27.6.12

puzzle échevelé

à Claude & Gaston

Quelques suites et ajouts au billet précédent.
La controverse Ricardou-Magné est née dans le numéro 3 de Formules (avril 1999) avec le RAPT (Récrit Avisé Par la Textique) opéré par le premier sur un extrait de La Disparition.
Parmi les 71 mots de ce court texte figurait un regrettable "selon" dont se gaussèrent quelques esprits peu charitables, notamment le "spécialiste éminent" Magné. Ricardou expliqua la raison de sa bévue dans le numéro suivant (avril 2000) : il avait d'abord écrit "un oubli nul suivant un soin assidu", puis, relisant son texte sur épreuve, "suivant" lui était apparu contrevenir à quelques règles de textique (touchant notamment aux allitérations), et il l'avait remplacé par le malencontreux "selon"...
Ceci eût pu suffire, mais Ricardou a consacré 15 pages à cette affaire, au terme desquelles on pouvait se demander si sa modification n'était pas finalement justifiée, et si ce n'était pas Perec qui avait eu tort de composer un roman sans E, avis peut-être partagé par Gallimard qui a donné en avril 03 une réédition de La Disparition où il a été dénombré pas moins de 4 E.
Suite dans le n° 5 de Formules où la revue a invité Magné et Ricardou à régler leurs comptes, permettant les 2 n° 24 en page 224 commentés dans mon dernier billet, mais l'échange "suivant-selon" avait précédemment éveillé en moi un écho très personnel.

Au moment où paraissait Formules n° 3 et le RAPT avec "selon", en avril 99, je faisais la connaissance de JiBé Pouy qui ou Sous les trépans car Paterne est l'anagramme de trépanéme proposait d'écrire un roman pour la nouvelle série "intello-populaire" qu'il avait imaginée, laquelle deviendrait les enquêtes du libraire Pierre de Gondol.
J'écrivis Sous les pans du bizarre pendant l'été suivant, plutôt facilement mais il se posa un épineux problème avec ma construction, basée sur les trois premières strophes du Chant d'Alphésibée de la 8e Bucolique de Virgile. Elle s'adaptait parfaitement à mon intrigue, sauf pour le chapitre 10 auquel je ne voyais pas quel contenu donner.
Il débutait la 3e partie, intitulée Le mystère K.O., et son titre devait être Cas, homophonie de la lettre K. Un vers de Roussel, issu des Nouvelles impressions d'Afrique, me passa par la tête,
Combien change de force un mot selon les cas !
Il me vint l'idée d'une création sans rapport immédiat avec l'intrigue, un intermède ludique en vers proposant 60 énigmes, dont les solutions seraient 60 mots débutant par la syllabe "ca".
Ce qui fut fait, avec en introduction le vers de Roussel.
Du moins ce que je croyais être le vers de Roussel, car je m'aperçus plus tard que c'était en fait
Combien change de force un mot suivant les cas !
qui était on ne peut plus approprié à mon exercice puisque "suivant", outre son sens de "selon", désigne aussi "ce qui vient après".
Si mon souvenir avait été erroné, je suis assez certain d'avoir peu après relu le passage de Roussel pour m'y remémorer le détail de ses "cas", mais je n'y ai pas repéré le réel contenu du vers en question. Sans doute l'oeil ne voit d'abord que ce que l'esprit lui dicte de voir, mais j'ai parfois l'impression de "glissements de réalité", proches des "souvenirs de réalités parallèles" qui ont inspiré à Phil Dick certains romans (comme Le temps désarticulé).
Je n'espère pas faire accepter cette idée que la réalité puisse être variable, mais il est parfaitement vérifiable que j'avais écrit "selon" au lieu de l'original "suivant", quelques mois après la bévue identique de Ricardou dont je n'ai eu connaissance que peu après m'être aperçu de ma propre erreur.
Il m'eût été en principe possible de corriger le manuscrit sur épreuve, puisque le roman ne fut imprimé qu'en octobre 2000, mais j'y ai renoncé, ayant déjà imposé à l'équipe des éditions Baleine des exigences plutôt inhabituelles. Néanmoins lorsque j'ai mis le chapitre Cas en ligne il y a quelques années, il m'a paru nécessaire d'y changer les "selon" en "suivant"...

J'ai donc décidé de communiquer cette affaire, me semblait-il pour la première fois. Pour le vérifier, j'ai soumis la requête "force un mot selon", qui n'a donné (aujourd'hui) qu'un seul résultat, le livret de l'opéra Impressions d’Afrique de Giorgio Battistelli, basé sur divers textes de Roussel.
Il s'agit bien du vers litigieux, issu du 4e chant des Nouvelles Impressions, rebaptisé ici Ode à la gloire des homonymes. Les 14 premiers vers en sont donnés, en italien et français, avec une presque parfaite exactitude sauf pour "suivant", encore devenu "selon" au 1er vers, et un pataquès au 7e vers qui ressemble à une erreur de reconnaissance informatique ("Lei" au lieu de "Ici").
Bizarre... Battistelli aurait-il fait un pas dans la même réalité divergente que moi ? J'ai cherché s'il y avait des "suivant" ou "selon" ailleurs dans le livret. Il y a un adjectif "suivantes", et un autre "selon" dans la phrase
Amplifiant ensuite le procédé, je continuai selon la même méthode.
Il s'agit d'un passage au début de Comment j'ai écrit certains de mes livres, où mon édition donne "suivant la même méthode."
Archibizarre... Je ne vois pas comment ces "selon" pourraient être des inadvertances absentes du livret original de Impressions d'Afrique, dont la première a été donnée en mai 2000. Attendu les répétitions et délais divers, on peut supposer que le livret a été écrit en 1999, la même année où Ricardou et moi avons malencontreusement remplacé des "suivant" par des "selon".

Lorsqu'un nouveau venu apparaît dans mes recherches, je calcule ses valeurs, soit
GIORGIO BATTISTELLI = 80 + 129 = 209
129/80 est un rapport doré idéal, déjà rencontré dans mes études bachiennes, au mieux explicité dans cette page. Il m'a permis d'établir un lien entre les deux seuls livres publiés en français sur les nombres chez Bach, l'un étudiant les proportions dorées dans sa musique, l'autre fondé sur l'étrange idée que Bach, né un 21 mars, 80e jour de l'année, avait une telle science ésotérique qu'il connaissait la date de sa mort, un 28 juillet, 209e jour de l'année.
Il est bien venu de trouver ces valeurs 80-129-209, pouvant résumer la vie de Bach, pour un compositeur, d'autant que j'ai été mené à lui par son emprunt légèrement modifié de 14 vers de Roussel, et un point sur lequel agréent tous les exégètes de Bach est sa conscience de la valeur de son nom, BACH = 14.

Je renvoie à mes pages Bach pour plus amples informations, car deux jours après la découverte de ce nom de valeurs 80-129-209 je suis tombé sur un nom doré de valeurs 31-49-80, dans la même série additive se poursuivant par 129-209.
Il s'agit de Elie Weil, dans Les cendres froides de Valentin Musso, que dp m'avait signalé l'an dernier parce qu'il y était question de Lebensborn, l'entreprise créée par Himmler pour récupérer les enfants aryens et les éduquer selon (ou suivant) les valeurs SS.
Le nom de l'auteur, frère d'un fabricant de bestsellers, ne m'avait guère motivé, malgré l'importance du Lebensborn dans mes recherches. On dirait qu'il suffit de s'appeler Musso pour pouvoir publier n'importe quoi, à croire que si Roussel avait choisi l'alias Reynaldor Musso (anagramme), il n'aurait pas eu besoin d'éditer à compte d'auteur ses Impressions à fric.
Bref je n'ai pas cherché ce livre l'an dernier, mais sa récente édition en poche m'est tombée sous les yeux dans un supermarché, et je me suis résigné à le feuilleter.
En 1941, la jeune juive Rachel Weil tombe enceinte. Comme elle est tout pour son père Elie Weil, médecin de renom maintenant interdit d'exercer, celui-ci imagine avant d'être déporté à Auschwitz de la mettre à l'abri là où les nazis n'iront pas chercher une juive, au Lebensborn de Cernancourt (imaginaire) où travaille son ami Henri Cochet (...) Rachel devenue Yvonne Lambert meurt le 17 décembre en mettant au monde Théodore, récupéré par Cochet qui l'élèvera ensuite en le faisant passer pour son fils. Le secret gardé sur sa naissance provoquera diverses catastrophes, en ricochets...

Outre Théodore (cf Theodor-Carl et Elie-Enoch), j'ai été frappé par cet Elie Weil car en octobre 2008 était paru Le doigt coupé de la rue du Bison, premier roman de François Caradec, 84 ans, mort deux mois plus tard. L'enquête mène le principal protagoniste, l'étudiant Pierre Levey (qui fait des ricochets ?), à découvrir le sort de sa mère disparue pendant la guerre : elle est morte au Lebensborn de Lamorlaye, le 31 août 1944, en mettant au monde Elise qui ne lui a survécu que quelques heures, dont le père était un SS nommé Elie.
J'avais été intrigué par ce nom Elie pour un Allemand, qui aurait plutôt dû être Elias, et puis voici donc un plus logique Elie, cette fois grand-père d'un autre bébé du Lebensborn.

V. Musso déclare s'être documenté à fond sur le Lebensborn, auquel cas il aurait pu lire le roman de Caradec et être lui aussi titillé par cet Elie, peut-être même à la base de son idée, un bébé juif au sein du Lebensborn. Je m'étais arrêté au jeu "pierre levée" lors de ma lecture du Doigt coupé, mais le Weil de Musso m'a fait chercher plus avant et découvrir que le nom Levey était le plus souvent une forme de Lévy, Lewi, etc., nom en principe porté par les descendants de la tribu de Lévi. Or les Juifs allemands ont souvent choisi le patronyme courant Weil parce que c'était une anagramme de Lewi. Les éléments donnés par Caradec ne permettent aucune certitude : Levey le père de Pierre a été tué en 39, et rien ne permet de penser que sa femme ait été d'origine juive (son nom de jeune fille semble être Margaut). Quoi qu'il en soit les bébés des deux romans peuvent être associés à Elie comme à Weil-Lévy...
C'est a priori un pur hasard qui m'a mené aux découvertes quasi simultanées des noms Elie-Weil-Giorgio-Battistelli correspondant à la suite additivele VIDE Raymond Roussel, comme disait Caradec 31-49-80-129, mais l'entremise de Caradec permet d'imaginer un lien indirect car ce dernier était un spécialiste de Roussel.
Roussel était loin d'être étranger à Ricardou, lequel a écrit dans L'Arc n° 68 Le Nouveau Roman est-il roussellien ?
Le premier grand exégète de Roussel a été Jean Ferry, nom de plume de Jean-André Lévy.
Mais bien entendu, aucun de ces gars n'arrive à la cheville de Philippe Kerbellec, le cellebre K.

31-49-80-129 sont les termes T4 à T7 d'une suite additive dont les 3 premiers termes T1 à T3 sont 5-13-18.
Je ne pourrais donner la référence exacte, mais je certifie que quelque part Perec a recensé ses différentes adresses parisiennes et remarqué que les 3 principales formaient une suite de Fibonacci :
- 5 rue de Quatrefages
- 13 rue Linné
- 18 rue de l'Assomption
Il faut comprendre que ce qui a retenu Perec est qu'un nombre était la somme des deux autres. Les rapports en ce début de suite sont fort éloignés du nombre d'or, mais les deux termes suivants en donnent une meilleure approximation, 49/31, partage entier idéal de 80, correspondant donc à WEIL/ELIE vu plus haut. J'avais déjà vu ces nombres, correspondant à l'actrice CAROL/KANE, tenant le rôle principal des Jeux de la comtesse Dolingen de Gratz, le film de Catherine Binet produit par Perec, lequel a par ailleurs participé plus avant à la création de sa compagne, mais je n'avais pas alors vu que les valeurs 31-49 continuaient la suite de type Fibonacci envisagée par Perec pour ses adresses parisiennes.
Et évidemment pas que 31-49 correspondrait en 2011 à Elie Weil, nom rappelant étrangement le couple du SS Elie et de Gisèle Levey, dans un roman très parisien d'un ami de Perec, où je soupçonnais d'ailleurs des allusions à Perec lui-même dans le personnage de Pierre Levey.
Carol Kane est mariée dans le film à Michael Lonsdale, autre nom doré, et une erreur de la notice du Forum des images donne comme 3e interprète Unica Zürn, autre nom doré (elle est en fait l'auteur de Sombre dimanche, dont s'inspire très librement la Comtesse Dolingen).

Je rappelle que j'associe une autre erreur sur Unica Zürn à mon intuition sur le 4/4/44 aux 4/5es de la vie de Jung. Je me suis réveillé le 8/9/8 avec la remémoration d'une erreur dans un roman lu 25 ans plus tôt, attribuant à Jung le même anniversaire que moi.
Je me suis aussitôt demandé comment je n'avais pu me rappeler ceci l'année précédente en rencontrant une erreur sur la date de naissance d'Unica Zürn, née le 6 juillet 1916, devenu 16 juillet dans l'article Unica Zürn, Bellmer et Perec de mon amie Dominique de Liège.
En manipulant dans un demi-sommeil les noms Jung et Zürn, je me suis avisé de la possibilité d'écrire ZUERN, de valeur 84 en rapport d'or avec JUNG = 52.
Trois mois plus tard j'appris le nom du médecin supposé mort à la place de Jung, HAEMMERLI = 84.
Quelques mois ensuite je fis un lien entre la rencontre céleste Jung-Haemmerli et les cas de Elie-Enoch, seuls personnages de l'Ancien Testament montés au ciel de leur vivant, dont les noms hébreux ont encore les valeurs 52 et 84.
Il y eut d'autres rebondissements, le plus notable en mars dernier avec la découverte que DAUMAL = 52 était appelé NATHANIEL = 84 par ses amis, au moment même où apparaissait sur le marché un document montrant que Daumal s'était intéressé à la suite de Fibonacci, et plus particulièrement au rapport 21/13 (= 84/52).

Le cas Elie Weil m'a mené à diverses constatations :
- Prénom et nom ne diffèrent que d'une lettre, les initiales E et W, laissant lie-eil formant palindrome, suggérant la "possibilité d'une ILE bis"...
- E et W sont les deux seules lettres absentes de Vocalisations de Perec, le sonnet de valeur 6272 déjà emblématique pour moi avant de découvrir que Jung avait vécu 6272 jours après le 4/4/44, et 4 x 6272 jours avant. Ceci m'a conduit en février à proposer l'anagramme Consonnantisations, explorant l'absence d'une autre lettre essentielle pour Perec.

Et puis il y a le rapport d'or avec le prénom Elie, écho à la relation entre les noms hébreux d'Elie et d'Enoch, Eliahu = 52 et Hanokh = 84.
Je me suis demandé s'il existait une translittération du second qui serait en rapport d'or avec ELIE = 31.
HANOK = 49 est possible. On trouve cette translittération pour un autre personnage portant en hébreu rigoureusement le même nom qu'Enoch, auquel on a conservé une translittération Hénok plus proche de la forme transmise par la tradition (dans la Bible de Jérusalem et la TOB par exemple).
HANOCH = 49 aussi. C'est la forme choisie par Luther dans sa traduction, mais Elie y est ELIAS. Selon Caradec il il y aurait eu un SS allemand nommé Elie...
Voir ici pour le premier Hanokh dans diverses bibles, et pour un autre, premier petit-fils de Jacob.

SS, Selon Suivant... En écrivant ce billet, il m'est venu le 23 juin la curiosité de vérifier si les gématries des deux mots offraient un quelconque écho. J'étais certain d'avoir déjà procédé à cette opération, par exemple pour le dernier billet, et ça fait 12 ans que ce problème Selon-Suivant me turlupine, mais je n'ai pas cru mes yeux devant le résultat :
SELON = 65 SUIVANT = 106
La somme 171 se répartit selon le nombre d'or en 105.68 et 65.32, les entiers les plus proches étant 106 et 65.
C'est un nouveau rapport d'or, qui me stupéfie car, malgré une certaine expérience en la matière, je voyais a priori un rapport nettement plus grand entre les valeurs des deux mots. C'est bien le cas de constater combien change de force un mot suivant les cas...
Je connais par ailleurs fort bien le couple 65/106, de par mes études bachiennes qui ont été un temps influencées par le livre Bach et le nombre où Bach était supposé avoir introduit consciemment dans ses oeuvres les nombres 80 et 209 correspondant à ses jours de naissance et de mort. Bach y était également présenté comme un initié rosicrucien qui comparait sa modeste vie de 65 ans et quelques mois aux 106 ans de son maître...
Je remarquais en avril 04 le rapport d'or 106/65, sur une page essentiellement consacrée à la séquence 80-129-209 dont je viens de découvrir la correspondance avec le compositeur Giorgio Battistelli, qui semble préférer "selon" à "suivant". J'ai également utilisé ce jeu 65-106-171 dans ma nouvelle L'enchanté réseau (sur Rennes-le-Château, dont la publication s'est accompagnée de multiples coïncidences abordées ici).
L'affaire "selon-suivant" est intimement liée à Perec et Roussel, or ma première idée de nombre d'or est venue lorsque j'ai calculé les valeurs de Perec et Roussel vers 1996 :
GEORGES + PEREC = 76 + 47 = 123
RAYMOND + ROUSSEL = 90 + 109 = 199
Je savais que 47-76-123-199 sont des termes de la suite de Lucas, la suite additive la plus connue après la suite de Fibonacci, donnant aussi très rapidement de bonnes approximations de la proportion d'or, ainsi
123/199 = 0.61809 (au lieu de 0.61803)
Je n'en ai alors pas fait grand-chose, mais je me suis souvenu de la relation parfaite du nom de Perec lorsque j'ai découvert quelques années plus tard des possibilités d'architecture dorée de certaines de ses oeuvres.
En revanche je n'ai jamais rien vu de doré chez Roussel, mais je suis ravi du rapport Suivant/Selon découvert par un parallèle entre Roussel et Perec.

A tel point que j'ai cherché dans l'ODS5 (Officiel du Scrabble) tous les mots de valeur 65 (1705) et 106 (4091), ce qui m'a par exemple permis de trouver un titre pour ce billet, Puzzle échevelé; j'avais d'abord songé à quelque chose comme Sevant Suilon.
D'autres couples 65-106 sont plaisants, comme
- rébus saugrenu
- diablerie rimbaldienne (en pensant aux Voyelles et Vocalisations)
- maxime & apophtegme (en pensant à l'apophtegme gouffarois de Roussel)
- Salomé érotomane (les instructeurs de Jung dans le Livre Rouge sont le sage Elie et la courtisane aveugle Salomé)
- ancienne nouvelle (Battistelli a emprunté aux Nouvelles impressions le vers modifié (...) selon (suivant) les cas, qu'il fait chanter par le contre-ténor Carmichaël, personnage des (anciennes) Impressions d'Afrique)
- centre encrypté (en pensant aux codages du Domaine d'Ana, et au fait que les lettres CENTRE sont contenues dans ENCRypTE, ce qui est très fibonaccien)
- baratin laborantin (de même, et digne du RAPT ricardolien)
- admirable brouette (en pensant au poème La Brouette trouvé page 65 d'un recueil de Jouve, en deux sections de 106 et 171 mots)
- alphabet renversé...

Alphabet renversé : une recherche sur l'expression montre qu'elle est volontiers employée dans la description de l'atbash, je l'avais d'ailleurs utilisée dans ce billet de mars dernier, bien évidemment sans calcul.
Une nouvelle coïncidence atbash est apparue avec un livre d'occasion trouvé lors de mon récent passage à Marseille le 5 juin, Les enfants de la nuit, de Frank Delaney. J'ai flashé sur le nom de l'auteur, variante de Delaunay ou "de l'aulnaie", et sur le titre car j'avais nommé L'enfant de la nuit un de mes poèmes les moins ratés de mes 15 ans.
Il n'y a guère de rapport avec le titre original de ce roman de 1997, qui a attendu 2010 pour sa traduction française, mais la couverture de cette édition anglaise m'aurait probablement interpellé, puisqu'on peut y distinguer une croix gammée schématique superposée aux contours d'un Sceau de Salomon.
Il s'agit précisément d'une expérience apparentée au Lebensborn, avec un degré de plus si possible dans l'ignominie puisqu'un jeune docteur nazi, Julius Freisler, a conçu un programme pour briser la cellule familiale juive, dont la cohérence est selon lui la caractéristique principale de la "race".
Himmler lui fournit les moyens de prouver sa théorie, et un lieu, le Schloss Martha près de Westerburg, auquel Freisler apporte quelques aménagements avant d'y accueillir 4 familles juives début 1942 (ou 5, mais le sort de la 5e est un mystère). J'ai été sidéré par la nature de ces aménagements, page 414:
Quand Freisler et sa clique s'y étaient installés, ils avaient agrandi le château originel en le flanquant d'extensions donnant l'impression qu'il se composait de deux triangles superposés - de sorte que, vu du ciel, le Schloss rénové ressemblait à une étoile de David.
La raison ne m'en a pas paru explicitée, tout ce qu'on sait est que les 6 pointes de l'étoile ont été aménagées de façon rigoureusement identique, pour loger les 5 familles juives et Freisler. Il me semble que l'idée a pu venir à Delaney à partir de ce qui devait devenir le centre du futur monde nazi selon Himmler, le château triangulaire de Wewelsburg, et qu'il a choisi le village existant Westerburg en écho (mais il n'y a aucun Schloss Martha à proximité et l'expérience de Freisler, quoique crédible, est imaginaire).
C'est probablement une autre manifestation de la même logique qui a conduit d'autres romanciers à confronter la vitrine de l'idéal racial nazi, la pouponnière du Lebensborn, à ses aspects les plus sombres, l'extermination des sous-races. Ce thème avait déjà abordé dès 1979 avec Le choix de Sophie, où Sophie déportée à Auschwitz était prête à tout pour sauver l'un de ses enfants, y compris à sacrifier l'un pour confier l'autre au Lebensborn et en faire un futur nazi.
D'une manière ou d'une autre, tous les romans ultérieurs feront intervenir la question juive, ouvertement (Nathan, Huston, d'Estienne d'Orves, Musso) ou non (le cas Caradec). Il me semble comprendre comment Delaney a pu imaginer ce sceau de Salomon, à partir de Wewelsburg ou non, mais je doute qu'il ait connu l'autre château triangulaire de Sisak, berceau de la résistance yougoslave à l'oppression nazie, et la conjonction Wewel-Sisak illustrant miraculeusement le jeu atbash BBL-SSK pratiqué dans le livre de Jérémie., ce que j'ai appelé L'étoile de Babel.
Il y a des points troublants dans le roman, qui m'évoquent l'atbash sans que j'y imagine des intentions réelles de Delaney.
Quatre filles sont nées pendant l'expérience au Schloss Martha, ce sont les "Améthystes" en lesquelles Freisler a fondé tous ses espoirs. Les expériences subies pendant leurs premiers mois ont été suffisantes pour perturber leurs personnalités, et Freisler, qui n'est pas mort contrairement à ce qu'on croit (sauf les lecteurs aguerris de thrillers), s'est débrouillé pour surveiller ensuite leurs vies, sinon les guider.
Il tue l'une d'entre elles le 7/7/88, parce qu'il sent qu'elle lui échappe après être tombée amoureuse d'un architecte, le héros du roman, qui 3 ans plus tard rencontre un couple bizarre à Zug, en Suisse. L'expression "couple de Zug" revient à maintes reprises, or zug est un mot d'hébreu mishnique signifiant "paire", "couple" (emprunté au grec zygon). J'en avais parlé sur La possibilité d'une hylé en signalant qu'il s'agissait d'un des très rares mots livrant un atbash faisant sens, 'afar, "poussière", "multitude".
Deux des autres Améthystes sont tuées, et l'architecte est chargé de retrouver la dernière et de la sauver. Il y intervient le jeune génie en calcul Edward, surnommé Edwiz. Il faut savoir que wiz est l'abréviation de wizard, "magicien", et qu'il s'agit du plus long des six mots anglais qui, écrit dans un alphabet renversé (reversed alphabet), donne le même mot, renversé (les autres sont "by", "bevy", "grit", "trig", et "wold").
Edwiz permet donc à Nicholas Newman (je rappelle le logo ambigramme, se lisant identiquement tourné de 180°, des vêtements New Man, dessiné par Raymond Loewy en 69 (année ambigramme également), qui m'a profondément frappé à l'époque) de rencontrer la survivante, Alice (de l'autre côté du miroir ?) Il doit d'abord la rassurer, car Alice sait que les autres Améthystes ont été tuées, et lui expliquer pourquoi elle est menacée, en réveillant ses souvenirs du Schloss Martha.
L'élément déterminant qui lui permet de gagner sa confiance est le souvenir tactile d'une tête de lion, sculptée sur les montants d'une cheminée du Schloss. Je rappelle que c'est la piste du lion qui m'a mené aux formes polonaise lwow et tokharienne śiśäk puis aux châteaux triangulaires de Wewel et Sisak. Aujourd'hui, je découvre que les armes de la ville de Lwow/Lviv montrent trois tours, qui m'évoquent évidemment celles de Wewel et Sisak.
Les Améthystes assassinées, Madeleine, Martha et Ruth, le sont dans les mêmes conditions, ignobles, et on les trouve vêtues de vêtements provocants, inimaginables selon leurs connaissances. Je ne sais si Delaney a choisi ces noms à dessein, mais Madeleine et Ruth sont associées à des épisodes bibliques scabreux (la prostituée Marie de Magdala, et Ruth qui a dû réveiller les ardeurs du vieux Booz pour engendrer un fils, ancêtre de Jésus suivant la généalogie de Matthieu).
S'il n'y a rien à redire à la Martha du Nouveau Testament, son anagramme Thamar a assuré la descendance royale de Juda en séduisant celui-ci sous l'apparence d'une prostituée. J'ai commenté ici l'épisode, et les remarquables coïncidences associées aux jumeaux nés de cette union, Perets et Zerach.
Il y avait notamment cette image concomitante montrant deux lions soutenant un Sceau de Salomon.

L'histoire de ce psychiatre imaginé par Frank Delaney, soumettant 4 personnes à des stimuli divers puis les surveillant "activement" longtemps après, me rappelle fortement la BD Quintett d'un autre Frank, Giroud (où l'un des cobayes est Elias Cohen, cohen, "prêtre", étant un autre nom caractéristique des descendants de la tribu des prêtres lévites).

En débutant ceci, je comptais explorer certains échos entre "selon" et "leones" ("lions" latins) que la longueur de mon dernier message m'avait fait reporter à plus tard, et ce sera encore pour une autre fois...
Je me dois cependant d'expliciter la dédicace de ce billet. J'ai dû consulter lors de sa rédaction le numéro 68 de L'Arc, célébrant en 1977 le centenaire de Roussel, et j'y ai remarqué que j'avais noté en dernière page
26 Lévi-Strauss
42 Bachelard
Il n'y avait rien de significatif aux pages correspondantes, et j'ai fini par comprendre qu'il s'agissait de numéros épuisés de la revue, signalés en petits caractères sur cette page.
J'avais certainement noté ces numéros 26 et 42 car correspondant au partage de 68, double du Fibonacci 34, mais je pense l'avoir fait antérieurement à mon renouveau jungien, et surtout avant d'avoir vu que CARL = 34 (anagramme de L'ARC), se répartissait selon le pair et l'impair en AL = 13 et CR = 21.
Dans le contexte immédiat de mon billet un Lévi... et un Bach... sont bien venus, d'autant que Lévi-Strauss et Bachelard étaient des lecteurs assidus de Jung.
Et puis ma dédicace livre les gématries
A CLAUDE = 47 = PEREC
GASTON = 76 = GEORGES
Il se trouve que ce billet est le 123e de Quaternité, ce dont je n'avais plus conscience en le débutant, bien que j'ai caressé l'idée jadis de dédier tout naturellement le 123 à Georges Perec (qui incidemment a été honoré par L'Arc n° 76 et qui est présent dans ce n° 68 avec le fameux Roussel et Venise, coécrit avec Mathews, lequel écrirait plus tard les 123 Je me Souviens du Verger).
En conclusion ce rare coeur de tournesol, offrant 26 parastiches sénestrogyres et 42 clockwise (alors que l'immense majorité des fleurs obéit à la suite simple de Fibonacci).

Juste après la publication de ce billet j'apprends la mise en ligne d'une version des Nouvelles Impressions exploitant toutes les possibilités de l'hypertexte.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Dans The Golden Ratio, Mario Livio donne un exemple page 46 de rapport doré accidentel dans les dimensions de la télé de sa cuisine, et le premier rapport relevé est 106/65 :
You will notice that the ratio of the height of the protrusion at the television's rear to its width,
10.6/6.5 = 1.63