J'ai appris récemment que "livre" se dit kniha en tchèque et en slovaque. Ceci m'a aussitôt rappelé que le livre Nahik consistait le fil rouge de la série BD Le Décalogue de Frank Giroud (comme de sa suite Le légataire). Il me semble a priori assez peu probable que l'anagramme ait été voulue, et ce cas rejoindrait donc les coïncidences déjà étudiées sur les mots de 5 lettres désignant les créations littéraires, roman/novel chez Leblanc, LIVRE chez Peeters, Bible/Babel chez Borges.
J'ai voulu rafraîchir mes souvenirs sur Le Décalogue, dont la médiathèque n'avait de disponibles que les tomes V à X, que j'ai empruntés. Le passage au rayon BD m'a fait découvrir une série inconnue, La Prophétie des Deux Mondes, scénarisée par Frédéric Lenoir dont j'écoute régulièrement l'émission Les racines du ciel et dont j'ai lu les romans.
J'ai emprunté le premier album ce 6 novembre, et suis revenu deux jours plus tard emprunter les 3 autres de la série, présentant une particularité vraisemblablement unique.
Prévue initialement en 5 albums, les 3 premiers sont parus de 2003 à 2005 chez Albin Michel, puis il y a eu un problème avec l'éditeur, si bien qu'il a fallu attendre avril 2008 pour voir la fin paraître chez un autre éditeur, en un seul album débutant par un résumé en 4 pages de ce qu'aurait été l'album intermédiaire prévu.
Ceci est évidemment fascinant pour l'amateur de quaternité, mais je ne l'ai appris qu'après coup, et c'est d'abord le scénario qui m'a retenu.
L'histoire se passe dans un monde partagé de façon immémoriale en deux royaumes antagonistes, le royaume de l'Etoile, dont le symbole est un pentacle, et celui de l'Anneau. Selon une prophétie transmise par Ishâ, l'envoyée des Eternels, les royaumes ne peuvent survivre que si un serment est proféré tous les 21 ans par les dauphins des deux familles royales.
Le Grand Rituel doit se faire à l'aube du 8e jour du 9e mois, après une conjonction de trois astres, et les deux princes doivent alors élever vers le ciel les deux symboles en les unissant en un seul. Sinon les deux royaumes seront anéantis.
L'aube du 8e jour du 9e mois me rappelle que c'est peu avant l'aube du 8e jour du 9e mois que j'ai eu mon intuition sur l'harmonie quintessentielle de la vie de Jung autour du 4/4/44, le 8 septembre 2008. C'est précisément en 2008, de façon imprévue, qu'est paru le dernier album de la série, La nuit du serment, s'achevant le jour du Rituel. Si pour moi ce 8 septembre a surtout été le premier jour de l'an pataphysique 136 (135e anniversaire de la nativité de Jarry), c'est dans le calendrier vulgaire la Nativité de Marie, ce qui a pu inspirer Lenoir, les femmes jouant un rôle essentiel dans la série (isha signifie "femme" en hébreu).
L'histoire se passe l'année d'un Rituel marqué par de grandes incertitudes car, à l'issue de la dernière cérémonie, la princesse Lariana, héritière du royaume de l'Etoile, a disparu, et avec elle le symbole sacré de l'Etoile et sa formule du serment. Les recherches menées depuis 20 ans ont été vaines, et en dernier recours Lowen, fils du roi de l'Anneau Heloas, se lance dans une ultime quête avec son ami Nhâram.
Ce Nhâram-Lowen chez Lenoir m'a aussitôt évoqué le roman-novel chez Leblanc, où c'est Elisabeth Lovendale qui cherche le tome perdu des romans (novels) de Richardson.
Nhâram perd ses jambes dès le début de l'histoire, si bien que Lowen doit continuer seul, avec l'aide de femmes pas toujours désintéressées. C'est ainsi qu'il devient l'amant de la fougueuse Besraëlle, puis de Solâna, étrange créature dont le nombril n'est tatoué ni d'un anneau, ni d'une étoile.
Lowen fait un rêve dans lequel Besraëlle et Solâna participent à une cérémonie, auréolées des symboles de l'Etoile et de l'Anneau se conjoignant au moment où ses deux amantes vont s'embrasser; il est alors réveillé par l'appel de son nom. Le sens s'en précisera ultérieurement : Besraëlle est la détentrice de l'Etoile sacrée volée il y a 20 ans, tandis que Solâna est la fille cachée de la princesse disparue Lariana, héritière de la formule du serment.
Après diverses péripéties, dont la mort de Lowen ressuscité le troisième jour car les Eternels ont estimé sa survie nécessaire, Lowen et Solâna se rendent le jour dit au sanctuaire de l'île au centre des mondes, sans grand espoir car ils n'ont pu récupérer l'Etoile cachée par Besraëlle. Cependant Ishâ apparaît et leur annonce que les royaumes vont être épargnés car Solâna porte l'enfant de Lowen. Leur amour (LOVE) a été plus fort que la haine (N) qui divisait les royaumes depuis des générations (sic). Ce tendre roman s'achève sur la proposition de Solâna d'appeler leur enfant Shana, "l'enfant de la paix".
J'en viens à ma relecture du Décalogue, ou plutôt de ses 6 derniers albums. Les 10 sont parus de 2001 à 2003, grâce à la tactique de Giroud de recourir à un graphiste différent pour chaque album.
On y suit donc, à rebours, l'histoire du livre Nahik dont le contenu exact reste flou, le point essentiel étant qu'il contient une reproduction d'une omoplate de chameau sur laquelle Mahomet aurait, à la fin de sa vie, gravé une dernière sourate, sous forme d'un décalogue dont les préceptes contredisent certains aspects violents du Coran.
Chaque album illustre un précepte de ce décalogue, d'abord en suivant la piste du livre Nahik, de l'album I à Glasgow en 2001 jusqu'au VII à Paris où a été imprimé le 16 avril 1823 Nahik pour financer une loge des Carbonaris, mais une dénonciation a pour conséquence la destruction de tout le tirage, sauf un unique exemplaire.
Le nom de l'imprimeur est Alban Jouvel, ce qui a quelque écho avec l'éditeur Albin Michel de La Prophétie des Deux Mondes de Lenoir, et pour moi avec Alban Lenoirc, nom du narrateur de mon projet Novel Roman que j'avais prévu de faire paraître sous cette signature.
L'album VIII, Nahik, révèle la raison de ce nom. Le livre a été écrit par le frère de l'écrivain en vogue Hector Nadal, Eugène. Celui-ci est revenu fou de l'expédition de 1798 en Egypte contée dans l'album suivant, au terme de laquelle il a été gravement blessé d'un coup de sabre au visage. Hector lui doit ses succès littéraires en stimulant cruellement la folie d'Eugène, lui extorquant des pages qu'il transforme ensuite en romans. La peur de son frère conduit Eugène à crier "Non Hector" chaque fois qu'il apparaît, ce qui dans sa bouche déformée devient "Na Hik".
Leur soeur découvre cette abjection alors que Hector s'apprête à publier le chef-d'oeuvre tiré des visions d'Eugène lors de l'expédition en Egypte. Elle s'approprie le manuscrit, qui sera donc publié ensuite par Alban Jouvel avec pour titre Nahik, et pour auteur Alan D., anagramme de Nadal.
Je remarque cette anagramme de 5 lettres alors que précisément Nahik est l'anagramme de kniha, "livre". Par ailleurs Nadal signifie Noël en occitan et autres langues, et parmi mes personnages forgés à partir de Novel Roman figuraient le couple anacyclique Noël Navrom - Morvan Léon. J'ai conté ici comment j'ai découvert ailleurs le personnage Noël Morvan.
Giroud indique que cette histoire, inspirée par le frère de Victor Hugo, Eugène, a d'abord constitué un projet autonome avant de devenir le point de départ du Décalogue.
Les lettres des tranches des 6 autres albums forment ALOGUE, ce qui m'a aussitôt évoqué Le Mont AN-ALOGUE de Daumal, auquel la conjonction des symboles de l'Anneau et du Pentacle m'avait déjà fait penser, pour l'Histoire des hommes-creux et de La Rose-amère qui y est contée au chapitre 3. Il y est question des jumeaux Mo et Ho que rien ne distingue l'un de l'autre, sinon les colliers qu'on leur a mis lors de leur baptême, portant une croix et un anneau. Mo vient à mourir en allant chercher la Rose-amère en montagne, et Ho récupère son collier pour devenir Moho, réunissant les symboles de l'anneau et de la croix.
Il m'avait paru que Daumal avait pensé au latin homo, "homme" en latin, et je suis encore plus certain que la prophétesse conjoignant l'Anneau et l'Etoile n'est pas par inadvertance isha, "femme" en hébreu.
Il y a plusieurs ascensions de montagnes escarpées parmi les multiples obstacles rencontrés par Lowen durant sa quête.
DEC - ALOGUE
AN - ALOGUE
Je suis éberlué de voir les syllabes absentes pouvoir former le mot DECAN. Ma découverte du motif 4-1 dans la vie de Jung, le 8e jour du 9e mois de l'an 08, a été suivie quelques jours plus tard de la lecture du 5e et dernier album de la série Quintett de Giroud, avec plusieurs coïncidences :
- une réelle différence de structure avec les 4 premiers albums, de 64 pages (4 cahiers de 16 pages), tandis que La chute en a 80 (5 cahiers de 16 pages).
- les initiales des 5 membres du Quintett, DAENC, peuvent être homologuées aux notes en quinte CGDAE.
- le leader du Quintett, le psychiatre Charles, présente divers points communs avec Jung.
Quintett a pu être publié de 2005 à 2007 grâce à l'idée de Giroud de recourir à un graphiste différent par album, comme pour Le Décalogue, avec ici une parfaite adéquation car les 4 premiers albums relatent les mêmes événements, chacun selon la perspective subjective d'un des membres du Quintett.
Un seul graphiste a participé aux deux projets, Paul Gillon qui a dessiné l'album VII du Décalogue, celui de l'édition par l'imprimeur Alban Jouvel du livre Nahik d'Alan D., et le second de Quintett, Histoire d'Alban Méric (tiens un autre Alban, par ailleurs homo).
La série a connu comme La Prophétie des Deux Mondes des déboires éditoriaux. D'abord commandé par une revue ayant fait faillite, le premier album est paru aux Humanos en 1982, s'achevant sur la mort de Décan, lequel ressuscite pour une seconde aventure en 1990. Un dernier album paraît en 2000 chez un autre éditeur.
Un hasard m'avait conduit peu après l'étude ce ces Léviathans à découvrir la couverture d'un livre ésotérique d'Anton LaVey (mode d'emploi ?) avec en couverture un pentacle dans un anneau; aux 5 pointes du pentacle sont associées les lettres לויתן, "Léviathan".
Monde de mon démon...
Quelques petites choses encore. A propos de l'absence du 4e album de la série La Prophétie, découverte 5 ans après l'achèvement de ma lecture de Quintett, je remarque que c'est le 4e album de cette série, Histoire de Nafsika Vasli, qui demande une astuce pour passer de l'initiale N à G permettant d'obtenir la série des quintes GDAE (correspondant je le rappelle à l'accord du violon d'Alban Méric).
C'est donc le slovaque kniha, "livre", qui m'a conduit à revenir au Décalogue de Giroud, et à découvrir la Prophétie de Lenoir.
J'ai découvert, je crois grâce à une édition en slovaque d'un autre texte satanique, le Livre 813 de Crowley, que "Dieu" se disait en slovaque Boh, donnant au datif Bohu, correspondant à l'hébreu bohu signifiant "vide"; la traduction classique de l'expression tohu wa bohu est "informe et vide".
Ceci fournit une équivalence bilingue à une anagramme classique en vieux français :
DIEV = VIDE
La page dont j'extrais cette image me rappelle La maison vide, aventure de Sherlock Holmes que j'avais utilisée dans mon projet Novel Roman, où le personnage du colonel Moran était devenu "Vonel Moran".
La relation entre DIEU et VIDE était évoquée il y a 15 jours dans l'émission Les Racines du Ciel de Frédéric Lenoir, consacrée à Krishnamurti.
Incidemment Krishnamurti signifie "aspect de Krishna, et le nom de ce dieu hindou signifie "noir"...