Elle l'aime !", trahissant le mystérieux L.M., prélude aux trois crimes d'Arsène comme à ceux de François-Jules. La séquence des "crimes" est absolument identique : après le "Elle l'aime !", Lupin et Cortier étranglent celle qui leur en préférait un autre, puis cet autre se suicide, puis un condamné à mort innocent est exécuté, sauvé in extremis dans le récit de Roussel, alors que Lupin arrive quelques instants trop tard.

En bref, l'inscription des Dents du tigre dans la continuité directe de "813", et sa parution prévue en 1914 quelques mois après Locus Solus (publié en feuilleton en 1913), fait question, car peut-on faire plus "commençant avril" que le 1er avril ?
Et ce titre, alors qu'un épisode marquant de Locus Solus est la réalisation par une machine complexe d'une mosaïque en dents, montrant un reître prisonnier d'une crypte (l'ingénieur Fauville a de son côté imaginé un complexe mécanisme horloger pour accuser sa femme). Le "reître en dents" (pour "prétendant") a pour nom Aag, puni pour avoir tenté d'enlever la belle Christel selon une légende nordique.
Christel anagrammise "le Christ", et il est intrigant de trouver un autre Aag dans un autre écrit de Roussel, le 4e Document pour servir de canevas, où le chasseur Aag tue sa femme Hulda se prostituant le Vendredi saint... Le plus profond exégète de Roussel, Philippe Kerbellec, a probablement trouvé l'origine de ce curieux nom Aag, qui désignait en pharmacopée l'utilisation de deux ingrédients en égale quantité.
Ci-dessus Roussel photographié en 1927 à Jérusalem dans le Saint-Sépulchre.

Je m'arrête ici, tant les possibilités sont multiples, reître-Hippolyte (chevalier-dompteur de chevaux), Aag-Gaston, Christel-Sauverand...
Quel rapport avec Jung ? J'ai remarqué depuis longtemps les échos entre les échanges du 4 avril Belval-Essarès et Jung-Haemmerli, encore commentés en octobre dernier, mais je n'étais alors pas conscient de l'importance de la triade des lames de tarot consécutives étoile-lune-soleil, et des possibles résonances avec l'éclipse de "813", ou avec "l'étoile" menant le capitaine Belval vers Essarès le 4 avril 1915.
Par ailleurs le 1er avril (1949) est un exemple de synchronicité donné par Jung dans son essai consacré à la question, avec une accumulation de poissons divers.

A propos de 4 avril et de 44, une coïncidence récente me paraît relever de la synchronicité.
J'ai repéré récemment à Digne un conteneur de déchets destiné aux papiers, un peu démoli, permettant un accès immédiat aux papiers jetés. Depuis ce repérage, par hasard parce que je passe devant en faisant mes courses hebdomadaires, je jette un coup d'oeil à chaque passage, des documents jetés aux ordures m'ayant déjà été sources de prodigieuses coïncidences (comme le polycopié du professeur Weinreb).
Le 12 janvier, il y avait plusieurs livres au sommet du tas de papiers, donc jetés peu avant mon passage. Quelques livres de cuisine ne m'intéressant guère, et un roman J'ai Lu dont j'ignorais l'existence, Le second fils de l'homme, de Charles Sailor (1979, 1981 pour la traduction française).
Un ouvrier qui tombe du 24e étage et se relève sans une égratignure, puis se révèle capable de guérir les autres, sinon de les ressusciter... C'est le genre d'histoire qui m'attire, avec quelques réserves bien sûr puisque je n'ai rien de catho.
Bref j'ai lu ce J'ai Lu n° 1192, plutôt lisible en oubliant quelques partis pris, mais le second fils est hostile aux divers mouvements qui tentent de le récupérer, dont le Vatican, qui l'attendait depuis une prophétie faite par l'archange Uriel au pape Nicolas V en 1447 : Dieu enverrait à Ses enfants un homme qui mourrait en tombant d'une haute montagne en la 32e année de son âge, puis ressusciterait, et dont le coeur serait si pur qu'il ne pourrait cesser de battre avant le Vendredi saint de l'année suivante.
Cette date limite se trouve être le 4 avril 1980, année intéressante puisque divisible par 44. Cest la première année dans ce cas depuis 1936 (44 x 44), année de naissance de Perec.
J'espérais un climax ce 4/4/80, qui se produit en fait le 6 avril, dimanche de Pâques, où, après un beau discours, le Second Fils Joseph Turner demande à revoir le lieu de sa chute dans la 50e rue à Manhattan. Son corps disparaît mystérieusement de la limousine en passant devant l'immeuble...

Coïncidence : lorsque je suis repassé la semaine suivante à l'emplacement du conteneur, il avait disparu, de même d'ailleurs que les conteneurs à papiers de mon village. Le net m'a appris que la CC3V, la Communauté des 3 Vallées, ayant trouvé le bilan du tri des ordures insatisfaisant, était en train de mettre en place un nouveau réseau de collecte.

Autre coïncidence : après avoir récupéré Le second fils, je suis passé ce même 12 janvier à la médiathèque de Digne. Je n'y consulte certains périodiques que... périodiquement, et j'ai ce jour jeté un oeil sur les derniers numéros du Magazine Littéraire. J'y ai remarqué le n° 507 d'avril dernier, annonçant en couverture un extrait d'un roman de Mark Twain, N° 44, Le Mystérieux Etranger, important projet sans cesse remanié par Twain pendant les 15 dernières années de sa vie, dont cet état le plus achevé n'avait jamais été traduit en français.
Difficile d'en parler sans l'avoir lu... Ce commentaire m'apprend que le narrateur du roman se nomme Theodor, que n° 44 est un ange plutôt ambivalent, nommé Satan dans une autre version.

Incidemment Twain est mort le 21 avril 1910, alors que "813" paraissait en feuilleton dans Le Journal (du 5 mars au 24 mai).

17 commentaires:

Anonyme a dit…

Au risque d'être un peu pesant je vous rappelle que vous pouvez toujours voir, voir, voir et revoir Raymond Roussel ici http://in-memoriam-raymond-roussel.over-blog.com/ et ici http://hommage-a-rabelais.over-blog.com/
Je vous signale aussi une exposition au Musée Reina Sofia à Madrid:"Locus Solus, Impression de Raymond Roussel" et le livre de Patrice Trigano aux Editions Léo Scheer "Le miroir à sons", roman dans lequel notre Poète se retrouve face à un analysant. Mais là, il est plus question de Freud que de Yung!
Rousselâtrement vôtre.
Ray

Ariaga a dit…

J'ai lu, comme d'habitude avec intérêt. Ray aurait-il des problèmes d'orthographe avec Jung. Je plaisante ! Amitiés.

Anonyme a dit…

Yin Yang Jung.
Excusez-moi.
Et puis "Impression" sans s.
Roussel doit se retourner dans sa tombe.
La prochaine fois je me lirai,lirai, lirai et relirai.
Bien cordialement.
Ray

L'autre N a dit…

Bonjour,

je viens de découvrir votre "enjeu", ainsi que votre site, et à en juger les éclairs de la grande lézarde que vous suivez, je pense que nous pourrions échanger sur le Grand Je volatile qui nous englobe.

L'or en XX c'est luz EL

blogruz a dit…

Cher Laurent,
Je ne suis guère compétent en alchimie. Si je reste dubitatif devant les théories de Khaitzine, surtout quand il tente de faire de Perec un alchimiste, il soulève de nombreuses questions du plus haut intérêt.
Je compte m'intéresser prochainement à Vulcain-Elie, à partir de Etna-Nelly dans Les jeux du soleil, et des rendez-vous dans Le signe de l'ombre près de la maison de Balzac, là où se réunira quelques années plus tard la Fraternité d'Elie, dont plusieurs membres (Schwaller, Champagne, Dujols) sont soupçonnés d'être Fulcanelli.

r.khaitzine1 a dit…

Bonjour Laurent,
Je viens seulement de prendre connaissance de votre (ton?) blog. Contrairement à ce qu'affirme l'un des intervenants, je n'ai jamais essayé de "faire de Perec un alchimste". Cela serait ridicule et ne signifierait rien.J'ai uniquement démontré que l'oeuvre du grand Georges contenait nombre de passerelles avec Roussel et les Fulcanelli. Ce qui m'avait intrigué au départ c'est que Perec se soit enthousiasmé pour Roussel, lui dont les goûts, de son propre aveu, le portaient plutôt vers la littérature populaire. Concernant Roussel et l'alchimie, cela fait 15 ans que l'on me tire dessus "à boulets rouges", ce qui me laisse de marbre. Il se trouve qu'une lettre vient de refaire surface, lettre de 1906 de Pierre Dujols à... Raymond Roussel. On y apprend, entre autres choses intéressantes, que Roussel était déjà lié avec Champagne alors que Dujols semblait peu connaître le dessinateur. En outre il est dit que Roussel travaillait sur les notes devant constituer un ouvrage d'alchimie. Il semblerait u'il y ait eu un conflit d'intérêts puisque Roussel déclara abandonner ce projet. A mon avis il revint sur sa décision. Toujours est-il que sur Perec et Roussel je vous conseille vivement le Tome 2 de La langue des Oiseaux qui vient de sortir en poche chez Dervy. Il y a matière à être troublé... en attendant le tome 3 (en 2013?) que je suis en train de rédiger et qui sera consacré essentiellement à Roussel. Ce 3e opus sera encore plus déstabilisant. J'y analyse notamment les confidences et anecdotes faites ou contées par Roussel et qui sont toutes plus aberrantes les unes que les autres... sauf si on les entend au niveau qu'il sous-entendait. L'épisode des demis commandé pour désaltérer Mme dufrène est un modèle du genre et ne peut se comprendre que si on sait pourquoi Roussel changea le nom de sa maîtresse de Frédez en Dufrène. Là ça confine au grandiose!Avec mon amitié et tout mon intérêt pour ce blog.
Richard K.

blogruz a dit…

Cher Richard,
Petite rectification, Quaternité n'est pas le blog de Laurent, estimé intervenant, mais de Rémi (tu me connais).
Perec n'a rien d'un auteur ésotérique, malgré les multiples non-dits de ses oeuvres. Point barre.
S'il n'en va pas de même pour Roussel, la lettre de Dujols à un "monsieur Roussel" n'est guère convaincante, selon mon ami Kerbellec qui a été le premier à étudier l'alchimie dans l'oeuvre de Roussel (le Raymond), il y a 24 ans.
Je te conseille de lire plus attentivement ce billet, où on apprend que Les dents du tigre est un roman de 1914, qui pourrait répondre directement à Locus Solus et à son "reître en dents".

L'autre N a dit…

Bonjour Richard et Remi !

Effectivement je n'ai pas l'honneur de commettre ce Blog, donc la qualité dépasse de loin mes aptitudes et je tiens au passage à remercier Rémi pour l'immense énergie et temps qu'il y consacre !

Je pendrai une analogie, outil indispensable dont on use tous les trois à volonté, pour vous donner ma vision actuelle en réponse à votre échange dont je suis devenu l'intermédiaire involontaire :

Dans un orchestre, les percussions et les bois ne jouent pas les mêmes parties, ils se confrontent, ils s'additionnent, ils s'allient, ils se mesurent mais toujours ils jouent la même partition, celle dirigée par la Tête d'or-chestre

En physique et en math, les avis divergent ou se rejoignent sur des théories uni_fiantes qui tentent de définir le réel mais il y a une loi sous-jacente que ni l'un ni l'autre ne peuvent énoncer : la Loi

Celle de bon aloi du grand saint Eloi que toute oie connait en son fort intérieur mais n'entend toujours pas de la bonne oreille ( il n'est donc pas inutile de reprendre quelques parties de jeu de l'oie )

Bref, je dirais donc qu'alchimie, gématrie, poésie, roman et toutes oeuvres humaines en marge des deux pré-citées sont aussi des émanations de cette Loi

Il me semble aujourd'hui quasiment évident que lorsque l'artiste oeuvre, il le fait selon la Loi, il ne peut en être autrement...

mais il le fait plus ou moins en conscience... et tout votre débat est là, enfin j'ose le penser :)

Alors qu'est le plus important, l'auteur de l'oeuvre ou l'oeuvre elle-même ? si on s'intéresse à la Loi, je pense que l'oeuvre est plus importante...

L'enjeu de toute oeuvre humaine est l'autre... point de Joconde sans spectateur, point de roman sans lecteur, point de Georges sans Richard et Rémi

point de Richard et Rémi sans Laurent ;)

A chacun d'y puiser ce qui lui permettra d'entendre à nouveau de la bonne oreille la Loi qui s'y exprime

Donc même si vous semblez jouer deux airs différents, votre flûte est identique

Je suis donc d'accord avec vous deux concernant Perec : j'y ait trouvé des éléments alchimiques convaincants mais cela ne veut pas dire que Perec les ait volontairement prémédités.

Je vais donc attendre avec grand intérêt le Tome 3 de Richard et continuer à lire avec tout aussi grand intérêt le blog de Rémi, les deux R dont se délecte mon oreille OriCulaire ;)

Et encore merci à vous deux pour le partage de votre savoir

Laurent

r.khaitzine1 a dit…

Cher Rémi,
Désolé pour la confusion. J'aurais dû me douter qu'il s'agissait de ton blog. Je te lis toujours avec le même intérêt et celà même si nos points de vue divergents. Tant mieux, cela laisse le champ libre à la discussion et aux découvertes. Laurent a fait une intéressante remarque concernant la musique. Le tome 3 expliquera comment les participants à ce que j'appelle des écrits tramés appliquèrent à leurs écrits les règles de "l'art de musique"(autre nom de l'alchimie)en l'occurrence celles du canon et de la fugue.
Concernant Roussel dans Leblanc, je rappellerai que Leroux fit de même dans les 2 premiers tomes consacrés à Rouletabille. Le père de ce dernier, n'est-il pas Larsan Ballmeyer...Roussel? Pour être complet, je vous signale que l'Inspecteur Goron à qui Roussel fit appel, soi-disant, afin de retrouver ZO, s'était illustré par l'arrestation d'un "Arsène Lupin" du nom de BALLMAYER. Intéressant, non?
Bien que n'ayant jamais croisé Philippe Kerbellec, j'ai le plus grand respect pour son travail que je n'ai eu de cesse de faire connaître autour de moi, notamment en achetant des exemplaires de son "Roussel" que je distribuais aux amis. En outre, je lui ferai la dédicace imprimée du tome 3 en disant tout le bien que je pense de ses travaux.J'en profiterai pour expliquer que la pagination -ayant provoqué sa "colère" lors de la réédition Pauvert, fut voulue par Jean Ferry. La clé et l'explication de cette bizarrerie réside dans le nombre 123 et un certain dessin relevé par Vitrac et inséré dans un article de la NRF au sujet du "Joueur d'échecs"... la machine de van Kempelen.

r.khaitzine1 a dit…

Suite...
La lettre de Dujols à Roussel ne concerne pas un homonyme et voici pourquoi. Cette même lettre fait référence aux hippocampes qui furent intégrés dans Locus solus et dont l'histoire fut transmise à Dujols par l'entremise de Vincent de Campagna. Ce personnage, un boursicoteur, figure dans le carnet d'adresses de Roussel. Il acheta en bourse des actions de mines de diamants. Sur le bordereau figure un autre nom... Eugène Leiris, l'homme d'affaires de Roussel.
A propos de Leiris, ou plutôt de son fils, je te conseille de t'intéresser à la correspondance de Jean Paulhan et de Joe Bousquet (son nom figure égalemenr dans le carnet) à propos de Roussel. Tu pourras également jeter un oeil averti sur un roman publié par Pauvert et qui, en dépit de son caractère "sulfureux" reçut un prix. L'un des membres du jury était... Michel Leiris. Ce roman dont on dit qu'il résulta d'un pari engagé entre Paulhan et sa maîtresse, lu de façon non littérale, lorgne beaucoup du côté de Roussel et de l'alchimie ce qui te sera moins perceptible, je le sais.Il s'agit naturellement du roman SM (initiales à rapprocher de celles de Mathilde Stangerson chez Leroux) de Dominique Aury, la "nonne des lettres" femme érudite qui signa Pauline Réage. Le choix de ce nom et de ce prénom est très bavard également. Tu auras reconnu, je pense,"Histoire d'O". Cette hsitoire de cul - ou de lune - au choix, comment ne pas l'associer au O rayé de Roussel. On y relève aussi une allusion aux "anneaux reliques", à la fois roussellien et fulcanélien, lors d'une scène entre O et son Maître, un Anglais - et l'on sait depuis Rabelais et les commentaires de Grasset d'Orcet, de quoi les anglais sont l'indice en littérature.
Enfin, ton allusion à "Hippolyte" m'a beaucoup amusé.Un Hippolyte peut en cacher un autre. Pour comprendre, il faut le mettre en relation avec le culte que Roussel vouiat aux jumeaux. Lors de la parution des "Impressions", en feuilleton, il fit ajouter un dessin de navire le "Lyncée", renvoyant à Ida et Lyncée, les cousin de Castor et Pollux. Or Castor était surnommé Hippolyte. Le mentor de Roussel portait en 3e prénom...Hippolyte.
Ma proposition est toujours valable; si l'envie te prend de laisser une trace imprimée de tes travaux, je suis sûr que Dervy se ferait un plaisir de t'éditer.
Au plaisir de continuer à échanger.
Amitiés. Richard.

blogruz a dit…

Bonjour Richard,
Le précédent commentaire de Laurent était une excellente approche de ce qui nous différencie.
J'y ajouterai que je peux être entièrement d'accord avec toi sur les faits, mais pas sur ce que tu en déduis, avec une certitude qui peut être une qualité pour les éditeurs, car le public est certainement plus avide de choses claires que des nébuleuses où j'évolue à tâtons.
Je prendrai pour exemple une de tes plus belles découvertes, à mon avis du moins, le code ETNA dans la nouvelle Les jeux du soleil de Leblanc. Ce code permet d'ouvrir un coffre où est enfermé le cadavre d'une baronne remplacée par l'actrice Nelly Darbel.
Tu y vois la possibilité d'un jeu Etna-Nelly, Volcan-Nelly, Fulcanelli...
Jusqu'ici on est d'accord, mais quand tu en tires la certitude que Leblanc évoque Fulcanelli je commence à tiquer, non que je sois assuré du contraire, mais je connais tant d'exemples de coïncidences "miraculeuses" que toute conclusion péremptoire me semble hâtive.
Et précisément une coïncidence touche cette nouvelle, dont la première publication en avril 1911 est advenue en même temps que celle de l'aventure de Sherlock Holmes Le cercle rouge, avec de multiples échos, notamment le décodage d'un message selon exactement le même principe, et ce message est ATTENTA, composé des mêmes lettres que ETNA.
Alors ? Tout ce que je peux dire est que ce mystère me semble plus riche que l'éventuelle question d'un Leblanc propagateur conscient de l'alchimie.
J'étudie ça ici :
http://remi.schulz.perso.neuf.fr/divers/depic/redcircle.htm

r.khaitzine1 a dit…

Bonjour Rémi,
Une, deux , voire trois coïncidences peuvent être qualifiées de coïncidences; au-delà, il s'agit de convergences délibérées.Les papiers personnels d'Edouard Dujardin se montrent très bavards sur cette période. Curieusement, ils se trouvent au Texas. Parmi ses correspondants: Raymond Roussel, la mère de celui-ci, Willy, René Renoult (beau-frère de Leblanc), Maurice Leblanc,Robert de Montesquiou, René Schwaeblé qui, comme Champagne, l'illustrateur des "Fulcanelli" fut l'élève du mentor de Roussel; et de nombreux autres. On y retrouve 2 noms: des personnalités ayant assisté à des transmutations opérées par le mentor de Roussel. En revanche, j'ai été surpris de ne pas y trouver Leroux (à moins que je ne sois passé sur son nom). En revanche on relève la présence de son grand ami Yves Mirande. Amitiés.

blogruz a dit…

Cher Richard,
"Plus de 3 coïncidences seraient obligatoirement des convergences délibérées", dis-tu, mais ce n'est pas du tout mon expérience, et je connais de multiples cas de réseaux de coïncidences convergentes qui échappent à toute interprétation logique.
Le cas des nouvelles Jeux du soleil et Cercle rouge en est un, mais il y en a beaucoup d'autres plus déconcertants encore sur mes différents sites et blogs, et bien entendu aussi ailleurs...

r.khaitzine1 a dit…

Disons 20 Coïncidences... Je plaisante. Connais-tu la préface, rédigée par Jacques Rivière pour les "Mohicans de Babel" de Gaston Leroux et ce qu'il rapporte d'une remarque de GK. Chesterton? Elle est plus que troublante compte-tenu de sa date de publication.

blogruz a dit…

20, 30, pourquoi pas, et la qualité des coïncidences entre aussi en jeu, comme leur réelle interconnexion, et dans certains cas je me sens vraiment en face de quelque chose comme le singe qui tape par hasard L'origine des espèces sur une machine à écrire.

J'ai lu les Mohicans jadis, mais pas la préface de Rivière.

r.khaitzine1 a dit…

G.K Chesterton, dans l'un de ses essais, fut intrigué au point de se demander si Gaston Leroux n’était pas l’autre nom de plume de Maurice Leblanc. «Il y aurait, disait-il, une intéressante symétrie dans cette inversion des noms par laquelle le gentleman rouge écrit des histoires de détective et le gentleman blanc des histoires d’aigrefin.» Et Rivière ajouta en 1977, «…un jeu de mots proprement roussellien préside à cette mise au monde historique: «serpent à sonnette» et «cordon à sonnette» donnent la clef de l’énigme de ce chef-d’œuvre du récit criminel de chambre close. Les petites phrases de Leroux ont beaucoup intrigué les Surréalistes, et déclenché leur admiration totale. « Le presbytère n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat» fut emprunté à George Sand à un mot près – ce qui change tout. Poésie pure ou sublime astuce de cet homme pressé du roman populaire qui se mua souvent, comme son confrère Lerouge (Gustave), en teinturier malicieux des mots pour faire accréditer les phrases les plus délirantes de son alchimie fiction…»

blogruz a dit…

En fait je m'en souviens un peu maintenant, mais dans les cousinages Leblanc-Leroux je suis plus frappé par quelque chose que j'ai découvert en 1997 en partie grâce à toi et ta Langue des Oiseaux.
Leroux et Leblanc ont choisi en 1909 et 1917 une même date pour un même événement romanesque, la mort du père du héros le 14 avril 1895, non quelconque puisque c'était un dimanche de Pâques, célébration de la résurrection du fils, et le premier jour passé par Dreyfus à l'île du Diable.
De multiples indices pourraient accréditer ces deux pistes dans les oeuvres concernées, mais il y a aussi des coïncidences dans des ouvrages antérieurs à l'Affaire, comme dans Les Habits-Noirs où Féval a imaginé une machination pour condamner au bagne un innocent, lequel s'évade et revient se venger sous le nom de Trois-Pattes, soit drei Fuss.