30.10.23

en suivant le phil de la lumière

à Einstein et Aboulafia

  Le précédent billet m'a conduit à mettre en parallèle deux doubles renversements. Le double renversement, c'est d'une part le remplacement des lettres d'un mot par les lettres correspondantes dans un alphabet écrit à rebours, ainsi, AB devient ZY; ça s'appelle l'atbash
  D'autre part, le "mot" ainsi obtenu est renversé, et ZY devient YZ; ça s'appelle l'anadrome ou anacycle. On pourrait nommer la double opération anatbashdrome, mais je garde "double renversement".

  Dans le best-seller La formule de Dieu (2006), Jose Rodrigues dos Santos imagine qu'Einstein a laissé un cryptogramme, ! il rsvb, livrant par atbash (selon l'alphabet actuel) ! ro ihey, qu'il faut renverser pour obtenir yehi or !, la transcription de l'hébreu signifiant "Que la lumière soit !" (Gn 1,3), ou Fiat lux !


  Le 11 juillet dernier, j'ai cherché une référence en ligne pour le jeu atbash (en hébreu) tsevi-hashem, mais la seule mention que j'ai trouvée était le double renversement tsevi-hashem-moshe. (cerf-le Nom-Moïse).
  Juste dans la foulée, j'ai ouvert le thriller Le maître des énigmes (2023), dont je ne savais pas qu'il avait un quelconque rapport avec l'hébreu. Danielle Trussoni y a imaginé un cryptogramme d'Aboulafia,  et le roman débute par une forme incomplète du cryptogramme où se détache un seul mot, יבצ, soit tsevi (cerf).
  Si le roman évoque précisément le retournement de HaShem, "Le Nom", en Moshe, Moïse,
Par exemple, quand on retourne le nom de Moïse, en hébreu, on obtient HaShem.
l'auteure n'est pas hébraïsante, et a fait réaliser le cryptogramme par un spécialiste. J'ignore si l'isolement des lettres יבצ dans la version incomplète du début du livre était intentionnelle.

  Voici donc ce que j'écrivais dans le précédent billet, et depuis ma pensée à mûri. Le cryptogramme complet se présente ainsi:
 

  Le maître des énigmes découvre que les carrés blancs et noirs correspondent à du code binaire, à répartir en 2 fois 6 groupes de 6 bits, codant pour les nombres 15, 3, 27, 39, 63, 51. A chacun des nombres du cadran correspond une lettre hébraïque, et ceci conduit aux 6 lettres H Y G M H W qui, inscrites dans les 6 cercles au centre de l’étoile, donnent au diagramme son efficience magique.
  Ces lettres révèlent aussi le secret du Nom, HaShem, formule désignant le Tétragramme YHWH, le nom sacré de Dieu qu'il est interdit de prononcer. Ce secret serait qu'il faut le retourner pour obtenir HW HY, soit en hébreu les pronoms "il" et "elle".
  Dieu serait androgyne, et la formule codée se lit HY GM HW, hi gam hou, "Elle aussi Il" (mais l'auteure donne "Il et aussi Elle").

  Je ne sais donc si Dimitris Lazarou, concepteur du cryptogramme, a sciemment écrit tsevi, atbash de HaShem, dans la couronne des lettres du cryptogramme indiquant que le Nom doit être retourné, mais il est plutôt certain qu'il n'a pas songé au cryptogramme de La formule de Dieu, où "il" code pour "or", de "yehi or !", la première parole créatrice de Dieu. Ce n'est qu'en français que HW devient "il".
  Là où les choses deviennent vertigineuses, c'est que, ce qui n'est pas mentionné dans le roman, les lettres HY GM HW correspondent sur la couronne de lettres aux sommets d'une étoile de David. Leurs rangs 15, 3, 27, 39, 63, 51 ont pour moyenne 33, précisément le rang de la lettre médiane du mot ÇBY, tsevi, occupant les positions 32-33-34. Je rappelle que l'atbash en est HSM, HaShem, "Le Nom", désignation de YHWH, occupant les positions 3-15-51-63, moyenne 33 encore.
  Voici le schéma correspondant, avec l'étoile HYGMHW, et ÇBY dans un rectangle:
 

  Le roman ne mentionne pas cette disposition étoilée, évidemment voulue par Lazarou, et qui pourrait appuyer l'intentionnalité de ÇBY participant à cette symétrie. Car les lettres HYGMHW pourraient être disposées n'importe comment sur l'étoile, puisque c'est le code binaire qui détermine leur ordre, et ici ÇBY se trouve aussi idéalement que possible opposé aux lettres formant le Tétragramme, YHWH, HaShem, HSM, renversement atbash de ÇBY.
  Curieusement, l'ordre effectif des lettres codées, 3-15-27-39-51-63, livre YHGMWH, soit "YH aussi WH". Les inversions des rangs transformeront donc YH et WH en HY et HW, "Elle" et "Il", que l'auteur renversera à son tour en "Il" et "Elle". 

  Il y a bien davantage. Le billet précédent m'a conduit à mettre en parallèle le clinamen de Perec dans La vie mode d'emploi (1978, LVME) - Perec a supprimé le chapitre 66 de son livre, mais en a repris des éléments dans le chapitre 65 -, et une coquille d'une édition de 1984 de Coup double d'Ellery Queen, où le "phil" de "philosophe" a disparu pour, semble-t-il, devenir "6566":


  J'imagine qu'il s'agit d'une erreur informatique, devant donc offrir une certaine logique. 4 lettres sont devenues 4 chiffres, donc à "il" pourrait correspondre "66". Or dans le cryptogramme "il", "HW", peut aussi se lire dans les lettres diamétralement opposées de rangs 15 et 51, somme 66. De plus, ces lettres ont dans l'alphabet hébreu les rangs 5 et 6, et la forme originale "WH" correspondrait donc à "65".
  J'étudiais dans le billet précédent l'oubli du mot "il", 65e mot d'un texte de Ricardou.

  J'ai souvent commenté Coup double, notamment dans le premier billet de l'année. Ses 7 morts, ou 8, actualisent une comptine populaire, un thème de polar assez fréquent, déjà avant Dix petits nègres, et j'avais vu la possibilité de lire JHWH (autre translittération de JHWH) dans les initiales des victimes:

Rich man, Poor man,    MacCaby    Hart
Beggarman, Thief,       Anderson   Jackard
Doctor, Lawyer,            Dodd          Holderfield
Merchant, Chief.          Waldo        (Winship)

  Winship est entre parenthèses car il s'agit du "chef" de la manipulation, et Ellery suppose qu'il sera condamné à mort pour ses crimes. De toute manière, la dernière victime de Winship, le tailleur Jonathan Waldo, fournit un W, sinon le Tétragramme complet car son nom est théophore en hébreu, signifiant "don de YHWH". Par ailleurs "chef" est en espagnol JEFE, mot dont les lettres ont les mêmes rangs dans notre alphabet, 10-5-6-5, que YHWH dans l'alphabet hébreu.
  Cette lecture du 20e roman de Queen serait peut-être folle s'il n'y avait pas d'autres utilisations du Tétragramme, explicites, dans d'autres Queen. Dans le 18e roman, La décade prodigieuse, le plan criminel utilise une anagramme de Yahweh, translittération du Tétragramme. Dans le 26e roman (26 valeur de YHWH), L'adversaire, 4 crimes sont associés aux lettres du Tétragramme (curieusement, sur la couverture allemande ci-dessus, H et W à droite sont intervertis par rapport au schéma WH donné dans le roman).

  J'avais vu que, dans Coup double, les initiales n'étaient pas dans l'ordre JHWH, mais HJ, puis HW. Je n'avais pas pensé à "elle" "il" car les pronoms hébraïques sont en fait HYA et HWA, la dernière lettre Aleph étant muette, mais ceci pourrait trouver sens dans le roman, où Ellery n'a aucune preuve pour confondre Winship. Alors, sachant que celui-ci aime profondément sa femme, il monte une accusation contre elle, si solide que Winship avoue.

  A la fin de la page 230 montrée ci-dessus, un feu se déclare, dans lequel meurt la dernière victime de Winship, le tailleur Waldo. Or en hébreu le mot AWR, se prononçant or, ur ou our, signifie "lumière", "feu", et c'est encore la ville chaldéenne Ur. Ainsi, sur cette page où une coquille a supprimé "(ph)il", alors que Einstein aurait codé la lumière-feu dans "il", un feu se déclare...
  Dans ce billet, j'étudiais le retournement atbash or<>li, or "lumière" ou "feu" en hébreu, li de même en chinois.

  Ur est donc aussi la ville de Mésopotamie, berceau de notre civilisation et des religions monothéistes, puisque la Bible y a fait naître Abraham.
  Borges a constaté l'absence d'Ur dans les 50 volumes de l'Anglo-American Encyclopedia, ce qui lui a inspiré la nouvelle Tlön Uqbar Orbis Tertius, où il transforme Ur en Uqbar et l'encyclopédie en Anglo-American Cyclopaedia
  J'en ai parlé ici, soulignant que Borges introduit le mot ur dans la nouvelle, avec le concept le plus pur des tlöniens qui serait ur
ur : la chose produite par suggestion, l'objet déduit par l'espoir.
  Ainsi le manque du mot Ur dans une encyclopédie a conduit Borges à imaginer Uqbar, dont la littérature est une encyclopédie du monde imaginaire Tlön, où le mot le plus important est ur.

   Je suis tenté de rapprocher cette absence de Ur du chapitre 66 manquant de LVME, 66 qui serait "il" selon la coquille du Queen, "il" qui deviendrait "or" selon "Einstein"...
  J'écris ceci le 27/10 où est annoncée la mort de l'ex-Premier ministre chinois, Li Keqiang, limogé en mars dernier et remplacé par Li Qiang...
  Je rappelle que li signifie "lumière" en chinois.
  En mécanique ou en menuiserie, une lumière est un orifice, un trou.

  J'ai parlé à plusieurs reprises de la revue imaginaire BILL dont le sommaire constitue l'essentiel du chapitre 56 de LVME. Ses rubriques  ont permis à Perec de résoudre la plupart des contraintes prévues pour le chapitre. 
   Les deux auteurs à citer étaient Borges et Freud. Les 3 premières rubriques font allusion à 3 nouvelles de Fictions, dans l'ordre où elles s'y présentent, avec d'abord Boris Baruq Nolt pour Tlön Uqbar Orbis Tertius, première nouvelle du recueil.
  La 7e rubrique fait allusion à une obscure notule de Freud sur le Tétragramme YHWH, dénichée dans la Révolution psychanalytique de Marthe Robert, et peut-être Perec l'a-t-il choisie pour l'écho à La mort et la boussole, autre nouvelle de Fictions, où une suite de 4 crimes semble déterminée par le Tétragramme.
   La 4e rubrique fait allusion à La disparition, roman où il manque aussi un chapitre 5, comme il se doit. En écrivant ceci, je me rends compte que Perec a supprimé deux chapitres de ses romans, de numéros 5 et 66, or
CLINAMEN = 71 = 5+66.
  La 6e rubrique est inattendue, car c'est une allusion sauvage à Cristal qui songe de Sturgeon, non programmée dans ce chapitre. Or, mais ceci n'a été connu qu'après la mort de Dannay en 1982, Sturgeon était le co-auteur de L'adversaire, ayant mis en écriture le synopsis de Dannay, où 4 crimes sont associés aux lettres du Tétragramme. Il est peu probable que Perec l'ait lu, car la traduction française n'est parue qu'en 1978, l'année de LVME, or les points communs entre les deux oeuvres sont étranges. 

  J'y suis souvent revenu. Cette succession Sturgeon-Tétragramme est vertigineuse, d'autant que la seule citation authentifiée par Perec de La mort et la boussole est dans le chapitre 92, où figure aussi une citation de Cristal qui songe, concernant le jouet appelé "diable" (ce qu'a noté Perec dans le Cahier des charges). Dans la partie d'échecs qui se joue dans L'adversaire, les rois sont YHWH et le Diable.
  Cette partie se joue en 33 chapitres, titrés en référence aux échecs, de Le gambit d'Y à Echec et mat. Les lettres codantes du cryptogramme d'Aboulafia sont symétriques par rapport à la position 33, occupée par le B de ÇBY, B la lettre de la dualité qui est aussi la majuscule Ascii codée 66. J'avais envisagé 6566 comme AB en Ascii.
  Les autres lettres de ÇBY, ÇY, occupent les positions 32-34, somme 66. Leurs valeurs dans l'alphabet hébreu sont 90-10, somme 100, comme le nombre prévu de chapitres de LVME, réduit à 99 par le clinamen du chapitre 66, exclu pour faire apparaître le diable au chapitre 65.
  Une autre citation de Cristal qui songe concerne Méphisto, au chapitre 55.

Note du 18/12: une série TV où apparaît l'arcane XV du tarot, le Diable, me rappelle que le diable est aussi vu comme androgyne.
  Il en va de même du Baphomet des Templiers. Il a été imaginé que ce nom soit la transformation atbash du grec SOFIA, "sagesse", écrit en lettres hébraïques: SWPYA > BPWMT.
  Un épisode mémorable de Cristal qui songe est la transformation de son héros, Horton, en une jeune fille. 

  33... Il y a 12 possibilités pour placer les 6 sommets d'une étoile de David sur un cercle de 72 points, en partant des positions 1 à 12. Les 6 sommets auront une moyenne variant de 31 à 42, la moyenne 33 obtenue à partir de la position 3 étant séduisante, puisque l'étoile de David superpose deux triangles.
  Le nombre 33 s'exprime dans l'alphabet numéral hébreu par L"G, les lettres Lamed (=30) et Gimel (=3) formant le mot GLL, exprimant la rondeur.
  C'est un autre cas de double retournement, que j'avais cité ici, en rapport avec Le maître des énigmes, mais sans avoir fait le lien avec 33. Le mot GLL devient par atbash RKK, se retournant en KKR, kikar, mot qui signifie également "cercle" en hébreu biblique:
 

  J'avais souligné que la linguistique relie quantités de mots couplant les lettres G (ou C, ou K) et R (ou L), comme en latin girare, circus, circulus, calculus, ou en grec gyros, kyklos.

  Je suis depuis près de 20 ans obsédé par La mort et la boussole parce que la nouvelle semble cacher en filigrane le mot tsevi, ou zwi, autre translittération de ÇBY, par les allusions aux bordels de la mafia juive en Argentine, connus sous le nom de zwi migdal ("cerf tour", sans certitude quant à l'origine de cette dénomination). Sans reprendre le dossier, je constate que le mot MGDL permet de former les lettres LMD et GML, Lamed et Gimel.
  Je ne sais plus si j'ai souligné que les lettres du Nom y sont vues former un triangle équilatéral, avant que Lönnrot ne comprenne que ce Nom est le Tétragramme, et qu'il faut compléter le triangle en un losange. Un losange peut être vu comme une superposition de deux triangles, de même que l'étoile de David où s'inscrit YHWH dans Le maître des énigmes.

  J'avais commencé à rédiger ce qui va suivre pour le billet du 28 juillet dernier, et puis le billet avait une telle longueur que j'avais décidé de remettre à plus tard, l'occasion ne s'étant pas présentée dans les billets suivants. Elle s'impose maintenant, comme nous l'allons voir. 
  Voici ce que j'avais rédigé:
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   Ce 23 juillet est intervenue une coïncidence extérieure. L'idée que Dieu soit mâle et femelle n'a rien de neuf, particulièrement dans le Judaïsme, et plus particulièrement encore dans la Kabbale. J'avais exploité l'idée dans le chapitre 17 de Novel Roman, où j'avais imaginé la découverte par un Croisé d'un parchemin rédigé par Jacob lui-même, relatant sa lutte avec l'Ange, à la suite de laquelle Dieu l'a renommé Israël.
"  Le témoignage de Jacob ne contredit pas fondamentalement le récit biblique, mais il est bien plus clair. Jacob a bien d'abord cru lutter avec un homme, mais au cours de la lutte il s'est aperçu que cet "homme" avait aussi des attributs féminins. Et lorsqu'il a compris qu'il avait affaire à un androgyne, Jacob aussi s'est transformé, et sa "blessure à la cuisse" a été l'apparition d'un sexe féminin.
"  Jacob a donc été nommé Israël par ce Dieu androgyne, et Jacob, de son côté, l'a baptisé Peniel-Penoel, car en hébreu les lettres Yod et Waw symbolisent le masculin et le féminin. Il peut en aller curieusement de même avec les lettres latines, ou le I et le O peuvent symboliser les organes génitaux, si vous me permettez cette trivialité." 
  Le 23 juillet, Daniel Bilous, éminent universitaire et colistier de la liste Oulipo, a posté ceci:
Changer de sexe
Pour un rabbin
C'est très complexe
Vous pensez bien!
Moralité: I s'ra Elle.
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  J'ai regretté de ne pas y avoir pensé lors de l'écriture de Novel Roman, et ne suis d'ailleurs pas certain que ce jeu ne me soit jadis venu à l'esprit.
  Quoi qu'il en soit, plusieurs autres choses m'avaient alors échappées. Chapitre 17, alors qu'il y a 17 groupes de lettres dans la version incomplète du diagramme d'Aboulafia donnée au début du livre:
 

  C'est censé être ce que s'est rappelée une non-hébraïsante après avoir vu quelques instants le diagramme d'Aboulafia. Bravo!
  Je n'imagine pas comment j'ai pu négliger de calculer la valeur des 9 lettres significatives, soit 
69 pour les lettres du code, HYGMHW,
102 pour ÇBY, 
171 pour la somme.
  Or 171 est l'un des nombres essentiels structurant Novel Roman, en 18 chapitres parce que 171 est la somme des nombres de 1 à 18. Tous les chapitres y ont des titres en 18 lettres de somme 171.
  Le nombre 171 fait l'objet de commentaires dans deux chapitres, le 12, et le 17, précisément, où l'un des commentaires touche précisément le lieu où Jacob serait devenu androgyne, Peniel, PNYAL=171.
 
  J'ai jadis envisagé une autre androgynie, pour le couple Abraham-Sarah, lesquels ont également vu leurs noms changés par YHWH.
  Ils sont au départ ABRM et SRY, et ont atteint un âge respectable (99 et 89 ans) sans avoir engendré d'enfants, mais YHWH change leurs noms en ABRHM et SRH, et Isaac naît.
  La valeur gématrique du couple ne change pas, car Y=10 devient deux H=5.
  Je m'étais avisé que les deux noms originels avaient une lettre commune, R=200, et que ces deux R pouvaient résulter d'une opération analogue à partir d'une lettre T=400 dans le nom de Sarah, soit ABM et STY.
  ABM pourrait être une contraction de AB et AM, "père" et "mère", tandis que STY signifie "deux", ce qui pourrait "expliquer" la stérilité du couple sous les formes originelles...
  ABM a pour atbash TSY, et ce serait encore un autre double renversement. BYT est par ailleurs le nom complet de la première lettre double, B, Beth, et BYT devient par atbash SMA, les 3 lettres mères, selon la distribution des lettres du Sefer Yetsira.

 Note ultérieure: Phrère Sam me signale que Elohim est aussi androgyne : Elle-O-Him.
 
  Il y a près de 35 ans que j'ai découvert cela, mais lorsque j'ai abordé la question sur Quaternité, j'ai découvert une exégèse classique utilisant cette transformation  de BYT (בית) en SMA (שמא):
  L'oracle du pectoral, urim wethumim, est un autre thème traditionnel. Il aurait comporté 72 lettres, et Dieu aurait pu rendre certaines de ces lettres lumineuses (urim, de or, "lumière") pour transmettre des messages.
  Le nombre 72 intervient souvent dans la mystique juive, et les 72 lettres du diagramme d'Aboulafia n'ont pas de rapport nécessaire avec cet oracle. 
 
  Examiner ce diagramme sous l'angle des jeux BYT-SMA et ABM-STY-ABRHM-SRH, amène quelques curiosités (voir le diagramme complet).
  Les 4 premières lettres du diagramme, rangs 1-2-3-4, sont TRYH, הירת, précisément les lettres TY envisagées se scinder en deux couples RH.
  Aux rangs 5-17-29-41-53-65, correspondant à une autre étoile de David, on trouve YPSTAB, à une lettre près YMSTAB, le jeu BYT-SMA dans un autre ordre (et j'avais illustré ce jeu par une étoile de David). Si je ne me prononce pas pour ÇBY, je n'imagine guère une intention ici. Quelques remarques:
- P=80 au lieu de M=40, c'est un autre cas de doublement.
- P et M ont pour atbash W et Y, les lettres déterminant le masculin et le féminin dans le jeu HW-HY.
- Le P au rang 17 est la 17e lettre de l'alphabet hébreu (le diagramme incomplet montrait 17 groupes de lettres). 
- Comment ne pas penser à l'Arcane 17 cher à André Breton, L'étoile? 
- Et ne pas se rappeler que Breton transformait ses initiales AB en 1713? AB que j'ai vu plus haut correspondre aux Asciis 65-66 de Coup double (les échos de ce titre se précisent, surtout l'original Double Double; et précisément en français comme en hébreu, B=2 est le double de A=1, et D=4 le double de B=2, je rappelle que 4 et D sont omniprésents dans le roman, et Winship y exploite 2 morts accidentelles pouvant correspondre aux 2 premiers éléments de la comptine, en les doublant par 2 meurtres, afin de persuader le Dr Dodd qu'il est menacé); à l'arcane 17 correspond la lettre hébraïque P, פ, ce que Breton exploite, et à l'arcane 13, la Mort, la lettre M, מ:
 

- Dans Arcane 17, Breton évoque Nerval, né en 1808 qu'il réduit en 1+8+8=17, et le Ma seule étoile est morte du Desdichado, qu'il transforme en Ma seule étoile vit.
- AB, "père" est présent dans l'étoile YPSTAB, ainsi que son double renversement ST, Seth, le fils d'Adam, premier père ou patriarche; ce sont précisément ces lettres ATBS qui ont donné l'appellation atbash.
- Ces lettres STAB apparaissent dans la même configuration sur cette étoile que YHWH dans l'étoile HYGMHW.
- C'est Shabbataï Tsevi, SBTY ÇBY, qui avait recours au double renversement pour se décréter nouveau Moïse, MSH, et  SBTY apparaît dans l'étoile, de même que ÇBY parmi les 17 groupes de lettres du diagramme incomplet.
 
  Tous ces 17 me rappellent un retournement atbash simple. Le mot HWG, "cercle", de valeur 17, a pour atbash SPR, un mot signifiant aussi bien "livre" que "nombre". Le mot sefira en est dérivé, avec peut-être une pensée pour le grec sphaira, "sphère". Les sefirot sont des nombres représentés dans des cercles sur l'arbre de vie.
  Le diagramme d'Aboulafia est supposé mettre en action la dernière des sefirot, malkhout.
  Un jeu atbash courant concerne un autre mot de valeur 17, TWB, "bon", qui devient NPS, "âme".
 
  Avoir évoqué plus haut le pectoral du grand-prêtre me rappelle que les 72 lettres de l'oracle s'y répartissent en 17 mots, dont les noms des 12 fils de Jacob-Israël. La série Dig a imaginé la reconstitution de l'oracle, et l'épisode de sa consultation révèle un jeu qui ne peut apparaître qu'aux hébraïsants attentifs. 
  Ici l'oracle n'offre que les noms des 12 fils de Jacob, le dernier étant ASR, Asher, "heureux". Sa consultation livre en lettre lumineuses DYNH, Dinah fille de Jacob (mais ce n'est pas précisé),
 
 
et un examen montre que pour obtenir le H final ASR est devenu ASH, isha, "femme". Ceci me semble avoir quelque écho avec les autres cas d'androgynie vus supra. Plus de détails ici.
 
  J'ai omis plus haut une curiosité de la traduction française de L'adversaire, où Percival, le dernier cousin York menacé par l'assassin qui expédie les cartons JHWH, se compare à un Sadim qui transforme l'OR en RO, ce qui m'évoque bien sûr le cryptogramme d'Einstein où IL devient RO puis OR, "lumière".
  Il se trouve qu'un renversement analogue a été jadis, vers 25 ans, à l'origine de mon intérêt pour l'hébreu. Je ne sais plus comment j'avais été amené à lire Les grands initiés d'Edouard Schuré, mais j'avais été frappé de ce qu'il disait du récit biblique de la création, avec le "souffle de Dieu", ROUA AELOHIM, qui crée la lumière AOUR au verset suivant:
Le mot roua qui signifie le souffle se trouve dans le second verset. On remarquera que le mot aour qui signifie lumière, est le mot roua renversé. Le souffle divin en revenant sur lui-même crée la lumière intelligible. 
  Lorsque bien plus tard j'ai acquis quelques rudiments d'hébreu, je me suis aperçu que ce beau retournement n'était pas tout à fait exact.
  Cherchant aujourd'hui d'autres occurrences de "aour" "roua", j'en trouve diverses, dont une de JC Pichon qui énonce dans Histoire des Mythes
(Aour - Roua), Iahvé, fils de tous les dieux (Élohim). Cette divinité de Feu ou du Combat, il l'affronte en effet dans une lutte singulière au milieu de sa nuit et, de cette lutte, il renaît boiteux mais ancêtre assuré d'une race sans exemple. Iahvé est également un dieu de Vérité. Comme tel, le cercle, la pierre demeurent ses symboles.
  Je n'en sais pas plus, mais c'est l'un des premiers résultats et il associe assez étonnamment le retournement Aour-Roua et le combat de Jacob avec YHWH.
 
Note du 23/11: l'écriture du billet Encore ! m'a rappelé deux autres doubles retournements. 
  Je suis particulièrement confus de n'avoir pas pensé au cas d'école concernant l'atbash, évoqué très tôt sur Quaternité: le prophète Jérémie désigne Babel par l'atbash Sesak, et Babel est le retournement de lebab, "coeur".
  Un livre a été souvent évoqué, notamment iciLa bibliothèque de Villers, où 4 morts sont découverts aux 4 coins d'un carré dessiné dans la ville de Villers, livrant les initiales I-V-R-E. J'avais déjà vu l'anagramme de vier, "quatre" allemand, mais pas encore vu qu'il pouvait résulter d'un double retournement:
- les 4 lettres IVRE donnent par atbash (dans notre alphabet) REIV;
- REIV se retourne en VIER, "quatre".

Note du 17/12: J'ai à diverses reprises commenté les similitudes entre La bibliothèque de Villers, roman construit à partir des lettres LIVRE, et Novel Roman, construit sur les lettres du titre, et sur le jeu  entre N-AMOR et N-LOVE.
   J'ai aussi signalé que L-IVRE avait en commun avec N-LOVE que les tétragrammes IVRE et LOVE sont composés de deux couples atbash. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que je m'avise que le double retournement de LOVE livre VELO, et je n'y pensais donc pas en décidant d'ouvrir le roman (le novel) sur la découverte d'un crime par deux "hirondelles", des agents en vélos.
  Ni en faisant du "VELO mannor" de "norman LOVE" un lieu essentiel de l'intrigue.
  Ces deux éléments étaient prévus dès 1998 (alors que j'ignorais l'existence de La bibliothèque de Villers).

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