à Marylin R.
Lors de mes recherches sur Pourim 1946, j'ai découvert ce livre faisant état d'un résultat remarquable obtenu avec le "code biblique", procédé consistant à rechercher des messages verticaux dans la Bible, transcrite en lignes isogrammes, comptant un même nombre de lettres, l'informatique livrant presque instantanément toutes les possibilités.
John Buckley développe l'histoire de la supposée prédiction de l'exécution des 10 nazis pendus le 16 octobre 1946, soit le 21 Tishri 5707 selon le calendrier hébreu, et donne une matrice dont j'extrais ce "message", correspondant aux 6 lignes situées sous les 9 lettres des mots "et Aridatha", désignant le 6e fils d'Haman pendu, lorsque le texte d'Esther est écrit en lignes de 216 lettres de long.
Sous cette expression apparaît la date "21 Tishri", en lettres blanches dans des ovales bleus, et Buckley a également souligné les 3 premières lettres de ARIdatha, en les entourant de losanges, pouvant se lire "aryens" en hébreu.
Il indique que la probabilité pour que la date "21 Tishri" apparaisse ici est de moins d'une chance sur un million, ce qui semble impressionnant mais ne signifie pas grand-chose.
D'autres ELS (Séquence de Lettres Equidistantes) sont présentes, comme "707", encore, "pendus", "Amalec", l'ennemi traditionnel des Juifs, dont Haman est un descendant, ce qui fait dire à Buckley que seul Dieu, dans Son infini pouvoir, a pu faire que toutes ces informations fussent encodées dans le chapitre 9 d'Esther. Je suis outré chaque fois que je vois de telles affirmations sur le code biblique, parce que je sais qu'aucun livre biblique n'existe dans une version unique, qui de plus aurait été transmise lettre pour lettre siècle après siècle, et que je sais surtout que cette information est aisément accessible à quiconque aborde la question sans oeillères, et c'est à tel point connu que les mathématiciens à l'origine du code biblique ne l'ont vu fiable qu'à l'intérieur de courts passages bibliques, avec des sauts n'excédant pas une vingtaine de lettres.
Ainsi un message obtenu avec un saut de 216 lettres ne démontrera qu'il est divin qu'à ceux qui sont déjà assurés que le texte dont il provient est d'origine divine. Ceci dit, je me suis intéressé à ce cas pouvant se révéler une synchronicité, car le procès de Nuremberg a couvert 216 journées d'audience, nombre par ailleurs intéressant (6 au cube, que j'ai vu associé à une autre remarquable curiosité dans le domaine hébreu). Cependant je n'ai pas réussi à retrouver le résultat annoncé avec le logiciel gratuit que j'utilise, et voici les conclusions auxquelles je suis arrivé:
- Ce ne sont pas les logiciels qui sont en cause, mais les bases de données qui y sont associées, ainsi j'ai appris ici que le Livre d'Esther compte 12111 lettres selon Computronic, 12112 lettres selon Codefinder, et mon propre logiciel Torah4u en compte 12113.
- Les différentes versions pourraient correspondre aux 3 principaux textes numérisés aisément accessibles, le codex d'Alep, le codex de Leningrad, et la Bible de Berlin (les deux plus anciens manuscrits complets de la Bible, et sa première édition imprimée, très proche du codex d'Alep).
- Le résultat présenté ci-dessus est compatible avec le texte du codex de Leningrad.
Il ne faut pas s'imaginer que les textes de 12111, 12112 et 12113 lettres ne diffèrent que d'1 ou 2 lettres. Ainsi, en vérifiant la validité du message "21 tishri" dans le codex de Leningrad, j'ai repéré, en l'espace d'environ 500 lettres, au moins 8 différences avec la Bible de Berlin, avec jusqu'à 3 différences dans un même verset, ce qu'on pourra vérifier ici (comparer WLC consonants only et Aleppo Codex).
S'il ne s'agit ici que de différences orthographiques, ce serait encore un acte de foi d'imaginer que les variantes bibliques ne soient que de ce type, mais les seules variantes orthographiques sont suffisantes pour disqualifier toute prétention à décoder un message millénaire, car aucune de ces principales sources n'a de statut privilégié par rapport aux autres, au sein même du judaïsme.
Si je savais cela avant qu'il fût question de code biblique, je suis effaré de découvrir que les éditeurs de logiciels n'ont pas réussi à s'accorder sur une source unique, alors qu'ils sont les premiers à affirmer la fiabilité de la transmission du texte biblique. Je me demande jusqu'où la duplicité a pu aller, car si le résultat sur le livre d'Esther selon le codex de Leningrad est magnifique, l'éditeur de ce logiciel a-t-il pu fournir un texte où ne figure pas la prédiction la plus fameuse du code ? car dans le codex de Leningrad "Yitzhak Rabin" ne croise pas avec le verset parlant d'assassinat.
La recherche sur Esther et le code biblique m'a amené à une autre sidération. Le grand précurseur du code est le rabbin Weissmandl, qui a recopié la Torah sur des fiches et fait les premières découvertes, publiées après sa mort en 1957. Il vouait une attention particulière au livre d'Esther et à ses 12111 lettres (dans sa version de la Bible du moins), ce qui l'a mené à des découvertes qui semblent inconcevables en son temps, sans l'aide de l'informatique qui permet aujourd'hui de les vérifier.
Le mot esther apparaît une seule fois dans la Torah, en Gn 4,14 où il s'agit du verbe "je serai caché" (!) employé par Caïn s'adressant à Dieu. Or le livre d'Esther se dit en hébreu meguilat esther, et il existe une seule occurrence des 4 lettres du mot meguilat lu toutes les 12111 lettres, et elle commence sur le premier mem non final de ce même verset Gn 4,14. Torah4u permet de retrouver ce résultat, avec ici le début du verset, le mot vertical meguilat se lisant à partir de la 14e lettre mem, et esther à partir de la 31e lettre, encadré en rouge :
Ceci pourrait ne représenter qu'une curiosité ponctuelle, mais Weissmandl aurait fait une découverte encore plus frappante, en utilisant toujours le découpage de la Genèse en lignes de 12111 lettres. L'ennemi traditionnel des Juifs est Amalec, dont le vil Haman est explicitement un descendant dans le livre d'Esther, or le nom Amalec n'apparaît que 2 fois en clair dans la Genèse, en Gn 14,7 (où il s'agit en fait du mot "Amalécite", "de la race d'Amalec"), et en Gn 36,12.
Il existe une seule ELS "Amalec" de distance 12111, elle démarre de la première lettre de "Amalécite" en clair, et s'achève sur la dernière lettre de "Amalec" en clair...
Ce tableau issu de Torah4u montre les 3 seules occurrences dans la Genèse des 4 lettres formant Amalec, avec les ELS 1 (soit en clair) et 12111.
J'avoue avoir la plus grande peine à croire que ces résultats aient pu être obtenus sans l'aide de l'informatique, mais il y a bien des choses que j'ai peine à croire et qui sont néanmoins avérées.
Note de 2018: Un léger bémol à ceci. Il y a en fait une autre occurrence de "Amalec" en Gn 36,16, et je comprends mal comment elle a pu m'échapper en 2009, où je n'aurais certainement pas essayé de falsifier un résultat qui demeure fabuleux. Par ailleurs, il semble que, si Weissmandl a bien trouvé le couplage meguilat Esther, ce soit ses continuateurs informatisés qui aient découvert l'ELS "Amalec".
Le nombre 12111 m'est évocateur, en le scindant en 121-11, car 121 est le carré de 11, et Perec, né le jour de Pourim, fête instituée par le livre d'Esther, Perec élevé par sa tante Esther, Perec est l'auteur d'Alphabets, dont chaque chapitre est constitué de 11 poèmes de chacun 121 lettres.
La plasticienne Marylin Rolland a travaillé sur Alphabets, résumant notamment ses 176 poèmes à leurs 176 lettres centrales, figurées ici en fils fluorescents et phosphorescents.
Dans le texte complet d'Alphabets, les rangées de ce tableau correspondent à des ELS de distance 121, 11 au carré, et les colonnes à des ELS de distance 121x11, 11 au cube. Marylin a souligné les lettres EARS OTO débutant la 14e rangée, les lettres centrales des 7 premiers poèmes du chapitre x du recueil, car ears est le pluriel de l'anglais ear, « oreille », et oto est le génitif du grec oûs, « oreille » encore.
Je remarque aujourd'hui qu'il y a plusieurs façons de lire dans le tableau l'ELS oor, « oreille » en néerlandais, notamment sous EARSOTO, et probablement de multiples autres possibilités, qui, de par la construction du tableau, correspondront dans le recueil à des ELS multiples de 121, 11 au carré.
Or en hébreu « oreille » se dit ozen, qui dans cette translitération la plus courante est l'anagramme de onze, le nombre fétiche de Perec. Son obsession pour le 11 a été reliée à la déportation de sa mère, Cyrla ou Cécile, partie dans un convoi pour Auschwitz le 11 février 43. On trouve quelques 43 explicites dans l'oeuvre de Perec, et une cohorte de néo-kabbalistes s'est attachée à en découvrir cachés entre les lignes, jusqu'au multiple 473 = 11x43, ainsi Dominique Bertelli n'a pas vu un hasard dans le je me souviens 474
Et voici donc la raison du titre de ce billet, le mot hébreu meguilat, forme construite de meguila, "rouleau", que Weissmandl a découvert miraculeusement en ELS 12111 débutant dans le seul verset de la Torah où est présent le mot esther, meguilat a donc pour valeur dans le système numéral hébreu 473.
Et meguilat esther a pour valeur 473+661 = 1134. L'exégèse perecquienne admet volontiers l'équivalence des renversements des nombres significatifs, ainsi le grand spécialiste Bernard Magné voyait les 11 rubriques des fascicules 3-4 du BILL coder la date fatidique.
J'ai découvert un 473 exemplaire dans un poème de Perec, mais il me semble surtout devoir signaler que c'est probablement grâce au 43e personnage de JR. Tentative de saturation onomastique (en ligne ici), suite de 73 brèves notices concernant des personnages plus ou moins fictifs d’initiales JR, écrite par Perec en hommage à Jacques Roubaud, que j'ai remarqué la similitude entre les 11 pendus de Suse dans le livre d'Esther et les 11 condamnés de Nuremberg. Ils montèrent sur l'échafaud selon leurs rangs dans l'état nazi, et, le suicide de Göring lui ayant épargné cette mort humiliante, le premier pendu fut Joachim Ribbentrop, modèle du 43e JR, le chirurgien toulousain Jules Ribenmoins (et la forme allemande de Jules est Julius, le prénom même de Streicher).
Pourrait-il exister un rapport entre les oreilles et Pourim ? Ouïe, car une des spécialités des festivités du 14 adar est les gâteaux nommés oreilles d'Haman, dont se délectent ici Assuérus, Mardochée, et Esther.
Tiens, les initiales de ces trois personnages sont A-M-E, et le morceau de bravoure de La vie mode d'emploi est le compendium du chapitre LI, où Perec a inscrit dans 3 strophes de 60 vers de 60 espaces typographiques chacun 3 diagonales écrivant 60 fois le mot AME.
Pour la petite histoire, ce jeu qui ne fait aucun doute a été perturbé par de petites erreurs éditoriales, si bien que ce qu'avait exactement écrit Perec reste à ce jour inédit pour le grand public. On peut y voir une analogie avec les ELS bibliques, étroitement dépendantes des variantes textuelles.
Perec a semblé étonné lorsqu'on lui a fait remarquer que les 3 premiers vers du compendium s'achevaient sur les lettres A-M-E. En examinant la question sous l'angle des ELS, je constate que ce cas est une ELS de distance 60, tandis que les A-M-E des diagonales forment 60 ELS de distance 3600, 60 au carré. Ci-dessous les 3 premiers vers de chaque stophe, avec les lettres sensibles soulignées :
Sans préjuger d'une quelconque volonté effective, je constate la parfaite adéquation d'un même procédé répété aux échelles 1 et 60 avec l'idée du jeu 70-11 dans le livre d'Esther, permis par l'emploi dans le système sexagésimal babylonien d'un même signe cunéiforme pour désigner 1 et 60. Les strophes de 60 vers du compendium sont subdivisées en sections de 10, sous-unité du système babylonien.
S'il semble que Perec ait composé le compendium en pensant à sa mère Cécile, il est remarquable d'y trouver une structure pouvant évoquer le livre d'Esther, alors que sa mère adoptive (ou plutôt légalement tutrice) a été sa tante Esther. A remarquer que les deux premières lettres du nom hébreu sont alef et samekh, de valeurs 1 et 60.
En cherchant une attestation sur la toile de la forme ozen pour "oreille", une des premières pages qui s'est présentée est un texte du rabbin Pauline Bebe sur l'écoute, shema en hébreu (les paroles s'envolent, les shema restent).
Je remarque dans cette belle "homélie" de la première femme rabbin en France l'évocation de l'impossibilité du dialogue entre Caïn et Abel, menant au premier meurtre; c'est dans la dernière parole de Caïn que figure le mot esther, comme vu plus haut.
J'ai déjà parlé de la lecture EARSOTO sur cette page, où j'étudie les curiosités liées dans Alphabets au rapport √2 (1.414...) ou 1/√2 (.707...). La coïncidence entre .707 (ou 0,707) et 707, la valeur des petites lettres dans les noms des pendus de Suse, peut jouer dans les deux sens, d'une part ces noms formant le côté d'un carré dans certaines bibles, d'autre part Perec étant concerné par les atrocités nazies.
Le mot clé lié à ces curiosités était OURS, or le nom complet du rabbin Weissmandl contient le mot Ours (Dov en hébreu, Ber en Yiddish).
Pour écrire ce billet j'ai eu besoin de rafraîchir mes souvenirs sur le code biblique, en relisant notamment le fameux article ayant initié l'affaire, publié dans une revue "sérieuse" de statistiques, démontrant que les vies des plus grands sages de l'histoire juive étaient inscrites dans le livre de la Genèse.
S'il est impossible au profane (en statistiques et en patrologie judaïque du moins) de discuter la validité de cette "démonstration", j'ai été frappé que le premier exemple du code donné par les auteurs soit le croisement des mots "marteau" et "enclume" au chapitre 50 de la Genèse, versets 8-10 :
Patish, "marteau" souligné par des ovales, correspond ici à l'ELS de moindre distance -24, tandis que sadan, "enclume", dans les carrés rouges, est une ELS de distance -5; il existe un meilleur cas de distance 3; j'ai aussi indiqué par des : bleus les fins des versets 8-10.
Je rappelle que c'est un autre mot hébreu pour marteau, mappets, qui est à l'origine de mes investigations bibliques, lesquelles m'ont mené à Esther et à l'oreille, or le marteau et l'enclume sont aussi des osselets de l'oreille...
Ce 29 mai où j'achève ce billet, j'ai procédé peu avant à un exercice stimulant, la résolution des mots croisés en ligne du Monde. Voici la grille du jour (datée du lendemain selon l'étrange coutume du journal), avec un 4 vertical qui m'a réjoui :
Peaufinant ce billet, et cherchant une page donnant l'article de Statistical Science (jadis disponible en traduction française), je n'ai trouvé que cette réfutation parue dans la même revue, s'adressant à des mathématiciens chevronnés. J'ai plus apprécié cette page où le debunker Dave Thomas découvre dans un court extrait du second livre de Michael Drosnin la "prophétie" que lui DT va pulvériser à coups de marteau ce nouvel opus, avec différentes ELS dont la plus remarquable totalise 11 lettres, DTHAMMERMAN.
John Buckley développe l'histoire de la supposée prédiction de l'exécution des 10 nazis pendus le 16 octobre 1946, soit le 21 Tishri 5707 selon le calendrier hébreu, et donne une matrice dont j'extrais ce "message", correspondant aux 6 lignes situées sous les 9 lettres des mots "et Aridatha", désignant le 6e fils d'Haman pendu, lorsque le texte d'Esther est écrit en lignes de 216 lettres de long.
Sous cette expression apparaît la date "21 Tishri", en lettres blanches dans des ovales bleus, et Buckley a également souligné les 3 premières lettres de ARIdatha, en les entourant de losanges, pouvant se lire "aryens" en hébreu.
Il indique que la probabilité pour que la date "21 Tishri" apparaisse ici est de moins d'une chance sur un million, ce qui semble impressionnant mais ne signifie pas grand-chose.
D'autres ELS (Séquence de Lettres Equidistantes) sont présentes, comme "707", encore, "pendus", "Amalec", l'ennemi traditionnel des Juifs, dont Haman est un descendant, ce qui fait dire à Buckley que seul Dieu, dans Son infini pouvoir, a pu faire que toutes ces informations fussent encodées dans le chapitre 9 d'Esther. Je suis outré chaque fois que je vois de telles affirmations sur le code biblique, parce que je sais qu'aucun livre biblique n'existe dans une version unique, qui de plus aurait été transmise lettre pour lettre siècle après siècle, et que je sais surtout que cette information est aisément accessible à quiconque aborde la question sans oeillères, et c'est à tel point connu que les mathématiciens à l'origine du code biblique ne l'ont vu fiable qu'à l'intérieur de courts passages bibliques, avec des sauts n'excédant pas une vingtaine de lettres.
Ainsi un message obtenu avec un saut de 216 lettres ne démontrera qu'il est divin qu'à ceux qui sont déjà assurés que le texte dont il provient est d'origine divine. Ceci dit, je me suis intéressé à ce cas pouvant se révéler une synchronicité, car le procès de Nuremberg a couvert 216 journées d'audience, nombre par ailleurs intéressant (6 au cube, que j'ai vu associé à une autre remarquable curiosité dans le domaine hébreu). Cependant je n'ai pas réussi à retrouver le résultat annoncé avec le logiciel gratuit que j'utilise, et voici les conclusions auxquelles je suis arrivé:
- Ce ne sont pas les logiciels qui sont en cause, mais les bases de données qui y sont associées, ainsi j'ai appris ici que le Livre d'Esther compte 12111 lettres selon Computronic, 12112 lettres selon Codefinder, et mon propre logiciel Torah4u en compte 12113.
- Les différentes versions pourraient correspondre aux 3 principaux textes numérisés aisément accessibles, le codex d'Alep, le codex de Leningrad, et la Bible de Berlin (les deux plus anciens manuscrits complets de la Bible, et sa première édition imprimée, très proche du codex d'Alep).
- Le résultat présenté ci-dessus est compatible avec le texte du codex de Leningrad.
Il ne faut pas s'imaginer que les textes de 12111, 12112 et 12113 lettres ne diffèrent que d'1 ou 2 lettres. Ainsi, en vérifiant la validité du message "21 tishri" dans le codex de Leningrad, j'ai repéré, en l'espace d'environ 500 lettres, au moins 8 différences avec la Bible de Berlin, avec jusqu'à 3 différences dans un même verset, ce qu'on pourra vérifier ici (comparer WLC consonants only et Aleppo Codex).
S'il ne s'agit ici que de différences orthographiques, ce serait encore un acte de foi d'imaginer que les variantes bibliques ne soient que de ce type, mais les seules variantes orthographiques sont suffisantes pour disqualifier toute prétention à décoder un message millénaire, car aucune de ces principales sources n'a de statut privilégié par rapport aux autres, au sein même du judaïsme.
Si je savais cela avant qu'il fût question de code biblique, je suis effaré de découvrir que les éditeurs de logiciels n'ont pas réussi à s'accorder sur une source unique, alors qu'ils sont les premiers à affirmer la fiabilité de la transmission du texte biblique. Je me demande jusqu'où la duplicité a pu aller, car si le résultat sur le livre d'Esther selon le codex de Leningrad est magnifique, l'éditeur de ce logiciel a-t-il pu fournir un texte où ne figure pas la prédiction la plus fameuse du code ? car dans le codex de Leningrad "Yitzhak Rabin" ne croise pas avec le verset parlant d'assassinat.
La recherche sur Esther et le code biblique m'a amené à une autre sidération. Le grand précurseur du code est le rabbin Weissmandl, qui a recopié la Torah sur des fiches et fait les premières découvertes, publiées après sa mort en 1957. Il vouait une attention particulière au livre d'Esther et à ses 12111 lettres (dans sa version de la Bible du moins), ce qui l'a mené à des découvertes qui semblent inconcevables en son temps, sans l'aide de l'informatique qui permet aujourd'hui de les vérifier.
Le mot esther apparaît une seule fois dans la Torah, en Gn 4,14 où il s'agit du verbe "je serai caché" (!) employé par Caïn s'adressant à Dieu. Or le livre d'Esther se dit en hébreu meguilat esther, et il existe une seule occurrence des 4 lettres du mot meguilat lu toutes les 12111 lettres, et elle commence sur le premier mem non final de ce même verset Gn 4,14. Torah4u permet de retrouver ce résultat, avec ici le début du verset, le mot vertical meguilat se lisant à partir de la 14e lettre mem, et esther à partir de la 31e lettre, encadré en rouge :
Ceci pourrait ne représenter qu'une curiosité ponctuelle, mais Weissmandl aurait fait une découverte encore plus frappante, en utilisant toujours le découpage de la Genèse en lignes de 12111 lettres. L'ennemi traditionnel des Juifs est Amalec, dont le vil Haman est explicitement un descendant dans le livre d'Esther, or le nom Amalec n'apparaît que 2 fois en clair dans la Genèse, en Gn 14,7 (où il s'agit en fait du mot "Amalécite", "de la race d'Amalec"), et en Gn 36,12.
Il existe une seule ELS "Amalec" de distance 12111, elle démarre de la première lettre de "Amalécite" en clair, et s'achève sur la dernière lettre de "Amalec" en clair...
Ce tableau issu de Torah4u montre les 3 seules occurrences dans la Genèse des 4 lettres formant Amalec, avec les ELS 1 (soit en clair) et 12111.
J'avoue avoir la plus grande peine à croire que ces résultats aient pu être obtenus sans l'aide de l'informatique, mais il y a bien des choses que j'ai peine à croire et qui sont néanmoins avérées.
Note de 2018: Un léger bémol à ceci. Il y a en fait une autre occurrence de "Amalec" en Gn 36,16, et je comprends mal comment elle a pu m'échapper en 2009, où je n'aurais certainement pas essayé de falsifier un résultat qui demeure fabuleux. Par ailleurs, il semble que, si Weissmandl a bien trouvé le couplage meguilat Esther, ce soit ses continuateurs informatisés qui aient découvert l'ELS "Amalec".
Le nombre 12111 m'est évocateur, en le scindant en 121-11, car 121 est le carré de 11, et Perec, né le jour de Pourim, fête instituée par le livre d'Esther, Perec élevé par sa tante Esther, Perec est l'auteur d'Alphabets, dont chaque chapitre est constitué de 11 poèmes de chacun 121 lettres.
La plasticienne Marylin Rolland a travaillé sur Alphabets, résumant notamment ses 176 poèmes à leurs 176 lettres centrales, figurées ici en fils fluorescents et phosphorescents.
Dans le texte complet d'Alphabets, les rangées de ce tableau correspondent à des ELS de distance 121, 11 au carré, et les colonnes à des ELS de distance 121x11, 11 au cube. Marylin a souligné les lettres EARS OTO débutant la 14e rangée, les lettres centrales des 7 premiers poèmes du chapitre x du recueil, car ears est le pluriel de l'anglais ear, « oreille », et oto est le génitif du grec oûs, « oreille » encore.
Je remarque aujourd'hui qu'il y a plusieurs façons de lire dans le tableau l'ELS oor, « oreille » en néerlandais, notamment sous EARSOTO, et probablement de multiples autres possibilités, qui, de par la construction du tableau, correspondront dans le recueil à des ELS multiples de 121, 11 au carré.
Or en hébreu « oreille » se dit ozen, qui dans cette translitération la plus courante est l'anagramme de onze, le nombre fétiche de Perec. Son obsession pour le 11 a été reliée à la déportation de sa mère, Cyrla ou Cécile, partie dans un convoi pour Auschwitz le 11 février 43. On trouve quelques 43 explicites dans l'oeuvre de Perec, et une cohorte de néo-kabbalistes s'est attachée à en découvrir cachés entre les lignes, jusqu'au multiple 473 = 11x43, ainsi Dominique Bertelli n'a pas vu un hasard dans le je me souviens 474
Je me souviens de Caroline chérie (le livre et le film).en 11 mots et 43 lettres juste après le 11x43 fatidique. Le roman est de Cecil Saint-Laurent, et Caroline a été interprétée par Martine Carol, laquelle a un temps habité le même immeuble que Perec, adopté par son oncle David Bienenfeld et sa femme Esther.
Et voici donc la raison du titre de ce billet, le mot hébreu meguilat, forme construite de meguila, "rouleau", que Weissmandl a découvert miraculeusement en ELS 12111 débutant dans le seul verset de la Torah où est présent le mot esther, meguilat a donc pour valeur dans le système numéral hébreu 473.
Et meguilat esther a pour valeur 473+661 = 1134. L'exégèse perecquienne admet volontiers l'équivalence des renversements des nombres significatifs, ainsi le grand spécialiste Bernard Magné voyait les 11 rubriques des fascicules 3-4 du BILL coder la date fatidique.
J'ai découvert un 473 exemplaire dans un poème de Perec, mais il me semble surtout devoir signaler que c'est probablement grâce au 43e personnage de JR. Tentative de saturation onomastique (en ligne ici), suite de 73 brèves notices concernant des personnages plus ou moins fictifs d’initiales JR, écrite par Perec en hommage à Jacques Roubaud, que j'ai remarqué la similitude entre les 11 pendus de Suse dans le livre d'Esther et les 11 condamnés de Nuremberg. Ils montèrent sur l'échafaud selon leurs rangs dans l'état nazi, et, le suicide de Göring lui ayant épargné cette mort humiliante, le premier pendu fut Joachim Ribbentrop, modèle du 43e JR, le chirurgien toulousain Jules Ribenmoins (et la forme allemande de Jules est Julius, le prénom même de Streicher).
Pourrait-il exister un rapport entre les oreilles et Pourim ? Ouïe, car une des spécialités des festivités du 14 adar est les gâteaux nommés oreilles d'Haman, dont se délectent ici Assuérus, Mardochée, et Esther.
Tiens, les initiales de ces trois personnages sont A-M-E, et le morceau de bravoure de La vie mode d'emploi est le compendium du chapitre LI, où Perec a inscrit dans 3 strophes de 60 vers de 60 espaces typographiques chacun 3 diagonales écrivant 60 fois le mot AME.
Pour la petite histoire, ce jeu qui ne fait aucun doute a été perturbé par de petites erreurs éditoriales, si bien que ce qu'avait exactement écrit Perec reste à ce jour inédit pour le grand public. On peut y voir une analogie avec les ELS bibliques, étroitement dépendantes des variantes textuelles.
Perec a semblé étonné lorsqu'on lui a fait remarquer que les 3 premiers vers du compendium s'achevaient sur les lettres A-M-E. En examinant la question sous l'angle des ELS, je constate que ce cas est une ELS de distance 60, tandis que les A-M-E des diagonales forment 60 ELS de distance 3600, 60 au carré. Ci-dessous les 3 premiers vers de chaque stophe, avec les lettres sensibles soulignées :
Sans préjuger d'une quelconque volonté effective, je constate la parfaite adéquation d'un même procédé répété aux échelles 1 et 60 avec l'idée du jeu 70-11 dans le livre d'Esther, permis par l'emploi dans le système sexagésimal babylonien d'un même signe cunéiforme pour désigner 1 et 60. Les strophes de 60 vers du compendium sont subdivisées en sections de 10, sous-unité du système babylonien.
S'il semble que Perec ait composé le compendium en pensant à sa mère Cécile, il est remarquable d'y trouver une structure pouvant évoquer le livre d'Esther, alors que sa mère adoptive (ou plutôt légalement tutrice) a été sa tante Esther. A remarquer que les deux premières lettres du nom hébreu sont alef et samekh, de valeurs 1 et 60.
En cherchant une attestation sur la toile de la forme ozen pour "oreille", une des premières pages qui s'est présentée est un texte du rabbin Pauline Bebe sur l'écoute, shema en hébreu (les paroles s'envolent, les shema restent).
Je remarque dans cette belle "homélie" de la première femme rabbin en France l'évocation de l'impossibilité du dialogue entre Caïn et Abel, menant au premier meurtre; c'est dans la dernière parole de Caïn que figure le mot esther, comme vu plus haut.
J'ai déjà parlé de la lecture EARSOTO sur cette page, où j'étudie les curiosités liées dans Alphabets au rapport √2 (1.414...) ou 1/√2 (.707...). La coïncidence entre .707 (ou 0,707) et 707, la valeur des petites lettres dans les noms des pendus de Suse, peut jouer dans les deux sens, d'une part ces noms formant le côté d'un carré dans certaines bibles, d'autre part Perec étant concerné par les atrocités nazies.
Le mot clé lié à ces curiosités était OURS, or le nom complet du rabbin Weissmandl contient le mot Ours (Dov en hébreu, Ber en Yiddish).
Pour écrire ce billet j'ai eu besoin de rafraîchir mes souvenirs sur le code biblique, en relisant notamment le fameux article ayant initié l'affaire, publié dans une revue "sérieuse" de statistiques, démontrant que les vies des plus grands sages de l'histoire juive étaient inscrites dans le livre de la Genèse.
S'il est impossible au profane (en statistiques et en patrologie judaïque du moins) de discuter la validité de cette "démonstration", j'ai été frappé que le premier exemple du code donné par les auteurs soit le croisement des mots "marteau" et "enclume" au chapitre 50 de la Genèse, versets 8-10 :
Patish, "marteau" souligné par des ovales, correspond ici à l'ELS de moindre distance -24, tandis que sadan, "enclume", dans les carrés rouges, est une ELS de distance -5; il existe un meilleur cas de distance 3; j'ai aussi indiqué par des : bleus les fins des versets 8-10.
Je rappelle que c'est un autre mot hébreu pour marteau, mappets, qui est à l'origine de mes investigations bibliques, lesquelles m'ont mené à Esther et à l'oreille, or le marteau et l'enclume sont aussi des osselets de l'oreille...
Ce 29 mai où j'achève ce billet, j'ai procédé peu avant à un exercice stimulant, la résolution des mots croisés en ligne du Monde. Voici la grille du jour (datée du lendemain selon l'étrange coutume du journal), avec un 4 vertical qui m'a réjoui :
Peaufinant ce billet, et cherchant une page donnant l'article de Statistical Science (jadis disponible en traduction française), je n'ai trouvé que cette réfutation parue dans la même revue, s'adressant à des mathématiciens chevronnés. J'ai plus apprécié cette page où le debunker Dave Thomas découvre dans un court extrait du second livre de Michael Drosnin la "prophétie" que lui DT va pulvériser à coups de marteau ce nouvel opus, avec différentes ELS dont la plus remarquable totalise 11 lettres, DTHAMMERMAN.