8.9.10

Elleswer

L’Absolu part du huit septembre,
Octobre est rempli par Haha.
Le mois d’As termine novembre,
Sable à décembre équivaudra.

Le 4 août 09 je me suis réveillé avec les bribes d'un rêve :
Je lis la revue Elleswer n° 29. J'y trouve une coïncidence dans un poème contraint.
Je ne peux préciser plus, sinon que la maquette de la revue rappelait fortement celle de Planète, alors que j'étais obsédé depuis plus de deux mois par les coïncidences récentes avec les numéros 13-21-34 de Planète achetés le 31/8/03 (ou 21/13/130).
Après avoir gravé dans ma mémoire "Elleswer 29", j'ai tenté de retrouver le fil du rêve, sans succès, mais il s'est inscrit distinctement dans mon esprit ceci : "467 et demi".
467 m'est connu, c'est le nombre de feuillets de Hypnerotomachia Poliphili, dans l'édition originale d'Alde Manuce, mais il m'a fallu un certain temps avant d'y voir un possible rapport avec Elleswer 29. La requête "elleswer" n'amène que très peu de pages web, dont ma relation du rêve sur le forum Unus Mundus. Toutes les autres pages concernent un mot en vieil anglais, correspondant au moderne elsewhere, "ailleurs", essentiellement pour sa présence dans une fable, The fox and the wolf (Le renard et le loup).
Je ne vois pas comment j'aurais pu avoir connaissance de cette forme, et sa conjonction avec "renard" m'a frappé car l'unique raison pour laquelle j'ai acheté Planète 34 était son dossier sur le peintre Fuchs ("renard" en allemand). Plus tard s'est ajoutée l'arrivée sur le forum Unus Mundus de fox, commentateur occasionnel de Quaternité (notamment pour mon rêve die Salbe, autre mot étranger issu d'un songe), qui doit son pseudonyme au Fox Mulder des X Files, dont est bien connue la formule La vérité est ailleurs (The truth is out there en VO). Fox a un blog, Millenium.

Si j'étais évidemment désireux de lire Planète 29, j'ai d'abord pensé le consulter dans la collection complète conservée à la BPI, qui était en grève lors de mon séjour à Paris en décembre dernier. A mon retour en juin, je devais découvrir que la collection avait disparu. C'est finalement le 26 août dernier que le radin que je suis a commandé ce Planète, avec quelques autres, via Price Minister qui me proposait une remise... Je l'ai reçu le 30, et ai d'abord constaté que je connaissais bien ce numéro de juillet 66, qui figurait parmi les rares Planète auxquels j'ai eu accès ado, appartenant à mon frère aîné (j'avais alors 16 ans). Je connaissais bien de même le Planète 34 et son dossier Fuchs.
Rien à première vue ne m'a semblé devoir être commenté. En y revenant, je constate que le seul article concernant la poésie est un dossier sur les créations graphiques de Victor Hugo, accompagné de quelques-uns de ses vers. Le texte mentionne sa demeure de Hauteville House à Guernesey, et la Chaire des Ancêtres qu'il a fait construire pour sa salle à manger, gravée de diverses inscriptions latines, dont Hic nihil, alias aliquid : "Ici rien, ailleurs quelque chose". Ici description et photo de cette Chaire, où l'inscription n'est pas lisible, mais ailleurs, chez le peintre de Guernesey Mark Cook, j'ai trouvé cette toile Hic nihil, alias aliquid inspirée par Hugo.
Une autre de ces inscriptions, Absentes aderunt (Les absents sont présents), me fait penser à l'inscription au seuil de la maison de Jung à Küsnacht (et sur sa pierre tombale), s'achevant sur le même verbe adsum : Vocatus atque non vocatus, Deus aderit (Appelé ou non, Dieu sera présent).
Alias aliquid... L'article de Planète signale que Hugo a dessiné lui-même des illustrations pour Les Travailleurs de la mer :
trav-AILLEURS, alias !
LA MER, c'est un liquide, a liquid en anglais...

Avant de voir ces petites choses, ma première réaction devant le Planète 29 a été d'aller chercher "ailleurs", et de reprendre une idée déjà venue peu après le rêve. Comme je l'ai dit, 467 m'évoque Le songe de Poliphile, et le "demi" additionnel me rappelle une théorie d'un universitaire allemand qui voyait ses 38 chapitres répartis selon le nombre d'or en 23.5 et 14.5, en coupant en deux le 24e chapitre, dernier de la première partie. C'est cette absurdité qui m'a conduit à étudier la numérologie de l'acrostiche couvrant les 38 chapitres, et à en découvrir un découpage d'or plus immédiat selon la division en 24-14 chapitres, 252/156 = 21/13.
Je n'en infère nullement une quelconque intention dorée chez l'auteur, mais ici encore le nombre d'or et les séries arithmétiques associées ouvrent vers un si vaste jeu de correspondances qu'il serait trop long de les détailler. Je suis particulièrement frappé du développement abordé ici : le partage doré des formules melenCO-Lias et poliam frater franciscus CO-Lumna peramavit se fait sur la même syllabe CO, suivie d'une lettre identique L, et il est tel que le partage CO-L est lui même un partage doré, 17-11 (selon l'alphabet latin). Mettre à part ces lettres COL conduit au rapport (252—17)/(156—11) = 235/145 égal au rapport des chapitres 23.5/14.5 suggéré par le professeur Goebel, se simplifiant en 47/29, 8e et 7e termes de la suite de Lucas, la seconde suite additive importante pour les mathématiques du nombre d'or, après la suite de Fibonacci dont les 8e et 7e termes sont 21 et 13 (ce qui a pour conséquence que 47/29 et 21/13 sont des approximations du nombre d'or très voisines l'une de l'autre).
Je rappelle le numéro 29 du Elleswer vu en rêve. Par "ailleurs" je m'intéressais au calendrier pataphysique et à ses 13 mois de 29 jours dont le dernier est le plus souvent virtuel, et le rapport 29/28 est égal à 14.5/14... De ceci émergea le souvenir d'un rêve du début de l'année 1965, que j'ai longtemps considéré comme un rêve prémonitoire.
J'avais alors 14 ans et demi (!), j'étais un très mauvais élève de 2e C2 au lycée Carnot. Mon bulletin du premier trimestre (en 1964) était si catastrophique que mes parents m'inscrivirent au "petit cours" de mon prof de maths Dechervois. Vers le milieu du trimestre suivant je rêvai que la composition trimestrielle avait eu lieu et que Dechervois donnait les résultats. Mon devoir était noté 14,5, ce qui me sembla complètement inimaginable au réveil.
Mais si j'étais trop occupé au fond de la classe pour m'intéresser aux cours magistraux, l'effectif restreint du petit cours me contraignit à écouter Dechervois, probablement un excellent prof puisque je fis de rapides progrès. Lorsque vint la composition trimestrielle j'eus l'impression de bien m'en tirer. La semaine suivante Dechervois donna les résultats, j'avais une des meilleures notes, 14. Lorsqu'il fit circuler les copies (hélas avant de les reprendre), je constatai qu'il avait d'abord écrit 14,5, puis barré le ,5.

J'ai souvent raconté à qui voulait m'écouter que j'avais perçu dans mon rêve le futur cas de conscience de mon prof, qui aurait hésité à donner une trop bonne note à un élève de son petit cours. Aujourd'hui je me demande s'il n'avait pas un rapport avec ma correction des 14.5 chapitres du Pr Goebel en 14. Je voyais un lien avec les Planète 13-21-34, or le Planète 21 de mars-avril 1965 a été publié le mois où s'est tenue cette composition de maths.

Une autre piste "elleswer 29" était le numéro 29 d'Enigmatika, bulletin de l'Oulipopo, Ouvroir de Littérature Policière Potentielle, créé en 1973 par François le Lionnais, avec notamment son ami Jacques Bergier, cofondateur de Planète.
C'est le seul numéro d'Enigmatika première version en ma possession, et il est associé à la coïncidence incroyable relatée ici.
Au plus bref j'avais acheté en juillet 2002 le premier numéro de ThésauMag, magazine trimestriel d'énigmes dont le plus haut niveau dépassait mes compétences. J'y ai notamment réfléchi quelque temps sur une énigme qui me semblait concerner Perec, que je prétends connaître assez bien, mais je ne pus en trouver la solution, me promettant d'acheter le prochain numéro (qui parut d'ailleurs avec beaucoup de retard).
Entretemps, il m'était précisément venu l'idée d'une nouvelle faisant revenir Perec parmi nous, par l'entremise d'un mage, pour tenter de lui faire révéler quelques secrets de son écriture. S'il semblait par malheur incapable de former des phrases cohérentes, j'avais utilisé pour son intervention un code simple qui livrait, après décodage, le mot MOTUS.
Je n'ai jamais terminé cette nouvelle. Lorsque parut ThesauMag n° 2, je découvris la formidable complexité de l'énigme qui m'avait arrêté : il fallait d'abord passer par une fausse solution, Jacques Arago et le mot MOTUS, pour arriver à la bonne, Georges Perec et le mot ANTON.
Je précise qu'il n'y avait aucun moyen de deviner ces mots MOTUS ou ANTON qui ne pouvaient être décodés sans saisie préalable d'un texte de plus de mille lettres. Non seulement d'ailleurs je vois mal comment quelqu'un a pu trouver la réponse, mais surtout comment ce problème à double solution a été conçu.
Il faut croire qu'il y a des gens vraiment intelligents (j'ai parfois la faiblesse de ne pas me considérer comme idiot).

C'est deux ans plus tard qu'Enigmatika entra en scène, lorsque Paul Gayot, membre fondateur de l'Oulipopo et provéditeur du Collège de Pataphysique, me fit l'honneur de s'intéresser à mes écrits, et m'envoya le n° 29, où figurait sa nouvelle Les vains commandements, résolvant une contrainte que j'avais imaginée 10 ans après son écriture en 1986 : écrire un texte contrevenant aux 20 commandements édictés par Van Dine en 1928 pour régir la littérature policière. Gayot s'est plu à faire de la mort de Van Dine en avril 39 une énigme policière bafouant toutes ses règles, dont celle bannissant "la séance spirite truquée au cours de laquelle le coupable, saisi de terreur, se dénonce"; aussi un mage fait-il apparaître Van Dine, dans des circonstances proches de ce que j'avais imaginé pour mon invocation de Perec, avec des détails troublants.
Le plus curieux vint lors de ma première rencontre avec Paul Gayot, en janvier 05, au cours d'une réunion des Amis d'Arsène Lupin où je rencontrai aussi Hervé Lechat, avec lequel je me sentis des affinités : par ailleurs j'entraperçus dans ses affaires ThesauMag n° 1, où figurait l'énigme MOTUS-ANTON.
Ceci est relaté en détail ici, mais voici du neuf. Enigmatika 29 est un fascicule composé de 38 feuilles ronéotées A4 agrafées, sous une couverture en papier un peu plus fort. C'est dans ce numéro qu'a aussi été publiée la nouvelle Une affaire en or, évoquée dans mon dernier billet, 38 comme le nombre de chapitres du Poliphile, soit 76 pages. Couper 38 en 23.5 + 14.5 (ou 76 en 47+ 29), comme Goebel le préconise, mène à ce qui m'a paru, peut-être pour des raisons personnelles, le climax de la nouvelle de Gayot, la scène de l'évocation de l'esprit de Van Dine page 47. C'est page 48 (correspondant à ma répartition en 24+14) que la séance spirite est révélée être une supercherie.

Ceci faisait donc partie de mes réflexions d'août dernier, peu avant ma commande du Planète 29. Quelques jours avant, et peut-être ceci est-il une raison pour cela, je fis une (re)découverte parmi les rayons de de ma bibliothèque. J'ai des milliers de livres et revues, en partie rangés sur des étagères, en partie empilés çà et là, en partie dans des caisses au grenier, dans un tel capharnaüm que certains livres que je suis sûr d'avoir sont depuis des années introuvables. En corollaire je peux oublier des titres qui m'ont été un temps importants, et c'est ainsi que je ne savais plus que j'avais disposé côte à côte les numéros 13-21-34 de la collection Le cabinet noir, à part des quelques autres numéros de cette collection que je possède. J'ai probablement acheté les 13 et 21 lors de leur parution en 1998. Le premier est La cage de verre de Colin Wilson, qui m'avait marqué il y a bien longtemps, probablement peu après sa traduction française en septembre 1969, éditée par Planète (couverture ci-contre, me suggérant qu'il faudrait relire cette histoire de corps découpés en morceaux) précisément ! Le second est un Raoul de Warren, dont j'ai tous les romans dans diverses collections. Enfin j'ai acquis le 34 ultérieurement en solderie, à 2 euros donc après 2002. Je ne crois pas l'avoir choisi à cause de son numéro, son résumé évoquant psi et univers parallèles me semblant suffisamment attractif, et c'est probablement la première coïncidence sur les Planète 13-21-34 (en 2003 sur Le trou de mémoire) qui m'a fait réunir ces autres numéros 13-21-34, mais j'avais été victime d'un autre trou de mémoire lorsque de nouvelles coïncidences ont ramené ces Planète 13-21-34 au premier plan de mes préoccupations en mai 09.
Je me suis aperçu avec surprise que je n'avais pas lu Les six lendemains de James Blish, roman de 1949 qui est pourtant d'une lecture facile et d'un grand intérêt, compte tenu de l'époque. S'il mériterait divers commentaires, j'essaie de me limiter ici au fil rouge initié par les coïncidences Planète, et ma petite enquête sur cet auteur méconnu m'a appris que l'un des premiers éditeurs français à l'avoir publié avait été Planète, en août 1969, un mois avant Colin Wilson.
Il est plus que probable que celui qui a choisi ces textes était Jacques Bergier, futur membre de l'Oulipopo.

J'arrive au climax de ce billet. En commandant le 26 août les Planète, dont le 29, je me suis dit qu'ils avaient quelque chance d'arriver le 31, soit le 21/13 pataphysique. Le colis arriva le matin du lundi 30, ce qui me fit remettre au lendemain une balade en vélo autour du lac de St-André.
Cette balade favorite de l'été passe par Castellane, où je ne manque pas à chaque passage de fureter dans la boutique d'un brocanteur, où des amas d'Harlequin ou Nous Deux cachent parfois de précieuses pépites. Alors que 7 ans plus tôt, j'achetai les Planète 13 et 21 en ignorant la date pataphysique du 21/13, je découvris le 21/13 de l'an 137 le n° 34 de la collection La Mauvaise Chance, Sans remords d'Anthony Berkeley (1948), traduit par MB Endrèbe.
Je renvoie à mon billet Sain Antoine (un écho avec Motus-Anton) où je parlais des numéros 13-21-34 de la collection L'Empreinte-Police, créée par MB Endrèbe juste après la guerre, tentative de résurrection de la collection L'empreinte d'avant-guerre mais qui dut s'arrêter fin 1949 au 34e numéro, Meurtre anniversaire de Lange Lewis, également traduit par Endrèbe. Au même moment Endrèbe avait aussi une responsabilité éditoriale plus discrète à La Mauvaise Chance, collection dont le destin ne fut guère plus heureux que L'Empreinte-Police... Je rappelle que c'est à La Mauvaise Chance qu'a été publié le premier récit policier (à ma connaissance) faisant intervenir le nombre d'or (par Thomas Narcejac, futur collaborateur de l'Oulipopo).
L'énigme Endrèbe m'avait amené à donner une photo d'Endrèbe figurant à la page Bernède du dictionnaire de Jacques Baudou, non en raison de l'anagramme mais parce qu'il y figure en compagnie de Berkeley, la rubrique précédente (signée PG, pour Paul Gayot).
AB, Anthony Berkeley, est l'excellent auteur du Club des détectives (1929), proposant 6 solutions fausses pour un même meurtre, à partir de 6 indices considérés isolément. La bonne solution utilise judicieusement tous les indices.
Sans remords (1937) est moins ambitieux, mais se signale par une particularité. Le roman a d'abord été publié en feuilleton, sous forme de concours : après 12 chapitres, le lecteur était en possession de tous les indices pour parvenir à la bonne solution, si ingénieuse que Berkeley indique dans l'édition ultérieure qu'aucun lecteur n'est parvenu à la solution complète, tenant compte de tous les indices factuels et psychologiques.
Si la plupart des romans de l'âge d'or du polar étaient des problèmes de déduction de ce type, il est rare que le problème soit matérialisé par un défi inséré avant le dernier chapitre. Ce "Défi au lecteur" fut une caractéristique des 10 premiers Ellery Queen, de 1930 à 1935, la plupart traduits dans L'Empreinte. Curieusement, le n° 34 de L'Empreinte-Police, traduit par Endrèbe également, affiche une accroche "Un défi au lecteur" qui ne me semble en rien spécifique; c'est probablement qu'Endrèbe n'a rien trouvé de mieux pour définir ce roman très quelconque.
Comme je le détaille dans mon billet Sain Antoine, la collection L'Empreinte d'avant-guerre a publié à partir de son n° 87 des concours de détection, dont la solution était livrée 8 numéros plus tard. Je me suis ébaubi d'y trouver parmi les gagnants du problème n° 13, dont la solution fut publiée avec l'énoncé du problème n° 21, MB Endrèbe, qui était alors un tout jeune homme.
Lors de mon séjour de décembre à Paris, faute de pouvoir consulter les Planète à cause de la grève de la BPI, la Bilipo m'a permis de me livrer à une étude poussée sur ces problèmes de L'Empreinte (remplacés peu avant l'arrêt de la collection par une rubrique d'échecs de François Le Lionnais, futur fondateur de l'Oulipopo). J'appris ainsi que Endrèbe avait été un habitué de ces problèmes, figurant à environ 10 reprises parmi les noms de ceux qui les avaient résolus. C'est donc par "pur hasard" que j'étais tombé sur la solution du problème n° 13, mais mon enquête me révéla une autre coïncidence, avec l'énoncé du problème :
Problème n° 13

QUI A MENTI ?

Le chef de la police de l'Etat de New-Jersey (U.S.A.) lisait à quelques amis le rapport d'un de ses policiers. Ce rapport était ainsi conçu :
» Je roulais tranquillement à bicyclette sur la route de Trenton quand j'arrivai sur le théâtre d'un accident. Je trouvai deux automobiles arrêtées chacune sur un côté de la route et en face l'une de l'autre. Le capot de l'une d'elles était tourné vers Trenton, le capot de l'autre dans la direction opposée.
» Entre les deux voitures, au milieu de la route, gisait le cadavre d'un homme qui avait été heurté par l'une des deux automobiles, quelques minutes avant mon arrivée. Chaque conducteur affirmait la responsabilité de l'autre automobiliste.
» Mr. A. me déclara qu'il étudiait, depuis deux ou trois heures, au moins, les curieuses pierres tombales d'un cimetière très voisin, et qu'en regagnant la voiture, à pied, il vit la scène que je contemplais maintenant.
» Mr. B. prétendit qu'en approchant du lieu où nous nous trouvions maintenant, il avait vu la voiture de Mr. A. heurter violemment l'inconnu. Il avait alors stoppé pour offrir ses services.
» Aucun témoin de l'accident, aucune trace sur l'avant de l'une ou l'autre des voitures. Pourtant l'inconnu avait certainement été tué par l'une des deux autos. Les traces de pneus de me menaient à rien...
A ce moment, le chef de la police du New-Jersey poussa un long soupir :
» Ce policier est un imbécile. Il a, à sa portée, une constatation d'une simplicité enfantine à faire. Et il saura qui des deux, de A. ou de B., ment.

Que voulait dire le chef de la police ?
La solution évoquait les suspects A et B, ce qui m'avait fait penser à La maison à mi-route de Queen (1935), où un bigame possède une famille A à Philadelphie (Angell) et une famille B à New York (Borden). Il dispose à mi-route, près de Trenton, d'un relais entre ses deux vies. C'est le dernier Queen avec un Défi au lecteur, mais je soupçonne qu'il s'agit d'une parodie de roman de déduction, avec un second niveau à décoder au moyen des A et B qui interviennent à tous les niveaux du récit, notamment par l'intrigue secondaire entre Bill Angell et Andrea Borden (BA et AB), ce que je développe ici.
La solution du problème 13 m'avait donc fait penser à Trenton, assez gratuitement faut-il reconnaître puisque A et B, c'est tout de même du B-A BA, or voici que l'énoncé m'apprend que l'affaire se situe effectivement du côté de Trenton.
A remarquer que le roman est paru sous le titre Le Mystère de l'allumette dans la collection L'Empreinte, n° 121, 7 mois après la publication de la solution du problème 13.
Où les choses se corsent (chef-lieu Ajaccio ou Bastia), c'est qu'il est précisément question de ce Queen dans Enigmatika 29, qui contient un dossier Borges où Alain Calame (auteur de Une affaire en or) a traduit quelques critiques de JL Borges, dont celle sur Half-way House, La maison à mi-route, que l'illustre Argentin considère comme un modèle de roman de déduction, sans y avoir décelé la touche de parodie que je soupçonne.
La même page signale la parution du n° 10 des Amis du Crime, consacré à la supercherie des romans signés FR Falk parus à La Mauvaise Chance, également abordée dans mon billet Sain Antoine. Le fil rouge de ce billet était les Antoine sous différentes formes, notamment Antoine Bouch (AB) autre avatar de Falk, et je m'émerveille de la découverte le 21/13 (pataf) d'un Anthony Berkeley, AB, n° 34 d'une collection dirigée par Endrèbe, alors qu'il manquait un 34 à la coïncidence des problèmes 13-21 de L'Empreinte, liée à Endrèbe...

J'ai laissé de côté dans ce récit de multiples échos ponctuels et transversaux, essayant de m'en tenir au fil de départ du rêve Elleswer. Ce n'est qu'en achevant ce billet que je m'aperçois que les 13 chapitres de Sans remords ont pour narrateur Douglas SEWELL, dont le nom est l'anagramme des 6 premières lettres d'ELLESWER (sans RE...mords).
Son récit débute un 3 septembre, que Sewell considère comme une date funeste, par l'empoisonnement de son ami John Waterhouse, lequel mourra 5 jours plus tard. Si la date de cette mort n'est pas mieux précisée, l'addition élémentaire livre 3+5 = 8 septembre, ou 1er Absolu pataphysicien. Le premier paragraphe :Ceci m'évoque Meurtre anniversaire, autre n° 34 qui paraîtrait un an plus tard, également traduit par Endrèbe, lequel a signé certaines traductions des anagrammes Derbène et Bernède (hélas s'il y a bien une date anniversaire dans ce roman, l'auteur s'est refusé à la préciser).

Il y a encore une coïncidence que je ne peux me résoudre à omettre. Je serais bien en peine de justifier pourquoi je me suis laissé tenter chez le broc' de Castellane par un Fleuve Noir espionnage de 1979, Les enfants du Créateur de Michel Carnal, auteur dont je crois n'avoir jamais rien lu, et je ne lis en principe rien de cette collection, étant plutôt honteux de l'avoir appréciée quand j'étais ado. Bref il est question du nombre d'or dans ce roman, anecdotiquement avec une conférence sur le nombre d'or à laquelle assiste le narrateur, mais Carnal a pris la peine de se documenter un peu sur la question et cite quelques thèmes connus, Léonard de Vinci, Fibonacci, et encore quelque chose que je n'ai jamais entendu associé au nombre d'or, la chimie-physique d'Helbronner. Je ne savais d'ailleurs rien d'André Helbronner, que rien ne semble relier au nombre d'or, mais qui était un proche de Jacques Bergier.

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