3.3.13

méandres

pour Denise ma nouvelle mère

  Au départ de ce billet il y a une réflexion sur les mots turcs pour "blanc" et "noir", ak et kara. Ceci m'a rappelé La Vie mode d'emploi (VME), dont l'histoire principale est celle du riche excentrique Bartlebooth, qui a décidé de consacrer sa vie à une entreprise qui ne laisserait aucune trace :
- apprendre pendant 10 ans l'aquarelle (1925-1934);
- peindre pendant 20 ans 500 marines au cours d'un tour du monde (1935-1954);
- consacrer les 20 années suivantes (1955-1974) à résoudre les puzzles réalisés par Gaspard Winckler à partir de ces aquarelles, dans l'ordre où il les avait peintes; après chaque résolution, l'aquarelle originale est séparée de son support de bois, ramenée à l'endroit où elle a été peinte, effacée, et Bartlebooth en récupère le papier vierge...
  Ce projet échoue, comme la plupart des grands projets évoqués dans VME. Les raisons en sont multiples :
- les puzzles deviennent de plus en plus difficiles;
- la vue de Bartlebooth baisse, et il devient complètement aveugle en avril 75 après la résolution du 438e puzzle représentant Trébizonde, alors qu'il a 16 mois de retard;
- par ailleurs un esthète suisse a appris l'existence du projet, et multiplie les tentatives pour s'emparer des aquarelles de Bartlebooth; peut-être réussit-il pour cette 438e aquarelle, car les quatre hommes chargés de l'effacer à Trébizonde meurent dans un inexplicable accident...
  Bartlebooth décide alors de renoncer à cette dernière partie du rituel, sans effet puisqu'il meurt le 23 juin avant d'avoir achevé le 439e puzzle, représentant un port à l'embouchure du Méandre.

  Le Méandre (Büyük Menderes en turc) se jette dans la mer Egée, partie de la Méditérranée, laquelle se nomme en turc Akdeniz, "mer blanche", par opposition à Karadeniz, la mer Noire qui baigne Trébizonde (Trabzon).
  Le noir et le blanc pour ces deux derniers puzzles, voilà qui peut trouver sens quand on sait que chaque puzzle en attente est dans une boîte noire, que chaque puzzle résolu est appelé à redevenir une feuille blanche, que l'esthète suisse habite dans les Grisons, et qu'un de ses pseudonymes est Ehrich Weiss ("blanc"), nom de naissance de Houdini. Ou encore que cette partie de la mer Blanche, la mer Egée (Ege Denizi), doit son nom selon la mythologie au père de Thésée; il était prévu que la flotte de retour de Crète arbore des voiles blanches si Thésée avait survécu, noires sinon, mais les voiles se trouvèrent noircies par accident, et Egée désespéré se noya sans plus attendre.
  Environ mille kilomètres séparent Trébizonde de l'estuaire du Méandre (les deux flèches de la carte ci-dessus), et le chapitre 15 de VME peut faire douter que les aquarelles aient été peintes dans cet ordre :
En 1952, ils parcoururent l'Océanie, en 1953 l'océan Indien et la mer Rouge. La dernière année, ils traversèrent la Turquie et la mer Noire, entrèrent en U.R.S.S., montèrent jusqu'à Doudinka, au-delà du cercle polaire, à l'embouchure du Iénissei, traversèrent à bord d'une baleinière les mers de Kara et de Barents (...)
  Si Bartlebooth a commencé par peindre Trébizonde, au nord-est, était-il judicieux de faire ensuite 1000 km pour rejoindre le Méandre au sud-ouest, et revenir ensuite à la mer Noire ? Par ailleurs, dans le meilleur des cas (la 438e aquarelle première peinte en Turquie), Bartlebooth aurait dû peindre un minimum de 63 aquarelles au cours de l'année 1954, ce qui est en totale contradiction avec les divers passages décrivant le projet, indiquant une moyenne de 25 marines par an, ou deux semaines consacrées à chaque port, emploi du temps "généralement scrupuleusement respecté".
  Sans doute ne faut-il pas prêter une attention exagérée à ces incohérences, et les amateurs savent qu'au dernier chapitre de VME les "61 boîtes noires" scellées qui contiennent les puzzles restants tiennent leur nombre de l'indicatif 61 de ce dernier chapitre correspondant au bureau de Bartlebooth, case 6-1 du damier représentant l'immeuble, ce qui a donc commandé qu'il meure devant le puzzle 439, mais Perec aurait pu aisément contourner le problème, à moins qu'il n'ait été important pour lui que les deux derniers puzzles se trouvent en Turquie, et inaugurent la dernière année du périple de Bartlebooth.
  Je remarque que son itinéraire mentionne immédiatement la mer de Kara après la mer Noire, Karadeniz,  cette mer de Kara étant Kara Denizi en turc; Doudinka est à l'embouchure du Iénissei qui se jette dans la mer de Kara.
  Si ceci survenait juste après les peintures de janvier en Turquie, il est douteux que Bartlebooth ait pu embarquer à bord d'une baleinière pour traverser les mers de Kara et de Barents, la première n'étant navigable qu'en été...
  Si la dénomination de mer Blanche pour la Méditerranée est propre au turc, une mer Blanche plus universelle jouxte la mer de Barents, j'y reviendrai.

  Qui connaît quelque peu l'oeuvre de Perec ne peut que se demander s'il ne faudrait pas rapprocher ces deux mers Kara de Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?, où une bande d'amis tente d'aider un nommé Kara... à se faire réformer; il est d'abord nommé Karamanlis, ensuite décliné en Karawo, Karawasch, Karacouvé, et quelque 70 autres Kara.
  Ce deuxième roman publié de Perec n'est pas son oeuvre la plus prisée, et j'avoue avoir du mal à lire cette grosse farce pas si drôle que ça. C'est cependant dedans que le grand perecologue Bernard Magné a trouvé l'indice fondamental de sa thèse du 11-43, métonymie de la disparition de la mère partie pour Auschwitz le 11 février 43, car Kara... y est envisagé examiné par
onze psycholonels, avec quarante-trois centimètres de sonde javellisée dans l'oesophage.
  Magné relie ce manque fondamental dans la vie de Perec au nombre 11 omniprésent dans son oeuvre. Le 43 y est bien plus rare, et nécessite parfois des gymnastiques acrobatiques pour le dénicher, ainsi Magné voit un 4-3 signifié par le passage de "adieu veau vache cochon couvée" à Karawo-Karawasch-Karacouvé.
  Il est concevable que Perec, amateur d'atlas, ait connu le sens de kara en turc, car les cartes mentionnent souvent le nom local Karadeniz à côté de Mer Noire, en tout cas le cinquième et dernier nom donné dans ce premier paragraphe du roman est Karatruc, tandis que le second paragraphe se penchant sur ses origines envisage finalement que "ç'aurait pu être un Turc."
  Plus proche de la thématique perecquienne du manque serait le japonais kara, "vide". A défaut du karaoké ("o'chest'e manquant") assez récent, le karaté était connu de tous en 1966, et son sens était aisément accessible, "main vide", surtout pour un amateur de mots déclinant les Kara... A un niveau linguistique qui me dépasse, ce livre examine les avatars de la matrice k-r en japonais, et mentionne kuro, "noir".

  Tous les efforts des amis de Karamachin restent vains, et Karachose non seulement décide de partir à la guerre, mais n'a aucune reconnaissance envers ces "amis".
  Je n'ai guère envie de m'attarder sur Quel petit vélo, dont les Kara donnent du poids aux deux mers Kara encadrant la mort de Bartlebooth, dans la mer Blanche ou mer Egée, où est mort un père... La mort programmée de Percival Bartlebooth représentait pour Perec une sorte de catharsis aux disparitions de ses parents, incompréhensibles pour un tout jeune garçon. Voir à ce sujet mes pages sur VME.
  Les incohérences du périple de Bartlebooth le menant à la mer Egée entre deux mers Kara, "vide", peuvent trouver un sens, l'absence de la mère, sens loin d'être assuré, mais c'est le propre de l'écriture perecquienne d'ouvrir de multiples pistes de lecture, dépassant souvent les intentions de l'auteur.

  La "vraie" mer Blanche apparaît au chapitre 60 de VME, à propos d'un poète et romancier français du 19e siècle, Albert de Routisie, qui mourut dans un naufrage en mer Blanche, lors d'un pèlerinage à Arkhangelsk, et dont la fille Irène fit éditer son roman inachevé Les Cent-Jours, et un recueil d'aphorismes, Leçons. Les chercheurs ont vu qu'il s'agissait du pseudonyme sous lequel Aragon a publié un roman X, Le con d'Irène, et que les titres cités faisaient allusion à d'autres oeuvres d'Aragon, La Semaine Sainte et Le roman inachevé pour Les Cent-Jours, pouvant faire allusion au chapitre manquant parmi les 100 prévus de VME, Blanche ou l'oubli pour le naufrage en mer Blanche.
  Rien ne semble gratuit chez Perec : naufrage et pèlerinage à la ville de l'archange évoquent facilement le naufrage du Sylvandre dans W, où meurent Caecilia Winckler, son fils Gaspard, et le précepteur Angus Pilgrim. Par ailleurs Perec a eu une soeur en 1938, qui n'a vécu que quelques jours (un ange), et qui se serait nommée Irène.

  Tiens, Aragon est l'anagramme d'Angora, qui a d'abord été le nom d'Ankara, à peu près à mi-chemin entre Trébizonde sur la Karadeniz et l'embouchure du Méandre sur la Akdeniz, et on pourrait lire ak comme kara dans ce nom turquisé en 1930 dont la forme antique, Ankyra, signifiait "ancre" en grec. Ancre, blanc, noir, voilà qui rappelle ce que Magné a nommé "aencrage", caractéristique de l'écriture de Perec.
  A la mer Noire est associée la mort des 4 journalistes expédiés à Trébizonde pour effacer l'aquarelle de Percival Bartlebooth, à la mer Blanche celle du père d'Irène.
 Père, Perec, Peyrac... Aragon me fait immanquablement penser au "Aragon n'était pas un minet" de la chanson de Nicolas Peyrac Et mon père, qu'on pourrait réviser ainsi :
 Quand vous dansiez en ce temps-là
 Aragon n'était pas angora
  En turc le chat angora se dit Ankara kedisi.

  Kara a encore pour homonyme "carat", et la contrainte Cendres et Diamant dans VME m'a inspiré mon étude sur le Père C.

  Père et mer... Il n'existe en français qu'un seul mot "fibonaccien" de 4 lettres, CADE (lettres de rangs 3-1-4-5), remarquable car ce mot est au centre du thriller anglais Sépulcre où il est question de la suite de Fibonacci, mise précisément en correspondance avec ce mot, pour d'autres raisons.
  Il existe quelques mots de 3 lettres offrant la même propriété, dont MER (13-5-18), encore REMarquable car Perec a trouvé cette séquence 5-13-18 dans un recensement de ses adresses parisiennes, selon une page intitulée Numérologie dans le dossier de Lieux, un projet d'écriture sur 12 ans interrompu par la disparition de l'auteur.
  Certains commentateurs trouvent ces calculs étranges, pas moi... Magné y voit une démarche inverse à ce qu'il appelle les "aencrages arithmétiques", consistant à jalonner le texte de repères biographiques, tels 11-43, sinon à le structurer et lui donner sens à partir de ces nombres, alors qu'ici il s'agirait de dégager "une éventuelle raison mathématique de l'aléatoire d'une biographie".
  "La tentative tourne court", conclut le cartésien Magné, mais je n'en suis pas si sûr, sachant que les suites de Fibonacci ont attiré Perec très jeune, antérieurement à sa participation à l'Oulipo. La mini-suite additive concerne ici les 3 adresses principales de Perec, la rue de l'Assomption où il a vécu de 44 à 60 chez ses parents adoptifs, la rue de Quatrefages où il a vécu avec sa femme Paulette de 60 à 66, la rue de Linné où il a passé ses dernières années, 75-82, avec sa compagne Catherine. L'intérêt pour Fibonacci semble devenu encore plus vif dans les dernières années, et des documents témoignent de contraintes fibonacciennes envisagées pour deux textes, Noce et "53 jours".

  Je note aussi la présence dans la liste du nombre 53, également envisagé comme "aencrage" par certains perecologues, tel Bertelli pour lequel le titre du roman inachevé de Perec va plus loin que les 53 jours mis par Stendhal pour écrire La Chartreuse de Parme. Je remarque que Perec a noté ses adresses correspondant à des nombres premiers, 5-13-53, somme 71, or Perec fait intervenir dans le roman l'adresse de Serval 71 rue Murillo, qui excède les numéros existants de cette petite rue en bordure du parc Monceau, non loin du 11 rue Simon-Crubellier tout aussi inexistant. Une source d'un roman enchâssé dans ce livre-gigogne est une aventure d'Arsène Lupin de Maurice Leblanc, or le baron d'Imblevalle demeure au 18 rue Murillo dans La lampe juive, seconde partie de Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, et 18+53 = 71, CQFD...
   Si la seconde partie de "53 jours" est une énigme, le R est un M qui se P le L de la R, l'affaire de la rue Murillo chez Leblanc contient un cryptogramme avec des manques, CDEHNOPRZ - 237. Amusant que ce 237 corresponde à la somme des 6 numéros des domiciles de Perec, hormis 53... A noter encore que la solution "Répondez Echo" est un possible écho à la gématrie 134 de "Arsène Lupin", que Leblanc a envoyé dans une autre aventure au 134 rue du Bac, non loin du 92 où logerait Perec. Si Perec n'a repris que les numéros impairs de sa liste, les pairs 18-24-92 ont pour somme 134. Je constate que ces nombres 18-24-92 dessinent une parfaite équivalence gématrique avec R-ené-Paulins, anagramme choisie indépendamment par au moins trois auteurs, Michel Lebrun pour Ma vie est un roman, Ch. Prat pour Le déshonneur d'Adolphe von Handke, Michel Bussi pour Code Lupin (et Louis Gendebien, que je n'ai pas contacté, pour Arsène Lupin et le Secret des Lys).
  Je rappelle que l'architecte du 11 rue Simon-Crubellier est un certain Lubin Auzère, valeur 134.

   Bien entendu j'ignore si Perec a aussi vu ces possibilités, et les a utilisées, mais je suis certain qu'il ne laissait rien au hasard et a choisi par exemple le 71 rue Murillo pour des raisons précises, et j'imagine que des exégètes avec d'autres connaissances pourraient en trouver des explications tout aussi acceptables.
  Je ne suis pas davantage assuré que Perec ait relié ses adresses 13-5-18 au mot MER, mais ceci n'a rien d'absurde pour quelqu'un qui par exemple remarquait (dans Penser/classer) que la 9e lettre apparaissant dans un chapitre de Si par une nuit d'hiver était un I, correspondant à son rang alphabétique.

  Et Jung dans tout ça ? Je rappelle que j'associe ma découverte le jour de l'an 136 (calendrier pataphysique) du motif 4-1 dans sa vie à ma lecture de Des jours et des nuits le 21/13 précédent, rapport retrouvé dans les valeurs Haemmerli/Jung = 84/52. L'abondance des 21-13 dans cette affaire est telle que j'en suis à 90 cas répertoriés ici.
  Jour/nuit m'a conduit à l'opposition blanc/noir, et l'étude dans différentes langues m'a conduit au turc ak/kara, qui dans notre alphabet correspondrait aux valeurs 12/31, ce qui se renverse en 21/13.
   Perec s'imposa à moi dès que j'eus vérifié mon intuition de la nuit du nouvel an 136, car la vie de Jung se répartit autour du 4/4/44 en 4 et 1 fois 6272 jours, et je connaissais depuis plus de 10 ans ce nombre, valeur  du sonnet Vocalisations donné dans La disparition, que j'avais choisi d'étudier pour son motif 4-1, et découvrir ainsi la parfaite harmonie de ses 4 strophes, 14 vers, 112 mots, de gématrie 4 x 14 x 112 (ceci m'avait conduit en décembre 2006 à proposer une anagramme plus équilibrée de ce sonnet qui avait déjà connu 3 autres anagrammes, si bien que j'avais fait ce 5e arrangement des mêmes lettres de valeur 6272 avant de découvrir la vie en 4+1 fois 6272 jours de Jung).
  La Turquie a sa place dans La disparition, où la mal(é)diction qui frappe l'alphabet est née à Ankara... Le roman a été traduit en turc (Kayboluş) en 2005, et j'ai été charmé d'y trouver Vocalisations traduit sous un titre éminemment quaternitaire :
       Dört arti Bir ünlü (Quatre plus Un fameux)
  Le turc se prêtait admirablement à la traduction du premier vers
       A noir (un blanc), I roux, U safran, O azur :
devenant
       A kara, (ak boşluk), I kızıl, U zümrüt, O mor :
qui sans tricherie aucune se traduit
       A noir, (blanc vide), I rouge, U émeraude, O violet :
  Non seulement les couleurs propres aux 4 voyelles sont exprimées par des mots ne contenant que ces seules voyelles, mais le "blanc vide" ak boşluk est à une lettre près l'anagramme de kayboluş, "disparition".
  J'ai eu la curiosité de voir ce que signifiait l'anagramme exacte ay boşluk, et c'est une expression courante signifiant "absence de lune"; ay signifie "lune" ou "mois", et je pense à l'hébreu levana signifiant "lune" ou "blanche".
  Je pense aussi à l'arabe kmar, "lune" encore, et aux 5 strophes Kmar (k=11, kmar = 43) de Noce qui semblent architecturées autour de 11-43.

   Ma fascination pour le 21/13 pataphysique m'a fait aussi m'intéresser au 31/12 vulgaire, dernier jour de l'année. VME ne précise que deux dates pour l'exécution des aquarelles de Bartlebooth, le 12 juin 40 pour Port-Dauphin (Madagascar), le 31 décembre 53 pour Port-Saïd (Egypte).
  La première est fort proche de la mort du père de Perec, le 16 juin, l'autre est logiquement la 437e aquarelle, juste avant la 438e à Trébizonde, qui a dû être peinte au tout tout début de janvier 54 si Bartlebooth a 16 mois de retard en avril 75... Enfin la logique est-elle de mise devant le parcours du millionnaire qui lui fait passer de Port-Saïd à Trébizonde, de Trébizonde aux bouches du Méandre, puis revenir à la mer Noire ?
Note du 19/12/13 : J'apprends dans le tome 2 de La langue des oiseaux de Richard Khaitzine que la mer Noire était appelée par les Romains Mare Caecili, "mer aveugle" car accessible par le seul détroit des Dardanelles, ce que les Bulgares ont ensuite compris comme "mer Cécile" (море Сесил). Si Wikipédia donne une origine différente à cette réelle "mer Cécile", j'imagine que la "mer aveugle" n'est pas une invention et que cette étymologie a pu être accessible à Perec. Ceci peut donner de nouvelles idées sur les deux derniers puzzles de Bartlebooth et leur interversion logique, celui de la "mer Cécile" (nom "français" de la mère Cyrla) suivi par celui du "Méandre" (André nom "français" du père Icek) que Bartlebooth complètement aveugle ne peut achever.

  Port-Saïd le 31/12 me fait remarquer que de cette embouchure du canal de Suez (Zeus rend fous ceux qu'il veut perdre) Bartlebooth passe à la mer Noire (Kara=31) puis revient à la mer Blanche (Ak=12).
  Mon jeu 31/12 > 21/13 me rappelle que Port-Saïd apparaissait dans le palindrome PG de GP en 1970, pour faire apparaître Et in Arcadia ego, immédiatement précédé par Herculanum, ce qui m'avait fait critiquer une thèse zarbi sur un prétendu secret du tableau de Poussin, supposé révéler l'emplacement de Herculanum, et imaginer ironiquement que Perec aurait connu ce secret bien avant les auteurs de la thèse :
(…) porte-idole : MédraNoé, Lasare. Martyrologe !
  Eh, Port-Saïd à cran - item : un à lucre héliotrope – le fleuve (Nil, Ob...) mort secrète, je révère, vivant élu, Outamaro napolitain - Système – Passage du névé - Réel 
  Klee revenu, Degas sapé, Metsys - Nia-t-il, O panorama tu, où l'Etna vive - Rêve - rejeter ce Stromboli né, vu : Elfe, le Port, O île – Herculanum
  Et in Arcadia (strophe) ego.
  L'or y tramera sa léonarde mélodie : Trope (…)

  Quelques jours après que mon intérêt pour ak-kara m'ait fait découvrir en janvier le passage de Karadeniz à la mer de Kara dans VME, les hasards du streaming m'apprenaient l'existence du film canadien Karakara, probablement tout juste sorti en DVD.
  Le film n'a semble-t-il été distribué qu'au Canada, où il est sorti le 31 août dernier, le 21/13 pataphysique!
  En japonais, le mot karakara renvoie à une carafe dont on se sert pour la liqueur awamori; signifiant "vide vide", ce mot se veut la reproduction du son de la boule que l’on glisse dans la carafe pour indiquer qu’elle est vide.
  Et l'arak, dans quelle efarac le sert-on ?

  Tiens, un groupe coréen, auquel appartient une jeune Jung, se nomme Kara, du grec χαρά, "joie", interprété comme "douce mélodie" (la léonarde mélodie de Perec ?)

  En janvier encore, les pataphysiciens internautes recevaient un message de Thieri Foulc, illustré par une création de Giacomo Faiella, Le monde palindrome :
  J'ai songé à faire figurer ceci dans le précédent billet, car l'image semble montrer un état intermédiaire de la Terre lors de la dérive des continents, avec un équilibre parfait des mers et des terres, mais je la trouve encore plus appropriée ici, car en turc kara est aussi le substantif "terre", et la mer Noire, kara = "vide", y correspond à Java, l'île la plus peuplée du globe.
  Une autre version du Monde palindrome est en ligne ici.

  Kara = 31 donc, et il y a 31 ans disparaissait Perec, le 3 mars 82, laissant un vide difficile à combler.

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