10.12.18

Drolls de dreamers


  J'ai décidé récemment d'achever cette année 2018 en revenant sur les grilles de Rapilly-Epstein-Schulz qui m'ont déjà bien occupé en 2017. Cette année s'est imposée une 4e grille, ou plus exactement la coïncidence entre les carrés formant des tables de chapitres, celui des Lieux-dits de Ricardou publié en 1969, et celui que j'avais fait pour mon projet Novel Roman en 1998. C'est en partie cette coïncidence qui m'a conduit à mener à terme ce projet cette année.  L'un des éléments réunissant Rapilly-Epstein-Schulz est notre présence dans un même numéro de la revue Formules, en 2005, aussi je me suis demandé s'il n'y avait pas quelque chose de Ricardou dans ce numéro 9.

  J'ai eu recours à la version en ligne, accessible sur le site de la revue, où il suffit de taper Ricardou dans l'onglet "chercher" pour avoir toutes les occurrences.
  Les principales mentions sont dans un article de Nicolas Wagner, Quand lire, c’est voir, consacré aux contraintes d'écriture qui ne sont plus seulement visibles, mais voyantes. Les Improbables strip-teases sont convoqués, où Ricardou a codé dans un texte des majuscules intempestives composant un sonnet, une récriture du Cygne de Mallarmé, et le propre commentaire de Ricardou sur cette entreprise est cité sur une demi-page.
  Ceci est inclus entre les hétérogrammes de Perec et Le domaine d'Ana de Lahougue, mais le premier exemple donné par Nicolas Wagner est le roman Letters de John Barth (1979), dont la page de titre se présente ainsi:
  Ceci se lit en tant que sous-titre An old-time epistolary novel, by seven fictitious drolls & dreamers, each of which imagines himself actual, soit "Un roman épistolaire d'autrefois, par sept fictionnels curieux & rêveurs, chacun d'eux s'imaginant réel."
  Si l'on éloigne quelque peu l'oeil de la page, la disposition inhabituelle des lettres permet de lire le titre LETTERS, "lettres", précisément.

  J'avais déjà vu ceci, mais les commentaires érudits de Nicolas Wagner ne m'avaient pas permis d'appréhender toute la subtilité du dispositif.
  Chacune des "LETTRES" s'inscrit dans un rectangle 7x5 correspondant à la façon usuelle de représenter un mois sur un calendrier. Un autre diagramme est donné à la fin du livre:
  Il est difficile d'imaginer de meilleures façons de représenter les lettres dans une matrice 7x5, ainsi les 88 signes utilisés semblent la solution optimale.
  Chacune des 7 lettres-caractères de LETTERS correspond à un mois, de mars à septembre 1969, et pour chaque mois les dates d'envoi des lettres-missives correspondent aux jours sur lesquels tombent les signes employés.
  Pour des raisons inhérentes au procédé, certains signes tombent sur des blancs dans la matrice d'un mois donné, par exemple pour les lettres SW qui tombent avant le 1er du mois d'avril (la grille ci-contre introduit la seconde des sept parties du roman). Ces lettres vont être datées des 30 et 31 mars. Les rares cas de ce type ne tombent jamais sur un jour déjà employé pour une autre lettre.
  A noter que les lettres-missives n'apparaissent pas selon l'ordre séquentiel des dates, mais selon la lecture "normale" de ce tableau, NOLDYTRORWSHIM.

  La première colonne de la première grille, mars, correspondant à la branche verticale du L, fait apparaître la séquence alphabétique ABCDEFG, ce qui n'a pas dû être facile à réaliser, le sous-titre étant assez élégant.

  Les 7 lignes du sous-titre correspondent aux 7 épistoliers, lesquels sont 6 personnages issus des 6 premiers livres de Barth, parus de 1957 à 1972, dont 5 ont été traduits en français, parfois avec beaucoup de retard. Letters est son 7e livre, dont une traduction serait problématique, et le 7e épistolier est The Author, "l'auteur", qui signe John Barth, supposé néanmoins aussi fictif que ses personnages.

  Ainsi ce titre/sous-titre génère tout le programme du roman, avec chaque lettre-missive identifiée par une lettre-caractère, ses dates d'envoi et son auteur étant déterminés.
  Ceci m'a dans un premier temps semblé très proche de la table des chapitres des Lieux-dits de Ricardou, 8 mots de 8 lettres classés par ordre alphabétique qui déterminent la structure du livre en 8 chapitres de chacun 8 sections, et livrant la diagonale significative BELCROIX, l'un des lieux-dits.
  De même le titre/sous-titre de Letters détermine la structure du roman, 88 lettres découlant de l'écriture "en toutes lettres" de LETTERS, réparties en 7 mois et 7 épistoliers selon une logique absolue, avec le sous-titre livrant le mot significatif LETTERS.

  Il s'y ajoute diverses coïncidences numériques, l'idée du carré avec d'une part 8x8 et de l'autre 7x7, et les 8x8 lettres des Lieux-dits ont un écho immédiat avec les 88 "lettres" de LETTERS.
  Il y a encore le choix de l'année 1969 pour Letters, année de parution des Lieux-dits, que le prof de "lettres" Barth pouvait connaître, mais il dit avoir eu l'idée de Letters dès 1968, et il semble établi que le choix de 1969 est d'abord motivé par la contemporanéité avec les romans dont sont issus les épistoliers.

  Mais Letters, ça parle de quoi? J'ai trouvé un pdf en ligne, scanné par un amateur qui dit avoir passé 77 heures à en vérifier le texte, et a aussi scanné les 6 premiers livres de Barth, dont la lecture est selon lui essentielle avant d'aborder Letters. Pour ma part, j'ai suffisamment de mal avec ses 620 pages touffues, mon anglais s'étant pas mal rouillé, et je me contente de pignocher de ci, de là, en m'aidant de la fonction Rechercher.
  Ceci a conduit à une formidable coïncidence le 25 novembre, où je rédigeais le matin le dernier chapitre de Novel Roman, se passant le 14 août, ce qui était planifié dès 1998, où je ne me souciais pas du nombre d'or. Ayant depuis constaté que le nombre d'or, au-delà de toute considération esthétique, était un facteur de coïncidences, j'y faisais remarquer par un personnage que c'était le jour où tombait la section d'or de l'année.
  Dans la soirée, étudiant Letters découvert quelques jours plus tôt, je tombe sur un passage où il est précisément question de ce Phi-point de l'année, le 14 août. Il s'agissait de sa deuxième occurrence, et voici la première, dans la lettre "O" de Lady Amherst à l'Auteur, du 16 août.
As of yesterday, "Phi-point of the calendar year and of LILYVAC's Five-Year Plan," the Mating Season was closed. Today -- "St Neapolus's Day and Bicentennial of the Emperor's birth" -- began "the Fall Work Period of Year E: i.e., Year Four of the Five-Year Plan." Which, however, in the light of "the Perseid Illuminations," might well prove to be "Year N, the first of a new Seven-Year Plan."
  Il s'agit en fait de la retranscription d'une conversation de la veille, 15 août, comme en témoigne la St Neapolus et l'anniversaire de Napoléon le même jour (ce qui n'est pas un hasard, j'y reviendrai), et c'est donc bien l'avant-veille, 14 août, que tombe le Phi-point, ou section d'or, de l'année, ainsi que du plan quinquennal LILYVAC.
  Quèsaco? L'instigateur de ce plan LILYVAC est Jerome Bray, personnage venu de Chimera (1972), où il en est déjà question. Bray habite Lily Dale, village de l'état de New York qui accueille spiritualistes et chercheurs marginaux divers. Il a nourri un ordinateur, LILYVAC, croisement de Lily Dale et EDVAC, avec des textes de fiction, afin de produire de nouveaux textes, en 5 étapes correspondant aux années de 1971/2 à 1975/6, nommées N, O, V, E, L. L'ordinateur a déjà produit des textes à partir des livres d'un auteur non nommé, mais leurs titres laissent facilement deviner qu'il s'agit de ceux de Barth, et ce ne semble pas un hasard si J. Barth et J. Bray ont les mêmes initiales.
   La finalité du projet est de produire le R.N., Revolutionary Novel, et lorsque LILYVAC commence à en cracher le titre, NO..., les chercheurs s'ébaubissent en attendant le complément VEL, mais le titre finalement donné est NOTES.
  On trouve aussi dans Chimera l'idée qu'on doit trouver au Phi-point d'un roman une anecdote le résumant.

  On retrouve ce plan quinquennal NOVEL/NOTES dans Letters, mais il y couvre les années 1966/7 à 1970/1. Je ne crois pas que le Phi-point du plan soit calculé aussi exactement qu'il l'est pour l'année 1969, et il me semble désigner d'abord la lettre E parmi les 5 lettres de NOVEL ou NOTES (car 5x.618 vaut un peu plus de 3).
  La dernière phrase de la citation supra évoque un plan septennal débutant par une année N. C'est qu'il est question maintenant que LILYVAC s'attelle au projet NUMBERS, en 7 lettres, mais maints indices pointent vers un couac du même ordre que celui qui a mené de NOVEL à NOTES, et que NUMBERS va devenir LETTERS, toujours en 7 lettres.
  La lettre "R" du 1er avril de J. Bray à Todd Andrews reprend d'ailleurs cet épisode de Chimera, en précisant que c'est à partir de ce 1er avril, correspondant à la fin de l'année V du plan, que LILYVAC fait un premier essai d'impression du R.N., le Roman Révolutionnaire, qui commence donc par NOTES au lieu de NOVEL. L'essai doit durer jusqu'au 4 avril, qui était cette année 1969 le Vendredi saint, et que des Spiritualistes de Lily Dale prévoyaient devoir être le jour du Jugement Dernier...
  C'est dans cette lettre "R" du 1er avril qu'il est pour la première fois question du nombre d'or.

  Dans la lettre "A" du 8 juillet de J. Bray à J. Barth, Bray réplique à Barth, lequel lui a communiqué son idée de le prendre comme personnage de Littérature, que lui Bray a programmé le nombre de Barth dans LILYVAC, afin qu'il devienne un personnage de la première oeuvre de "Numérature", le projet NUMBERS.
You think to make us a character in yet another piece of literature! You, "sir" -- now we have your number programmed into LILYVAC -- will be a character in our 18 14 (a.k.a. R.N.): the world's 1st work of Numerature!
  Précédemment dans cette lettre, Bray avait donné quelques indications nébuleuses sur le Phi-point:
In the lull between the end of our Spring Work Period (and of Year 3, a.k.a. T, a.k.a. V of our 5-Year Plan) and the Mating Season which will commence Year 4 (a.k.a. E etc.); in the afterglow of the "Gadfly (whoops) Illuminations" of July 4; in the pause at the Phi-point 6 1 8 (e.g. 3/5ths, 5/8ths, 54/88ths) -- your letter reaches us proposing that we participate in your fiction! Oh ha phi on you! (Tell him, LIL.)
  Les rapports 3/5es et 5/8es sont issus de la suite de Fibonacci, et le 54/88es qui suit, proche de 55/89es dans la suite de Fibonacci, fait bien entendu allusion au Phi-point des 88 lettres, qu'il y a au moins 3 façons d'ordonnancer.
  Il y a bien sûr l'ordre tel qu'il se présente dans le roman, mais il y a aussi l'ordre d'envoi des lettres, quelque peu différent. Il y a encore l'ordre correspondant aux lettres-caractères du sous-titre, selon lequel la lettre "R" du 1er avril, où il est pour la première fois question du nombre d'or, est la 55e, soit au Phi-point des 88 lettres-caractères (88x.618=54.4).
  Par ailleurs, Bray est le 5e épistolier, soit au Phi-point des 7 (7x.618=4.3). Barth lui fait remarquer dans sa lettre "C" du 27 juillet que NUMBERS est un mot de 7 lettres, et que son Phi-point tombe sur sa 5e lettre, E, qui est aussi la 5e lettre de l'alphabet. Ce serait aussi le cas pour LETTERS, et bien sûr pour ABCDEFG, l'acrostiche du sous-titre.

  Je conçois que tout ceci peut apparaître un peu compliqué pour qui ignore tout du nombre d'or, et très naïf pour les matheux, mais ces quelques développements étaient nécessaires pour faire comprendre que le Phi-point de l'année n'était pas anecdotique dans Letters, et que le personnage caricatural de Bray emprunte à Barth de réelles convictions sur le nombre d'or.
  J'en viens maintenant à l'essentiel, les rebonds à la coïncidence de ma découverte du 14 août doré dans Letters le jour même où je rédigeais le passage de Novel Roman où il en était question. Je le répète, cette date du 14 août (1908) était prévue dès 1998, pour des raisons n'ayant rien à voir avec Phi, qui ne m'intéressait guère alors.
  Je rappelle que ce projet est fondé sur la curiosité des mots ROMAN (N-AMOR) et NOVEL (N-LOVE), déduite de la lecture d'une aventure de Jim Barnett (un autre JB), où l'anglaise Elisabeth Lovendale recherche la 14e lettre (missive) cachée dans la reliure du 14e tome parmi les 18 d'une édition des romans épistolaires de Richardson (il est question de ces romans, emblématiques du genre, dans Letters). Je suis maintes fois revenu sur ce jeu, dernièrement ici, lié à la gématrie, notamment celle 171 des 18 lettres ELISABETH LOVENDALE, équivalente à celle des 18 premières lettres, ou somme des 18 premiers nombres, avec le N comme seule lettre à son rang alphabétique.

  Un mot clé essentiel de Novel Roman est "anagramme", et on y voit tour à tour éliminés 18 héritiers, tous portant des noms anagrammes de ROMAN NOVEL, avec dans à peu près tous les cas une autre anagramme associée à chaque héritier.
  Le chapitre 17 m'a conduit à forger l'anagramme avec des symboles atomiques, Al, O, Er, Mo, V, NN. Ce premier essai m'a fait constater que les numéros atomiques correspondants étaient deux à deux en rapport d'or, 13/8, 68/42, 23/14, et j'ai donc décidé de faire intervenir Phi dans ce chapitre, et de le rappeler dans le final avec le 14 août.

  J'ai hésité pour mon titre entre Roman Novel (R.N.), en parfaite adéquation avec l'illustration donnée ci-dessus, et Novel Roman, choisi à cause du Nouveau Roman.

  Un élément central de Letters est le plan d'écriture du R.N., ou N-O-V-E-L, par l'ordinateur LILYVAC, à Lily Dale, "vallée des lys", mais la personnification apportée par le baptême de l'ordi (aussi appelé LIL) peut faire penser que Lily, en tant que prénom, est le plus souvent considéré comme un diminutif d'Elisabeth. Ainsi on aurait Elisabeth-Novel-Dale...
  A remarquer que la 4e de couverture énonce
At once John Barth's most novel novel,
  Un essai d'impression de NOVEL (ou de NUMBERS), dans la lettre "S" du 13 mai, donne d'abord 1 14 1 7 18 1 13 12 5 1 6 25, puis des lignes de 55 "s" et de 49 "s", alternativement, page après page.
  Il faut remplacer les numbers par des letters pour lire
ANAGRAM LEAFY ("anagramme feuillue", ou "touffue"), et 55 et 49 sont les gématries correspondant à ces deux mots.
  Il faut encore savoir que Bray est aidé par la jeune programmatrice Merope Bernstein, laquelle se fait appeler Morgana le Fay ("Morgane la fée" en anglais), ou Margana le Fay (orthographe qu'on rencontre effectivement ailleurs que dans Letters), anagramme de ANAGRAM LEAFY.

   Nombre d'or, anagramme, gématrie, tout y passe et il y a encore plus hallucinant. Un des ajouts au projet de 1998 a été une table des chapitres avec des titres tous en 18 lettres de valeur 171, formant divers messages annexes dont l'acrostiche alphabétique ABCDEFGHIJKLMNOPQR dans le première colonne. Le chapitre 14 correspondant à N est particulier, choisi dès 1998 devoir se dérouler le 16 avril 1908, Jeudi saint.

  Le sous-titre de Letters est donc disposé de façon à faire apparaître en première colonne l'acrostiche ABCDEFG, et le procédé est évoqué à diverses reprises dans le roman, notamment dans l'avant-dernière lettre, "A", datée du 7 septembre, contenant uniquement cet acrostiche issu d'un recueil de bénédictions de mariage du 16e siècle (on n'est pas obligé de tout lire):
Alle
Blessynges
Content that Cheereth ye
Darkest Days No
Enemy but many
Friendes
Good luck & Good
Health to
Inspire
Joye Bee happy as a
Kynge through a
Longe lyfe
May Mirthe
Open a
Path of Peace & never
Quit you but give you
Rest &
Sunneshine In
Trial may you bee
Unceasynglie
Victorious & attaine
Wealthe & Wisdom &
Xcellence Bee
Younge in hearte with
Zest to enjoy these & alle other good thyngs
  Seules 25 lettres composent l'acrostiche, et la lettre manquante est le N !!! Il semble que ce soit déjà le cas dans le recueil original (du moins dans une version que j'ai trouvée en ligne).
 
  C'est loin d'être tout, et je ressens cruellement ce que Ricardou appelle une "maladie chronique", l'impossibilité de communiquer en même temps tout ce qui bouillonne à peu près simultanément dans ma cervelle émerveillée.
  Il y a donc aussi la lettre "R" du 1er avril, où il est pour la première fois question du nombre d'or, or j'ai décidé, avant d'écrire le chapitre 18 final de Novel Roman, de reprogrammer les dates de publication des 18 chapitres sur le blog, du 18 au 1er avril, de manière à ce que les chapitres apparaissent dans le bon ordre dans un même mois des Archives. Le chapitre "publié" le 1er avril est donc celui dont le titre débute par "R", Riche drame d'hériter.
  J'ai décidé de titrer ce billet Drolls de dreamers, écho à Drôle de drame bien sûr, avant d'avoir vu la coïncidence du Phi-point de l'année entre Letters et mon chapitre Riche drame d'hériter.
  Je remarque que la lettre "R" du 1er avril est la dernière du mot DREAMER, "rêveur", et que, si Margana est l'anagramme de "Anagram", "rêveur" est le revers phonétique de "revers".

  Et il y a la menace de la fin du monde le 4 avril, le Vendredi saint en 1969. Dans mon projet de 1998, Norman Love devait "mourir" le 16 avril 1908, Jeudi saint, la date où Arsène Lupin semblait mortellement blessé dans L'Aiguille creuse. Mais Lupin est immortel, et le cadavre qu'on découvre n'est évidemment pas le sien, de même que le mort du chapitre 14 de Novel Roman n'est pas celui de Norman Love, que j'ai fait naître un 4 avril (en écho à son modèle, Norman Bates, inoubliablement incarné par Tony Perkins, né le 4 avril 1932).
  Lors de la rédaction effective du chapitre, il m'est apparu qu'il n'était guère possible de situer cette pseudo-mort le 16 avril, et je l'ai placée dans la nuit suivante, le Vendredi saint donc.

  Le 4 avril m'évoque bien sûr au premier chef le 4/4/44 de Jung. Cherchant si cette prédiction du Doomsday un 4/4 avait une quelconque réalité; je n'ai rien trouvé en ce sens, mais découvert le Doomsday Algorithm, proposé par le fameux matheux John Conway pour déterminer facilement quel jour de la semaine correspond à une date donnée. L'algorithme est basé sur le fait que, dans une même année, le 4/4, le 6/6, le 8/8, le 10/10, et le 12/12, des dates faciles à mémoriser, tombent le même jour.
  Et alors? Ayant constaté que les 31360 jours et 20 heures vécus par Jung jusqu'au 6/6/61 à 16 heures se répartissaient en 5 périodes de 6272 jours et 4 heures, la dernière partant du 4/4/44 à midi, la date donnée dans Ma vie... pour l'échange de son destin avec celui de Haemmerli, j'ai eu la curiosité de voir à quelles dates menaient d'autres ajouts de 6272 jours et 4 heures, soit
- au 8/8/78, 20 heures,
- au 10/10/95, 24 heures,
- et enfin au 12/12/12, 4 heures, avant que l'harmonie des dates gémellaires ne se perde.
  Ainsi la date de naissance de Jung, le 26 juillet 1875, n'ayant a priori rien de particulier, se trouve, rapportée au 4/4/44, avoir pour futur symétrique le 12/12/12.
  J'avais remarqué que Jung était mort un mardi, comme le 4/4/44 qui était le Mardi saint (de même que le 1er avril 1969), mais je n'avais pas vu que les 4/4, 6/6, 8/8, 10/10 et 12/12 des années 44-61-78-95 étaient tous des mardis. Pour 2012, les 4 heures supplémentaires aux 6272 jours (896 semaines) font passer au mercredi.

  J'ai étudié ceci dans le billet Revolution 139, du 26 juillet 2014, 139e anniversaire de la naissance de Jung, où j'avais volontairement écrit revolution en anglais, en pensant à Revolution 9 des Beatles (1968, année V du Revolutionary Novel).  J'ai eu la surprise de trouver mention du 94e anniversaire de la naissance de Jung dans la lettre "H" de Ambrose Mensch, du 4 août, sans autre lien que la date avec l'événement concerné, l'hystérectomie de son amie Magda Giulianova.

  Jung est mentionné à deux autres reprises dans le roman, pour son influence sur Joseph Campbell dans la même lettre, et pour son patient Hermann Hesse dans la lettre "D" de Lady Amherst du 26 avril.

  Deux autres personnes voient leur anniversaire posthume précisé, d'abord le président James Madison, né le 16 mars 1751, dans la lettre "T" du 3 avril (de Jacob Horner, parce que lui-même est né le 16 mars 1923. Il a fini ses études le 16 mars 1951, qu'il précise être le 200e anniversaire de Madison. Dans le même paragraphe est fait allusion au 14e des Cent-Jours de Napoléon (du 20 mars au 28 juin 1815).
  C'est justement Napoléon qui fait l'objet de l'autre anniversaire posthume, dans la lettre "O" de Lady Amherst à l'Auteur, du 16 août, dans un passage cité supra, pour précisément le 200e anniversaire de Napoléon, né le 15 août 1769.
  C'est aussi le 34e anniversaire de Jerome Bray, dont le nom complet qu'il mentionne à chaque occasion est Jerome Bonaparte Bray (ou J.B.B., ou 10 2 2), et qui est un descendant de Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon.

  Comme j'ai eu à maintes reprises l'occasion de l'indiquer, je n'ai rien d'un observateur indépendant, et maintes coïncidences littéraires que j'ai relevées n'auraient probablement pu l'être par quelqu'un d'autre, surtout lorsque ma propre écriture est concernée, comme le cas du Phi-point de l'année, mais comment rendre compte de mon approche de Letters juste au moment où je rédigeais l'épisode de Novel Roman où il en est question?
  Dans Letters, c'est donc un membre de la famille de Napoléon, bonapartiste lui-même, qui met en avant ce Phi-point de l'année, or je pourrais moi-même appartenir à cette famille, sans en être aucunement fier. Ma trisaïeule Souverbie était lingère à la cour de Napoléon III, où elle a été engrossée par paraît-il un haut personnage (j'ai déjà eu l'occasion d'y voir un parallèle avec l'aïeule Lovendale, engrossée par George IV).
  Sur cette photo de juillet 1911 figurent au premier plan à droite mon arrière-grand-père Max Souverbie, fils de la lingère, à gauche son petit-fils, mon père Maxime qui n'a pas encore 3 ans, derrière lui ses parents, Lucien et Marcelle Schulz, née Souverbie.
  Max Souverbie a eu trois enfants. Ma grand-mère Marcelle pensait que son grand-père était Maximilien de Habsbourg, et elle a baptisé mon père Maxime pour cette raison. Pour son frère Jean et sa soeur Suzanne, le géniteur était Napoléon III, dont une photo figure en tête de leurs albums de famille. L'identité réelle du suborneur était contenue dans une cassette scellée, disparue lors d'un cambriolage...

  A propos de Max, un spécialiste des lettres américaine qui a consacré un livre à Barth se nomme Max F. Schulz.

  Je ne pensais pas le révéler, mais j'ai daté dans mon dernier chapitre le vol des 18 camions (sauf le numéro 14 bien entendu) par Maxim Dufrax du 1er septembre 1908, parce que c'est la date de naissance de mon père Maxime.
  Dans le chapitre précédent, l'un des prétendus tableaux dorés de Nolven Amor est une toile de 1912 de Jean Souverbie, et le petit garçon représenté est mon père.
  L'un de ses autres tableaux dorés est supposé avoir eu pour modèle Béa Mucha, fille imaginaire du peintre Alfons, réel auteur de la toile. Ce nom était forgé pour avoir tous les nombres de Fibonacci correspondant à des lettres, 2-5-1-13-21-3-8-1.
  Un personnage essentiel de l'entourage de Jerome Bray est Bea Golden, avec qui il compte fonder le Nouvel Âge d'Or (New Golden Age). Diverses dates sont données pour le début de cet Âge d'Or, la fin du plan quinquennal NOVEL en 1971, puis le 5 avril 1969, lendemain de la Fin du Monde, puis le 5 avril 1977, fin du plan NUMBERS.

  Jerome Bray, toujours lui, annonce dans sa première lettre, "E" du 4 mars, qu'il compte attaquer John Barth pour plagiat de ses propres oeuvres, publiées sous des pseudos avec toujours pour initiales J.B., à commencer par J.A. Beille, allusion à Henri Beyle, Stendhal.
  Je faisais écho dans le chapitre 15 de Novel Roman à l'Avertissement ouvrant La Chartreuse de Parme, où le récit est dit être une "nouvelle", et où apparaît l'expression "nouveau roman".

  61 ans séparent l'action de Novel Roman, 1908, de celle de Letters, 1969, où doit être imprimé le premier essai de NOVEL, or 61 est la valeur de ROMAN. Je me suis émerveillé du couple doré NOUVEAU ROMAN, 99/61, or 99 est précisément la valeur de LETTERS, ou de LETTRES en éventuelle traduction française, où NOVEL deviendrait ROMAN.
  Je rappelle que 1969 est composé des mêmes chiffres que 99/61 (ainsi que 1996, l'année où j'ai eu l'idée de Novel Roman).

  Une de mes obsessions, associée à Jung-Haemmerli, est la paire fibonaccienne 13-21. Deux lettres successives, "E" et "N" des 8 et 29 août, de Letters font apparaître ces deux nombres dans leurs intitulés:
E: Todd Andrews to his father. 13 R, a visit from Polly Lake, a call from Jeannine.
N: Todd Andrews to the Author. A series of 21's and an intention to bequeath.
  Todd pense que les phases de sa vie se répètent, ainsi la période actuelle 13 R reprend une période antérieure 13 L. Je n'ai pas eu envie d'approfondir.
  La seconde lettre concerne une série de coïncidences autour du nombre 21.
  Il n'est bien entendu pas exclu que l'auteur ait choisi ces nombres parce qu'il est lui-même intéressé par la suite de Fibonacci. J'ajoute que le zipcode de Todd Andrews est 21613 (21 étant l'un des indicatifs du Maryland).
  C'est l'adresse où Todd Andrews vit, sur un bateau accosté dans la baie de Chesapeake. Son autre adresse est la Faculté (de lettres, bien sûr) Redmans Neck, où demeure aussi Lady Amherst, avec le zipcode palindrome 21612. Si ce zipcode est bien valide, la Fac Redmans Neck n'apparaît que chez John Barth.

  Je reviens sur mon éventuelle parenté napoléonienne avec Jerome Bray. J'ai évoqué à diverses reprises l'éon Napol, le nom que j'ai donné vers 1995 au phénomène que Jung a nommé synchronicité, pour me démarquer de la théorisation qu'il en donne.
  Ce nom symbolisait pour moi le rapport 5/13 (ou 13/5), non parce que ce sont des termes de la suite de Fibo, mais parce que je les avais remarqués dans l'oeuvre de Rabelais, avec Panurge saisi de frayeur à la 78e des 108 marches des Degrés Tétradicques descendant vers le Temple de la Dive. 108 serait selon Rabelais deux fois la "psycogonie de Platon" soit les premières puissances de 2, 1-2-4-8, somme 15, et celles de 3, (1)-3-9-27, somme 39, sans compter le 1 répété.
  On a donc 15/39 = 30/78 = 5/13, et on retrouve ce rapport à Thélème, dont chaque côté mesure 432 pas répartis en 120 et 312, avec 120/312 = 5/13.
  La disposition classique des puissances de 2 et 3 en un lambda grec, Λ, m'a conduit à constater que, selon l'isopséphie grecque,
Λ = 30, l'écriture complète de la lettre étant
Λαμβδα = 78, tandis que
TRENTE = 78, toujours en gématrie latine.
  Comme Rabelais envisage une équivalence entre le 30e monde de Métrodore et le 78e de la Plaine de Vérité, le mot PLAINE = 54 m'a conduit à
P / LAINE = 15/39 = 5/13 (gématrie latine encore en usage au 16e), et
AIE / PLN = 15/39 = 5/13.
  Les puissances de 2 et 3 m'ont conduit à envisager une forme en 2 et 3 lettres, et comme I+E = O en gématrie latine, je suis arrivé presque naturellement à NAPOL, avec
AO/NPL (ou P/NAOL)= 15/39 = 5/13,
et tout aussi naturellement à l'éon Napol, une personnification ne devant rien à mon éventuelle parenté avec le despote.
  Un fabuleux écho a été la découverte du poème fibonaccien Roman Amor, basé sur les nombres 5 et 13 et dédié à
JEAN QUEVAL = 30/78 = 5/13.

  Je peux maintenant aborder le formidable rebond que m'a permis Barth, en faisant naître Bray le même 15 août qui avait vu naître Bonaparte. Le 21e siècle m'a vu devenir pataphysicien, et prêter attention au calendrier collégial, avec quelques collisions époustouflantes. Ainsi c'est le 8 septembre 2008, jour de l'An 136 pataphysique, que je découvris la relation quintessentielle autour de l'échange Jung-Haemmerli du 4/4/44, avec
JUNG HAEMMERLI = 52+84 = 136.
  Il y a encore 84/52 = 21/13, or cette découverte était liée à la lecture d'un roman jungien le 31 août précédent, 21e jour du  13e mois pataphysique de l'an 135.
  Si le 31 août est un 21/13, le 15 août est bien sûr un 5/13:
  Et c'est ainsi que Napol(éon) est né un 5/13.
  Comme il craignait que la postérité oublie sa date de naissance, il a trouvé un obscur saint dont le nom rappelait le sien, Neapolus, et le pape a complaisamment déplacé la fête de ce saint au 15 août. Voir cette page, laquelle m'a appris que l'empereur signait parfois son courrier Napol. J'y ai aussi vu mention d'un Napoléon Sévin guillotiné en 1873 (l'an 1 pataphysique), ce qui pourrait fournir une piste pour la famille de bourreaux Sevin dans La dévoration.

  L'autre date "napolienne" serait le 13 mai du calendrier vulgaire, le 13/5, et l'une des lettres de Bray est datée du 13 mai 1969, celle exposant l'essai d'impression de NUMBERS. J'ai été amené à calculer où tombaient les sections d'or de la vie de Jung, et la petite section d'or était le 13 mai 1908.

  Je n'en ai pas fini avec Barth, et étudierai dans le prochain billet les rebonds liés à sa présence dans la revue Formules n° 9.

  Note: çoeur dp, qui a été l'une des premières lectrices de ce 272e billet de Quaternité, me communique qu'elle a trouvé ce matin en rangeant des livres le numéro 9 de la revue Anagrom, ainsi baptisée à cause de Morgana. Elle me fournit aussi un lien vers une note bibliographique du numéro 134 (Arsène Lupin, voir le billet précédent) de la revue Bibliothèque de l'École des chartes, où la note occupe les pages 272-273 (ce 272e billet sera suivi du 273e où il sera encore question de Barth).

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