20.10.13

Es werde Licht !


  Le billet précédent m'a conduit à examiner les différents sens du nom de la ville natale d'Abraham (selon la Bible), Ur, soit "feu" ou "lumière". Ceci m'a presque immédiatement rappelé le personnage central du roman Mon coeur mis à nu de Joyce Carol Oates (1998), Abraham Licht (Licht, "lumière" en allemand).
  J'ai découvert JCO en 2003 avec Une troublante identité, publié sous le nom Rosamond Smith, qui m'a fait lire dans la foulée tous les autres JCO de la médiathèque. Divers éléments m'avaient alors conduit à déceler des allusions à Queen ainsi que des constructions fibonacciennes, puis le point fibonaccien le plus significatif s'est avéré être de l'ordre de la coquille dans l'édition française de Mon coeur mis à nu, ce qui remettait fortement en question toute intentionnalité de l'auteur.
  Je connais maintenant de multiples cas similaires d'harmonies semblant échapper à toute logique usuelle, tant de cas que je commence à y voir une certaine normalité, que je me refuse à théoriser.
  J'en viens au plus vite à ma relecture de Mon coeur mis à nu, dont la structure m'avait frappé à première lecture, 3 parties de 21-13-9 chapitres, fort proche d'un 21-13-8 fibonaccien car le dernier chapitre était une unique phrase sans lien immédiat avec le chapitre précédent, où le suicide d'Abraham Licht pouvait être la véritable fin du livre.
  Je suppose que je n'avais pas en 2003 calculé les valeurs de tous les noms de ce foisonnant opus, 610 copieuses pages, ou qu'alors je ne prêtais attention qu'à des relations immédiates mettant en jeu directement les suites de Fibonacci ou Lucas, en tout cas je n'avais pas remarqué que le climax achevant la seconde partie était l'assassinat du second fils d'Abraham, Harwood Licht = 84/52 = 21/13. La dernière phrase de ces 21+13 chapitres montre Abraham recevoir le 21 décembre 1916 la tête de son fils dans un carton à chapeau, Abraham qui mène alors un somptueux train de vie sous le nom d'Albert Saint-Goar à Philadelphie, dans une propriété de Rittenhouse Square, là même où se révèle la double vie de Tristram Heade (head, "tête") dans Une troublante identité.

  J'ignorais alors que le plan original de Philadelphie était un damier de 8x21 blocs, étonnamment partagés en (3+5)x(8+13) par un "Centre Square". L'ouverture ultérieure de 5 autres artères principales créerait grosso modo un centre historique de 13x21 blocs, d'autant plus remarquable que le nom PHILADELPHIA peut se traduire en une équation fibonacienne:
Phi > LA + DEL = PHIA (13+21 = 34)
ou encore
Phi x LA = DEL. PHIA (1.618 x 13 = 21.034)
  Par ailleurs les 4 Squares également prévus dans le plan original de la ville forment les 4 coins du rectangle d'or en blanc ci-dessus (mes numérotations 13-21 se croisent sous Rittenhouse Square). Voir mon Naccipolis pour plus de détails sur cette ville de la fraternité, où divers indices peuvent donner à penser que les assassins de Harwood Licht, non identifiés, soient ses propres frères.

  Harwood Licht est le premier nom fictif de valeur 84-52 que je découvre depuis ma découverte du couple HAEMMERLI-JUNG = 84-52. Mes autres rencontres avec le couple 52-84 ont été marquées par des circonstances remarquables. Bref rappel :
- Juste avant mon intuition du schéma 4-1 de la vie de Jung autour du 4/4/44, je me suis réveillé tôt le 8 septembre 08 avec en tête la réminiscence d'une erreur sur la date de naissance de Jung dans un roman lu 25 ans plus tôt, erreur lui attribuant ma propre date anniversaire, ce qui m'a aussitôt rappelé une autre erreur sur la date de naissance d'Unica Zürn, native comme moi du 6 juillet. Dans un demi-sommeil, j'ai calculé :
JUNG-ZUERN = 52-84
- J'ai ensuite appris le nom du docteur de Jung, supposé mort à sa place, HAEMMERLI = 84, et fait le lien avec le jour de ma découverte, jour de l'an pataphysique 136, 52+84.
- Je me suis ensuite avisé que la vision de Jung, probablement le premier récit d'une rencontre dans l'autre monde, pouvait évoquer les deux personnages de l'Ancien Testament montés vivants au ciel, Enoch et Elie, dont les noms hébreux ont pour valeur 84 et 52.
- J'ai ensuite découvert l'actrice Michaela McManus,
MICHAELA MCMANUS = 52 + 84 = 136
dont un rôle essentiel a été celui du procureur adjoint Kim Greylek dans la saison 10 de New York unité spéciale. Elle y prend ses fonctions à la date du 8 septembre 2008, jour de ma découverte de l'harmonie quintessentielle de la vie de Jung qui est donc aussi le premier jour de l'an 136 de l'ère pataphysique.
- Il y eut encore le cas de René Daumal, mort au moment où se jouait "l'échange" entre Jung et Haemmerli. Pour ses amis et pour lui-même, DAUMAL = 52 était NATHANIEL = 84, prénom de même sens que Theodor (Haemmerli). Au moment où je découvrais cette relation Nathaniel/Daumal = 84/52 = 21/13 était mis en vente pour la 1e fois un document où Daumal avait procédé à quelques calculs sur la suite de Fibonacci, avec un accent sur le couple 21/13.- J'avais rencontré trois mois plus tôt dans La cité des anges un autre Nathaniel = 84, ex-ange parvenu à s'incarner, qui apprenait comment faire à SETH = 52, ange candidat à l'incarnation, ceci à l'hôpital où il allait être opéré du coeur; c'est l'infarctus de Jung qui l'a conduit à être soigné par Haemmerli.

  On comprendra que je m'émeuve que mon premier personnage fictif 84-52 apparaisse dans 21-13 chapitres "cardiaques". Et ce n'est pas tout, ainsi en immédiat écho à ce qui précède il y a un autre personnage 84-52 dans Mon coeur, Nathaniel Liges, oncle d'Abraham dont le nom ne semble mentionné qu'une seule fois.
  Liges semble être un des pseudos de la famille Licht. Ce site donne des liens vers de nombreux manuscrits de Oates, dont une page préparatoire de Mon coeur, où dès ce premier jet apparaît le nom Lige (en haut à droite). Abraham a utilisé le pseudo Jasper Liges, et Harwood son fils criminel Harmon Liges.

  La date de ce plan n'est pas donnée, mais My heart laid bare a été une oeuvre longuement pesée, car le roman est paru le 1er juin 1998, quelques jours avant le 60e anniversaire de JCO (née le 16 juin 1938), alors qu'un chapitre, The Society for the Reclamation and Restoration of E Auguste Napoleon Bonaparte, en avait été publié dans The New Black Mask le 1er juillet 1986, quelques jours après son 48e anniversaire.
  Ceci me rappelle que Jung a construit la première tour de Bollingen à 48 ans, en 1923, et qu'il y a ajouté de nouveaux aménagements tous les 4 ans jusqu'en 1935, l'année de ses 60 ans où l'édifice lui est apparu satisfaisant, correspondant à une quaternité.
  48/60 = 4/5, et j'apprends ici que My heart laid bare fait partie pour JCO d'un quintette dont le dernier volet  est paru en mars dernier (ici critiqué par Stephen King).

  Le roman était donc d'abord une Chronique de l'infâme famille Licht de Old Muirkirk, mais JCO a ensuite renoncé à ce sous-titre. Old Muirkirk appartient à une géographie fantasmatique de l'Etat de New York propre aux fictions de JCO, mais la famille Licht opère ses plus grandes arnaques dans des lieux réels, et aux trois parties du roman sont associées trois villes, Trenton, Philadelphie et New York, qui m'avaient à première lecture évoqué Halfway House d'Ellery Queen, et à la relation :
TRENTON = (PHILADELPHIA + NEW YORK)/2
ou 106 = (101 + 111)/2
  Abraham Licht, né en 1861, pratique le Jeu, l'art d'escroquer ses contemporains, et entend se perpétuer en l'enseignant à ses enfants, du moins les 4 premiers :
- Thurston et Harwood, nés d'Arabella en 1885 et 1886.
- Elisha, bébé noir prétendument recueilli par Abraham en 1889, qu'on peut supposer être aussi son fils.
- Millicent, née de Morna en 1992.
- Darian et Esther, nés de Sophie en 1900 et 1901.

  Abraham Licht est un gentleman, comme un autre cambrioleur de mêmes initiales multipliant les identités, et comme Lupin il évite la violence, mais son fils Harwood est moins bien luné, et non seulement il tue une douairière à Atlantic City (le 23 juin 1909 à l'hôtel Saint-Leon), mais son frère aîné Thurston est accusé du meurtre, jugé à Trenton, capitale de l'état, et condamné à être pendu, sentence exécutable avant le 1er juin 1910.
  Trenton, 1er juin : ceci m'avait aussitôt évoqué Halfway House, où le meurtre est commis à Trenton le 1er juin 1935, peut-être pas par hasard car j'ai vu dans le 1/6 le Jour des Queen, moyenne des anniversaires des cousins Queen nés le 11/1 et le 20/10 1905, renversement de la Nuit des Rois le 6/1. De même un procès à Trenton s'y conclut par la condamnation d'une innocente.
  L'essentiel de la 1e partie de Mon coeur est consacré à cette affaire, aux vains efforts d'Abraham pour obtenir la grâce de son aîné, qui sera finalement sauvé grâce à un subterfuge le jour de son exécution, le 29 mai. Mais Thurston, après avoir été miraculeusement libéré, n'en sera pas reconnaissant et reniera la famille Licht.

  Le tueur Harwood est chassé par Abraham, lequel place alors ses espoirs en ses deux enfants suivants, Elisha et Millicent, mais ceux-ci le déçoivent en tombant amoureux l'un de l'autre dans la 2e partie, amour qu'Abraham juge impossible, aussi chasse-t-il violemment Lisha, et Millie est désormais réticente à participer au Jeu.
  Ceci peut expliquer pourquoi Abraham semble pardonner à Harwood, lequel a monté une formidable opération. Il a rencontré le 9 avril 1914 à Denver l'héritier d'une famille richissime de Philadelphie, Roland Shrikesdale, dont l'autre qualité est de lui ressembler fortement. Harwood devient son ami, le fait parler de sa famille, et quand il en sait assez le tue le 28 avril et fait disparaître son corps.
  Sa mère dépense des fortunes pour faire rechercher le disparu, qui réapparaît le 8 septembre suivant, victime d'un accident qui l'a défiguré et rendu amnésique. Si sa mère le reconnaît aussitôt, certains membres de l'entourage sont plus réticents, surtout trois cousins qui guignaient déjà un héritage de 200 millions de dollars, mais ils se refusent à peiner la mère malade, si heureuse d'avoir retrouvé son fils.
  Harwood fait venir Abraham à Philadelphie, lequel s'installe Rittenhouse Square sous le nom Albert Saint-Goar, et la fréquentation de la bonne société locale l'amène à un prochain mariage avec un riche et noble parti.
  Le 20 décembre 1916 Anna Emery Shrikensdale meurt, mais Harwood ne jouira pas des 200 millions car il est enlevé le soir même par deux ou trois individus non identifiés, de même corpulence que lui. Le lendemain, lors de ses fiançailles représentant pour lui l'apogée de sa vie, Abraham reçoit un ensemble de paquets, contenant le corps démembré de son fils...

  Je n'ai pas décelé d'indice absolu dénonçant les assassins, mais les "cousins" n'avaient pas de raison d'en vouloir à ce point à "Albert Saint-Goar", alors que Thurston comme Elisha haïssaient à mort Harwood, et ne pouvaient accepter de le voir profiter d'un nouveau crime avec la complicité de leur père.
  Un chapitre antérieur montre Elisha mourir le 7 juin 1915 à Harlem, mais la 3e partie montre Elisha réapparaître dans les années 20 sous le nom Elihu, leader de la Fraternité noire universelle, sans que le mystère de sa mort en 1915 soit explicité, sinon qu'Elihu est dit avoir dans d'autres circonstances échappé miraculeusement à la mort.
  Elihu est une forme du nom Elie, "Dieu est YHWH", comme l'indique explicitement JCO, tandis que Elisha est notre Elisée. Dans la Bible Elisée est le successeur désigné d'Elie lorsque celui-ci est enlevé au ciel sur un char de feu. Je ne sais ce qu'a voulu exprimer JCO par ce renversement, mais je remarque l'écho avec mon thème Elie-Enoch (52-84). Il y a un autre Elie dans le roman, le père défunt Elias Shrikendale de l'héritier tué par Harwood, ainsi, plutôt que Roland, Harwood aurait pu se voir éliminer et remplacer le successeur Elisha, le "nègre" abhorré qu'il avait déjà tenté de tuer.

  Je note plusieurs "échanges" et "résurrections" dans l'histoire des frères Licht :
- Thurston est condamné à mort à la place de Harwood.
- Thurston semble mourir d'une crise cardiaque le jour de son exécution, mais il sera ranimé.
- Harwood prend la place de Roland, lequel apparaîtra ensuite comme ressuscité pour sa famille.
- Elisha meurt et renaît sous le nom Elihu.
  Je remarque la date de la rencontre entre Harwood et Roland, le 9 avril 1914 qui était cette année un Jeudi saint. Le 4/4/44 était le mardi de la Semaine sainte, et j'ai évoqué à diverses reprises l'échange d'identités du Triangle d'or, où Essarès tue Belval-Diodokis et prend sa place le 4 avril 1915, jour de Pâques, avec d'autres relations dorées :
ESSARES-BELVAL-DIODOKIS = 86-54-86, tripartition dorée des 226 cm du Modulor;
LE TRIANGLE D'OR = 140, section d'or de 226.
  La date de réapparition de "Roland" le 8 septembre m'est encore significative, et il n'est pas exclu que JCO ait choisi cette date de la Nativité de Marie (plutôt que celle de la Nativité de Jarry inaugurant l'année pataphysique).

  Abraham fait une grave dépression suite à la mort de Harwood, mais la 3e partie le montre s'en remettre et monter sous le nom de Moses Liebknecht de nouvelles combines lui permettant d'amasser des millions de dollars. Il vit désormais à Manhattan, côtoie les plus grands, dont le président Harding, se marie avec une jeune femme qui lui donne une fille en 1928...
  Le krach de 1929 vient balayer cette réussite, et Abraham, ruiné, se réfugie à Old Muirkirk, à la charge du seul enfant qui ne l'a pas abandonné, Darian, qu'il soupçonne de convoiter sa jeune épouse et comploter contre lui. Il se suicide fin 1932, dans sa 72e année, après avoir brûlé tous ses papiers, notamment le roman de sa vie, Mon coeur mis à nu.
  Si Abraham meurt dans le désespoir, se croyant trahi par ses enfants, le lecteur doté d'autres informations peut se faire une autre opinion :
- Elisha-Elihu a peut-être mené le Jeu plus loin que tous les autres Licht, avec sa Fraternité devenue une force politique marquante.
- Thurston réapparaît dans la 3e partie, sous l'identité du révérend Thurmond Blichtman. Il n'a pas renoncé au "Licht" familial, et sa quête de fonds pour bâtir une église à Miami pourrait viser à un New Muirkirk ("église du marais"). J'imagine que ce n'est pas un hasard si le krach survient au moment où son père s'occupe d'une magouille immobilière vers Miami.
- Millicent a quitté son père pour un mari attentionné, mais au fil des ans une certaine lassitude l'amène à reprendre le Jeu à petite échelle, en faisant des niches à son entourage.
- Darian et Esther n'ont jamais pratiqué le Jeu, mais n'en réussissent pas moins leurs vies.

  Je reviens à ma lecture de 2003, où j'avais prêté attention à la composition du roman, en 21-13-9 chapitres. Chaque chapitre est formé de sections numérotées; la numérotation débute à 1, hormis lorsque le chapitre est d'un seul tenant, et hormis les chapitres 7 et 14 dont la première section n'est pas numérotée.
  Avant la première anomalie les 6 premiers chapitres comptent 34 sections, avant la seconde les 13 premiers chapitres comptent 55 sections. La seconde anomalie divisait encore les 21 chapitres de la 1e partie en 13+8.
  8-13-21-34-55 : je ne doutais pas d'une claire utilisation de la suite de Fibonacci, confirmant quelques premières supputations sur l'oeuvre de JCO. J'ai consulté l'édition américaine pour avoir confirmation de ces anomalies, qui étaient bien présentes, mais il y avait deux autres chapitres (17 et 37) où la section 1 n'était pas numérotée, ce qui était pour le moins gênant.

  Ma relecture en 2013 m'a fait voir une autre anomalie. Le plus long chapitre est le pénultième, contant le déclin et le suicide d'Abraham, et le plus court est le dernier, composé d'une seule phrase.
  Ce plus long chapitre a 18 sections, ou plutôt débute par une section I et s'achève sur une section XVIII, mais il n'a pas de section VIII et passe directement de VII à IX.
  My heart laid bare n'a été traduit qu'en français et en russe. J'ai trouvé l'e-book russe Исповедь моего сердца, où je n'ai vu aucune anomalie. Les sections de ce chapitre sont numérotées de I à XVII, et tous les chapitres de plusieurs sections débutent par une section I. J'en déduis qu'il y avait 5 erreurs dans l'édition originale, offrant un motif 4-1 (4 oublis de section I et un saut intempestif), corrigées peu à peu au fil des éditions. Ces erreurs venaient peut-être du manuscrit de JCO, que je n'imagine plus être une adepte de Fibonacci.
  La nouvelle anomalie a pour moi une incidence immédiate dans l'édition française. En 2003 l'addition des nombres de sections m'avait conduit à 71-63-57 pour les 3 parties, ou 71-63-56 pour la forme en 21-13-8 chapitres où le dernier chapitre serait à part, mais il n'y a donc que 55 sections dans ces 8 chapitres, alors que l'autre anomalie pouvait souligner les 55 sections des 13 premiers chapitres. Ou 34+21 en 6+7 chapitres, également répartition des 6+2 chapitres de la 3e partie.

  Un élément manquant parmi 18 m'évoque bien d'autres choses, avec en premier lieu La lettre d'amour du roi George, une nouvelle où Leblanc a imaginé 18 lettres cachées dans les 18 tomes d'une édition des romans de Richardson, mais le tome 14 a disparu ainsi que la lettre n° 14, essentielle pour Elisabeth Lovendale car elle prouve que le roi est son grand-père.
  J'y ai vu que cette lettre-missive 14 était aussi la lettre de l'alphabet N, "haine", qu'un ROMAN français contient à la fois AMOR et N, et qu'il en va miraculeusement de même pour un roman anglais, NOVEL = LOVE + N.
  Ceci, découvert en 1996, a été le point de départ de cette série de pages de 2002, parmi lesquelles il était question du poème ROMAN AMOR de Paul Braffort et du roman Amour noir de Dominique Noguez.
  Je ne me souviens pas avoir songé à actualiser ces pages lorsque j'ai découvert JCO en 2003, et lu son Un amour noir (titre français fort éloigné de l'original), où la narratrice évoque sa grand-mère Calla Freilicht (tiens Licht, et il y en a d'autres dans l'oeuvre de JCO, et un Lux assassiné à Philadelphie dans Une troublante identité) qui a eu sa "vie coupée en deux, mais non par moitié".
  Calla a donné 3 enfants à son mari lorsqu'elle tombe à 21 ans amoureuse d'un jeune noir. Cet amour impossible les conduit à choisir ensemble la mort dans les chutes du Niagara oatesien, mais Calla y survit 55 ans, immobilisée par de multiples fractures.
  Lors de mon approche de 2003 j'étais sûr que ces 21-55 avaient été choisis parce que c'étaient des Fibos, non consécutifs pour accentuer la différence, mais je ne crois pas avoir vu alors la similitude avec ROMAN AMOR, 18e poème d'un ensemble construit par le matheux Braffort selon un théorème concernant la suite de Fibonacci, en conséquence duquel ce 18 est coupé en deux, mais non par moitié, en 5-13, Fibos non consécutifs, et par un hasard confondant le poème est dédié à JEAN/QUEVAL = 30/78 = 5/13.

  Queval est la forme picarde de "cheval", et ma recherche quaternitaire m'a récemment conduit à un autre livre de Noguez, Lénine-Dada, or j'ai voulu magnifier en 1998 (l'année où est paru My heart laid bare) l'affaire N-AMOR par le projet Novel Roman, où le détective Honoré de Valmondada, au nom de 18 lettres de valeur 171 comme la somme des 18 premiers nombres, avec le N en 14e position comme Elisabeth Lovendale, enquêtait sur 18 meurtres des héritiers de V-A Monlorné qui avait choisi de partager sa fortune entre toutes les identités anagrammes de son nom.

  Un écho particulier apparaît avec les erreurs de l'édition française de Mon coeur, semblant souligner un double partage 34-21, avec notamment les chapitres 7-8 de la 3e partie en 4-17 sections avec un trou, car j'avais tenté une adaptation du jeu N-AMOR en N-LOVE, avec une des victimes de Novel Roman, O'Malvernon (inspiré de Charles-Auguste Milverton, dont les prénoms sont équivalents à Carl Gustav), qui détenait une lettre contenue dans le volume 14 des oeuvres de Hugo Vernier (emprunté à Perec). Mon Vernier aurait organisé de son vivant l'édition de ses oeuvres complètes en 21 volumes, avec les 4 premiers baptisés selon la tradition latine (4 premiers mois, 4 premiers enfants d'une famille), et les 17 autres numérotés non de 5 à 21 mais de 5 à 22 car Vernier superstitieux s'était refusé à un tome 13.
  En conséquence l'absence de la "lettre 14", N, créait un trou parmi ces volumes numérotés, entre 5-12, EL, et 15-22, OV.

  Si je reportais ce schéma aux chapitres 7-8 de l'édition française, ce serait la section 12 (L) qui manquerait, au lieu du tome 13 (M). Seul moi pouvais sans doute avoir l'idée de ce rapprochement, et le lecteur lambda serait plutôt mû à ne considérer que l'absence de la section 8 du 8e chapitre, suggérant le découpage 1-7, 9-18, soit A-G, I-R. Si l'absence du tome 14 de Richardson m'avait conduit à A-M, O-R, évoquant le palindrome AMOR-ROMA, l'absence de la section 8 conduirait ici à un autre palindrome, AGIR-RIGA, seule autre possibilité intelligible pour les 18 premières lettres.
  C'est précisément ce palindrome qui a fait naître mon double Tom Lapnus à Riga dans mon roman Sous les pans du bizarre, dont l'écriture assurée d'une publication a interrompu la rédaction de Novel Roman, que je n'ai pas reprise ensuite. Le billet précédent m'avait mené à Elmo Schulz, natif de Riga, père de Xul Solar auquel j'avais été conduit via Borges par le vengeur Urias de Rouge-Gorge de Jo Nesbø, et c'est l'association Lux-Ur qui m'a rappelé le personnage d'Abraham Licht.
  Dans le roman suivant de Nesbø, Rue Sans-Souci, c'est le palindrome AMOROMA qui apporte la lumière à son héros Harry Hole.

  Un autre billet récent m'a conduit au premier roman de JMG Le Clézio, Le Procès-Verbal, en 18 chapitres "numérotés" de A à R, ou plutôt 17 car il n'y a pas de chapitre Q.
  Le Clézio a eu le Nobel en 2008, alors que JCO est considérée comme nobelisable depuis plus de 20 ans, encore donnée en 4e position par les parieurs cette année.
  Le Procès-Verbal contient le couple le plus fibonaccien rencontré jusqu'ici,
ADAMPOLLO / MICHELE = 89/55.
  Lors de ma lecture en 2003 de Mon coeur, je privilégiais les relations directement fibonacciennes, alors que j'ai étendu depuis mon intérêt à toute relation dorée optimale entre deux entiers. Il est frappant de trouver de telles relations pour les deux fratries utérines Licht :
THURSTON / HARWOOD = 135/84
ESTHER / DARIAN = 75/47
et encore plus que leur autre soeur reconnue ait ses trois noms principaux en relation avec ces valeurs :
MILLICENT = 97 = (135+84) — (75+47)
MILLIE = 60 = 135 — 75 (son diminutif courant)
MINA = 37 = 84 — 47 (sa seule escroquerie, menée dans la 1e partie, se fait sous le nom Mina Raumlicht)
  97-60-37 est bien entendu aussi une série d'or, de plus correspondant à la COUPE / D'OR (60/37), nom donné par Sérusier à l'harmonie dorée, citée dans divers billets.
  La mère de Millicent est en outre Morna Hirshfield = 61/98, autre nom doré.

  MORNA est une anagramme de ROMAN ou N-AMOR, mais le fait que la fille de Morna s'établisse finalement à Richmond m'évoque fortement la dernière enquête d'Ellery Queen, The Tragedy of Errors, où la victime est l'actrice Morna Richmond (calquée sur Norma Desmond de Sunset Boulevard). JCO n'aurait pu connaître ce projet, publié en 2000, que si elle avait connu Dannay.
  Morna Richmond a été mariée à Harmon Reed, et l'une des identités de Harwood est Harmon Liges. Son assassin est le psy Rago, anagramme de GOAR, sanctifié par Abraham Licht en Saint-Goar.
  La formidable arnaque napoléonienne de 1912-13 fait intervenir François-Léon Claudel (Abraham Licht), prétendu descendant d'un fils de Napoléon qui entend faire partager un immense héritage à tous ses parents, en leur demandant de substantielles provisions pour payer les avocats en charge du dossier; elle se conclut par un grand meeting à Philadelphie où Claudel présente à tous ceux qui se sont reconnus issus de cette lignée le descendant le plus direct, le propre petit-fils de Napoléon interprété par le noir Elisha... Claudel et Elisha sont deux des amants de Liliane Grey dans Le quatrième côté du triangle, de Queen, qui inspirent à la styliste les noms des collections Dulcela et Sheila. D'autres anagrammes de ce "roman" sont Hurt et Roman devenant Ruth et Norma. Je rappelle le vrai nom de l'actrice Ruth Roman, Norma Roman...

  L'arnaque napoléonienne a permis de récolter des millions de dollars, qui échapperont aux Licht victimes de leurs comptables et banquiers. C'est dans cet épisode qu'apparaît le nom Nathaniel Liges (84-52), oncle d'Abraham qui l'aurait jadis grugé, comme quoi les Licht/Liges n'ont pas attendu Harwood Licht (84-52) pour léser leurs parents.
  Un écrivain américain employant le nom Nathaniel peut difficilement ne pas penser à Nathaniel Hawthorne, et qui dit Hawthorne dit Salem, devant son nom à la Salem biblique où Abraham a rencontré Melchisedeq, épisode récemment évoqué.
  Il est curieux de voir OATES se livrer à des jeux entre son nom et SALEM (devenant OALEM puis OATEM) sur le brouillon de My Heart déjà signalé.
  Incidemment, il m'avait paru que le nom Lovendale de Leblanc pouvait faire le lien entre Lovelace de Richardson et Dimmesdale de Hawthorne. J'ai découvert Rosamond Smith (SMI) en cherchant à la cote SOR un roman de Virginia Sorensen où une femme et son enfant illégitime étaient chassés de leur ville, comme dans La lettre écarlate.
  Je note aussi le nom sous lequel Licht amasse une fortune de 24 millions de dollars, Liebknecht, nom qui contient toujours Li...cht, mais signifiant "chevalier de l'amour".

  Le nom Liges serait une forme du nom écossais Gillis ou Giles, signifiant Giolla Iosa, "serviteur de Jésus". C'est une permutation qui aurait donc conduit de Giles à Liges, et ceci m'évoque le nom Sigel, à la fois patronyme juif, considéré comme dérivé de sagan levi, assistant lévite, patronyme allemand forme de Siegel, "sceau", et nom d'une déesse solaire.
  Encore un écho xul-solarien...

  De même que Jo Nesbø donne dans Rouge-Gorge le sens du nom hébreu Daniel, mais se garde d'en faire de même pour Urias, JCO donne le sens de Elihu mais se garde d'analyser les autres noms hébreux présents, qui semblent pourtant mûrement pesés :
- Abraham signifie "père d'une multitude", et son but était de pérenniser le Jeu en l'enseignant à ses 4 aînés (est-ce un hasard s'ils forment dans l'ordre l'acrostiche THEM, "eux").
- La fondatrice de la dynastie Licht/Liges semble être Sarah, jadis morte à Old Muirkirk après avoir mis au monde un enfant illégitime, Sarah dite "princesse", ce qui est précisément le sens de l'hébreu Sarah.
- Elisha signifie "Dieu sauve", de même racine que Jésus.

Aucun commentaire: