14.10.22

deux poèmes glorifiant un et deux

à Perec & Pingala

  Le précédent billet m'a conduit à la suite additive Alphabet, que l'OEIS identifie comme A022388:
6-13-19-32-51-83-134-217-351-...
  Je l'ai baptisée ainsi parce que la somme des rangs des 26 lettres de notre alphabet est 351, et que Perec a séparé ces lettres en deux groupes pour son recueil Alphabets:
ESARTINULO = 134, les 10 lettres les plus fréquentes en français, utilisées dans chaque poème;
BCDFGHJKMPQ VWXYZ = 217, les 16 autres lettres, chacune étant utilisée pour une suite de 11 poèmes composés avec cette lettre et les 10 précédentes.
  Le partage des 10 lettres en voyelles et consonnes livre
AEIOU = 51, et
LNRST = 83, à nouveau des nombres de la suite Alphabet...

  Je ne crois pas que ceci ait été intentionnel, mais mon étude du recueil met en évidence d'autres relations mettant en oeuvre les suites additives, toujours sans qu'il soit possible d'y prouver des intentions, mais suscitant le questionnement.
  J'y reviendrai.

  Pour l'heure, le précédent billet m'a conduit à la suite Alphabet sur l'OEIS, où elle est identifiée comme A022388. Un contributeur y remarque que le terme n+1 de la suite correspond au nombre de façons de remplir la figure en t ci-contre avec des carrés et des dominos (ou doubles carrés).

  Il m'a paru intéressant de partir de n = 3, et de composer un poème de 32 octosyllabes où carrés et dominos seraient figurés par mono- et dis-syllabes.
  L'idée s'est trouvée confortée quand je me suis avisé qu'en Morse le mot "alphabets" se code
(.- .-.. .--. .... .- -... . - ...)
dont le découpage avec point=1, trait=2, correspond à 32 syllabes, autorisant un découpage en 4 octosyllabes.
 
  Il va de soi que mon poème va parler d’Alphabets. Je savais que Gef avait développé des programmes pour utiliser le Morse dans des créations poétiques, comme celles-ci, et sitôt la demande formulée, il a pu me fournir une liste de 5329 mots codant un quatrain d'octosyllabes...
  Cette liste utilise une particularité hexagonale, "é" y est codé par "..-.." (et "è" par ".-..-").
  Peut-être 8 de ces mots couvriraient-ils l'ensemble des 32 combinaisons nécessaires, mais, outre que je n'ai plus l'esprit assez affûté pour en programmer la recherche, je doute qu'une quelconque série fournisse un sens satisfaisant.
  Aussi j'ai choisi assez rapidement 3 mots dans la liste de Gef, que j'ai complétés par une formule de mon cru, où figure Perec:

disparité (-.. .. ... .--. .- .-. .. - ..-..)
totalisante (- --- - .- .-.. .. ... .- -. - .)
tabouisée (- .- -... --- ..- .. ... ..-.. .)
si Perec est E.T. (... .. .--. . .-. . -.-. . ... - . -)

  Mon poème commencerait par le quatrain "alphabets", puis viendrait 3 quatrains formés avec les autres combinaisons, puis les 4 quatrains codant pour "disparité totalisante tabouisée si Perec est E.T."
  Cette disparité 1-3-4 peut évoquer le nombre 134, valeur de la série de 10 lettres présente dans chacun des 1936 "vers" du recueil, et mon étude accorde aussi une certaine importance à la séquence 1-3-4.

  Je peux maintenant donner le poème. Je ferai ensuite quelques commentaires, mais, puisque le cas se présente tout de suite, je signale qu'en hébreu les lettres aleph beth forment le mot אב, av, signifiant "père" (et la lettre suivante, gimel, a donné notre C).

Dans l’aleph beth hébreu ces lettres
se lisent PERE. C’est donc l’être
du nom de PEREC, poilu pitre,
qui fit un recueil de ce titre.

En ce livre des plus curieux,
chaque lettre trouve sa place
dans onze carrés, ardu jeu
dont jamais le gars ne se lasse.

Pour une lettre en onze onzains,
une onzine y devient torture,
colonne et rangée, et s’y joint
la lecture oblique en gageure.

Quelle suite fut vue en Inde
comme propre à l’écrit nouveau ?
celle où vingt six lettres se scindent
en seize et dix, doubles Fibos.

Sachant que cinq et cinq font dix,
pour un calcul faisons ce choix :
voyelle ou consonne et on lit
cinquante et un quatre vingt trois.

Entre telles valeurs codées,
l’expert y décèle un rapport
bien plus sûr que vingt coups de dés :
ici paraît le nombre d’or.

Ainsi ce nombre, prisé fort,
dans le recueil surgit partout :
le plus fréquent des mots est « or »,
par ses deux ratios, Un et Tout.

De plus il nous mène en Egypte,
Khéops dont l'angle aux dieux s’encrypte…
la question m’est souvent au cœur :
est-ce que Perec vint d’ailleurs?


  Le 3e quatrain fait allusion aux 11 poèmes de la suite en C, où, outre la contrainte hétérogrammatique du recueil, la dernière colonne de chaque poème décline en onzine la formule L'USINE A TROC, et où 2 des poèmes offrent des diagonales isogrammes (O rutilances et Tu ris la noce).

   J'y fais aussi allusion au onzain 160, où figure "sa torture l'onzain".

  Le 4e quatrain rappelle que la suite de Fibonacci était connue avant notre ère par les poètes d'Inde, précisément pour les découpages de vers en mono- et dis-syllabes.
   Le partage par Perec de l'alphabet en 10 et 16 lettres correspond aux doubles des nombres de Fibonacci 5 et 8. Je rappelle que Perec a envisagé une contrainte utilisant ces doubles pour l'épithalame en beaux présents composée pour ses amis Kmar et Nour, avec les nombres 68 et 110 pour les 2 dernières strophes, correspondant précisément aux valeurs des lettres différentes des noms des mariés :
- MREND+KAB = 68
- MREND+OUICH = 110 sur

   Le 5e quatrain "disparité" m'a permis d'introduire les nombres 51 et 83, écrits sans traits d'union à la manière de Ricardou dans ses textes symétricologiques (de toute façon l'Académie voit 3 mots dans "cinquante-et-un").

   Les "ratios" du 7e quatrain font allusion au fait que le rapport pondéré des occurrences du mot "or(s)" est 34/55, très proche de 0,618, le nombre d'or, ce qui m'émerveille, d'autant plus que ce n'est encore probablement pas intentionnel.

  L'Egypte du 8e quatrain rappelle que 51-83 n'est pas seulement le partage doré de 134 en deux entiers, c'est aussi l'angle d'or 51,83° (dont le cosinus est 0,618). Certains voient la pyramide de Khéops construite selon un triangle d'or, mais il semble plus probable que ses architectes aient choisi une hauteur de 280 coudées et une demi-base de 220 coudées, l'angle réel étant alors plutôt 51,84°.
   Un onzain mentionne Louqsor (et l'or):
L'astre qui n'a sort lésant
L'or qui trinque
(sa Louqsor latine)
qui trône, las...
  Voici maintenant le découpage syllabique des 8 quatrains:

121211  122,111  1112,21  1112111

112112  22211  122,21  1211111
121112  12122  212,111  12212
221111  21122  1111211  111122

2111111  112211  212111  211211
2222  21212  11111111  22121 (22112)
212,21  11222 1121111  1112,111
1111112  211112 (211121) 121211 (122111) 111212

  Ces combinaison sont obtenues en adoptant le sens normal de lecture sur la figure en t, de haut en bas et de gauche à droite. Il y aurait ambiguïté lorsque un domino (ou 2) tombe au rang 4, levée par une ponctuation lorsque le domino est vertical (après ses 2 syllabes).

  Plusieurs problèmes sont survenus en cours de réalisation. J'aurais pu retravailler l'ensemble du poème pour les résoudre, mais je me suis dit que, tant qu'à faire d'imiter Perec, je pouvais m'accorder aussi quelques clinamens ou erreurs, ainsi il y a plusieurs écarts à la règle dans Alphabets, comme dans ce onzain 26 où il y a 2 L en ligne 5.

  Le premier problème est au 6e quatrain, où je me suis aperçu, après son écriture, que la combinaison 22121 ne faisait pas partie de celles autorisées (il est impossible qu'une combinaison se termine par 121, selon ma convention). J'ai choisi de respecter le Morse, et supprimé une combinaison proche (22112) de la liste.

  Même problème pour le dernier quatrain, avec la combinaison 211121, employée pour coder PER(EC), et il ne semblait pas y avoir moyen de le caser autrement.
  Comme j'étais satisfait d'avoir fait écho par le dernier vers (est-ce que Perec vint d’ailleurs?) au déchiffrement Morse du quatrain (si Perec est E.T.), j'ai fait une entorse au Morse en remplaçant cette combinaison par celle autorisée 211112.
  Cette décision est associée à la suivante, où la combinaison 121211 codant pour (PER)EC avait déjà été utilisée pour coder AL de "alphabets". Il n'était pas question d'y revenir, aussi j'ai décidé de privilégier le Morse en répétant 121211, et en supprimant la combinaison proche (122111) de la liste.

  J'en viens à l'approche numérique, en soulignant d'abord que alpha beta comme aleph beth sont les deux premières lettres des alphabets grec et hébreu. Les Grecs et les Hébreux ont en outre utilisé ces lettres comme nombres 1 et 2 dans leurs systèmes de numération.
  Au niveau Morse, la première lettre codée est "a", soit ".-" ou "12". Les dernières lettres codées sont "E T", soit ". -" ou "1 2".

   La contrainte de départ mène à 66 dissyllabes et 124 monosyllabes, soit en tout 190 mots, mais il y a aussi 11 mots de 0 syllabes, menant au total 201.
  A partir de la première mouture, quelques petites modifications m'ont conduit à un total de 809 lettres de valeur 10002 (8 et 9 sont d'actualité depuis le 8/9 dernier, et .809 est la moitié du nombre d'or 1.618, alors que les jumeaux 0,809 des Silences de Dieu de Sinoué ont joué un rôle dans ma découverte du 8/9/2008).

  Si les quatrains 2 à 4 ont été composés sans se préoccuper du Morse, il n'est pas interdit d'y revenir après coup, ainsi les 4 octosyllabes du 2e quatrain peuvent par exemple se lire:
- 1 12 112, "eau";
- 22 211, "MD", pouvant évoquer OTTO (8!) APFELSTAHL M.D. dans W;
- 12 22 1, "AME", sans commentaire...
- 121 1 111, "res" la chose latine...
  Morse, où est ta victoire?
 

note du 15/10: le mot "tabouisée" a évoqué à çoeur dp, née comme moi en 1950, Geneviève Tabouis, journaliste dont nous écoutions jadis en famille les Dernières nouvelles de demain, et sa célèbre formule Attendez-vous à savoir, ce qui m'avait fait intituler une page de mon site Nathan-dez vous à savoir. Je viens de la remettre en ligne, car elle était inaccessible depuis la fermeture du site.
Mon billet précédent, consacré à un roman où une tour était détruite par un attentat, m'avait conduit à citer cette page en lien avec la mort de Bruno Latour, que Tobie Nathan faisait tuer en 1995 par un assassin, attal en égyptien, ce qui pouvait être une prémonition de l'attentat d'Atta contre les Twin Towers, or dans un roman de Nathan postérieur au 11 septembre sont codées les lettres ATTA pour un motif explicite qui m'a paru fragile. La page Wikipédia Tabouis m'apprend que Léon Daudet l'avait surnommée Madame Tata la voyante, TATA anagramme de ATTA.
Il est plutôt tabouisé que Tabouis était payée par Moscou pour orienter ses chroniques de façon favorable à l'URSS.

  Il se trouve que, il y a peu, le 4 octobre, j'ai composé un autre poème basé sur les décompositions du vers en mono- et dis-syllabes, à la fois proche de Perec, puisque ses vers étaient tous anagrammes d'une série de 21 lettres, et de Pingala et des poètes indiens, puisqu'il était basé sur les décompositions du vers de n syllabes, égales au nombre de Fibonacci n+1.

  Le récent billet sur les 89 chapitres de Werber, où il est beaucoup question de parité, blanc-noir, un-deux, m'a conduit à (re)calculer
UN + DEUX = 35 + 54 = 89,
or il m'est important qu'en latin, selon l'alphabet latin,
UNUS + DUO = 71 + 38 = 109,
et la confrontation des deux relations a été un choc immédiat, car 89 et 109 sont, dans le système décimal, les dénominateurs des fractions équivalentes à la somme à l'infini de tous les termes des séries additives pondérés par les puissances de 10.
  J'explique cela ici. Le premier cas ne pose pas de problème, mais le second semble paradoxal, car il conduit à constater, par exemple avec la suite de Fibonacci :
  L'éternité c'est long, surtout vers la fin, disait Woody, mais ici ce serait plutôt vers le milieu, car la relation implique que la fraction, au nombre infini de chiffres, se termine par les chiffres 211 (et en fait par autant de chiffres déterminés qu'on souhaite, puisque cette infinité répète une période de 108 chiffres)... Autrement dit, cet infini est multiple de 108...

  Bref, le dessillement un-deux-89-109 m'a rappelé que j'avais écrit en 2018 un poème en 21 heptasyllabes épuisant les 21 décompositions correspondantes, inspiré par le fait que la contrainte mène à 71 monosyllabes et 38 dissyllabes, valeurs latines de UNUS et DUO.
  La somme fibonaccienne 89 pour UN-DEUX m'a donné envie de réitérer l'exercice, avec des contraintes additionnelles:
- chaque tercet énoncerait les nombres un-deux-trois;
- les vers seraient tous anagrammes de la série de 21 lettres
eeeeaaiiou dllnnrssttx = 252 = 21 x 12, comportant 12 lettres différentes.

Voici le résultat:
Un, la noix sait, le dé stère,
deux tétins, élan solaire
en aidant le sexuel trois.

un sol extra te sied, laine,
deux, net or, la liste saine,
diesel texan, l’aune trois.

un, toxine, et l'air de lasse,
rotin allié, deux entasse,
axe le duel saint en trois.

détails, on râle, un existe,
deux ailes, le non artiste
dénua le latex sien, trois.

Un, loi sans l'aire de texte,
le duo traine l'anis sexte,
le Sénat l'indexe au trois.

or un détient les axiales,
a-t-il deux reines tonales ?
anal, le sexe enduit trois.

lieder, talions, un, extase,
tension, deux élit, l’arase,
Eden s'exalte au Nil, trois.
  Le poème de 2018 offrait un sens bien plus suivi, mais j'ai au moins démontré que le projet peut aboutir.
  Sans doute de plus doués ou plus patients feraient mieux, et ceci vaut également pour le poème précédent, aussi, pour faciliter l'émulation, voici la liste des 32 combinaisons d'octosyllabes:

11111111 1111211
22112 2222
221111 22211
211112 21122
212,111 212,21
112112 11222
121112 12122
122,21 122,111
2111111 211211
1211111 121211
1121111 112211
1112,21 1112,111
1111112 111122

1112111
21212
12212
212111
122111
111212
 

10.10.22

de quatre-vingt-neuf à twenty-one

à 21 & 89

  Les deux billets de septembre étaient intitulés
- Hi !, pour HI = 8-9 ou 89, parce que je me suis avisé que mes deux découvertes sur 6272, valeur du sonnet Vocalisations de Perec, avaient eu lieu à 46 et 58 ans, valeurs des mots du sonnet que j'avais modifiés dans son codage pour mon roman, et des mots NEUF et HUIT, la seconde découverte datant du 8/9 (2008), mon nom SCHULZ ayant en outre la valeur 89.
- 1La vie 2mortelle, en lien avec Hi ! parce que la valeur de QUARANTE-SIX, 149, est la même que LA VIE MORTELLE, titre de roman SF vu dans un rêve vers 25 ans, sur lequel j'ai bâti divers projets.
 
  Je prévoyais des suites à ce dernier billet, où plusieurs pistes restaient ouvertes, mais j'ai consacré le billet suivant au roman de Bernard Werber qui venait de paraître, La diagonale des reines, avec des échos à mes préoccupations antérieures.
  J'étais satisfait de m'éloigner des thèmes évoqués dans les deux précédents billets, n'étant guère à l'aise avec ce qui me touche de près, et puis patatras, le roman de Werber m'a conduit à un lien imprévu entre ces deux billets. 
  L'alternance de ses chapitres où la narration suit tour à tour les deux protagonistes m'a conduit à retrouver ceci:
UN + DEUX = 35+54 = 89.
  Ainsi les 1-2 laissés de côté dans 1La vie 2mortelle font écho au 89 de Hi !, surtout vu comme 8-9.

  La diagonale des reines compte 89 chapitres, dont 21 particuliers, où la narration est additionnée d'extraits encyclopédiques, familiers aux lecteurs de Werber, mais dans ses autres romans ils constituent des chapitres à part.
  Le roman est divisé en 8 parties, probablement parce que le jeu d'échecs y est au premier plan, et qu'il se joue sur un plateau de 64 cases, 8x8. 
  Le nombre soixante-quatre est cité à diverses reprises par les deux héroïnes du roman, joueuses d'échecs, et j'ai remarqué que son numéro de publication chez Albin Michel était 646478, doublant la séquence 64. C'est certainement un hasard, mais je m'intéresse à de tels hasards, surtout quand ils se répètent.

  Ce doublement 64 m'a conduit à me remémorer une équivalence entre les valeurs d'un couple d'opposés:
JOUR = NUIT = 64.
  Je ne l'avais pas mentionné, mais je me suis ensuite demandé ce que ça devenait en anglais:
DAY = 30, NIGHT = 58, et 30+58=88,
déjà repéré comme correspondant à des couples opposés, notamment
LOVE & HATE LOVE HATE = 54+34 = 88,
en anglais également.
  J'en avais tenté une récapitulation, retrouvée ici en faisant une recherche "88" sur Quaternité, et j'y ai ajouté le couple day-night.

  Cette recherche m'a aussi fait redécouvrir un roman dont j'avais parlé en 2012, sur le premier billet consacré aux Lieux-dits de Ricardou, roman en 8 parties de 8 sections chacune, à l'image immédiate de l'échiquier.

  Incidemment, ce billet mentionnait les deux versions de "Numéro 24" publiées par Bernard Magné, ce qu'il m'avait semblé amusant d'illustrer par un médicament de confort, le Magné 24, composé de gélules différenciées à prendre le matin pour le JOUR, le soir pour la NUIT...
  Ces numéros 24 se réfèrent à la 24e lettre, X, que Ricardou voyait achever idéalement le mot "croiX", et sa table des matières, en 8 lieux de 8 lettres, faisait croiser BELCROIX en diagonale avec le 4e lieu, Belcroix.
  J'avais exploité la Saint-André (le crucifié en X) pour publier le billet le 30/11, à 8:08 car il y était question aussi d'une nouvelle de Yolande Villemaire inspirée par Les lieux-dits, dont les aspects prémonitoires du Onze Septembre étaient étudiés ici.
  Dans le roman et la nouvelle intervenait le nom Atta. Il y avait une chambre 808 dans la nouvelle, et le mot BELCROIX a pour valeur 88, ce qui m'amenait à écrire ceci:

   Chambre 808, Belcroix 88, Atta... J'ai lu il y a quelques mois un thriller de Henri Loevenbruck, Le syndrome Copernic (2007), en 88 chapitres, s'ouvrant sur l'attentat commis à 8:08 le 8/8 contre la plus grande tour de La Défense, qui s'effondre en faisant 2634 victimes.
  Le roman multiplie les 8 divers (...)

  Je ne reviens pas sur l'intrigue, qui démarre fort bien, mais qui s'essouffle ensuite à mon goût, jusqu'à un dénouement sans réelle originalité. Bref, s'il fallait recommander une histoire de personne découvrant que le monde où elle vivait n'est qu'illusion, je citerais en premier lieu Le temps désarticulé, de PK Dick.

  Je notais encore ceci:
  Il y a une curiosité numérologique dans ce roman, où 26 des 88 chapitres sont des notes du carnet du héros, Vigo Ravel. Ces notes sont numérotées par des nombres premiers successifs, à commencer par celui qui suit 88, soit 89, aussi nombre de Fibonacci. La dernière note porte le numéro 233, autre Fibo, mais ceci n'est possible que grâce à deux discontinuités dans la suite des nombres premiers, les notes 179 et 227 ayant été oubliées (...)
  Bien que les faits étaient plus frais en 2012, je ne me suis pas souvenu alors de ce qui m'est revenu en septembre dernier:
- les 11 chapitres de Rendez-vous au bord d'une ombre, de Gérald Tenenbaum (2002), lu en 2007, font apparaître les 26 premiers nombres premiers, en ordre inverse, de 101 à 2, dans des chapitres intitulés de DIX à ZERO;
- Le bizarre incident du chien pendant la nuit, de Mark Haddon (2003), lu peu après, a ses 51 chapitres numérotés par les nombres premiers, de 2 à 233.

  Sinon, j'aurais creusé le roman de Loevenbruck, car c'est intrigant d'y trouver une suite de 26 nombres premiers, comme dans le roman de Tenenbaum, s'achevant sur 233, comme dans le roman de Haddon.
  Il n'est pas trop tard pour approfondir. Ces notes constituent des chapitres complets, comme les extraits encyclopédiques qui parsèment les romans de Werber (un des 21 membres, comme Loevenvruck, de La Ligue de l'Imaginaire). Il n'est jamais question des nombres premiers dans le texte, c'est au lecteur qu'il incombe de les identifier (ce qui ne m'a pas été difficile).
  Ces notes sont données dans les chapitres 4, 6, 9, 11, 15, 18, 22, 25, 30, 32, 34, 37, 41, 45, 48, 51, 54, 60, 64, 66, 71, 74, 79, 83, 85, 87.
  Les numéros des notes sont donc les nombres premiers de 89 à 233, dans l'ordre, mais il manque 179 et 227. Le contenu est généralement en rapport étroit avec la narration.
  Il m'a semblé s'imposer de s'intéresser aux chapitres de notes dont les numéros sont eux-même premiers, soulignés ci-dessus. Ce sont donc 11-37-41-71-79-83, et ceci amène à un étrange constat:
11+37+41 = 89, le numéro de la première note;
71+79+83 = 233, le numéro de la dernière note.

  C'est vraiment étrange, et l'étrangeté peut être évaluée en constatant qu'il n'y a qu'une seule possibilité d'obtenir 233 comme somme de trois nombres premiers inférieurs à 88. J'en vois au moins une autre pour 89 (23+29+37).
  Il est sans doute temps de montrer comment se présentent ces notes, avec par exemple le début du chapitre 71:
71.

Carnet Moleskine, note n° 197 : quatre-vingt-huit.
  J’ai peut-être été paresseux. J’ai sondé l’année 1988, en espérant y trouver quelque écho de mon histoire, mais sans doute aurais-je dû chercher plus loin, dans les mystères du nombre.
  Je me suis prêté au jeu, et je ne suis pas sûr d’avoir trouvé quoi que ce soit de concluant. Il y aurait tant à dire !
  88 est un nombre intouchable. Ça en impose, comme ça, mais c’est simplement un truc de mathématiciens. En gros, cela signifie que 88 est un entier naturel qui ne peut pas être exprimé comme la somme des diviseurs propres de n’importe quel entier. Les premiers nombres intouchables sont 2, 5, 52 et 88.
  Je n'ai évidemment pas choisi au hasard ce chapitre, dont le numéro est un nombre premier, et qui est le seul où Vigo Ravel s'aventure dans la théorie des nombres. La suite des nombres intouchables est A5114 sur l'OEIS.
  J'ai souligné le s de diviseurs propres, car il est absent dans le roman, où je n'ai pas repéré d'autres erreurs. Ceci pourrait suggérer que Loevenbruck a recopié une définition utilisant des termes qui ne lui sont pas familiers, à moins que l'erreur ne soit volontaire, pour égarer les exégètes...
  Par ailleurs, "diviseurs propres" est aujourd'hui impropre, le langage mathématique utilisant "diviseurs stricts". J'avoue que j'utilisais moi-même le terme "diviseurs propres", et plusieurs pages en ligne donnent l'exact énoncé de Loevenbruck, "qui ne peut pas être exprimé comme la somme des diviseurs propres" (sans faute); j'ignore ce qu'il en était en 2006 lorsqu'il a écrit son roman.

  Aller plus avant conduit à quelque chose d'encore plus vertigineux. J'ai eu l'idée de considérer comme un tout les 26 chapitres de notes, de 1 à 26, et de regarder à quels rangs apparaissent les chapitres de numéro originalement premier (11-37-41-71-79-83), ce qui conduit aux rangs
4-12-13-21-23-24, de somme 97.
  La somme des rangs des autres chapitres est 254 (et la somme de l'ensemble 351, somme des 26 premiers nombres, le compte est bon).
  Or 97 et 254 appartiennent à la suite additive que Guy Bernard a nommée suite de Pythagore.

  Ici il faut faire un peu de théorie. La suite additive la plus simple est celle de Fibonacci, débutant par les termes 1 et 1:
1-1-2-3-5-8-13-21-34-89-144-233-...,
dont les termes sont (entre autres) les réductions successives de la fraction continue du nombre d'or.
  La suite qui débuterait par 1 et 2 est la même suite décalée d'un rang.
  Ensuite vient la suite de Lucas, débutant par 1 et 3:
1-3-4-7-11-18-29-47-76-123-199-322-...,
dont les termes sont (entre autres) les approximations successives des puissances du nombre d'or. Elle est unie à la suite de Fibonacci par la formule
Ln  = Fn-1 + Fn+1
  Ensuite vient la suite "de Pythagore", débutant par 1 et 4:
1-4-5-9-14-23-37-60-97-157-254...
  Cette suite A285 de l'OEIS y figure aussi en tant que A104449, dite suite de Pibonacci, car en partant du terme initial P0 on a la succession
3-1-4-5-9 correspondant presque aux premiers chiffres de Pi (3,14159...). En partant des termes d'ordre zéro, les suites ci-dessus pourraient être décrites comme débutant par 0-1, 1-1, 2-1, et 3-1.

  97 et 254 sont donc les termes P9 et P11 de la suite de Pythagore (ou Pibonacci, disons Pithagore), tandis que 89 et 233 sont les termes F11 et F13 de la suite de Fibonacci. Il est étonnant que Loevenbruck ait éliminé deux nombres premiers pour parvenir à 26 notes, n° 89 à n° 233, plus curieux que les chapitres de numéro premier donnent également ces nombres 89 et 233, et il devient franchement ahurissant qu'un calcul assez immédiat sur l'ensemble de ces 26 notes mène à deux autres nombres d'une des premières suites additives, de rangs également différant de 2, si bien que les rapports 233/89 et 254/97 sont tous deux proches du carré du nombre d'or, 2,618...
  Et ce n'est pas tout!

  L'addition de deux nombres de Fibonacci de rangs différant de 2 mène à un nombre de Lucas, 322 dans le cas présent, ou L12.
  De même, l'addition de deux nombres de la suite Pithagore de rangs différant de 2 mène à une autre suite additive qui m'est depuis longtemps importante, que je pourrais baptiser suite Alphabet, que l'OEIS identifie comme A22388:
6-13-19-32-51-83-134-217-351-...

  Pourquoi Alphabet? parce qu'elle s'est imposée à moi le 13 avril 2005, en constatant que Perec avait séparé les 26 lettres de l'alphabet en deux groupes pour son recueil Alphabets:
ESARTINULO = 134, les 10 lettres les plus fréquentes en français, utilisées dans chaque poème;
BCDFGHJKMPQ VWXYZ = 217, les 16 autres lettres, chacune étant utilisée pour une suite de 11 poèmes composés avec cette lettre et les 10 précédentes.
  Le partage de ces 10 lettres en voyelles et consonnes livre
AEIOU = 51, et
LNRST = 83, à nouveau des nombres de la suite Alphabet...

  L'approfondissement du recueil met en évidence des relations mettant en oeuvre la suite de Fibonacci, la suite de Lucas, la suite Pithagore, et je remarquais dans mon étude mise en ligne en mai 2005, à propos du rapport entre cette dernière et la suite Alphabet:
C’est exactement de la même manière qu’on obtient la suite de Lucas à partir de la suite de Fibonacci.
  Je me gardais de me prononcer sur l'intentionnalité de cette architecture, d'autant que mes découvertes étaient liées à diverses coïncidences extérieures relatées sur des pages annexes, perdues lors de la suppression de mon site. Je ne me reconnais plus trop dans ces pages, mais j'ai remis celle-ci en ligne.

  Je ne vais pas plus me prononcer sur l'intentionnalité de l'architecture des notes du Syndrome Copernic, d'autant que mes découvertes sont liées à diverses coïncidences extérieures.
  Il y a déjà le temps. Loevenbruck déclare avoir écrit son roman entre mars 2004 et mai 2006, et mes découvertes sur Alphabets tombent en plein milieu de cette période. Le héros du roman de Loevenbruck entend des voix, et croit être schizophrène, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il perçoit les pensées des autres.
  Il a fait l'objet d'une expérience, le Protocole 88, destinée à améliorer les performances de militaires d'élite, créant notamment un lien télépathique privilégié entre eux. L'un d'eux a disjoncté, et commis le lundi 8 août à 8:08 l'attentat à La Défense, là où un psychiatre suivait les sujets de l'expérience. Vigo Ravel y venait précisément ce jour, et a perçu les pensées du disjoncté, ce qui lui a permis de sortir de la tour avant les explosions.
  L'année n'est pas précisée, et j'avais envisagé la possibilité 2008 dans ma première analyse, mais c'est en 2005 qu'il y a eu un lundi 8/8.

  Ce billet est le 351e de Quaternité, et j'ai décidé de le consacrer au Syndrome Copernic avant d'y découvrir la relation mettant en jeu le nombre 351.
  Toujours avant de découvrir cette relation, je lui ai trouvé un titre de valeur 351, basé sur les nombres 89 et 21, or une relation essentielle dans Alphabets est que le mot à valeur substantivale le plus abondant est "or", se répartissant entre les deux parties du recueil selon le rapport 55/34, deux nombres de Fibonacci dont la somme est 89 et la différence 21.

  J'ai commencé le billet le 8 octobre, le 8 8bre écrit-on parfois, et une coïncidence est survenue alors que je me rendais à Manosque, vers 10 h 30. J'ai mis la radio, sur France-Culture, et c'était l'émission Concordance des temps, que je n'écoute que lorsque le hasard s'y prête (en voiture). Jean-Noël Jeanneney avait ce jour pour invité Michel Pastoureau, venu présenter son livre à paraître, Blanc, histoire d'une couleur.
 

  C'est le dernier volet d'une hexalogie consacrée aux couleurs, et Pastoureau avait publié Noir en octobre 2008.
BLANC NOIR = 32+56 = 88
fait partie des couples d'opposés de somme des valeurs 88, dont la recherche m'a conduit aux 88 chapitres de Loevenbruck.

  Hier, 9 octobre, était annoncée la mort de Bruno Latour.
  C'était un ami de Tobie Nathan, lequel l'a introduit dans un de ses romans, Dieu-Dope, sous la forme Bruno Lareine, en référence évidente au jeu d'échecs.
  C'est La diagonale des reines qui m'a conduit au présent billet, et le mot "reine" a joué un rôle crucial dans mes découvertes sur Alphabets.

Note du 15/10: La page que je citais à propos de Latour/Lareine est en fait la seconde mouture d'une première analyse, Nathan-dez vous à savoir, que je viens de remettre en ligne car Latour n'apparaît pas dans la seconde version. Tobie Nathan le faisait tuer en 1995 par un assassin, attal en égyptien, ce qui pouvait être une prémonition de l'attentat d'Atta contre les Twin Towers, or dans un roman de Nathan postérieur au 11 septembre sont codées les lettres ATTA pour un motif explicite qui m'a paru fragile. Mon titre était une allusion à la formule Attendez-vous à savoir de Geneviève Tabouis, et sa page Wikipédia m'apprend que Léon Daudet l'avait surnommée Madame Tata la voyante, TATA anagramme de ATTA.

  Il semble au moins assuré que ce n'est pas un hasard si le roman a 88 chapitres, et leur répartition pourrait souligner une intentionnalité dans les 26 chapitres de notes, et l'omission de 2 nombres premiers:
- un prologue en 2 chapitres, sur l'explosion anéantissant la tour SEAM;
- une première partie, Le murmure des ombres, en 26 chapitres, s'achevant lorsque Ravel, qui pensait être Azimuté, Barjo, Cinglé, découvre qu'il n'est pas Zinzin;
- la deuxième partie, Gnosis, a 60 chapitres, probablement plus pour parvenir à 88 que pour avoir un nombre de la suite Pithagore.

  Je crois néanmoins devoir mentionner que le roman suivant de Loevenbruck, Le rasoir d'Ockham (2008!), a 97 chapitres, le nombre suivant de la suite Pithagore, et qu'il y est question du nombre d'or.

  Le syndrome Copernic semble être une invention de nombre de Loevenbruck, je n'en trouve pas trace ailleurs, voici ce qu'en dit le chapitre 34:
34.

Carnet Moleskine, note n° 139 : la révolution copernicienne.
(...)Le syndrome Copernic tient son nom à la fois de la certitude que celui-ci avait de détenir une vérité susceptible de bouleverser l’ordre du monde – en admettant qu’il en ait un – et du refus de ses contemporains de le prendre au sérieux.
  Je m'en sens quelque peu atteint aussi... Quoi qu'il en soit, le nom a peut-être été choisi pour ses 8 lettres, comme "syndrome", et pour l'attentat de la rue Copernic en octobre 1980, ce qui permet à Ravel de voir une coïncidence avec l'attentat de La Défense.

  Je remarque
LE SYNDROME COPERNIC = 17+113+83 = 213,
et Loevenbruck est né un 21/3, comme Bach, et certains ont vu cette date exprimée dans sa musique, notamment sous la forme 213.
  En y ajoutant
HENRI LOEVENBRUCK = 54+128=182, on a
213+182 = 395, que je sais être en hébreu la valeur du mot shemone, שׁמנה, "huit".
  J'écrivais récemment que j'étais conscient que la valeur du titre de mon roman Sous les pans du bizarre, additionnée à celle de mon nom, égalait 398, valeur de l'hébreu "cinquante", חמשׁים, hamishim, mais j'ignorais que sa parution serait retardée à octobre 2000, où j'aurais 50 ans.

  J"ai encore pas mal de choses sous le coude, mais je vais arrêter ici ce billet, aujourd'hui 10/10, à 18:29, 18 et 29 étant des nombres de Lucas contenant les chiffres 8-9-1-2 présents dans mes billets de septembre.

2.10.22

ce titre dose trois cent cinquante

à Monica & Nicole, ce 350e billet

  L'année 2022 serait-elle fibonaccienne? Après la parution le 5/5 dernier de Labyrinthes, où Franck Thilliez accumulait en 55 chapitres les nombres de la fameuse suite, un autre habitué du thriller annuel, Bernard Werber, sort La diagonale des reines, en 89 chapitres; sa parution était annoncée le 3 octobre, mais il est depuis plusieurs jours en tête de gondole des librairies.

  Je me suis intéressé à plusieurs reprises à Werber, surtout depuis ma découverte le 23 octobre 2007 de la structure palindrome de La révolution des fourmis qui m'a conduit à écrire Rewerberations et à aller rencontrer l'auteur à Porquerolles quelques jours plus tard.


  Werber s'adresse essentiellement aux ados, et c'est certainement une entreprise louable d'orienter de jeunes esprits vers des idées généreuses, mais le lecteur blasé n'y trouve pas toujours son compte.
  Question compte, mon suivi de Werber n'a souvent consisté qu'à consulter le nombre de chapitres de ses romans, parce qu'ils dépassent souvent 200 chapitres, et que j'espérais trouver un jour 233 chapitres chez cet amateur du nombre d'or, dont le personnage le plus connu est probablement la fourmi 103 683e, ces chiffres se réarrangeant logiquement en les 6 premières décimales du nombre d'or (0,618033... ou 1,618033...), mais ceci ne semble pas avoir été prémédité.

  En 2018, La boîte de Pandore a attiré mon attention par ses 134 chapitres, et la présence du nombre 112.

  Pour le présent roman, il faut procéder à quelques opérations, car il est composé de 8 parties dont les chapitres sont numérotés indépendamment. Ainsi les 8 parties totalisent 89 chapitres.
  Une constante chez Werber est la ponctuation du récit par des extraits de l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu (ESRA, ou d'un autre corpus), généralement numérotés comme les chapitres. Ici il y a 21 extraits donnés à la suite de 21 chapitres.

  8, 21, et 89 sont des nombres de Fibonacci, d'ordres 6, 8, et 11. Je remarque que ces ordres pourraient être réarrangés pour former 1,618, l'approximation courante du nombre d'or, vers lequel tend le rapport de deux nombres de Fibonacci consécutifs. Est-ce voulu? je n'en sais rien, et je ne suis pas sûr du tout non plus que les nombres 8-21-89 aient été choisis à dessein.

  Ceci n'empêche pas d'étudier plus avant. Le roman suit deux femmes, deux dames plutôt, en référence aux échecs, de leur naissance en 1960 jusqu'à 2045.
  Ce sont l'Australienne Nicole O'Connor, d'origine irlandaise, et l'Américaine Monica Mac Intyre, d'origine écossaise. Leurs prénoms les représentent:
- Nicole signifie "victoire du peuple", et elle croit à la force du groupe. Sa stratégie aux échecs repose sur l'ensemble des pions, elle adopte l'idéologie communiste et intègre le KGB.
- Monica signifie "unique", et elle est farouchement individualiste. Aux échecs, elle privilégie la pièce la plus forte, la reine, elle entre à la CIA.

  La narration suit tour à tour les deux dames, par des chapitres numérotés en noir pour Monica, et en blanc (contourné de noir) pour Nicole, qui sont aussi appelées Black Queen et White Pawn. Black & White, BW, ce sont aussi les initiales de Bernard Werber, qui y pensait peut-être dans Le jour des fourmis, dont les premier et dernier mots sont "noir" et "blanc".
  Voici par exemple comment se présentent les premiers paragraphes des premiers chapitres de la partie 7:
 

  J'ai choisi cette partie parce que c'est la seule où l'âge des deux protagonistes est précisé, et il s'agit de 55 ans, un nombre de Fibonacci. Il n'était a priori pas obligatoire de choisir cette année.
  Les autres parties ne donnent, éventuellement, que l'âge d'une des deux dames, et ce n'est jamais un nombre de Fibonacci.
  La dernière partie se passe un jour non précisé de décembre 2045, où Nicole, après avoir cherché Monica pendant 30 ans, vient frapper à sa porte à 21 h 21. On peut supposer que cet instant jumelé n'est pas là par hasard, mais ce n'est pas forcément inspiré par le Fibonacci 21. On peut songer à 1 et 2 représentant les deux dames, comme le Noir et le Blanc (et Décembre est le mois 12).

  Il y a au moins un nombre qui me semble pouvoir être interprété avec une bonne chance de taper dans le mille. Après avoir fait enfermer Nicole à Long Kesh, Monica l'observe sur l'écran 113 du centre de contrôle (page 269).
  Après s'être évadée, Nicole propose ses services à Moscou, et est recrutée par un agent du KGB occupant un bureau qu'on apprend plus tard être le bureau 113 (page 336).
  La formule clé de La révolution des fourmis est "1+1=3", ce que j'ai imaginé dans Rewerberations être équivalent à 113.

  Tiens,
MONICA + NICOLE = 55+58 = 113,
ce qui pourrait éventuellement signifier que les attitudes des deux dames ont chacune du bon, et qu'une troisième voie consisterait à les employer à bon escient selon les circonstances.
 
  Je remarque bien sûr le 55 de Monica, comme j'avais remarqué le 55 de Camille dans le roman en 55 chapitres de Thilliez. Dans les deux cas, il y a une explication rendant compte de ces prénoms, dont la valeur fibonaccienne n'est donc probablement qu'une coïncidence.
  Le nom complet de Nicole est doré:
NICOLE  O'CONNOR = 58 + 94, et
94/58 = 1,62...
  Je me suis intéressé en 2015 dans Black & white au nombre 94, en tant que somme de
BLACK = 29 et
WHITE = 65,
soi-même somme de 18 et 47, les nombres de Lucas encadrant 29 (le rapport 94/58 se simplifie en 47/29).

  J'ai été frappé que la première rencontre de Monica et Nicole soit à l'occasion du match Spassky-Fischer, car j'ai étudié ici les étonnantes coïncidences fibonacciennes associées à ce match, avec d'abord
SPASSKY / FISCHER = 110/68 = 55/34, Fibonacci !
  Les tournants essentiels du match ont été la 13e et la 21e parties, gagnées par Fischer avec les Noirs, ce qui est exceptionnel à ce niveau de jeu. Le match s'est arrêté après la 21e partie, car Spassky ne pouvait rattraper son retard de 4 points dans les 3 parties restantes prévues.

  Je n'avais pas alors insisté sur la particularité des nombres 110 et 68, composés des 5 premiers chiffres du nombre d'or, 1,6180...
  Mieux, 110 est formé avec les chiffres impairs, 68 avec les chiffres pairs, alors que la parité est essentielle aux échecs, 1 coup blanc, 1 coup noir, et Spassky jouait avec les Blancs les parties impaires.
  On peut écrire
110/68 ≈ 1,618 (arrondi de 1,6176...), ou encore
 68/110 = 0,6181... (qui donnerait l'arrondi 0,6182).

  A remarquer que les deux premières parties du roman de Werber, décrivant l'apprentissage des filles, puis leur affrontement alors qu'elles ont 12 ans, ont chacune 12 chapitres, soit en tout 24 chapitres dont les numéros sont alternativement en blanc et noir, de même qu'il était prévu 24 parties au tournoi de Reykjavik, dont le favori était Spassky qui jouait avec les Blancs les parties impaires.

  Quelque chose de fabuleux dans la continuité de 68-110, réarrangement des 5 premiers chiffres du nombre d'or: le numéro ISBN du second roman de Werber, Le jour des fourmis, est 222606118, pour ses chiffres significatifs, avec
- 222 numéro d'éditeur (Albin Michel);
- 6 chiffre choisi par l'éditeur pour une partie de ses publications;
- 06118 numéro de publication.
  Donc encore un arrangement de 1,6180, et c'est toujours une aventure de la fourmi 103 683e, arrangement logique des 6 premières décimales du nombre d'or. C'est dans La révolution des fourmis qu'il est pour la première fois question du nombre d'or chez Werber.

  Le code ISBN en était à ses débuts lors de la publication du roman en 1992, et c'est ce qui me fait supposer le rôle du 6 qu'on retrouve dans tous les romans publiés chez Albin Michel. Ainsi le numéro ISBN de La diagonale des reines est 222-646478, et il est amusant d'y voir deux fois 64, le nombre des cases de l'échiquier (qui fait d'ailleurs l'objet d'une coïncidence remarquée par Nicole dans le roman).

  Tiens, le Werber de l'an dernier, La prophétie des abeilles, avait pour numéro de publication 646477, et je retrouve cette particularité constatée chez Fleuve et Lattès pour leurs auteurs-phares, la réservation par paires de numéros consécutifs. Curieux.

  Bien sûr, le numéro de publication 646478 de ce roman où il est question des 64 cases de l'échiquier 
Quand je joue, c’est comme si tous les événements qui adviennent pouvaient être synthétisés et reproduits sur ce carré de soixante-quatre cases.
me rappelle le numéro 515555 du roman en 55 chapitres de Thilliez, très probablement aussi par hasard.

  Voici un bref résumé des 8 parties du roman, mettant en relief sa structure numérique:

1: 12 chapitres, de la naissance des filles en 1960 jusqu'en 1972, où elles sont toutes deux sélectionnées pour participer au tournoi d'échecs junior de Reykjavik, en marge du championnat du monde Spassky-Fischer. 4 extraits ESRA, chapitres 4-7-10-12.
2: 12 chapitres (total 24). Nicole bat Monica en finale du tournoi. 2 extraits ESRA, chapitres 3-12.
3: 22 chapitres (46). 1978, Monica et Nicole sont étudiantes, connaissent leurs premières expériences amoureuses, se retrouvent en quart de finale à un tournoi d'échecs à Londres. Monica bat Nicole, mais est vaincue en demi-finale. Nicole provoque un incident qui cause la mort de la mère de Monica. 4 extraits ESRA, chapitres 3-9-15-22.
4: 20 chapitres (66). 1985, Nicole a rejoint l'IRA, le MI5 sait qu'elle prépare un attentat, et recrute Monica pour la contrer. L'attentat est le drame du stade du Heysel, qui fait 39 morts. Nicole est arrêtée, son père la fait évader, et est tué par Monica. 4 extraits ESRA, chapitres 4-9-16-20.
5: 5 chapitres (71). 1986, Nicole a rejoint le KGB, Monica la CIA, elles s'affrontent en Afghanistan. 2 extraits ESRA, chapitres 3-5.
6: 6 chapitres (77). 2001, Nicole a planifié le Onze Septembre, uniquement pour atteindre Monica qui travaille au Pentagone. 2 extraits ESRA, chapitres 2-6.
7: 7 chapitres (84). 2015, Monica fomente la bousculade de la Kaaba, qui a fait plus de 2000 morts, dans le seul but de tuer un physicien iranien, qui en réchappe... 2 extraits ESRA, chapitres 5-7.
8: 5 chapitres (89). 2045, Nicole et Monica s'affrontent en une dernière partie d'échecs, où la perdante mourra. 1 extrait ESRA, chapitre 1.

  Les chapitres ESRA sont les suivants, ceux soulignés sont en fin de partie:
4-7-10-12-15-24-27-33-39-46-50-55-62-66-69-71-73-77-82-84-85

  J'observe que les parties 5-6-7 ont 5-6-7 chapitres, ce qui suggérerait que la partie 8 "devrait" avoir 8 chapitres. Précisément, cette partie 8 est la seule qui ne se termine pas par un extrait ESRA, et aussi la seule qui débute par un extrait ESRA.
  La fin du roman est ouverte. On ne sait pas qui va gagner la partie d'échecs, qui va survivre donc.
  C'est peut-être au lecteur d'imaginer les 3 chapitres virtuels finaux. 89+3 font 92, qui n'est pas immédiatement significatif, mais y ajouter les 21 extraits ESRA conduit à 113, le nombre présent dans les deux fils narratifs, correspondant à la somme des valeurs NICOLE+MONICA.
  Le choix de numéroter en blanc les chapitres Nicole et en noir les chapitres Monica rendait difficile de numéroter les extraits ESRA.

  Si l'alternance des chapitres blancs et noirs avait été respectée, tous les chapitres impairs selon le chiffrage total seraient blancs, comme le premier, mais le 89e chapitre est noir. C'est la conséquence d'un renversement au 83e chapitre (6 de la partie 7), noir comme le précédent. Il n'y a pas de raison impérieuse a priori pour que deux chapitres Monica se suivent ici.
  Ceci confère à Monica un avantage de 45 contre 44 chapitres pour Nicole. A noter qu'une partie usuelle d'échecs de haut niveau compte souvent une quarantaine d'échanges. La fameuse immortelle Kasparov-Topalov compte 44 échanges, les noirs de Topalov s'avouant vaincus après le 44e coup de Kasparov.
  Une autre conséquence de ce renversement est que les 5 premières parties débutent par des chapitres Nicole, les 3 dernières par des chapitres Monica (3-5-8 nombres de Fibonacci).

  Deux autres renversements ont eu lieu, tous deux dans la partie 4, si bien que la parité a été rapidement rétablie. Les chapitres 4 et 5 (50-51 selon le chiffrage total) sont tous deux Monica, les chapitres 12 et 13 (58-59) tous deux Nicole.
  Les renversements ne semblent pas non plus ici avoir de justifications impérieuses, et je n'y vois guère d'interprétation numérique. En tirant très fort sur les rares cheveux de BW, appliquer le motif 5-3 aux 8 chapitres de parité ainsi inversée pointerait sur le chapitre 55, et sur la répartition fibonaccienne 55-34 des 89 chapitres.
Note du 3/10: Il m'est revenu que
UN + DEUX = 35 + 54 = 89,
ce qui pourrait s'accorder avec une répartition plus immédiate 54-35 des 89 chapitres du roman, en plaçant la césure au milieu des 8 chapitres de parité inversée. Par ailleurs
PAIR + IMPAIR = 44 + 66 = 110, soit les 89 chapitres plus les 21 extraits ESRA (2-1 complétant les DEUX-UN chapitres).
  Je n'avais pas pensé à ce UN DEUX = 89 en intitulant les deux billets précédents
Hi !, pour HI = 8-9 ou 89, et
1La vie 2mortelle, en lien avec Hi ! pour d'autres raisons.
  Il me vient encore que si IMPAIR/PAIR = 3/2, 2 (DEUX=54) et 3 (TROIS=81) étant considérés comme les symboles du pair et de l'impair (et 81/54 se simplifie aussi en 3/2), l'anglais EVEN/ODD livre 46/23, soit 2/1. Je remarque que les 8 parties de Werber se répartissent en
4 premières parties totalisant 66 chapitres (IMPAIR),
4 dernières parties totalisant 23 chapitres (ODD). On a encore les 3 premières parties totalisant 46 chapitres (EVEN).
  Je rappelle qu'au-delà de la parité, le roman confronte l'unité à la pluralité (dans la décision et l'action).

  Les mots "lion" et "roi" ont revêtu une grande importance sur Quaternité, où j'ai notamment évoqué Liev ("lion") Schreiber interprétant Spassky dans le film cconsacré au match.
  La reine Nicole (ce lion) croit avoir trouvé son roi avec l'activiste de l'IRA Ryan ("roi"), mais Monica lui fait croire qu'il le trompe avec elle, si bien que Nicole le tue, ou croit le tuer (ça se passe précisément aux chapitres 58-59 tous deux Nicole), ce qui lui vaut d'être enfermée dans la cellule 113 de Long Kesh.
  Nicole rejoint ensuite le KGB, recrutée par Sergueï Lewkowicz ("fils de lion") dans le bureau 113. Elle est envoyée en Afghanistan, où est aussi Monica venue apporter des Stingers au commandant Massoud, le Lion du Panshir, avec lequel elle se lie d'amitié. Dans la partie suivante, Nicole fait assassiner Massoud.

  Les Stingers me rappellent Route pour l'enfer de Craig Holden, où le gourou d'une secte a réussi à se procurer des missiles Stinger, acheminés à bord d'un chalutier, rebaptisé le Voyageur.
  Juste après avoir relu le roman, j'ai visionné Ennemis rapprochés d'Alan Pakula où un militant de l'IRA vient à New York pour y acheter des missiles Stinger, chargés sur un petit bateau, le Voyager.
  Holden connaissait Pakula, lequel lui a proposé de faire la novellisation de Ennemis rapprochés...

  J'en ai fini, pour l'instant, avec La diagonale des reines, et j'en arrive à une curiosité de cette année éditoriale 2022 en France.
  Elle a donc vu en mai paraître les 55 chapitres de Labyrinthes, dont le docteur Fibonacci assure l'origine.
  En septembre viennent les 89 chapitres de La diagonale des reines, Werber pouvant livrer la clé de ce choix.
  En mai était aussi paru, à l'occasion du 40e anniversaire de sa mort, le projet inachevé de Perec, Lieux. Le livre était programmé en 144 sections, non parce qu'il s'agit du 12e nombre de Fibonacci, mais parce qu'il s'agit du carré de 12. Pendant 12 ans, chaque mois (12x12=144), Perec avait décidé de se rendre dans l'un des lieux parisiens qui lui tenaient à coeur, pour y écrire un texte décrivant le lieu, et un autre évoquant un autre des lieux. Les textes étaient placés dans des enveloppes cachetées, lui interdisant de les relire.
  Les dates et lieux étaient déterminées par un carré bi-latin, de même que les contraintes de La vie mode d'emploi.
  Le projet débuté en 1969 aurait pu être mené à terme, mais il a connu des retards, puis a été abandonné, si bien que seuls 138 textes ont été écrits, consultables ici, sur les 288 prévus.

  Les numéros de publication 515555 et 646478 étaient évocateurs, et celui de Lieux pourrait l'être aussi, 111409, composé des chiffres correspondant aux carrés d'un seul chiffre, 0-1-4-9 (carrés de 0-1-2-3, et GEORGESPEREC=123). La somme 1+1+1+4+9 donne 16, le premier carré de deux chiffres.
  C'est en écrivant ceci que je me rends compte que Werber a probablement choisi de donner 8 parties à son roman parce que l'échiquier est un carré de 8x8 cases.
  Ceci me fait me souvenir que le roman Le Huit concerne un jeu d'échecs magique. J'en ai dit quelques mots en 2003, avant de m'intéresser au 4 avril, et je découvre que son auteur(e), Katherine Neville, est née le 4 avril 1945.
  Je vois qu'elle a donné une suite au Huit, parue en Huit (2008), Le feu sacré, où la Reine Noire, pièce maîtresse du jeu magique, réapparaît en Russie. Chez Werber, la Reine Noire (Black Queen) est Monica, et c'est son ennemie Nicole qui réapparaît en Russie après son évasion de Long Kesh.
  Je me souviens avoir remarqué la collision entre les couvertures Le Huit et Le numéro 7 de Martin Winckler. Tiens, les passages où la numérotation blanc-impair et noir-pair est inversée chez Werber concernent 8 et 7 chapitres.

  Je me souviens aussi que la roman de Werber Depuis l'au-delà (2017) a pour sujet un écrivain enquêtant depuis l'autre monde sur son assassinat. Je l'avais oublié lorsque j'ai étudié en février dernier Le jour où je suis mort (2003), de James Herbert, de sujet identique (sauf que la victime est un publiciste). Il y a bien antérieur, avec Vous qui n'avez jamais été tués (1951), d'I.B. Maslowski et Olivier Séchan, où la victime est aussi un écrivain.
  Il faudra peut-être y revenir...