30.10.23

en suivant le phil de la lumière

à Einstein et Aboulafia

  Le précédent billet m'a conduit à mettre en parallèle deux doubles renversements. Le double renversement, c'est d'une part le remplacement des lettres d'un mot par les lettres correspondantes dans un alphabet écrit à rebours, ainsi, AB devient ZY; ça s'appelle l'atbash
  D'autre part, le "mot" ainsi obtenu est renversé, et ZY devient YZ; ça s'appelle l'anadrome ou anacycle. On pourrait nommer la double opération anatbashdrome, mais je garde "double renversement".

  Dans le best-seller La formule de Dieu (2006), Jose Rodrigues dos Santos imagine qu'Einstein a laissé un cryptogramme, ! il rsvb, livrant par atbash (selon l'alphabet actuel) ! ro ihey, qu'il faut renverser pour obtenir yehi or !, la transcription de l'hébreu signifiant "Que la lumière soit !" (Gn 1,3), ou Fiat lux !


  Le 11 juillet dernier, j'ai cherché une référence en ligne pour le jeu atbash (en hébreu) tsevi-hashem, mais la seule mention que j'ai trouvée était le double renversement tsevi-hashem-moshe. (cerf-le Nom-Moïse).
  Juste dans la foulée, j'ai ouvert le thriller Le maître des énigmes (2023), dont je ne savais pas qu'il avait un quelconque rapport avec l'hébreu. Danielle Trussoni y a imaginé un cryptogramme d'Aboulafia,  et le roman débute par une forme incomplète du cryptogramme où se détache un seul mot, יבצ, soit tsevi (cerf).
  Si le roman évoque précisément le retournement de HaShem, "Le Nom", en Moshe, Moïse,
Par exemple, quand on retourne le nom de Moïse, en hébreu, on obtient HaShem.
l'auteure n'est pas hébraïsante, et a fait réaliser le cryptogramme par un spécialiste. J'ignore si l'isolement des lettres יבצ dans la version incomplète du début du livre était intentionnelle.

  Voici donc ce que j'écrivais dans le précédent billet, et depuis ma pensée à mûri. Le cryptogramme complet se présente ainsi:
 

  Le maître des énigmes découvre que les carrés blancs et noirs correspondent à du code binaire, à répartir en 2 fois 6 groupes de 6 bits, codant pour les nombres 15, 3, 27, 39, 63, 51. A chacun des nombres du cadran correspond une lettre hébraïque, et ceci conduit aux 6 lettres H Y G M H W qui, inscrites dans les 6 cercles au centre de l’étoile, donnent au diagramme son efficience magique.
  Ces lettres révèlent aussi le secret du Nom, HaShem, formule désignant le Tétragramme YHWH, le nom sacré de Dieu qu'il est interdit de prononcer. Ce secret serait qu'il faut le retourner pour obtenir HW HY, soit en hébreu les pronoms "il" et "elle".
  Dieu serait androgyne, et la formule codée se lit HY GM HW, hi gam hou, "Elle aussi Il" (mais l'auteure donne "Il et aussi Elle").

  Je ne sais donc si Dimitris Lazarou, concepteur du cryptogramme, a sciemment écrit tsevi, atbash de HaShem, dans la couronne des lettres du cryptogramme indiquant que le Nom doit être retourné, mais il est plutôt certain qu'il n'a pas songé au cryptogramme de La formule de Dieu, où "il" code pour "or", de "yehi or !", la première parole créatrice de Dieu. Ce n'est qu'en français que HW devient "il".
  Là où les choses deviennent vertigineuses, c'est que, ce qui n'est pas mentionné dans le roman, les lettres HY GM HW correspondent sur la couronne de lettres aux sommets d'une étoile de David. Leurs rangs 15, 3, 27, 39, 63, 51 ont pour moyenne 33, précisément le rang de la lettre médiane du mot ÇBY, tsevi, occupant les positions 32-33-34. Je rappelle que l'atbash en est HSM, HaShem, "Le Nom", désignation de YHWH, occupant les positions 3-15-51-63, moyenne 33 encore.
  Voici le schéma correspondant, avec l'étoile HYGMHW, et ÇBY dans un rectangle:
 

  Le roman ne mentionne pas cette disposition étoilée, évidemment voulue par Lazarou, et qui pourrait appuyer l'intentionnalité de ÇBY participant à cette symétrie. Car les lettres HYGMHW pourraient être disposées n'importe comment sur l'étoile, puisque c'est le code binaire qui détermine leur ordre, et ici ÇBY se trouve aussi idéalement que possible opposé aux lettres formant le Tétragramme, YHWH, HaShem, HSM, renversement atbash de ÇBY.
  Curieusement, l'ordre effectif des lettres codées, 3-15-27-39-51-63, livre YHGMWH, soit "YH aussi WH". Les inversions des rangs transformeront donc YH et WH en HY et HW, "Elle" et "Il", que l'auteur renversera à son tour en "Il" et "Elle". 

  Il y a bien davantage. Le billet précédent m'a conduit à mettre en parallèle le clinamen de Perec dans La vie mode d'emploi (1978, LVME) - Perec a supprimé le chapitre 66 de son livre, mais en a repris des éléments dans le chapitre 65 -, et une coquille d'une édition de 1984 de Coup double d'Ellery Queen, où le "phil" de "philosophe" a disparu pour, semble-t-il, devenir "6566":


  J'imagine qu'il s'agit d'une erreur informatique, devant donc offrir une certaine logique. 4 lettres sont devenues 4 chiffres, donc à "il" pourrait correspondre "66". Or dans le cryptogramme "il", "HW", peut aussi se lire dans les lettres diamétralement opposées de rangs 15 et 51, somme 66. De plus, ces lettres ont dans l'alphabet hébreu les rangs 5 et 6, et la forme originale "WH" correspondrait donc à "65".
  J'étudiais dans le billet précédent l'oubli du mot "il", 65e mot d'un texte de Ricardou.

  J'ai souvent commenté Coup double, notamment dans le premier billet de l'année. Ses 7 morts, ou 8, actualisent une comptine populaire, un thème de polar assez fréquent, déjà avant Dix petits nègres, et j'avais vu la possibilité de lire JHWH (autre translittération de JHWH) dans les initiales des victimes:

Rich man, Poor man,    MacCaby    Hart
Beggarman, Thief,       Anderson   Jackard
Doctor, Lawyer,            Dodd          Holderfield
Merchant, Chief.          Waldo        (Winship)

  Winship est entre parenthèses car il s'agit du "chef" de la manipulation, et Ellery suppose qu'il sera condamné à mort pour ses crimes. De toute manière, la dernière victime de Winship, le tailleur Jonathan Waldo, fournit un W, sinon le Tétragramme complet car son nom est théophore en hébreu, signifiant "don de YHWH". Par ailleurs "chef" est en espagnol JEFE, mot dont les lettres ont les mêmes rangs dans notre alphabet, 10-5-6-5, que YHWH dans l'alphabet hébreu.
  Cette lecture du 20e roman de Queen serait peut-être folle s'il n'y avait pas d'autres utilisations du Tétragramme, explicites, dans d'autres Queen. Dans le 18e roman, La décade prodigieuse, le plan criminel utilise une anagramme de Yahweh, translittération du Tétragramme. Dans le 26e roman (26 valeur de YHWH), L'adversaire, 4 crimes sont associés aux lettres du Tétragramme (curieusement, sur la couverture allemande ci-dessus, H et W à droite sont intervertis par rapport au schéma WH donné dans le roman).

  J'avais vu que, dans Coup double, les initiales n'étaient pas dans l'ordre JHWH, mais HJ, puis HW. Je n'avais pas pensé à "elle" "il" car les pronoms hébraïques sont en fait HYA et HWA, la dernière lettre Aleph étant muette, mais ceci pourrait trouver sens dans le roman, où Ellery n'a aucune preuve pour confondre Winship. Alors, sachant que celui-ci aime profondément sa femme, il monte une accusation contre elle, si solide que Winship avoue.

  A la fin de la page 230 montrée ci-dessus, un feu se déclare, dans lequel meurt la dernière victime de Winship, le tailleur Waldo. Or en hébreu le mot AWR, se prononçant or, ur ou our, signifie "lumière", "feu", et c'est encore la ville chaldéenne Ur. Ainsi, sur cette page où une coquille a supprimé "(ph)il", alors que Einstein aurait codé la lumière-feu dans "il", un feu se déclare...
  Dans ce billet, j'étudiais le retournement atbash or<>li, or "lumière" ou "feu" en hébreu, li de même en chinois.

  Ur est donc aussi la ville de Mésopotamie, berceau de notre civilisation et des religions monothéistes, puisque la Bible y a fait naître Abraham.
  Borges a constaté l'absence d'Ur dans les 50 volumes de l'Anglo-American Encyclopedia, ce qui lui a inspiré la nouvelle Tlön Uqbar Orbis Tertius, où il transforme Ur en Uqbar et l'encyclopédie en Anglo-American Cyclopaedia
  J'en ai parlé ici, soulignant que Borges introduit le mot ur dans la nouvelle, avec le concept le plus pur des tlöniens qui serait ur
ur : la chose produite par suggestion, l'objet déduit par l'espoir.
  Ainsi le manque du mot Ur dans une encyclopédie a conduit Borges à imaginer Uqbar, dont la littérature est une encyclopédie du monde imaginaire Tlön, où le mot le plus important est ur.

   Je suis tenté de rapprocher cette absence de Ur du chapitre 66 manquant de LVME, 66 qui serait "il" selon la coquille du Queen, "il" qui deviendrait "or" selon "Einstein"...
  J'écris ceci le 27/10 où est annoncée la mort de l'ex-Premier ministre chinois, Li Keqiang, limogé en mars dernier et remplacé par Li Qiang...
  Je rappelle que li signifie "lumière" en chinois.
  En mécanique ou en menuiserie, une lumière est un orifice, un trou.

  J'ai parlé à plusieurs reprises de la revue imaginaire BILL dont le sommaire constitue l'essentiel du chapitre 56 de LVME. Ses rubriques  ont permis à Perec de résoudre la plupart des contraintes prévues pour le chapitre. 
   Les deux auteurs à citer étaient Borges et Freud. Les 3 premières rubriques font allusion à 3 nouvelles de Fictions, dans l'ordre où elles s'y présentent, avec d'abord Boris Baruq Nolt pour Tlön Uqbar Orbis Tertius, première nouvelle du recueil.
  La 7e rubrique fait allusion à une obscure notule de Freud sur le Tétragramme YHWH, dénichée dans la Révolution psychanalytique de Marthe Robert, et peut-être Perec l'a-t-il choisie pour l'écho à La mort et la boussole, autre nouvelle de Fictions, où une suite de 4 crimes semble déterminée par le Tétragramme.
   La 4e rubrique fait allusion à La disparition, roman où il manque aussi un chapitre 5, comme il se doit. En écrivant ceci, je me rends compte que Perec a supprimé deux chapitres de ses romans, de numéros 5 et 66, or
CLINAMEN = 71 = 5+66.
  La 6e rubrique est inattendue, car c'est une allusion sauvage à Cristal qui songe de Sturgeon, non programmée dans ce chapitre. Or, mais ceci n'a été connu qu'après la mort de Dannay en 1982, Sturgeon était le co-auteur de L'adversaire, ayant mis en écriture le synopsis de Dannay, où 4 crimes sont associés aux lettres du Tétragramme. Il est peu probable que Perec l'ait lu, car la traduction française n'est parue qu'en 1978, l'année de LVME, or les points communs entre les deux oeuvres sont étranges. 

  J'y suis souvent revenu. Cette succession Sturgeon-Tétragramme est vertigineuse, d'autant que la seule citation authentifiée par Perec de La mort et la boussole est dans le chapitre 92, où figure aussi une citation de Cristal qui songe, concernant le jouet appelé "diable" (ce qu'a noté Perec dans le Cahier des charges). Dans la partie d'échecs qui se joue dans L'adversaire, les rois sont YHWH et le Diable.
  Cette partie se joue en 33 chapitres, titrés en référence aux échecs, de Le gambit d'Y à Echec et mat. Les lettres codantes du cryptogramme d'Aboulafia sont symétriques par rapport à la position 33, occupée par le B de ÇBY, B la lettre de la dualité qui est aussi la majuscule Ascii codée 66. J'avais envisagé 6566 comme AB en Ascii.
  Les autres lettres de ÇBY, ÇY, occupent les positions 32-34, somme 66. Leurs valeurs dans l'alphabet hébreu sont 90-10, somme 100, comme le nombre prévu de chapitres de LVME, réduit à 99 par le clinamen du chapitre 66, exclu pour faire apparaître le diable au chapitre 65.
  Une autre citation de Cristal qui songe concerne Méphisto, au chapitre 55.

Note du 18/12: une série TV où apparaît l'arcane XV du tarot, le Diable, me rappelle que le diable est aussi vu comme androgyne.
  Il en va de même du Baphomet des Templiers. Il a été imaginé que ce nom soit la transformation atbash du grec SOFIA, "sagesse", écrit en lettres hébraïques: SWPYA > BPWMT.
  Un épisode mémorable de Cristal qui songe est la transformation de son héros, Horton, en une jeune fille. 

  33... Il y a 12 possibilités pour placer les 6 sommets d'une étoile de David sur un cercle de 72 points, en partant des positions 1 à 12. Les 6 sommets auront une moyenne variant de 31 à 42, la moyenne 33 obtenue à partir de la position 3 étant séduisante, puisque l'étoile de David superpose deux triangles.
  Le nombre 33 s'exprime dans l'alphabet numéral hébreu par L"G, les lettres Lamed (=30) et Gimel (=3) formant le mot GLL, exprimant la rondeur.
  C'est un autre cas de double retournement, que j'avais cité ici, en rapport avec Le maître des énigmes, mais sans avoir fait le lien avec 33. Le mot GLL devient par atbash RKK, se retournant en KKR, kikar, mot qui signifie également "cercle" en hébreu biblique:
 

  J'avais souligné que la linguistique relie quantités de mots couplant les lettres G (ou C, ou K) et R (ou L), comme en latin girare, circus, circulus, calculus, ou en grec gyros, kyklos.

  Je suis depuis près de 20 ans obsédé par La mort et la boussole parce que la nouvelle semble cacher en filigrane le mot tsevi, ou zwi, autre translittération de ÇBY, par les allusions aux bordels de la mafia juive en Argentine, connus sous le nom de zwi migdal ("cerf tour", sans certitude quant à l'origine de cette dénomination). Sans reprendre le dossier, je constate que le mot MGDL permet de former les lettres LMD et GML, Lamed et Gimel.
  Je ne sais plus si j'ai souligné que les lettres du Nom y sont vues former un triangle équilatéral, avant que Lönnrot ne comprenne que ce Nom est le Tétragramme, et qu'il faut compléter le triangle en un losange. Un losange peut être vu comme une superposition de deux triangles, de même que l'étoile de David où s'inscrit YHWH dans Le maître des énigmes.

  J'avais commencé à rédiger ce qui va suivre pour le billet du 28 juillet dernier, et puis le billet avait une telle longueur que j'avais décidé de remettre à plus tard, l'occasion ne s'étant pas présentée dans les billets suivants. Elle s'impose maintenant, comme nous l'allons voir. 
  Voici ce que j'avais rédigé:
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   Ce 23 juillet est intervenue une coïncidence extérieure. L'idée que Dieu soit mâle et femelle n'a rien de neuf, particulièrement dans le Judaïsme, et plus particulièrement encore dans la Kabbale. J'avais exploité l'idée dans le chapitre 17 de Novel Roman, où j'avais imaginé la découverte par un Croisé d'un parchemin rédigé par Jacob lui-même, relatant sa lutte avec l'Ange, à la suite de laquelle Dieu l'a renommé Israël.
"  Le témoignage de Jacob ne contredit pas fondamentalement le récit biblique, mais il est bien plus clair. Jacob a bien d'abord cru lutter avec un homme, mais au cours de la lutte il s'est aperçu que cet "homme" avait aussi des attributs féminins. Et lorsqu'il a compris qu'il avait affaire à un androgyne, Jacob aussi s'est transformé, et sa "blessure à la cuisse" a été l'apparition d'un sexe féminin.
"  Jacob a donc été nommé Israël par ce Dieu androgyne, et Jacob, de son côté, l'a baptisé Peniel-Penoel, car en hébreu les lettres Yod et Waw symbolisent le masculin et le féminin. Il peut en aller curieusement de même avec les lettres latines, ou le I et le O peuvent symboliser les organes génitaux, si vous me permettez cette trivialité." 
  Le 23 juillet, Daniel Bilous, éminent universitaire et colistier de la liste Oulipo, a posté ceci:
Changer de sexe
Pour un rabbin
C'est très complexe
Vous pensez bien!
Moralité: I s'ra Elle.
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  J'ai regretté de ne pas y avoir pensé lors de l'écriture de Novel Roman, et ne suis d'ailleurs pas certain que ce jeu ne me soit jadis venu à l'esprit.
  Quoi qu'il en soit, plusieurs autres choses m'avaient alors échappées. Chapitre 17, alors qu'il y a 17 groupes de lettres dans la version incomplète du diagramme d'Aboulafia donnée au début du livre:
 

  C'est censé être ce que s'est rappelée une non-hébraïsante après avoir vu quelques instants le diagramme d'Aboulafia. Bravo!
  Je n'imagine pas comment j'ai pu négliger de calculer la valeur des 9 lettres significatives, soit 
69 pour les lettres du code, HYGMHW,
102 pour ÇBY, 
171 pour la somme.
  Or 171 est l'un des nombres essentiels structurant Novel Roman, en 18 chapitres parce que 171 est la somme des nombres de 1 à 18. Tous les chapitres y ont des titres en 18 lettres de somme 171.
  Le nombre 171 fait l'objet de commentaires dans deux chapitres, le 12, et le 17, précisément, où l'un des commentaires touche précisément le lieu où Jacob serait devenu androgyne, Peniel, PNYAL=171.
 
  J'ai jadis envisagé une autre androgynie, pour le couple Abraham-Sarah, lesquels ont également vu leurs noms changés par YHWH.
  Ils sont au départ ABRM et SRY, et ont atteint un âge respectable (99 et 89 ans) sans avoir engendré d'enfants, mais YHWH change leurs noms en ABRHM et SRH, et Isaac naît.
  La valeur gématrique du couple ne change pas, car Y=10 devient deux H=5.
  Je m'étais avisé que les deux noms originels avaient une lettre commune, R=200, et que ces deux R pouvaient résulter d'une opération analogue à partir d'une lettre T=400 dans le nom de Sarah, soit ABM et STY.
  ABM pourrait être une contraction de AB et AM, "père" et "mère", tandis que STY signifie "deux", ce qui pourrait "expliquer" la stérilité du couple sous les formes originelles...
  ABM a pour atbash TSY, et ce serait encore un autre double renversement. BYT est par ailleurs le nom complet de la première lettre double, B, Beth, et BYT devient par atbash SMA, les 3 lettres mères, selon la distribution des lettres du Sefer Yetsira.

 Note ultérieure: Phrère Sam me signale que Elohim est aussi androgyne : Elle-O-Him.
 
  Il y a près de 35 ans que j'ai découvert cela, mais lorsque j'ai abordé la question sur Quaternité, j'ai découvert une exégèse classique utilisant cette transformation  de BYT (בית) en SMA (שמא):
  L'oracle du pectoral, urim wethumim, est un autre thème traditionnel. Il aurait comporté 72 lettres, et Dieu aurait pu rendre certaines de ces lettres lumineuses (urim, de or, "lumière") pour transmettre des messages.
  Le nombre 72 intervient souvent dans la mystique juive, et les 72 lettres du diagramme d'Aboulafia n'ont pas de rapport nécessaire avec cet oracle. 
 
  Examiner ce diagramme sous l'angle des jeux BYT-SMA et ABM-STY-ABRHM-SRH, amène quelques curiosités (voir le diagramme complet).
  Les 4 premières lettres du diagramme, rangs 1-2-3-4, sont TRYH, הירת, précisément les lettres TY envisagées se scinder en deux couples RH.
  Aux rangs 5-17-29-41-53-65, correspondant à une autre étoile de David, on trouve YPSTAB, à une lettre près YMSTAB, le jeu BYT-SMA dans un autre ordre (et j'avais illustré ce jeu par une étoile de David). Si je ne me prononce pas pour ÇBY, je n'imagine guère une intention ici. Quelques remarques:
- P=80 au lieu de M=40, c'est un autre cas de doublement.
- P et M ont pour atbash W et Y, les lettres déterminant le masculin et le féminin dans le jeu HW-HY.
- Le P au rang 17 est la 17e lettre de l'alphabet hébreu (le diagramme incomplet montrait 17 groupes de lettres). 
- Comment ne pas penser à l'Arcane 17 cher à André Breton, L'étoile? 
- Et ne pas se rappeler que Breton transformait ses initiales AB en 1713? AB que j'ai vu plus haut correspondre aux Asciis 65-66 de Coup double (les échos de ce titre se précisent, surtout l'original Double Double; et précisément en français comme en hébreu, B=2 est le double de A=1, et D=4 le double de B=2, je rappelle que 4 et D sont omniprésents dans le roman, et Winship y exploite 2 morts accidentelles pouvant correspondre aux 2 premiers éléments de la comptine, en les doublant par 2 meurtres, afin de persuader le Dr Dodd qu'il est menacé); à l'arcane 17 correspond la lettre hébraïque P, פ, ce que Breton exploite, et à l'arcane 13, la Mort, la lettre M, מ:
 

- Dans Arcane 17, Breton évoque Nerval, né en 1808 qu'il réduit en 1+8+8=17, et le Ma seule étoile est morte du Desdichado, qu'il transforme en Ma seule étoile vit.
- AB, "père" est présent dans l'étoile YPSTAB, ainsi que son double renversement ST, Seth, le fils d'Adam, premier père ou patriarche; ce sont précisément ces lettres ATBS qui ont donné l'appellation atbash.
- Ces lettres STAB apparaissent dans la même configuration sur cette étoile que YHWH dans l'étoile HYGMHW.
- C'est Shabbataï Tsevi, SBTY ÇBY, qui avait recours au double renversement pour se décréter nouveau Moïse, MSH, et  SBTY apparaît dans l'étoile, de même que ÇBY parmi les 17 groupes de lettres du diagramme incomplet.
 
  Tous ces 17 me rappellent un retournement atbash simple. Le mot HWG, "cercle", de valeur 17, a pour atbash SPR, un mot signifiant aussi bien "livre" que "nombre". Le mot sefira en est dérivé, avec peut-être une pensée pour le grec sphaira, "sphère". Les sefirot sont des nombres représentés dans des cercles sur l'arbre de vie.
  Le diagramme d'Aboulafia est supposé mettre en action la dernière des sefirot, malkhout.
  Un jeu atbash courant concerne un autre mot de valeur 17, TWB, "bon", qui devient NPS, "âme".
 
  Avoir évoqué plus haut le pectoral du grand-prêtre me rappelle que les 72 lettres de l'oracle s'y répartissent en 17 mots, dont les noms des 12 fils de Jacob-Israël. La série Dig a imaginé la reconstitution de l'oracle, et l'épisode de sa consultation révèle un jeu qui ne peut apparaître qu'aux hébraïsants attentifs. 
  Ici l'oracle n'offre que les noms des 12 fils de Jacob, le dernier étant ASR, Asher, "heureux". Sa consultation livre en lettre lumineuses DYNH, Dinah fille de Jacob (mais ce n'est pas précisé),
 
 
et un examen montre que pour obtenir le H final ASR est devenu ASH, isha, "femme". Ceci me semble avoir quelque écho avec les autres cas d'androgynie vus supra. Plus de détails ici.
 
  J'ai omis plus haut une curiosité de la traduction française de L'adversaire, où Percival, le dernier cousin York menacé par l'assassin qui expédie les cartons JHWH, se compare à un Sadim qui transforme l'OR en RO, ce qui m'évoque bien sûr le cryptogramme d'Einstein où IL devient RO puis OR, "lumière".
  Il se trouve qu'un renversement analogue a été jadis, vers 25 ans, à l'origine de mon intérêt pour l'hébreu. Je ne sais plus comment j'avais été amené à lire Les grands initiés d'Edouard Schuré, mais j'avais été frappé de ce qu'il disait du récit biblique de la création, avec le "souffle de Dieu", ROUA AELOHIM, qui crée la lumière AOUR au verset suivant:
Le mot roua qui signifie le souffle se trouve dans le second verset. On remarquera que le mot aour qui signifie lumière, est le mot roua renversé. Le souffle divin en revenant sur lui-même crée la lumière intelligible. 
  Lorsque bien plus tard j'ai acquis quelques rudiments d'hébreu, je me suis aperçu que ce beau retournement n'était pas tout à fait exact.
  Cherchant aujourd'hui d'autres occurrences de "aour" "roua", j'en trouve diverses, dont une de JC Pichon qui énonce dans Histoire des Mythes
(Aour - Roua), Iahvé, fils de tous les dieux (Élohim). Cette divinité de Feu ou du Combat, il l'affronte en effet dans une lutte singulière au milieu de sa nuit et, de cette lutte, il renaît boiteux mais ancêtre assuré d'une race sans exemple. Iahvé est également un dieu de Vérité. Comme tel, le cercle, la pierre demeurent ses symboles.
  Je n'en sais pas plus, mais c'est l'un des premiers résultats et il associe assez étonnamment le retournement Aour-Roua et le combat de Jacob avec YHWH.
 
Note du 23/11: l'écriture du billet Encore ! m'a rappelé deux autres doubles retournements. 
  Je suis particulièrement confus de n'avoir pas pensé au cas d'école concernant l'atbash, évoqué très tôt sur Quaternité: le prophète Jérémie désigne Babel par l'atbash Sesak, et Babel est le retournement de lebab, "coeur".
  Un livre a été souvent évoqué, notamment iciLa bibliothèque de Villers, où 4 morts sont découverts aux 4 coins d'un carré dessiné dans la ville de Villers, livrant les initiales I-V-R-E. J'avais déjà vu l'anagramme de vier, "quatre" allemand, mais pas encore vu qu'il pouvait résulter d'un double retournement:
- les 4 lettres IVRE donnent par atbash (dans notre alphabet) REIV;
- REIV se retourne en VIER, "quatre".

Note du 17/12: J'ai à diverses reprises commenté les similitudes entre La bibliothèque de Villers, roman construit à partir des lettres LIVRE, et Novel Roman, construit sur les lettres du titre, et sur le jeu  entre N-AMOR et N-LOVE.
   J'ai aussi signalé que L-IVRE avait en commun avec N-LOVE que les tétragrammes IVRE et LOVE sont composés de deux couples atbash. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que je m'avise que le double retournement de LOVE livre VELO, et je n'y pensais donc pas en décidant d'ouvrir le roman (le novel) sur la découverte d'un crime par deux "hirondelles", des agents en vélos.
  Ni en faisant du "VELO mannor" de "norman LOVE" un lieu essentiel de l'intrigue.
  Ces deux éléments étaient prévus dès 1998 (alors que j'ignorais l'existence de La bibliothèque de Villers).

20.10.23

clinamen : "il" en manc

à Paul Halter et Irène Lapnus

  Le billet Le grand Ailleurs s'achevait sur la découverte d'une coïncidence entre deux romans utilisant le même thème de la réincarnation.
  Le roman de Sinoué qui a joué un rôle essentiel dans mon intuition sur le 4/4/44, Des jours et des nuits (2001), a été inspiré par la psychanalyse de Sinoué, nécessitée par une profonde dépression.
  Sinoué relate dans son Petit livre des grandes coïncidences un rêve où il éprouvait une terreur le poussant à exhorter son entourage à quitter les lieux sans tarder, sinon: «la déesse Ishtar nous tuera.» Il ne savait pas grand-chose d'Ishtar, et le lendemain sa psy jungienne, Marie-Laure Colonna, lui dit que le rêve signifiait que ce qu'il était en train d'écrire ne valait rien, ce qu'a admis Sinoué. Le rêve dénotait aussi une intercommunication entre l'écrivain et sa psy, car elle lui montra l'article qu'elle rédigeait la nuit précédente, précisément sur Ishtar.
  Ceci conduisit Sinoué à abandonner son projet en cours pour un roman où interviendrait la psychanalyse, Des jours et des nuits. L'Argentin Ricardo, après des rêves étranges, consulte une psy, et, reprenant le livre, j'y trouve une allusion à l'événement, lorsque la psy informe Ricardo d'une possible intercommunication entre l'analyste et l'analysant:
Il répéta, perplexe :
— Une intercommunication…
— Je vais vous en donner un petit exemple. Il y a quelque temps, une personne que je vois régulièrement m’a fait le récit d’un rêve qu’elle avait eu la veille et dans lequel une déesse appelée Ishtar jouait le rôle central. Or, cette même nuit, j’étais en train de rédiger un article consacré aux mythes assyro-babyloniens où je traitais, entre autres… d’Ishtar.
  L'autre roman est Mourir n'est pas te perdre (2021), de Christophe Fauré, où on suit un couple d'âmes à partir d'Inanna et Anzû en 4700 av. JC.
  Je savais qu'Inanna est un autre nom d'Ishtar, et le nom apparaît effectivement dans le roman, lorsqu'une "vieille âme" informe Catherine, venant de mourir en 1974, sur ses incarnations antérieures:
Dans cette vie, tu t’appelais Inanna. Ce nom te fut donné en l’honneur de la déesse Ishtar, afin qu’elle t’accorde sa protection. Et l’entité qui se nomme aujourd’hui Alan portait alors le nom d’Anzû.
  Ainsi le mot Ishtar apparaît dans les deux romans, ce qui n'avait rien d'évident a priori. La fiche Wikipédia indique

Le nom le plus courant de la déesse en sumérien est Inanna (aussi transcrit Inana). Mais on trouve aussi Inin ou In(n)ina.

Il est en fait difficile de connaître la prononciation exacte de son nom, parce que le nom de la déesse est souvent noté par un idéogramme, que les assyriologues désignent par convention comme MÙŠ (), qui n'indique donc pas de prononciation.

  Je suis abasourdi par ce MUS associé à Inanna. L'an dernier, j'ai composé l'un des textes à contrainte qui m'a demandé le plus de travail, une quadruple extension du mot "âme" par codage sympathique. La dernière extension formait un carré 43x43 permettant la lecture diagonale
il mit le mot âme dans La vie mode d'emploi
   Le texte me montrait en tant que diable tentant de convaincre une femme de lui vendre son âme, et les exigences du code sympathique m'avaient fait l'appeler Anna Mus. Ce n'est qu'après coup que je me suis avisé que Anna Mus est proche de animus, "âme" en latin.

  J'ai évoqué la coïncidence "Ishtar" entre Sinoué et sa psy en avril 2017, dans une série de billets consacrée à House of Leaves. Dans le précédent billet, je remarquais que la première inscrite sur le forum Danielewski était une certaine Inanna; le seul sujet qu'elle y avait créé était Tlon, Uqbar etc... really interesting!!, introduisant l'évidente influence de Borges sur Danielewski. Borges m'était important à l'époque, il l'est devenu encore plus cette année avec les coïncidences ZWI-tsevi. Je vais y revenir.

  Dans ce même billet, je signalais pour la première fois la coquille de l'édition 1984 de Coup double, d'Ellery Queen, où les lettres "phil" de "philosophe" sont étrangement devenues 6566:


  J'ignore comment ça a pu se produire, mais un rebond récent est arrivé, par mes échanges avec Marylin Rolland. La plasticienne a représenté le parcours du cavalier par des tétraminos en L, parcours déterminant l'ordre des chapitres dans La vie mode d'emploi (LVME). Le L correspond au mouvement du cavalier, deux cases en ligne horizontale ou verticale, puis une case à angle droit.
  Perec a choisi d'"oublier" un chapitre de LVME, celui correspondant à la position 66 du cavalier, dans le coin inférieur gauche du carré représentant l'immeuble. Ainsi le chapitre correspondant à la position 67 est devenu le chapitre 66. Marylin a appelé cette omission "clinamen 65 66", qu'elle a représenté ainsi,
 

les deux tétraminos correspondant aux sauts du cavalier entre les positions 64-65, et 67-68, devenues les chapitres 66-67 ci-dessous (voir le schéma complet ici):
 

  Quelle que soit la pertinence du clinamen 65-66, il m'a permis de faire le lien avec la coquille 6566 du roman de Queen, et de mettre en évidence une coïncidence diabolique.
  Il y a un mystère sur les chapitres 65-66, premier exemple à propos de l'invention dans son écriture, donné par Perec à Ewa Pawlikowska, dans un entretien accessible ici:
je savais que dans ce chapitre 66(2) le diable allait apparaître ; c'était décidé avant, parce que le chiffre 66 a une valeur cabalistique; 6, c'est le chiffre du diable, ça, on le sait par un petit livre bête sur l'occultisme et ce personnage de femme devait faire apparaître le diable pour supprimer un chapitre parce que, normalement, à partir du plan du livre, il doit y avoir 100 chapitres. En fait il y en a 99. Il y a un chapitre qui a été supprimé à cause de la fille qui mord dans son petit beurre. Plus profondément, il faut que ce chapitre disparaisse pour casser la symétrie, pour introduire dans le système une erreur parce que quand on établit un système de contraintes, il faut qu'il y ait aussi l'anti-contrainte dedans. (...) Il faut un clinamen (...)
(2) Allusion à La vie mode d'emploi ... et lapsus de Perec : c'est au chapitre 65 que le diable apparaît et c'est le chapitre 66 qui disparaît ou plus exactement ce qui aurait dû être le chapitre 66, car il y a évidemment un chapitre 66 dans le roman, mais c'est celui qui aurait dû être le chapitre 67 pour obéir à la polygraphie du cavalier et sans la croqueuse de petit Lu.
  Lapsus? pas sûr, car Perec l'a commis plusieurs fois à propos de ces chapitres 65-66, et de multiples "contre-vérités" parsèment ses dits comme ses écrits (ainsi Magné a relevé maintes "erreurs" énormes dans W ou le souvenir d'enfance).
  Quoi qu'il en soit, "L'histoire de la femme qui fit apparaître quatre-vingt-trois fois le diable" (selon l'index) est l'une des plus développées du livre, en partie parce qu'une contrainte imposait que ce chapitre 65 soit l'un des plus longs ("plus de 12 pages").

  Si le clinamen 65-66 concerne le diable, il en va de même pour l'erreur d'impression de Coup double, car le "osophe" dont le "phil" est mystérieusement devenu "6566" se nomme Harry Toyfell.
  Toyfell se prononce comme l'allemand Teufel, "diable", et j'ai envisagé "Harry Toyfell" comme anagramme approchante de "Adolf Hitler", plusieurs fois présent dans les intrigues queeniennes.
  Si Hitler avait tout de l'incarnation du Diable pour les Queen, Juifs d'origine polonaise (comme Perec), quel rapport avec le personnage de Toyfell? C'est un personnage énigmatique que ce "philosophe de Wrightsville", qui n'apparaît que dans ce roman; sa particularité est d'avoir fait des travaux de jardinage pour les 7 morts de l'affaire, mais il n'est jamais soupçonné d'y avoir eu un rôle.

  C'est le roman lui-même qui est énigmatique, au-delà de l'énigme policière, et je crois être le premier à avoir avancé l'hypothèse que Double, double, son titre original, était une allusion à la date de naissance de Fred Dannay, le Queen "principal", né le 20/10/05 (mentionné dans LVME, ch 87, parmi les pseudos de Beyssandre): 10 est le double de 5, 20 le double de 10. Ce 20e Queen a 20 chapitres, il est paru alors que Dannay avait 44 ans, le nombre 4 et l'initiale D y sont omniprésents...
  J'avais remarqué une adéquation calendaire à la coquille 6566, car Dannay est né l'année 5666 du calendrier hébraïque.

  Je remarque maintenant une autre possibilité, si riche en échos qu'elle a bouleversé l'écriture de ce billet, qui avait pour premier titre Vénus et Mercure, Vénus étant Inanna/Ishtar, et Mercure le trickster, assimilé à Arsène Lupin.
  Et puis l'idéogramme MUS m'a rappelé mon texte où je rusais pour acheter l'âme d'Anna Mus, alors que je venais de faire le lien entre le clinamen 65-66 associé au diable par Perec, et la coquille 6566 associée à Toyfell/Teufel/Diable.
  Si j'avais déjà étudié la correspondance "6566" = "PHIL", le clinamen me conduit à considérer plus spécifiquement "66" = "IL", et ceci a de telles répercussions que je délaisse pour l'instant le trickster lupinien (mais je compte y revenir).

  D'abord, dans ma quadruple extension du mot "âme" par codage sympathique, je me suis aperçu après coup qu'il y avait une erreur dans mon dernier codage. Bêtement, j'avais omis un mot du 3e codage, le mot "il", 38e parmi les 48 mots de ce codage:

Mais, s'il allait sans sûr socle, Rémi vanta, dans un rare cas si original, gêne mutée, MUS signé. Promo, amour, bal, le lot arrive, avatar né et déchu mollah, nom en jump, amitié, riant rêve, miel... Il le dit: voici contrat, code déifié. Ils devront, dame, mourir.

  Le codage final, en 337 mots, m'avait demandé tant de temps que je n'avais pas désiré le reprendre, et décrété que cet oubli de "il" serait mon clinamen. Je n'avais pas alors à l'esprit que Perec associait directement au diable son omission du chapitre 66 (mais je connaissais l'entretien avec Ewa Pawlikowska du numéro de Littératures de 1983, hommage à Perec).
  Dans un second temps, il m'est revenu que "il" jouait un rôle particulier dans L'art du X, texte de Ricardou composé pour ce numéro de Littératures. J'ai consacré plusieurs billets à ce texte d'une grande complexité, sans prétendre en avoir percé tous les secrets.
  Il est au moins assuré que les 95 phrases de 12 mots de la partie IV, à raison d'un mot par phrase, codent pour le 1er paragraphe de la partie I, 8 phrases de 12 mots, codant elles-mêmes pour le 1er vers du sonnet L'ardu X.
  8 phrases de 12 mots, ça fait 96 mots, il y a donc un hic, et l'examen attentif montre que les deux mots débutant la 7e phrase du paragraphe initial, "Vite, il", sont codés en même temps dans la 73e phrase de la partie IV:
Oublie-le vite : avec, en même temps, ce "il" bien trop redit.
  J'ai émis l'hypothèse que ce doublage de la contrainte pour la phrase 73 était lié au doublage des contraintes que Perec s'était imposé pour le chapitre 73 de LVME. Quoi qu'il en soit, c'est une sorte de clinamen.
  Je remarque que ce "il" est le 9e des 12 mots de la phrase, or I-L sont les lettres de rangs 9-12.

  L'impensable advient avec la seconde publication de ce texte en 1988 dans La cathédrale de Sens. Ricardou n'écrivait qu'à la main, et c'est Erica Freiberg qui tapait ses textes, d'abord à la machine à écrire, puis sur un Mac.  L'art du X de 1988 présente quelques menues modifications du texte de 1983, mais surtout, une phrase entière a été oubliée par EF dans la partie IV, la 65e parmi les 95 phrases de 12 mots, codant pour le 65e mot du paragraphe initial, un autre "il".
  Le principal fautif est bien sûr Ricardou qui n'a pas vu l'oubli avant de signer le bon à tirer, mais le fait est là. 5 ans après la première version où un "il" connaissait un traitement particulier, 4 ans après la coquille qui a transformé "phil" en "6566", un autre "il" a été effacé, correspondant selon la coquille à "66", par l'oubli de la phrase 65, à laquelle est venue se substituer la phrase 66... Chez Perec, le diable du chapitre 65 serait la cause de l'omission du chapitre 66...
 
   Voici ce qui a été oublié page 189 de La cathédrale de Sens (et qui figurait page 46 de Littératures); "il" y est un "message":
- Mieux, même : j'aimerais dire qu'il est trop clair, le message:

X expose un sonnet qui s'oppose à ses rêves en retournant ses vers en sa croix.
(seules interviennent dans le codage les phrases de 12 mots, dans un corps plus grand que les autres éléments)

  Les parties I à III codent pour le sonnet final, et il y apparaît un clinamen apparemment intentionnel: ce sonnet compte 119 mots, mais le codage passe directement du 82e mot, "appogiatures", au 84e, "le", omettant le 83e mot, "et". Je donne quelques hypothèses sur le billet déjà signalé, j'y ajoute maintenant les 83 apparitions du diable du chapitre 65 de LVME.
  C'est dans l'index des Histoires qu'est donné ce nombre 83, que certains considèrent comme une erreur de Perec, car le chapitre 65 énonce:
En un peu plus de deux ans, Ingeborg fit apparaître 82 fois le Diable, pour des prix qui finirent par atteindre vingt, vingt-cinq et même une fois trente millions de francs (anciens).
  Mais peut-être ces 82 fois sont-elles celles se passant en France. Ingeborg a d'abord fait apparaître le diable à Ankara, pour un client comblé qui l'a incitée à aller exercer ses talents à Paris.

  Il y a deux erreurs incontestables dans l'index des Histoires: celles de la cantatrice russe et du petit Tunisien envoient aux chapitres 5 et 58, alors qu'elles sont contées aux chapitres 6 et 57. A noter la confusion 5-6 qui peut faire écho au problème 65-66.

  Dans le numéro de Littératures contenant l'entretien où Perec parle du clinamen 65-66 et L'art du X, il y a aussi L'appentis de Marcel Benabou, proposition de ce qu'aurait pu être le chapitre 66 non écrit de LVME, dont les contraintes étaient prévues par le Cahier des charges.

  La réflexion sur "il" m'a rappelé que le mot avait été en quelque sorte un "anticlinamen" dans mon roman écrit en 1999, Sous les pans du bizarre.
no code in the Spanish translation  Dans le cadre d'une intrigue policière, le roman exposait mes découvertes sur la 8e églogue de Virgile, laquelle aurait été un hommage au nouveau calendrier instauré par César, l'année de 365 jours, et parfois 366, lorsque l'année est bissextile.
  Ce terme n'a rien à voir avec le passage de 365 à 366; il vient de ce que, l'année concernée, le bisextus, le 6e jour avant les Calendes de mars, était doublé. J'exploitais l'idée que les deux mots avec 2 F de la 8e églogue, effer et effigiem, exprimaient ce bisextus (FF=66).

  La grande énigme de cette églogue, offrant deux chants jumeaux de 9 strophes, est la présence dans le second chant d'un vers refrain intempestif, rompant la gémellité. Il n'est d'ailleurs pas assuré qu'il vienne de Virgile, possible interpolation tardive soulignant un fameux vers (numero deus impare gaudet).
  La valeur 365 de ce vers refrain, répartie en deux hémistiches de valeurs 169 et 196 (carrés de 13 et 14), était associée à mon hypothèse, et j'avais construit mon roman en 3 parties correspondant aux 3 premières strophes du chant d'Alphésibée. J'avais trouvé d'excellents titres pour les parties 1 et 3,
Vigiles des morts = 196,
Le mystère K.O. = 148,
et il fallait pour la partie 2 un titre de valeur 21 pour parvenir à l'idéal total 365. Le choix était limité, et IL s'était imposé. IL, c'était Tom Lapnus, le mystérieux individu qui harcelait les latinistes avec ses théories et était soupçonné d'en avoir assassiné 3, mais on le découvrait mort en venant l'appréhender, à la fin de la partie 1...

  Tomieslav Lapnus, c'était moi en un peu plus dingue. Il devait en l'occurrence son patronyme à sa femme, Irène Lapnus, parfaite anagramme d'Arsène Lupin, une de mes principales obsessions.
  Et bien sûr, Irène Lapnus était ma compagne Anne. Le chapitre 6, premier de la partie 2, était titré Irène Lapnus, et je crois avoir alors repéré les initiales, IL. Il n'a souvent pas été facile à Anne de subir mes lubies, et ce chapitre où j'en rendais compte, de façon exagérée certes, n'a pas été facile à écrire, à tel point qu'il est resté en plan jusqu'à ce que le dernier chapitre ait été achevé. Il a bien fallu s'y résoudre, en voici un extrait:
  Il a pu publier un article dans une revue assez sérieuse, je crois. On lui avait demandé de modifier sensiblement son projet initial, ce à quoi il se refusait. C'est moi qui ai insisté pour qu'il fasse ce qu'on lui demandait (...) Il a finalement accepté en rechignant, mais a fait paraître l'article sous une anagramme de mon nom, parce qu'il se refusait à signer Tom Lapnus un travail qui n'aurait pas reflété strictement ses idées. Lorsque l'article est paru, Tom est entré dans une colère noire (...) Il ne m'a plus parlé pendant un mois (...)
  Ceci était une allusion à l'article signé Jren Paulsen paru en 1997 dans Connaissance des religions, mais le rôle d'Anne est ici inventé, comme ma prétendue réaction.

  J'avais fait d'Irène Lapnus une documentaliste à l'unité 83 du CNRS. Ceci faisait allusion à Perec, documentaliste à l'unité 38, et aussi écho à la valeur 83 de LAPNUS, qui se trouvait par ailleurs intéressante dans le contexte Virgile-365. Aujourd'hui, je pense aux 83 apparitions du Diable, au 83e mot du sonnet de Ricardou omis dans son codage, au 38e mot de mon texte diabolique oublié dans le codage suivant.
  Les morts de mes 3 latinistes, aux sommets d'un triangle de Pythagore, étaient précédés d'envois de cartons triangulaires portant des inscriptions énigmatiques. Ceci était inspiré par L'adversaire de Queen, où les cousins York, habitant aux 4 coins de York Square, reçoivent avant d'être assassinés des cartons de forme étrange, portant des inscriptions énigmatiques. Cet "adversaire" est le Diable...
  J'ai étudié ailleurs les étonnants points communs entre ce roman, qui n'a été traduit en français qu'en 1978, et LVME: dans les deux oeuvres, l'homme de main W. entreprend sans raison apparente une vengeance à l'encontre du millionnaire Percival, sur fond de puzzle et de jeu d'échecs.

  IL = 21 amène à rappeler que les 2 tétraminos en L de Marylin, marquant les sauts du cavalier du chapitre 64 au 65, puis du 66 au 67, laissent un vide entre eux, le chapitre 21:
 

  Un autre article du Littératures consacré à Perec est intitulé Coup d'L; Mireille Ribière y compare deux entreprises extrêmes, le Coup de dé de Mallarmé, et Alphabets de Perec.

  Je ne m'intéressais pas au tarot en 1999. Je n'ai guère changé, mais j'ai appris que le mat, ou le fou, l'arcane sans chiffre, s'insérait selon une tradition juste avant le dernier arcane, le numéro 21. Ainsi, selon la correspondance entre les 22 arcanes et les 22 lettres hébraïques, au fou correspond la 21e lettre, Shin.

  Le découpage de 134 en IRENE LAPNUS = 51 83 ne m'était pas spécialement significatif en 1999. En 2002 j'ai découvert que le numéro 134 de la collection Folio Policiers, La Marie du port de Simenon, n'existait pas, et une frénésie m'a conduit à vouloir rassembler les numéros 37 à 207 de la collection, parmi lesquels cette absence du numéro 134 aurait été particulièrement significative. Je n'étais pas loin d'y arriver, après de nombreux mois, lorsque je me suis aperçu que d'autres numéros du catalogue n'avaient pas été édités, ainsi le numéro 134 n'était plus aussi significatif...
  J'en ai parlé en 2020, et plus récemment ici.  Cette obsession m'a cependant conduit à une découverte en 2005. Les lettres différentes de LA MARIE DU PORT ont pour valeur 134, le découpage selon voyelles/consonnes donnant le partage d'or idéal:
AEIOU / DLMPRT = 51/83, pas très bonne approximation de phi, mais faisant coïncidence car l'angle dont le cosinus vaut phi est 51,83°.
  Et puis, le 13/4/2005, je me suis avisé qu'il en allait de même pour les 10 lettres ESARTULINO choisies par Perec comme base des 1936 vers d'Alphabets, avec maints autres prolongements maintes fois évoqués. Le nouvel écho est
FAURE / SINOUE = 51/83,
coïncidence qui, avec Inanna/Ishtar, m'a fait lire le roman de Fauré, et m'a conduit à envisager Lupin en trickster mercuriel. Mais le billet a bifurqué sur le thème du clinamen, ce qui m'a mené par d'autres voies à IL et Irène Lapnus...

  Donc Vénus-Mercure ce sera pour plus tard, et il y a un autre "IL" qu'il me semble devoir rappeler, bien que ce ne soit pas un clinamen.
  Dans le best-seller La formule de Dieu, Einstein a laissé un cryptogramme, ! il rsvb, qui livre par atbash (selon l'alphabet actuel) ! ro ihey, qu'il faut renverser pour obtenir yehi or !, la transcription de l'hébreu signifiant "Que la lumière soit !" (Gn 1,3), ou Fiat lux !
  J'en ai notamment parlé dans ce billet mercuriel, où je soulignais la transformation or<>li, or signifiant "lumière" ou "feu" en hébreu, li de même en chinois. Aujourd'hui il me vient que IL, Irène Lapnus doublement associée au nombre d'or, se transforme par ce double jeu atbash-renversement en OR.
  Je ne crois pas avoir encore commenté le lien entre ce double jeu et le même double jeu associé à la phénoménale coïncidence survenue le 11 juillet dernier. Je cherchais une référence en ligne pour le jeu atbash (en hébreu) tsevi-hashem, mais la seule mention que j'ai trouvée était le double jeu tsevi-hashem-moshe. (cerf-le Nom-Moïse).
  Juste dans la foulée, j'ai ouvert un livre dont je ne savais pas qu'il avait un quelconque rapport avec l'hébreu, et il s'ouvrait sur un cryptogramme où pouvait se lire יבצ, soit tsevi (cerf).
  Si le roman évoquait précisément le retournement de HaShem, "Le Nom", en Moshe, Moïse,
Par exemple, quand on retourne le nom de Moïse, en hébreu, on obtient HaShem.
l'auteure n'est pas hébraïsante, et a fait réaliser le cryptogramme par un spécialiste. J'ignore si l'isolation des lettres יבצ dans la version incomplète du début du livre était intentionnelle.

  Cette année 2023, très riche en coïncidences, est la première où j'ai vécu un Mardi Saint 4 avril, comme le 4/4/44 jungien. Il y a eu un intermédiaire, en 1950, 3 mois avant ma naissance.
  Coup double, publié en septembre 1950, débute un mardi 4 avril d'une année non précisée, mais Dannay pensait vraisemblablement à l'année en cours, et semble avoir exploité la date de Pâques en faisant venir Ellery à Wrightsville le 9 avril.

  Hier matin 19 octobre, la proximité de l'anniversaire de Dannay le 20/10 m'a fait étudier le calendrier de 1905, et c'était aussi une année où le 4 avril tombait un mardi (mais pas celui de la Semaine Sainte).
  De 1905 à 1950 il y a 45 ans, de 1950 à 2023 73 ans, nombres qui m'évoquent une suite additive qu'on pourrait baptiser suite X, ou suite "Ailleurs", car 
FOX MULDER = 45 73
  365 c'est 5 fois 73, et j'ai étudié ici un roman où des données calendaires pouvaient livrer les jeux 45-73 comme 225-365. J'ai également vu les citations de Verne dans LVME pouvoir former le nombre 365, comme les lettres W et X dans le damier des chapitres (dont les 45 et 73).

1-2-3-5-8-13-21-34... est la suite de Fibonacci;
1-3-4-7-11-18-29-47... celle de Lucas;
1-4-5-9-14-23-37-60... a été baptisée suite de Pythagore par Guy Bernard;
1-5-6-11-17-28-45-73... vient ensuite; à remarquer qu'on passe d'une suite à l'autre en ajoutant 0-1-1-2-3-5-8-13..., la suite de Fibonacci.
  J'ai étudié quelles années présentaient cette propriété d'être de même type 45 et 73 ans plus tard. Il faut que
- l'année de départ soit de type 4n+1 (et inférieure à xx57); 
- l'année séculaire suivante soit bissextile (donc de type 400n).
  Au 20siècle ces conditions sont remplies pour 14 années, de 1901 à 1953. Comme il existe un cycle de 28 ans (28 nombre précédant 45-73) où les années de même type se répètent (hormis lors d'un saut de siècle), 1929 à 1953 permettent des quartets d'années 28-45-73. 
  Le nombre précédent est 17; une année -17 finira comme l'année de départ de ces quartets, mais sera le plus souvent bissextile, hormis l'année 1900.
  Ainsi, les années 1900-1917-1945-1990-2063 constituent le premier quintet 17-28-45-73 depuis l'instauration du calendrier grégorien; le prochain débutera en 2300, mais il n'est pas acquis qu'il y aura encore une humanité pour en apprécier l'harmonie numérique.

  Le 20/10/1905 où est né Dannay, dans une famille juive pratiquante, était le vendredi 21 tishri 5666 s'il était né avant le coucher du soleil, le samedi 22 après, jour de la fête Shemini atseret, 8jour de Soukkot, confondu en Israël avec Sim'hat Torah.
  Peut-être la guerre actuelle au Moyen-Orient sera-t-elle nommée guerre de Sim'hat Torah, car le Hamas a choisi ce jour de fête pour son attaque. C'est la 5guerre importante entre Israël et ses voisins (hamas signifie "cinq").
  Ceci m'a fait prendre conscience que 5784, l'année hébraïque actuelle, a débuté comme 5666 un vendredi soir (mais elle n'est pas du même type car embolismique).
  Sans entrer dans les complexités du calendrier hébraïque, il me semble intéressant de mentionner qu'un mnémonique basé sur l'atbash permet de déterminer les jours de la semaine où tombent les principales fêtes, notamment Sim'hat Torah. Pendant longtemps ce mnémonique n'a concerné que 6 fêtes religieuses, et puis le 7jour, correspondant à Zayin7lettre, s'est trouvé correspondre en 1948 à la fête de l'Indépendance, 'Atsmaout débutant par la lettre Ayin, atbash de Zayin.

Note du 22/11: Peu après la publication de ce billet, Danielle Constantin a rappelé son article en ligne « Je ne manque pas d’originalité. Performance scripturale », consacré à l'étude des brouillons du chapitre 35 de LVME. Il y figure ces calculs:
 

  Perec semble être parti des nombres 34 et 222, venus d'on ne sait où. Il a simplifié en 111/17 pour effectuer une division dont le quotient débute par 65 (en fait il faudrait une virgule, 6,529...). Peut-être parce qu'il faudrait arrondir à 6,6, Perec a inscrit 66 en vis-à-vis de 65, et effectué la multiplication 66x17, produit 1122.
  Si la signification de ces calculs est obscure, j'y note cet accolement 65 66, alors qu'à ce stade d'écriture le clinamen du chapitre 66 n'était probablement pas prévu, ni le report de certains de ses éléments dans le chapitre 65.