20.1.12

Ce jeudi de commençant avril

Les rebonds sur les anges de mon dernier billet sont si touffus que je laisse la question un temps de côté, pour revenir à un autre thème qui m'est cher, les dates de Pâques dans la littérature, intentionnelles ou non.
Ou les dates liées aux jours essentiels de la semaine pascale, comme le Jeudi et le Vendredi.
Lors de mes premières analyses lupiniennes, j'avais vu plusieurs bizarreries tournant autour du Jeudi saint, jour de la Cène (l'Arsène ?) et de l'arrestation du Christ, dont trois liées à des erreurs voulues ou non :
- dans L'Aiguille creuse (1909), le cambriolage d'Ambrumésy a clairement lieu le soir du jeudi 23 avril 1908, mais il est une fois (chapitre 4) donné au 16 avril, Jeudi saint; cette nuit Lupin se trouve prisonnier d'une crypte où il sera supposé mourir.
- dans la nouvelle Le signe de l'ombre (1911), une date figure sur un tableau, 15-4-2, un temps envisagée pour être le 15 avril 1802, Jeudi saint; ce tableau a été peint, peu avant son exécution, par un personnage arrêté pendant la Révolution, mais s'il avait bien été arrêté un 15 avril le 2 y signifiait pour lui l'heure.
- Dans Les dents du tigre (1920), Lupin déclare:
Si je n’arrive pas, en quelques heures, à livrer à la justice l’assassin ou les assassins d’Hippolyte Fauville et de son fils, ce soir, jeudi, premier jour du mois d’avril, c’est moi, don Luis Perenna, qui coucherai sur la paille humide.
En 1920, le 1er avril était Jeudi saint, et la personne que Lupin livre à la justice mourra en prison.
Il y a cependant un problème, car l'action se passe sans équivoque juste après la guerre, soit en 1919, où le 1er avril n'était ni jeudi ni saint.
Une blague poissonnière ? peut-être pas, car diverses sources m'indiquaient que ce roman avait une autre version, publiée aux USA en 1914, ce qui me semblait à tel point bizarre qu'il ne m'était jamais venu à l'idée de regarder la traduction anglaise du livre, jusqu'à ce qu'un ami me le suggère, il y a quelques semaines.
Eh bien oui, The Teeth of the Tiger est bien paru à New York en 1914, puis à Londres en 1915, mais la France a dû attendre 1920 pour connaître cette aventure d'Arsène, pour des raisons bien compréhensibles : le début de la guerre a bloqué toutes les parutions, et ensuite l'heure n'était plus aux lupineries, quand le sol français était envahi par les hordes barbares.
Ce problème ne concernait pas les USA, et rien n'y a empêché la parution d'une traduction qui n'a jamais été modifiée ensuite, lorsque le roman est paru en France, adapté à l'après-guerre. On trouve ce texte en ligne, sous divers formats, montrant que les modifications ultérieures de Leblanc ont été minimales.

Elles touchent bien sûr essentiellement les dates. Dans l'historique de la famille Roussel, toutes les dates ont été ensuite augmentées de 5 ans, ce qui ne permet pas de dater exactement l'action, qui dans la version de 1920 est datée par référence à la guerre terminée quelques mois plus tôt, soit 1919.
Dans le texte anglais, la seule réelle précision date l'action de 3 ans après l'aventure de "813", qui elle-même n'était pas directement datée dans sa première édition de 1910. Dans l'édition de 1917, légèrement remaniée, l'action est donnée "deux ans avant la guerre", soit 1912, en total accord avec diverses données du roman. Ainsi The Teeth of the Tiger se passerait en 1915, et ceci est en accord avec le jeudi 1er avril également présent :
(...) it is I, Don Luis Perenna, who will be lodged in durance vile on the evening of this Thursday, the first of April.
Non seulement le 1er avril était un jeudi en 1915, mais c'était encore le Jeudi saint, ainsi mon idée la plus faiblarde sur les Jeudis saints lupiniens se trouvait finalement la plus pertinente, car liée à "813"maints indices convergent pour indiquer que ce n'est pas par hasard que Leblanc a situé une scène essentielle de son roman le 17 avril (1912 donc) à midi à l'est de Paris, à l'instant exact d'une rare éclipse dont la ligne de centralité passait à quelques kms à l'est de Paris (l'éclipse comparable suivante sera celle du 11 août 1999).
Il faut encore souligner que dans ces deux romans l'action est anticipée, bien que non explicitement datée. Les raisons de l'anticipation peuvent aisément se justifier par les intrigues, où Lupin avait besoin de temps après L'Aiguille creuse de 1908 pour créer sa nouvelle identité, et de plus de temps encore après "813" pour conquérir et pacifier la Mauritanie...
Le choix de l'imprécision (relative puisque ces trois romans sont liés par une chronologie explicite) permet bien des hypothèses, parmi lesquelles le désir de ne pas faire directement apparaître des dates significatives. Si on cherche un mercredi 17 avril postérieur à 1908, le premier venu est celui de 1912 où la lune éclipsa le soleil, et si on cherche un jeudi 1er avril postérieur à 1912, le premier venu est le Jeudi saint de 1915. Ce qui pourrait amener à se poser des questions sur cette famille Fauville (étymologiquement de fauves, ou à l'oreille faux-vil), où la tigresse Marie maîtresse de Sauverand (le Sauveur) aurait tué son mari et son fils Edmond (démon), une Sainte Famille inversée ?

N'ayant pu publier Les dents du tigre en 1914, Leblanc a participé à la propagande en écrivant un roman de guerre sans Lupin, L'éclat d'obus (1915, mais Lupin y apparaît à la demande de l'éditeur dans la réédition de 1923). Puis ce fut Le triangle d'or, publié en feuilleton du 21 mai au 26 juillet 1917 (42e anniversaire de Jung), où le premier héros est un brave capitaine, ensuite secondé par Arsène Lupin.
J'ai déjà commenté ce roman dont l'action est très précisément datée du 3 au 16 avril 1915, mais sans avoir alors soupçonné que l'action originelle des Dents du tigre débutait aussi en avril 1915. Si Lupin n'est présent dans Le triangle d'or que du 14 au 16, il apparaît une incompatibilité majeure avec son emploi du temps dans Les dents du tigre, où il passe notamment la nuit du 15 au 16 boulevard Suchet, il est vrai non loin de la rue Raynouard du Triangle d'or.

Je crois avoir montré que les dates de Pâques jouaient un rôle dans ce roman, où l'infâme Essarès tend un piège mortel à la femme qui le dédaigne et à son amant, le 14 avril 1895, dimanche de Pâques. L'amant présumé mort a en fait survécu, et a oeuvré dans l'ombre pour se venger d'Essarès et pour ressusciter son amour en rapprochant son fils le capitaine Belval de la fille de sa maîtresse, avec peu de succès puisque 20 ans après on la trouve mariée à Essarès devenu richissime.
Le roman débute dans la nuit du 3 au 4 avril 1915, nuit de la Résurrection, quand une mystérieuse pluie d'étincelles guide Belval vers la propriété de la rue Raynouard où résident Essarès et sa femme, comme l'étoile a guidé les rois mages vers le lieu de la Nativité, mais c'est de la vraie mort de son père que Belval est témoin, en ce dimanche de Pâques. Sans le savoir, car Essarès a échangé leurs identités cet autre 4/4, et c'est semble-t-il le père Belval devenu fou qui fait tomber le couple le 14 avril 1915 dans le même piège tendu aux parents le 14 avril 1895...
Il peut être intéressant de comparer cet imbroglio au début des Dents du tigre où, dans la nuit du 31 mars au 1er avril, l'ingénieur Fauville tue son fils Edmond et se suicide, maquillant leurs morts pour en faire accuser sa femme Marie-Anne et l'amant d'icelle. Dans la 1e version, c'est donc le soir du Jeudi saint qu'est arrêtée Marie-Anne, et bien que Lupin soit ensuite certain de son innocence il ne pourra empêcher sa mort en prison.
Est-ce par inadvertance que Leblanc a conservé le "jeudi 1er avril" dans la 2e version, incompatible avec l'année 1919 de l'action, ou parce qu'il a remarqué que le 1er avril était en 1920, année de parution, un Jeudi saint ?

La parution originelle en 1914 des Dents du tigre a un autre écho, avec l'énigme des multiples points de rencontre entre les oeuvres de Leblanc et de Raymond Roussel, étudiés notamment par Richard Khaitzine dans divers ouvrages, comme La langue des oiseaux (1996). Si je ne suis guère convaincu par les interprétations de Khaitzine, qui imagine une entente alchimique entre divers écrivains de la Belle Epoque, je ne peux que constater la pertinence des points soulevés, surtout quand ils recoupent mes propres préoccupations.
Le livre précité m'a ainsi appris que Khaitzine avait vu et publié avant moi une curiosité des Dents du tigre, où on recherche les héritiers Roussel, et où l'un d'eux, Gaston Sauverand, habite boulevard Richard-Wallace; après la mort de sa mère en 1911, Raymond Roussel a hérité de la propriété du 25 boulevard Richard-Wallace dont il a fait sa résidence principale.
A remarquer que les Fauville sont les premiers de ces héritiers Roussel, noms de même sens étymologique, dérivés de "fauve" et "roux" (couleur volontiers diabolique).
La mort des Fauville le jeudi 1er avril, première date mentionnée dans le roman (qui débute la veille, donc le 31 mars), pourrait être particulièrement significative sachant qu'en janvier 1914 a été publié le second roman de Roussel, Locus Solus, qui débute ainsi:
Ce jeudi de commençant avril, mon savant ami le maître Martial Canterel m'avait convié, avec quelques autres de ses intimes, à visiter l'immense parc environnant sa belle villa de Montmorency.
Un épisode de ce texte bizarre, comme toutes les oeuvres de Roussel, l'histoire de François-Jules Cortier, semble calqué sur les trois crimes d'Arsène Lupin, détaillés dans "813", où précisément pourrait apparaître une utilisation du "procédé" homophonique rousselien, avec notamment les "lettres de l'empereur", titre d'un chapitre, et la constatation jalouse "Elle l'aime !", trahissant le mystérieux L.M., prélude aux trois crimes d'Arsène comme à ceux de François-Jules. La séquence des "crimes" est absolument identique : après le "Elle l'aime !", Lupin et Cortier étranglent celle qui leur en préférait un autre, puis cet autre se suicide, puis un condamné à mort innocent est exécuté, sauvé in extremis dans le récit de Roussel, alors que Lupin arrive quelques instants trop tard.

En bref, l'inscription des Dents du tigre dans la continuité directe de "813", et sa parution prévue en 1914 quelques mois après Locus Solus (publié en feuilleton en 1913), fait question, car peut-on faire plus "commençant avril" que le 1er avril ?
Et ce titre, alors qu'un épisode marquant de Locus Solus est la réalisation par une machine complexe d'une mosaïque en dents, montrant un reître prisonnier d'une crypte (l'ingénieur Fauville a de son côté imaginé un complexe mécanisme horloger pour accuser sa femme). Le "reître en dents" (pour "prétendant") a pour nom Aag, puni pour avoir tenté d'enlever la belle Christel selon une légende nordique.
Christel anagrammise "le Christ", et il est intrigant de trouver un autre Aag dans un autre écrit de Roussel, le 4e Document pour servir de canevas, où le chasseur Aag tue sa femme Hulda se prostituant le Vendredi saint... Le plus profond exégète de Roussel, Philippe Kerbellec, a probablement trouvé l'origine de ce curieux nom Aag, qui désignait en pharmacopée l'utilisation de deux ingrédients en égale quantité.
Ci-dessus Roussel photographié en 1927 à Jérusalem dans le Saint-Sépulchre.

Je m'arrête ici, tant les possibilités sont multiples, reître-Hippolyte (chevalier-dompteur de chevaux), Aag-Gaston, Christel-Sauverand...
Quel rapport avec Jung ? J'ai remarqué depuis longtemps les échos entre les échanges du 4 avril Belval-Essarès et Jung-Haemmerli, encore commentés en octobre dernier, mais je n'étais alors pas conscient de l'importance de la triade des lames de tarot consécutives étoile-lune-soleil, et des possibles résonances avec l'éclipse de "813", ou avec "l'étoile" menant le capitaine Belval vers Essarès le 4 avril 1915.
Par ailleurs le 1er avril (1949) est un exemple de synchronicité donné par Jung dans son essai consacré à la question, avec une accumulation de poissons divers.

A propos de 4 avril et de 44, une coïncidence récente me paraît relever de la synchronicité.
J'ai repéré récemment à Digne un conteneur de déchets destiné aux papiers, un peu démoli, permettant un accès immédiat aux papiers jetés. Depuis ce repérage, par hasard parce que je passe devant en faisant mes courses hebdomadaires, je jette un coup d'oeil à chaque passage, des documents jetés aux ordures m'ayant déjà été sources de prodigieuses coïncidences (comme le polycopié du professeur Weinreb).
Le 12 janvier, il y avait plusieurs livres au sommet du tas de papiers, donc jetés peu avant mon passage. Quelques livres de cuisine ne m'intéressant guère, et un roman J'ai Lu dont j'ignorais l'existence, Le second fils de l'homme, de Charles Sailor (1979, 1981 pour la traduction française).
Un ouvrier qui tombe du 24e étage et se relève sans une égratignure, puis se révèle capable de guérir les autres, sinon de les ressusciter... C'est le genre d'histoire qui m'attire, avec quelques réserves bien sûr puisque je n'ai rien de catho.
Bref j'ai lu ce J'ai Lu n° 1192, plutôt lisible en oubliant quelques partis pris, mais le second fils est hostile aux divers mouvements qui tentent de le récupérer, dont le Vatican, qui l'attendait depuis une prophétie faite par l'archange Uriel au pape Nicolas V en 1447 : Dieu enverrait à Ses enfants un homme qui mourrait en tombant d'une haute montagne en la 32e année de son âge, puis ressusciterait, et dont le coeur serait si pur qu'il ne pourrait cesser de battre avant le Vendredi saint de l'année suivante.
Cette date limite se trouve être le 4 avril 1980, année intéressante puisque divisible par 44. Cest la première année dans ce cas depuis 1936 (44 x 44), année de naissance de Perec.
J'espérais un climax ce 4/4/80, qui se produit en fait le 6 avril, dimanche de Pâques, où, après un beau discours, le Second Fils Joseph Turner demande à revoir le lieu de sa chute dans la 50e rue à Manhattan. Son corps disparaît mystérieusement de la limousine en passant devant l'immeuble...

Coïncidence : lorsque je suis repassé la semaine suivante à l'emplacement du conteneur, il avait disparu, de même d'ailleurs que les conteneurs à papiers de mon village. Le net m'a appris que la CC3V, la Communauté des 3 Vallées, ayant trouvé le bilan du tri des ordures insatisfaisant, était en train de mettre en place un nouveau réseau de collecte.

Autre coïncidence : après avoir récupéré Le second fils, je suis passé ce même 12 janvier à la médiathèque de Digne. Je n'y consulte certains périodiques que... périodiquement, et j'ai ce jour jeté un oeil sur les derniers numéros du Magazine Littéraire. J'y ai remarqué le n° 507 d'avril dernier, annonçant en couverture un extrait d'un roman de Mark Twain, N° 44, Le Mystérieux Etranger, important projet sans cesse remanié par Twain pendant les 15 dernières années de sa vie, dont cet état le plus achevé n'avait jamais été traduit en français.
Difficile d'en parler sans l'avoir lu... Ce commentaire m'apprend que le narrateur du roman se nomme Theodor, que n° 44 est un ange plutôt ambivalent, nommé Satan dans une autre version.

Incidemment Twain est mort le 21 avril 1910, alors que "813" paraissait en feuilleton dans Le Journal (du 5 mars au 24 mai).

2.1.12

des anges passent

à JiBé

Quelques échos à mon billet L'ange de la médiathèque, initié par la lecture du roman L'effaceur, dont les personnages Cassiel et Claisse m'avaient aiguillé vers les anges des Ailes du désir de Wenders, et du remake très personnel de Brad Silberling, La cité des anges.
Dans le premier les deux anges étaient Cassiel et Damiel, ce dernier interprété par Bruno Ganz, parfois doublé par Georges Claisse, dans l'autre Cassiel et Seth, interprété par Nicolas Cage. Ma réflexion m'a mené à réaliser que dans la tradition juive Seth est le fils d'Adam, qui doit son nom à la couleur rouge, edom, du sang, dam, et de la terre, adama. C'est probablement le rouge du sang adamique qui a conduit Wenders à nommer son ange Damiel, et j'imagine que Silberling a pu avec le nom Seth signifier son changement dans la continuité...

Une recherche Google m'a appris qu'un Clais, forme de Nicolas, avait jadis trouvé la mort au mont Cassiel, devenu ensuite Cassel, lors d'une importante bataille en 1328 rapportée par les Chroniques de Froissart : L'ennemi du roi Philippe VI, qui a participé lui-même à la bataille où il a proféré le célèbre "Qui m'aime me suive !", était donc nommé ici Clais Dennequin, plus connu de l'Histoire en tant que Nicolaas Zannekin, qui bien sûr me fait penser à Nicolas Cage, .
Cassiel (aujourd'hui Cassel) vient du latin castellum, "forteresse", "hauteur habitée". Je rappelle que le nom de l'ange Cassiel est une déformation de Cafsiel, nom lui-même issu d'une déformation de l'hébreu Tsafqiel.

Par ailleurs Cassel est aujourd'hui dans le Nord (59), de même que la bourgade où l'auteur de L'effaceur a situé son intrigue. Tout ce qu'on en connaît est l'initiale C., grâce au feuilleton écrit par l'effaceur lui-même, L'étrange affaire de C.

L'actualité s'en mêle, et un Cassel apparaît dans A dangerous game, film de Cronenberg sorti le 23 novembre dernier en France, 45e anniversaire de Vincent Cassel qui y joue Otto Gross, l'enfant terrible de la psychanalyse, soigné par Carl Jung, joué par Michael Fassbender. Le film est inspiré de la pièce de Christopher Hampton mentionnée en juin 10, à propos du roman de Tobie Nathan Mon patient Sigmund Freud qui mettait en scène aussi Jung et Gross.
Vincent Cassel s'est déclaré passionné par l'oeuvre de Jung.
Le 23 novembre est encore la seule date mentionnée dans L'effaceur, probablement parce qu'il s'agit de l'anniversaire de l'auteur.

La recherche "L'effaceur" m'apprit qu'il existait une série BD de ce nom, signée Richez. Il y en avait quelques albums à la médiathèque, cote RIC, qui ne retinrent pas longtemps mon attention. En les rangeant, je découvris à la cote voisine ROD les 5 albums de La Maison Dieu, scénario Rodolphe, dessin Nathalie Berr.
C'est d'abord le titre qui m'interpella, car l'arcane la Maison-Dieu m'a aiguillé vers le tarot, dans le billet Triangles, avec de multiples résonances jungiennes.
Les couvertures des albums, nocturnes, montrant d'abord une colonne lumineuse descendant sur un bâtiment élevé, puis la foudre, pourraient suggérer une inspiration immédiate par l'arcane du tarot:En fait, bien que le titre ait peu de chance d'être un simple hasard, aucune référence explicite au tarot n'apparaît dans l'intrigue, selon laquelle la Maison Dieu est le nom d'une aire d'autoroute où 9 personnes ont fait une rencontre du 3e type, caractérisée par l'acquisition de dons divers.
Les services secrets du monde entier les traquent, soit pour exploiter leurs dons, soit pour les éliminer. Seuls Pier et Agathe survivront, et seront récupérés par les extraterrestres qui avaient procédé à une expérience jugée infructueuse.

Le scénario m'a paru faiblard, mais il demeure au moins cette quinqualogie La Maison Dieu, découverte par hasard peu après avoir imaginé un ensemble de 5 lames du Tarot lié à Jung, au nombre desquelles l'arcane 16, la Maison-Dieu.
Mon intuition fondamentale de septembre 2008 avait été suivie de peu par la découverte du 5e et dernier album de la série Quintett, de Giroud, qui avait la particularité, entre autres, d'être nettement plus long que les 4 premiers albums, et il se passe quelque chose de similaire, à un degré moindre, avec La Maison Dieu, dont les 4 premiers volets ont chacun 44 planches, et le dernier 46.

Parmi les BD signées Rodolphe de la médiathèque, j'ai remarqué la trilogie La Voix des Anges, et plus particulièrement au premier abord le titre du premier album, Castle Dew, parce que je venais d'apprendre que le nom du mont Cassiel venait du latin castellum.
Je remarque aussi le graphisme du titre en couverture, et la symétrisation du V et du A rappelant une autre quinqualogie BD, L'ordre impair, également construite sur un motif 4+1.
Le personnage central de L'ordre impair, Léonora, était surnaturel, mais plus diabolique qu'angélique. Dans La Voix des Anges, un savant a réussi à créer des anges, d'une part un ange incarné, Alinéa, qui lui tient compagnie et passe pour sa fille, d'autre part des anges gardiens individuels, qui contrôlent les consciences et pourraient promettre un avenir radieux, délivré du mal.
Mais il semble que ce tableau idyllique soit compromis, un groupe supranational contrôlant ces "anges" selon ses visées, peu claires, pas plus que ne le sont les buts d'un groupe adverse, Lénine-Dada, qui multiplie les attentats spectaculaires.
Le groupe doit son nom à l'essai de Dominique Noguez, qui a découvert qu'en 1916 Lénine habitait Zurich, dans la même rue que le cabaret Voltaire où naissait au même moment le mouvement Dada. De là à penser que Lénine aurait été dadaïste, sinon que son approbation (Da, da !) aurait baptisé le mouvement...
Parmi les autres coïncidences ayant réuni des personnalités opposées, Hitler a été en 1904 dans la même école que Wittgenstein, puis s'est promené en février 1913 à Vienne dans les allées de Schoenbrunn Park, affectionnées par Staline au même moment...

Ecrire Schoenbrunn Park me fait réaliser que les lettres BONHEUR forment dans le désordre le coeur de scHOENBRUnn, or le volet final de La Voix des Anges est Bonheur-Park, une île où les comploteurs semblent expérimenter leur projets pour l'humanité.
L'île est dominée par cette statue féminine qui ressemble fort à une "nana" de Niki de Saint-Phalle, mais dont la décoration rappelle aussi la gidouille d'Ubu.
Ce ne semble pas un hasard, car Ubu est explicitement cité dans le premier volet à propos de l'hypothèse Lénine-Dada, avec Lénine qui est mort fou en léguant au monde comme successeur le père Ubu, soit le "petit père des peuples" Staline, le promeneur de Schoenbrunn Park...

Il y a des gidouilles à Schoenbrunn Park, quel bonheur !

Au-delà de l'apparition de Jarry dans cette affaire d'anges, je suis émerveillé qu'elle se fasse par le biais de Niki de Saint-Phalle, dont l'étonnant nom de famille est tout à fait jarryen, puisque "phalle" est un mot rabelaisien que s'est réapproprié Jarry, devenu ensuite le nom du 13e et dernier mois du calendrier pataphysique. Le "saint Phalle" est même une désignation du phallus chez Théophile de Viau:
Mais sois juge du camp, ô généreux saint Phalle.
J'ai vérifié que Saint-Phalle était bien le réel nom de l'artiste, dont le père était le comte André-Marie Fal de Saint-Phalle.
Sa bio me rappelle qu'elle s'est enfuie à 18 ans avec son ami Harry Mathews, né comme elle en 1930, rencontré en 1944, qu'elle a épousé le 6 juin 1949. Etonnante relation, puisque j'imagine qu'à 14 ans Mathews n'était pas encore pataphysicien, ne connaissait pas le "phalle" jarryen, et certainement pas le mois de Phalle, le calendrier pataphysique ayant été créé en 1949.

Je m'émerveille de cette irruption de Mathews, dont le texte choisi en septembre dernier par Zazipo est le premier qui m'ait réellement inspiré depuis le début de l'entreprise. Il s'agit d'un alinéa du récit énigmatique Sainte Catherine, or Niki est le diminutif de Catherine, sainte par son nom de famille...
J'en ai proposé jusqu'ici 7 récritures, et la dernière, Face effacée, m'a permis de repérer une coïncidence de ma 4e récriture, Tétragramme, une anagramme des 120 mots du texte original en 120 mots de 4 lettres, les 11 lettres non utilisées donnant le titre. L'abondance des E et N m'a conduit à nommer le personnage "Nêne", titre du Goncourt 1920, roman d'Ernest Pérochon, ce qui m'a amusé car le texte de Mathews est paru en 2000, or j'ai parlé dans 20 ans après de coïncidences entre des textes parus tous les 20 ans, de 1920 à 2000, dont mon Sous les Pans du bizarre, paru en novembre 2000. La proximité de mon nom avec celui du Prix Goncourt 2000 récemment proclamé, Schuhl, m'avait inspiré un petit gag, et la réalisation de quelques bandeaux "Prix Concourt" pour la première signature à la librairie Epigramme, le 23 novembre (tiens, encore un 23 novembre, anniversaire de Vincent Cassel), ce qui a encore eu un écho avec la médiathèque de Digne.
En bref, mon obsession pour la quaternité m'avait fait envisager une récriture avec les 4 notes F-A-C-E, et leurs correspondances dans l'alphabet musical étendu, peu avant la découverte de L'Effaceur, dont la lecture m'a fait concrétiser le projet. Face effacée a encore 120 mots, comme le texte original, 480 lettres, soit en moyenne 4 lettres par mot, et j'ai été jusqu'à donner pour valeur moyenne des lettres 4, une fois le texte transposé en F-A-C-E. Or 480 x 4 = 1920, nombre déjà associé à ma 4e récriture en 120 mots et 480 lettres.
J'ai vu il y a peu un de mes bandeaux "Prix Concourt", et je l'ai cherché pour le partager ici, sans succès, mais ceci m'a fait découvrir le premier roman de Mathews, Conversions (1960), que je voulais relire depuis que j'ai appris en écrivant ce billet qu'il s'inspirait en partie de La déesse blanche (1948), de Robert Graves. J'ai étudié ici la concomitance de son calendrier des arbres, en 13 mois de 28 jours, avec le calendrier pataphysique, pratiquement identique, créé en 1949.
Mon exemplaire de Conversions est une occasion, et j'ai été sidéré d'y trouver en dernière page deux calculs d'une main étrangère, la multiplication 26 x 15 = 390, et cette addition dont le résultat est 1920 !!!! 4 x 480, 4 x 4 x 120....
Un des premiers personnages mentionnés est Isidore Fod, et je m'intéresse aux Isidore dont la fête est le 4 avril. Le 4/4/1920 m'est particulièrement significatif, car c'était un dimanche de Pâques, qu'Eric Rohmer s'est attribué, faussement, pour jour de naissance.

Niki de Saint-Phalle a créé un Jardin des Tarots en Italie, où elle a conçu 22 immenses sculptures correspondant aux 22 arcanes.
Dans un livre associé, elle confie que la puissance des symboles du Tarot s'est manifestée à maintes reprises lors de l'entreprise, ainsi elle a conçu la sculpture associée à L'Empereur, lame 4, comme un palais dominé par une tour, mais lors de la construction la tour s'avéra mal conçue et instable, et Niki en fit la Tour de Babel, le nom qu'elle donne à l'arcane 16, la Maison-Dieu.
Dans le clip 3 des vidéos du site précité, elle imagine que l'arrêt de la construction d'une centrale nucléaire voisine, visible du Jardin, est en rapport avec son entreprise.
Le livre donne aussi un jeu de Tarots graphique, où je remarque qu'elle attribue aux lames leur correspondance "française" avec l'alphabet hébraïque, ainsi la Lune ci-contre correspond à la lettre Tsadé, attribuée à l'Etoile dans le Tarot Bota.
Incidemment, la porte du Jardin des Tarots est due à l'architecte suisse Mario Botta.

En googlant saint-phalle jarry j'ai découvert qu'un neveu de Niki était également artiste, Yom ou Guillaume de Saint-Phalle, et qu'il avait son atelier à La Jarry, un ancien garage de taxis à Vincennes.

J'ai quelques livres qui traînent à mon chevet, certains depuis pas mal de temps, et je me suis avisé il y a quelques jours que l'un d'entre eux était La révélation de l'ange, de Jacques Neirynck, en attente depuis décembre 2010. C'est le second volet de la trilogie Un pape suisse, dont j'avais lu le premier. C'est catho et verbeux, avec parfois des éléments intéressants, pas tant que ça faut-il croire puisque le premier opus ne m'avait guère motivé pour poursuivre.
La thématique angélique récente a suffi pour me faire lire le roman, d'abord paru en mars 1999 sous le titre L'ange dans le placard. C'est plutôt curieux car dans La cité des anges Seth, lorsque Maggie lui demande son nom complet, est pris au dépourvu et après un coup d'oeil alentour déclare se nommer Seth Placard (dans la version française).
Le film de Silberling est sorti en avril 1998 aux USA, et plus tard en Europe, trop tard me semble-t-il pour avoir pu influencer Neirynck dont la trilogie est parue à un rythme assez lent, de 1994 à 2003. Ce serait alors plutôt fabuleux, car son intrigue est centrée sur le scientifique rationaliste Michel Martin, mis en demeure de trouver des preuves scientifiques de l'existence de l'âme. Il ignore que sa femme Irina converse depuis peu avec un ange résidant dans son placard, Daniel...
Je rappelle que Seth correspond à Damiel dans le film de Wenders, que Neirynck a bien plus certainement vu en temps utile, Damiel étant vraisemblablement inspiré par Daniel (en hébreu dam signifie "sang", et la première manifestation de l'incarnation de Damiel comme de Seth sera la possibilité de saigner).
Irina cache donc un ange dans son placard comme d'autres cachent des cadavres ou squelettes. Je me suis demandé si l'expression "ange dans le placard" n'était pas typiquement helvétique, et une requête Google m'a mené à cette pièce d'un autre auteur suisse, dont le sous-titre est Un ange dans le placard.

Quoi qu'il en soit de la réalité de cette coïncidence avec le film de Silberling, je m'émerveille du cas d'Irina partagée entre son époux Michel et son ange Daniel, ces noms à première vue banals ne l'étant plus du tout dans un contexte angélique.
Ceci est lié aux trois versets successifs de 72 lettres d'Ex 14,19-21, parlant de "l'ange de Dieu" aidant les Hébreux à traverser la mer Rouge. Je n'ai pas trouvé d'étude "sérieuse" de cette affaire, le plus grand mystère de la Tora selon le Zohar, et ne peux donc livrer que les éléments de moi connus, détaillés ici et .
La tradition juive a formé 72 groupes trilittères à partir de ces 3 versets, selon un procédé d'une absolue logique, détaillés pour la première fois dans le Zohar au 13e siècle. A chaque groupe a été ajoutée une désinence en el ou iah pour former 72 noms d'anges.
La plupart des noms ne ressemblent à rien, sauf le 42e qui est Michel (ou Mikael plus conforme à l'hébreu), nom d'un des 4 archanges, mentionné dans la Bible, identifié ultérieurement à l'ange de Dieu de l'Exode.
Et le 50e Daniel, nom d'un prophète, précisément celui qui donne le nom du prince Michel (Da 10,13-21), seul ange nommé dans la Bible hébraïque. J'ignore si Daniel a pu être considéré comme ange antérieurement au jeu sur les versets de 72 lettres.

Mes pages précitées font déjà état de plusieurs coïncidences sur les nombres 72 et 216 et les noms Michel et Daniel.
Le héros de la quinqualogie des Anges et Dieux de Werber se prénomme Michael, et 26 des 72 anges (dont Michel et Daniel) se trouvent énumérés dans la section 216 des Thanatonautes, bien que Werber m'ait déclaré tout ignorer de l'origine de ces noms à partir des 216 lettres.
Le principal interlocuteur angélique des protagonistes des Silences de Dieu, de Sinoué, est Daniel.
Je remarque que Alinéa est, comme Damiel, à une lettre près l'anagramme de Daniel, et qu'on retrouve toutes ses lettres dans Lénine-Dada.

Bref c'est une affaire extrêmement complexe et, s'il est évident que Neirynck n'a pas donné par hasard au mari athée d'Irina le nom de l'ange le plus célèbre, je ne crois pas qu'il ait connu la présence simultanée de Michel et Daniel parmi la liste des 72 anges, d'origine quelque peu magique.

Neirynck fait évidemment penser à Meyrink, ce qui procèderait du plagiat par anticipation car Meyrink est le pseudo de l'autrichien Gustav Meier (1868-1932), alors que Neirynck utilise son véritable patronyme.
J'ai 4 des 5 romans de Meyrink, mais je n'ai jamais pu en achever un seul, malgré plusieurs tentatives. Le 5e et dernier étant L'ange à la fenêtre d'Occident, il m'a semblé devoir faire l'effort de le lire, effort méritoire car je n'ai pas réussi à entrer dans le roman, et il m'a semblé que le traducteur (non nommé dans l'édition du Rocher) n'y avait pas vu très clair non plus...
Enfin pour ce que je comprends, il s'agit d'une quête humaine vers l'état angélique, avec l'aide de cet "ange d'Occident" qui s'avèrera n'avoir de réalité que dans l'âme même du questeur, John Dee au 16e siècle, son continuateur John Roger (Müller) au 20e...
Ce ne me semble pas un hasard si la poursuite de la quête par John Roger ait été initiée par le legs d'un baron mourant, Michael Arangelowitsch Stroganoff (selon l'orthographe de l'édition originale allemande). Le nom Arangelowitsch semble signifier une origine "archangélique".
Je rappelle que la ville d'Arkhangelsk doit son nom à un monastère dédié à l'archange Michel, ce dont témoignent les armoiries de la ville.

Ainsi Meyrink comme Neirynck ont joué avec le nom Michel, mais il y a plus frappant encore, pourvu toujours de recourir à l'original allemand, où la principale aide à la quête angélique est apportée par un certain Theodor Gärtner, souvent appelé Theo (ce qui est apparu négligeable au traducteur).
Les personnages récurrents dans la trilogie de Neirynck sont la "sainte famille" de Fully, nom d'une réelle commune suisse, mais évoquant par l'anglais la complétude (full, fully, de même étymologie que le latin plenus). Ces de Fully sont les deux frères Théophile, souvent raccourci en Théo, et Emmanuel (nom du Messie selon Isaïe) qui est donc le "pape suisse" Jean XXIV, leur plus jeune soeur se nommant Colombe.
On y reconnaît aisément Dieu, le Fils et le Saint-Esprit.
S'il est assez banal de trouver des Théo dans des fictions spiritualistes, il l'est moins de trouver un Christophe Colombier, Christopher Taubenschlag dans l'original allemand, héros du Dominicain blanc de Meyrink, qui y déclare que ce nom s'est imposé à lui. Le nom le plus théophore évoquant Jésus est au premier chef Christophore, nom du géant qui aurait porté Jésus, ou ses diverses formes vernaculaires.

Au passage, ceci m'a fait découvrir l'origine commune du sanscrit purna, du latin plenus, de l'anglais full, de l'allemand voll. Je n'avais pas soupçonné cette parenté lorsque, dans un récent billet, j'avais comparé l'erreur de Jung sur le mot plenum au début du Livre Rouge à son inachèvement volontaire par l'omission de la lettrine de (A)ls alles in mir vollendet war (...)

Il faudrait sans doute parler des Dialogues avec l'ange, étonnant document qui, quoi qu'on en pense, existe en tant que livre, et relate 88 entretiens de cet "ange" avec 4 personnes, entre le 25 juin 43 et le 24 novembre 44, avec pour centre le 10 mars 44, au moment où Jung était entre la vie et la mort.
Sans entrer dans le contenu des Dialogues, je remarque qu'ils se déroulaient en principe tous les vendredis, avec quelques exceptions notables :
- le premier dialogue hors vendredi a eu lieu le 9 avril 44, le dimanche de Pâques clôturant la semaine du 4/4/44.
- le premier vendredi où l'ange ne s'est pas manifesté est le 30 juin 44, le jour de la mort de Haemmerli.

Et voici donc que c'est un Michel, Michael Fassbender (cercleur de tonneaux), qui incarne Jung à l'écran. Je remarque, en écho au couple Michel-Irina de Neirynck, que Tobie Nathan avait étrangement rebaptisé la femme de Jung Irena (au lieu d'Emma), alors que la plupart des autres protagonistes apparaissent dans Mon patient Sigmund Freud sous leurs noms réels.

J'ai décidé de remettre au prochain billet la plupart des multiples coïncidences numériques associées aux divers thèmes de ce billet, mais il y en a une que je ne peux omettre, car concernant son dédicataire JiBé, qui en comprendra la raison.
Si c'est bien Michel l'ange de Dieu qui a conduit les 600 000 Hébreux hors d'Egypte, Michel dont le nom apparaît fort bizarrement parmi les 216 lettres des "versets longs" Ex 14,19-21, il est curieux qu'il y ait eu un "Michel" parmi ces Hébreux, le premier Michel nommé par les Ecritures (Nb 13,13). Il s'agit de Mikael père de Setur, qu'une source traditionnelle juive (dont j'ai oublié la référence) donne comme exemple de personne mauvaise dont le nom est mauvais (parmi les 4 catégories déterminées par ces 2 critères).
Je ne pense pas que cet abaissement ait été motivé par la gématrie de Setur, 666, nombre qui n'est diabolique que dans la tradition chrétienne, où ce triple 6 est volontiers assimilé au cube de 6, 216, aussi je m'émerveille de la possibilité d'associer un Michel au satanique 666 alors que la récente affaire des lettres-notes diaboliques C-A-D-E m'avait fait évoquer Michel Cade, pataphysicien fondateur de l'association 813 (dont un membre actuel est Sébastien RUTES, renversement de SETUR).
J'ai ensuite découvert que j'avais un polar de Michel Cade-Lebrun, Attention au barracuda, qui se trouvait être le n° 666 de la collection Un Mystère. La relecture de cet honnête roman, de construction ingénieuse, ne m'a d'abord pas paru justifier de commentaire.
Mais voici ce Setur 666 fils de Mikael, et le Mystère 666 dû à un autre Michel est fabuleux car Setur vient de la racine satar, "cacher", souvent citée dans l'étymologie de "mystère", notamment ici par Malherbe.
D'autres vont beaucoup plus loin, comme René Guénon qui associait le Seth biblique au Seth égyptien, ainsi qu'au substantif setur, "chose cachée", et au démon Sorath (formé des mêmes lettres), vu comme l'opposé idéal de l'archange Mikael...
Il semble que Guénon n'ait pas pris garde au verset donnant Setur fils de Mikael. Quant à Sorath, c'est un nom forgé par Agrippa pour correspondre à la numérologie 666 du carré du Soleil, de même que Zazel = 45 pour le carré de Saturne, rencontré à propos de L'effaceur. Tous ces noms forgés par Agrippa relèvent bien entendu de la fumisterie, mais ce n'est pas parce que la Bible est plus ancienne que son authenticité en est plus sûre, et à mon humble avis il suffit d'examiner (par exemple) la liste des noms donnés en Nb 13 pour en déduire que le scribe responsable manquait quelque peu d'imagination.

Pour revenir à Michel Lebrun, le "pape du polar" s'est donné un nom en 6-6 lettres. Il est né en 1930 (le 2 avril), comme Harry Mathews et Niki de Saint-Phalle, et est mort le 20 juin 1996, à 66 ans...

3 janvier : Le billet achevé, je me suis couché hier avec Conversions, dont j'ai lu quelques chapitres. En tentant ensuite de m'endormir, l'affaire des noms Michel et Daniel continuait d'accaparer mon esprit, et il me vint ensuite une illumination dont je ne suis pas fier, puisqu'elle aurait pu me venir il y a maintes années, si je n'étais aussi obtus.
Ce "mystère des mystères", sitra disitrin dans la langue du Zohar, touche donc les 42es et 50es lettres des versets Ex 14,19-21, or la "plus grande énigme du Coran", à mon avis, touche les Sourates 42 et 50, les seules préfixées par la lettre Qaf, 19e lettre de l'alphabet abjad, initiale de Quran, et qui comportent chacune 57 lettres Qaf, bien que la seconde soit deux fois plus courte que la première. Ceci fait partie de tout un ensemble de spéculations autour des multiples de 19 dans le Coran et des Sourates préfixées, mais après vérifications diverses seul le cas Qaf s'avère totalement fiable.
Je connais ces deux énigmes depuis plus de dix ans, mais un fond rationaliste compartimentant mon esprit m'avait empêché jusqu'ici de les rapprocher. Que Mathews intervienne ici est encore ahurissant, car ma 3e récriture de Sainte Catherine était inspirée par la gématrie 5757 des 491 lettres de l'alinéa de Mathews, qui m'avait rappelé les 57+57 lettres Q des Sourates 42-50. Comme l'alinéa contenait 8 lettres Q, j'en avais isolé un pour faire le titre, calquant la Sourate 50 titrée Qaf, et réparti les 490 lettres en 14 vers de 35 lettres et 44 espaces typographiques formant 7 couples Question/Réponse débutant chacun par Q.
A propos de Question/Réponse, il est curieux de constater à quel point ce verset calligraphié en écriture coufique dans un carré de 19 x 19 ressemble à un actuel code QR (Quick Response).
Il est hors de question d'examiner ici tous les tenants et aboutissants des Sourates préfixées, mais voici un détail inouï : la Sourate 42 fait aussi partie d'un ensemble préfixé Ha-Mim, lettres 8-13 de l'alphabet abjad correspondant à nos H-M, initiales de Harry Mathews.
Par ailleurs mon "Prix Concourt" avait une réalité dans mon roman, c'était un ensemble de 60 questions sous forme de poème préfixé inspiré par le Coran. Le comptage des lettres préfixées A.L.N. menait à 666 pour l'ensemble du poème, titre compris.