30.9.23

Auf der Heide...

à Jean & Erica

  30 septembre. Erica fêterait ses 81 ans aujourd'hui, si elle n'était décédée en février dernier.

  Erica Freiberg a été pendant 48 ans la compagne de Jean Ricardou, et l'oeuvre de celui-ci n'aurait pas été ce qu'elle a été sans Erica, si tant est qu'il y eut une oeuvre, car Jean, sous des dehors exubérants, cachait une âme tourmentée, aux fréquentes tendances suicidaires.

  Erica a relaté dans Les mots dits sa relation avec Jean. Elle ne souhaitait pas publier ce texte, mais en a donné des extraits sur son site.
  On y apprend que leur relation a débuté par une coïncidence. En 1963-65, la jeune Américaine était étudiante à Genève, elle écrit:
  Un article lu par hasard dans la revue Critique, "Un ordre dans la débâcle", d'un certain Jean Ricardou, me passionne, et je décide de consacrer mon mémoire de licence à ce jeune critique littéraire. Cependant, lorsque je demande à mon professeur de littérature française, Jean Starobinski, s'il veut bien diriger mes travaux, il décline en disant: "Mais non, c'est un petit mathématicien sans intérêt." Avait-il entendu "Ricardo"? Je ne l'ai jamais su, mais je consacre mon mémoire de licence à Hegel et Yves Bonnefoy.
  C'est dans l'article en question, in Critique n° 163 (1961), qu'apparaît l'expression "foyer d'irradiation sémantique", qui fera florès. Erica vient ensuite à Paris, comme Jeanne Hersch, une de ses profs à Genève:
  Jeanne Hersch, qui avait été nommée directrice de la Division de Philosophie à l'UNESCO à Paris en 1966, et avec qui j'étais restée en contact, me dit alors: "Je connais quelqu'un que vous pourriez contacter pour votre thèse de troisième cycle, mais il faudrait d'abord que vous lisiez son livre, La prise de Constantinople. C'est de loin ce qui se fait de mieux aujourd'hui. Lui, c'est un petit taureau, mais il pourrait vous intéresser". Le numéro de téléphone qu'elle me donne est celui de Jean Ricardou.
  Nous nous rencontrons au Rouquet, Boulevard Saint-Germain, le 26 mai 1967.
  Cette rencontre, où, pour se faire reconnaître, Erica avait posé sur la table du café un exemplaire de La prise de Constantinople, donne son fonds biotextuel à la nouvelle L'art du X (1983), un texte essentiel commenté dernièrement ici. Erica est loin d'être absente des rares dernières fictions de Jean, notamment de la plus longue, Révélations minuscules, en guise de préface, à la gloire de Jean Paulhan (1988), prétendument écrite par la soeur de Jean, Noëlle Riçoeur. L'autre long texte de 1988 est Le lapsus circulaire, inspiré par le mythe d'Icare (Icare-Erica), disponible ici (pour l'instant).

  Je connais depuis longtemps le nom de Jeanne Hersch, dont j'ai paraphrasé le titre Eclairer l'obscur par mon Obscurcir Leblanc en 1997.
  Mes préoccupations récentes m'ont fait chercher l'origine du nom Hersch, et, comme je le subodorais, c'est une forme yiddish de l'allemand Hirsch, "cerf".
  Ainsi, la rencontre entre Jean et Erica s'est faite par l'intervention providentielle d'un (une) "Cerf", et j'apprends ceci cette année marquée par trois coïncidences majeures "cerf", le physicien Nicolas Cerf en janvier, le mot hébreu צבי, zvi, "cerf", apparu miraculeusement au moment où il occupait mon esprit, en juillet, puis des prolongements avec les mots anglais stag et red deer, en août.

  Le billet d'août débutait d'ailleurs par un Hirsch sculpté par Hans Arp, mais je n'ai pas pensé alors à l'acteur Robert Hirsch, que je ne suis pas sûr d'avoir vu ailleurs que dans Pas question le samedi, film vu en famille en 1966.
  Je ne sais si Alec Guinness a été inscrit dans le livre éponyme des records pour ses 8 rôles dans Noblesse oblige, mais Hirsch a peut-être songé à le détrôner avec 13 rôles allégués dans ce film.
 

  J'ai eu la curiosité de revoir le film, qui n'a pas trop mal vieilli, et dont une particularité est le générique affichant tour à tour 9 Hirsch:
Robert, Haïm, Freddy, Freda, Hans, Carlo, Zvi, Léon, Archibald mac
  Les 13 rôles sont discutables, car sur la pochette ci-dessus on voit 5 fois le chef d'orchestre Haïm Silberschatz, à différents âges. Les autres sont ses 6 enfants, deux d'entre eux apparaissant deux fois (l'Allemande Freda se fait passer pour Hans, le Français Léon est un cambrioleur recherché qui se déguise en arabe).
 
  Il y a un écho avec le billet précédent, Le grand Ailleurs, car le début du film montre un VSCD, ou vécu subjectif de contact avec un défunt: Haïm Silberschatz à l'article de la mort voit son père Yonkel lui apparaître, et lui demander de faire un nouveau testament, léguant sa fortune aux enfants qu'il a semés de par le monde pendant sa carrière, à la condition qu'ils soient mariés et s'installent en Israël d'ici 30 jours.
  A ce vécu subjectif s'ajoute une touche d'humour objectif, comme disait André Breton, car Yonkel était tailleur ("était ailleurs", et je n'avais pas pensé à cette possibilité en choisissant le titre Le grand Ailleurs, inspiré par Le grand nulle part de James Ellroy).

  Une partie du l'épreuve est facilitée par le fait qu'un des fils est marié et vit déjà dans un kibboutz, Zvi ("cerf", joué donc par "Zvi Hirsch", "cerf cerf"),
 

mais il n'est pas intéressé par l'argent (Silberschatz signifie "trésor d'argent"), et ne considère pas Haïm comme son père....

  Un autre écho, en partie prémédité, avec le billet précédent, est arrivé avec la découverte dans les rayons de la médiathèque de Vinon de La deuxième vie d'Amy Archer (2013), de R.S. Pateman.
  Amy, la fille de 10 ans de Beth Archer, a disparu le 31 décembre 1999. 10 ans jour pour jour plus tard, une certaine Libby Lawrence vient la voir, avec sa fille Esme, conçue le 1er janvier 2000, et qui depuis le plus jeune âge se dit avoir une autre mère, la vraie, Beth Archer, et de fait Esme semble connaître les plus infimes détails de la vie d'Amy.
  Alors c'est bien sûr parce que ce genre d'histoire m'intéresse que j'ai emprunté et lu le livre, mais la réelle coïncidence est un écho avec le billet précédent Le grand Ailleurs, consacré au X, au chiasme. J'y écrivais:
  Le X est la croix de Saint-André, et les auteurs à lire en diagonale ont parfois recours pour les noms de leurs personnages à des mots évoquant la pièce qui se déplace en diagonale, le fou, l'évêque, l'archer.
  Le fou des échecs est ainsi appelé en anglais bishop, ou archer. Le symbole du fou dans les diagrammes d'échecs est une mitre d'évêque, . Alors la curiosité c'est qu'Amy Archer avait une amie intime en 1999, Dana Bishop. Aucune allusion au jeu d'échecs n'apparaît dans le roman.
  Mais Dana Bishop y joue un rôle essentiel, car Beth découvre qu'elle a vécu avec Libby et Esme sous le nom Henry Black (the black bishop est le fou noir des échecs). Beth en conclut qu'elle a été victime d'une arnaque, et prévient la police...
  Mais il y a un second retournement. Dana Bishop s'était rapprochée des Lawrence car elle avait rencontré Esme par hasard, et avait reconnu en elle Amy. Et Esme, "réelle réincarnation" d'Amy, peut révéler des choses que n'aurait pu connaître Dana, comme l'endroit où Amy a été enterrée.
  Un autre indice que Dana n'a pu communiquer à Esme est ce qu'avait éprouvé Amy en dévalant en skate les tunnels de la station Elephant and Castle. Le nom de la pièce des échecs "fou" vient d'un mot persan signifiant "éléphant", et l'un des noms anglais de la tour des échecs est castle.
  Au moment où j'écris ceci, Le masque et la plume parle du dernier roman de Mathias Enard, dont j'avais apprécié Zone, ce qui me fait consulter sa bibliographie, et découvrir Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants.
  Un autre retournement conclut La deuxième vie d'Amy Archer...
 
  S'il est dit que Esme est un prénom proche d'Amy, il ne l'est pas que les prénoms pourraient avoir la même étymologie.
  Par ailleurs les prénoms des mères, Beth et Libby, sont deux diminutifs d'Elizabeth.

   Fou noir, échecs, X, Ricardou... Ricardou a construit son roman Les lieux-dits (1969) comme un échiquier, en 8 chapitres de 8 sections chacun. 
  Les 8 noms des lieux-dits sont tels que le quatrième lieu, BELCROIX, apparaît aussi dans la diagonale dextro-descendante.

  Le X de la croiX, le X au coeur du teXte, était essentiel pour Ricardou, lequel a déploré, le roman achevé, en cours de dactylographie par Erica, que l'autre diagonale, ERBRDAAM, ne veuille rien dire.
  Erica a remarqué que, dans l'autre sens, MAADRBRE se réarrangeait aisément en MAD ARBRE, ce qui trouvait sens dans le roman où l'un des deux protagonistes essentiels était Olivier Lasius, Olivier un nom d'arbre pour évoquer la couleur verte, le vert olive, et Lasius nom d'un genre de fourmi noire, dont l'espèce Lasius alienus était mise en avant, car cet Olivier était fou, échappé d'un asile, ce qui permettait à Ricardou l'anagramme asilus alienus (un jeu oulip-ien (lasius signifie "poilu")).
  J'ai repéré en 2012 qu'au centre de la grille apparaissaient les lettres RCRD, consonnes de RiCaRDou et j'ai alors pensé que c'était intentionnel, de même que MAD ARBRE, auquel Ricardou faisait allusion dans Le théâtre des métamorphoses, brièvement consulté. J'avais un a priori négatif envers Ricardou, et n'ai donc pas cherché à le contacter.

  J'ai surmonté en 2018 cet a priori pour lire attentivement diverses oeuvres de Ricardou, et découvrir sa communication Roman: des inventions par l'imprévu, où il révèle que la diagonale MAADRBRE était imprévue, mais se garde de préciser qu'elle lui a été révélée après l'écriture du roman par un tiers, en fait une tierce. En tout cas il était clair que les lettres RCRD au centre de la grille étaient inconnues de Ricardou. Il était trop tard pour le contacter, mais j'ai pu joindre Erica qui m'a appris son rôle pour MAADRBRE, et bien d'autres choses...
 
  Il s'en est suivi ma communication au colloque de Cerisy en 2019, où je remarquais aussi que Ricardou n'avait pas pointé que le MAAD était dans la grande diagonale du fou.
  Il me semble important de préciser aujourd'hui que c'est la diagonale du fou noir, sans que je sois en mesure d'en évaluer exactement l'importance.
  Le bilinguisme MAD-FOU peut être rapproché de la ressemblance BLACK-BLANC, à laquelle peuvent faire penser les lettres BELC...
  En vis-à-vis de MA(A)D apparaît en clair le nom d'une autre pièce d'échecs, ROI(X)...
  J'ai étudié ici la coïncidence entre le parcours du cavalier dans La vie mode d'emploi, et dans la dernière étape du décodage du Grand Parchemin de Rennes-le-Château: dans les deux cas le point de départ est la case 6/6, le palier de Bartlebooth dans le premier, la lettre B dans le second. Un détail fourni par Caradec m'a donné à penser que des oulipiens auraient été mêlés à ce canular.
  La case 6,6 de l'échiquier des Lieux-dits est occupée par un B... La seule autre lettre commune est le X en 8,1, X de PAX, "paix", dans le cryptogramme, X de BELCROIX chez Ricardou, lequel indique que BEL y signifie "guerre"...
 
  Erica avait consacré ses dernières forces à l'Intégrale Jean Ricardou, dont 7 volumes sont parus, un 8e (et probablement dernier) devant paraître en 2024.
 




22.9.23

le grand Ailleurs

à C.E. & CE

  Une analogie d'abord.
  Le dérèglement climatique est aujourd'hui une certitude, comme le fait qu'il soit essentiellement dû à l'activité humaine. S'il y a néanmoins toujours des gens pour le nier, de diverses façons, il y a aussi diverses façons de l'admettre, et de multiples comportements découlant de cette acceptation:
- certains, qui avaient auparavant une attitude écoresponsable, vont estimer que ça n'en vaut plus la peine, et compenser leurs restrictions passées par une débauche d'énergie;
- certains vont ne rien changer;
- certains vont faire des efforts pour diminuer leur empreinte carbone, à des degrés divers;
- certains vont s'investir à fond dans l'activisme écologique, et là encore les options sont multiples...

  Si la question climatique est importante, il en est une encore plus essentielle, The Question, celle de l'Être, de la Réalité, de la Conscience...
  Or, dans ce domaine aussi, les dernières décennies ont apporté des informations cruciales, que chacun devrait connaître avant de se risquer  à un avis sur La Question.

  D'abord, il faut rappeler que toute information procède de la conscience, en principe subjective, et qu'employer le terme "objectivité" est un parti pris nécessaire, sans lequel tout discours serait inutile.

  Deux livres français importants sont parus en 2022, et je commence par Cette vie... et au-delà, du psychiatre Christophe Fauré.
  Fauré était l'invité de Sous le soleil de Platon le 18 août dernier, où il exposait comme dans son livre l'état actuel des recherches sur les Expériences de Mort Imminente (EMI, NDE) et phénomènes apparentés, recherches qui sont passées au stade universitaire aux USA, et font l'objet de publications dans des revues "sérieuses", comme The Lancet.
  Je m'intéresse à la question depuis longtemps, ayant connu quelques expériences analogues, et j'étais donc déjà convaincu, mais je le suis bien plus après la lecture de ce livre, au point qu'il me semble inconcevable que quiconque puisse encore nier les aspects déroutants des EMI (et pourtant il y a toujours des négateurs, de même que des climatosceptiques).

  C'est que, parmi les millions d'expérienceurs (12% parmi les réanimés, soit déjà 2 millions aux USA), il en est des centaines, des milliers, qui "reviennent" avec des informations qui ne peuvent avoir été acquises de façon normale.
  Ceci concerne souvent l'autoscopie. Juste après un accident, ou pendant la réanimation, la conscience "voit" de haut le corps dont elle est issue. Je n'ai pas de peine à l'accepter car j'ai connu à 21 ans cette expérience, hors de toute circonstance traumatique; elle m'était apparue comme une hallucination.
  Mais des expérienceurs rapportent des détails précis sur des incidents survenus alors qu'ils étaient en état de mort clinique. Dans certains cas, la conscience désincarnée s'éloigne du lieu où git son corps, et va par exemple visiter d'autres secteurs de l'hôpital, la personne réanimée donnant ensuite des précisions inouïes.

  Un aspect courant des EMI est la "rencontre" de l'expérienceur avec des proches décédés, or, parmi la multitude des cas, certains concernent des décès ignorés de l'expérienceur, soit qu'il s'agisse de morts récentes, soit de secrets de famille.
  Je rappelle que lors de son EMI de 1944, presque un modèle du genre à une époque où le phénomène était inconnu, Jung a rencontré son médecin Haemmerli dans l'Ailleurs, et qu'il a eu l'intuition que ce pouvait être un signe funeste. Haemmerli informé en a ri, s'est déclaré en parfaite santé, mais est tombé malade au moment où Jung était jugé tiré d'affaire, et est mort au moment où Jung quittait l'hôpital...

  Il y a d'autres curiosités, comme les aveugles de naissance qui découvrent la vision lors de leurs EMI...
  Si l'EMI est aujourd'hui un phénomène connu de tous, sauf des enfants en bas âge, et que cela pourrait influencer les témoignages, les EMI d'enfants en bas âge sont analogues à celles de leurs aînés.

  Chaque cas extraordinaire mériterait d'être cité, mais il y en a tant. Et c'est leur abondance, ainsi que le sérieux des études, qui montrent qu'il se passe "quelque chose".
  Les milliers de cas attestant que l'expérience n'est pas uniquement subjective montrent qu'il en est probablement de même pour les millions de cas où les expérienceurs n'ont pas rapporté de leurs EMI des éléments vérifiables.

  Si l'éthique interdit de provoquer volontairement des EMI, le phénomène est fort proche de l'OBE, ou EHC, Expérience Hors du Corps. J'ai eu une OBE à 19 ans, que j'ai longtemps occultée tant elle était alors dérangeante. Je pensais l'avoir déjà relatée sur Quaternité, mais je n'en trouve pas trace. J'y reviendrai plus loin.
  Certaines personnes se disent familières du phénomène, sinon pouvoir le provoquer à leur gré. Ceci pourrait se vérifier par les expériences de vision à distance, menées par divers parapsychologues, dont les résultats sont rejetés, ou ignorés, par la science "officielle".
  Le récent Voyage aux confins de la conscience (2016) de Sylvie Dethiollaz étudie le cas de Nicolas Fraisse. Charlatan? Expérimentateurs naïfs? Serait-il possible d'établir un protocole permettant de vérifier les formidables allégations de ce livre? Et ce n'est encore qu'un cas parmi une multitude.

  Christophe Fauré étudie aussi les "souvenirs de vies antérieures". Là encore les cas sont multiples, et je ne cite que celui d'un garçon de 3 ans qui dit se nommer James Huston et avoir été un pilote abattu lors de la bataille d'Iwo Jima, avec d'autres précisions vérifiées par le pédopsychiatre Jim Tucker qui en conclut:
Face à tant de preuves, l’explication la plus évidente est que le petit James a, avant cette présente vie, vécu une existence en tant que James Huston.
  J'ai déjà parlé de ce cas dans Etranges échanges, où je livrais mes réticences sur la réincarnation, hypothèse simpliste. L'inconscient collectif, concept jungien, rend aussi compte de ces phénomènes.

  Fauré étudie aussi les EFV, Expériences de Fin de Vie. Jusqu'à 80% selon les études, les personnes en fin de vie connaissent des états particuliers, jadis pris pour des hallucinations. C'est le plus souvent un sentiment de présence de proches décédés.
  C'est aussi la "lucidité terminale", où un mourant très diminué se voit recouvrer ses facultés intellectuelles. Une des dernières paroles, sinon la dernière, de ma femme, assommée de morphine, a été "Je sais ce qui m'arrive."
  Un autre cas est les expériences de mort partagée, où les proches assistant un mourant partagent certains éléments de son EMI.
  Ceci a été particulièrement étudié par Raymond Moody, celui qui a révélé au grand public le phénomène de l'EMI avec Life after life (1975).
  Après avoir évoqué la "réincarnation", je rappelle que Moody est né le 30 juin 1944, le jour de la mort de Haemmerli, le docteur qui n'avait pas pris au sérieux l'EMI de Jung.
  Ceci me semble un peu parallèle à l'enquête de Stéphane Allix dans Lorsque j'étais quelqu'un d'autre (2017), où il se découvre être la réincarnation d'un officier SS mort sur le front de l'Est en 1941, antithèse de sa personnalité présente.

  Fauré obéit à la quaternité avec l'étude d'un quatrième phénomène, les VSCD, ou vécus subjectifs de contact avec un défunt.
  Là encore l'abondance des cas est effarante, car le phénomène toucherait près de 50% des personnes en deuil, sous de multiples formes.
  Il s'agit souvent d'un simple ressenti, mais le phénomène peut avoir des manifestations physiques, ou livrer des informations vérifiables. Ainsi, comme dans les EMI, les proches morts très récemment peuvent se manifester, en-dehors de toute connaissance d'un état critique, parfois à l'instant même de leur décès.
  Ce ne sont pas obligatoirement les proches qui sont concernés, et les contacts peuvent concerner de parfaits inconnus, dans des récits fort proches des histoires de fantômes.
  Jung relate dans Ma vie... un cas personnel que j'ai repris ici. Un voisin récemment décédé de Jung lui apparaît, et l'invite à le suivre en imagination chez lui, où il lui désigne un livre précis dans sa bibliothèque. Jung va voir la veuve, et demande à voir la bibliothèque, où il n'a jamais mis les pieds. Elle est bien celle de sa vision, et le livre désigné a un titre significatif.
  Jung commente: Si ça ne prouve rien, ça donne à penser.
  Effectivement.

  De même, Fauré admet que la multitude des cas étudiés ne prouve aucune hypothèse, mais elle est suffisante pour l'avoir convaincu d'une continuité de la conscience après la mort.
  C'est certes tentant, et le livre est remarquablement argumenté en ce sens, mais j'ai deux remarques...
  Les manifestations physiques lors de certains VSCD (contacts avec un défunt) semblent aussi bien documentées, et ne sont pas contestées par Fauré, mais il n'en est plus question dans la conclusion, et ceci va bien au-delà du problème de la conscience.
  L'actualité s'en mêle, avec un témoin de marque, Amélie Nothomb (no tomb!), dont le dernier livre, Psychopompe, est autobiographique. Elle y confie que son défunt père communique avec elle, avec parfois des manifestations physiques.
   Une citation de son livre:
  De tels phénomènes, chacun les interprète à sa manière. Ce qui me frappa, ce fut la certitude de ceux qui y voyaient de l’autosuggestion.
  Ainsi, lors du Sous le soleil de Platon, Michel Onfray assène sa certitude que la conscience s'éteint avec la vie. Est-il déjà mort pour afficher cette outrecuidance?

  Enfin Fauré déclare avoir limité son étude à quatre phénomènes, et s'en justifie de manière convaincante, mais voilà: peut-on tirer une conclusion valide d'une analyse limitée?
  Précisément, l'autre livre signalé au départ cite Stanley Krippner:
  Chaque fois qu'on est près de comprendre quelque chose dans le domaine du paranormal, quelque chose de nouveau se manifeste pour remettre tout à plat et nos espoirs à zéro.
  Cet autre livre, c'est Phénomènes, recueil d'essais de divers chercheurs, chapeauté par Laurent Kasprowicz et Romuald Leterrier.
  Ici, l'ensemble des phénomènes zarbis est étudié, tant que faire se peut en 360 pages, avec une approche commune: l'intervention du trickster, l'archétype malicieux qui semble s'ingénier à égarer toute recherche par l'aberrant ou le ridicule.
  La préface essentielle de Bertrand Méheust est accessible ici dans son intégralité.

  J'ai eu affaire au trickster dès mes premières recherches dans la Bible hébraïque, ce qui me faisait dire à qui voulait m'écouter: "ça" se fout de nous. Plus tard, le motif 5-13 trouvé chez Rabelais m'a conduit à le baptiser l'éon Napol (AO/NPL = 15/39 = 5/13 dans l'alphabet d'alors).
  Bref, chaque fois que je me suis senti proche d'une découverte littéraire qui me procurerait une certaine reconnaissance, il est arrivé quelque chose qui réduisait à néant la possibilité d'en rendre compte honnêtement.

  Car les milieux "autorisés" exigent un cadre normatif où insérer les faits, et je soupçonne que bien des théoriciens établissent leurs thèses en omettant, plus ou moins consciemment, les faits dérangeants. Lors de mon début de 3e cycle dans un labo de chimie du CNRS en 1971, je me suis aperçu que la "science" était loin d'être aussi rigoureuse que je me l'imaginais, et que les bizarreries non répétitives étaient ignorées.

  Un fait illustre parfaitement la différence d'approche entre Cette vie... et Phénomènes, où une même étude est commentée. Le Dr Janice Holden a étudié 93 cas d'EMI où l'expérienceur a décrit sa réanimation, vue "de l'extérieur" par sa conscience décorporalisée. 86 témoignages sont entièrement corrects, 6 contiennent des erreurs, 1 est complètement erroné.
  Fauré comme Holden utilisent l'approche scientifique usuelle pour estimer l'étude fortement en faveur de la conscience indépendante du corps, tandis que Sharon Hewitt Rawlette, dans sa collaboration à Phénomènes, pointe sur les erreurs:
Comment expliquer que des éléments faux soient rapportés par les expérienceurs?
  De même, lorsque l'équipe du projet Blue Book déclarait Circulez, y'a rien à voir après avoir annoncé qu'elle pouvait expliquer 95% des cas d'observations d'OVNIs, Jacques Vallée pointait que l'essentiel, c'étaient les autres 5%, ce qui représentait tout de même des centaines de cas.
  Les choses ont tout de même évolué, et des instances officielles admettent aujourd'hui de nombreux cas inexpliqués.

  Phénomènes est donc un livre essentiel à mon sens, mais je doute qu'il change beaucoup les choses, car Human kind cannot bear very much reality, comme disait St Eliot, et personne n'a envie d'accepter que la réalité soit truquée, à moins de l'avoir soi-même expérimenté, et d'avoir pleinement intégré cette expérience.
  L'idée de la continuité de la vie après la mort terrestre est bien plus tentante... mais elle n'est pas exclue, bien au contraire, par l'approche jungienne, selon laquelle la "réalité" doit demeurer un mystère, d'où l'intervention du trickster (lui-même fort mystérieux).

  Les rationalistes purs et durs auront tôt fait d'avancer que certains des phénomènes étudiés dans Phénomènes sont douteux, sinon charlatanesques, pour en conclure à la nullité de l'ensemble.
  Il me semble plutôt que, parmi la multitude des phénomènes zarbis, il suffit qu'un seul soit avéré pour faire s'effondrer le paradigme matérialiste. 

  Si j'ai un "don" particulier, c'est celui de découvrir des harmonies cachées dans des créations diverses, essentiellement littéraires. C'est pour moi quelque chose d'apparenté aux bizarreries étudiées dans Phénomènes, mais il s'y ajoute une certaine beauté intrinsèque, hélas pas forcément perceptible par tous.
  Le 19 septembre, passant en revue mes multiples découvertes, il m'est revenu une touchant au langage lui-même, avec les huit premiers nombres de Fibonacci exprimés en anglais, offrant ce chiasme:
ONE+ONE+TWO+THREE+FIVE+EIGHT = 13x21
1x1x2x3x5x8  = THIRTEEN+TWENTYONE
Vérification sur le Gématron.
  Je l'ai aussi écrit ainsi:
1+1+2+3+5+8 = 13x21 (=273)
1x1x2x3x5x8  = 13+21 (=240)
  Ce n'est qu'en y repensant, plus de 8 ans après la découverte, qu'il m'est venu un dessillement. La somme des huit premiers nombres de Fibonacci est 273+240, soit 513, or j'ai baptisé mon trickster personnel Napol, à partir du motif 5-13 rencontré chez Rabelais, or le motif fait aussi coïncidence dans le langage, grec cette fois.
  Les nombres 30 et 78 apparaissent à diverses reprises chez Rabelais, avec finalement les 108 "degrés tétradiques" menant au Temple de la Dive, correspondant au double de la "psychogonie de Platon", soit le lambda pythagoricien formé des premières puissances de 2 et 3.
(1+2+4+8) / (3+9+27) = 15/39 = 5/13,
or la lettre Λ utilisée pour cette représentation se lit Λαμβδα, avec selon les valeurs des lettres grecques
Λ/Λαμβδα = 30/78 = 5/13.
PANURGE (=78) est saisi de terreur en arrivant à la 78e marche des escaliers.
  Jung, à la suite de Rudolf Otto, évoque souvent la terreur devant les mystères divins, la Bible aussi (terribilis est locus iste).

  En parlant plus haut de "pleinement intégrer une expérience zarbi", je pensais à moi, et plus particulièrement au cas Elleswer. Dans le billet éponyme, je citais ce rêve du 4 août 2009:
Je lis la revue Elleswer n° 29. J'y trouve une coïncidence dans un poème contraint.
  La seule certitude* était ce titre, la maquette de la revue rappelait fortement celle de Planète, et je me suis procuré le Planète  n° 29.
*en note: ma certitude du titre, ça m'étonne! (d'après un palindrome d'Alain Hupé)

  Je ne vois pas comment j'aurais pu savoir que elleswer était une vieille forme de elsewhere, "ailleurs", or un article du Planète concerne la maison de Guernesey de Victor Hugo. Il y est question de la formule qu'il avait gravée sur un étrange meuble de sa maison, la Chaire des Ancêtres: Hic nihil, alias aliquid. "Ici rien, ailleurs quelque chose".
  Ci-contre la Chaire, dans la salle à manger de la maison.
  J'avais bien sûr apprécié la coïncidence en 2010, mais je n'avais pas souligné que j'avais découvert cette formule significative grâce à un "ailleurs" venu d' "ailleurs"...
  J'avais peut-être cherché en 2010 des harmonies dans les quelques vers de Hugo donnés dans Planète. Je me suis aussi penché sur diverses études voyant des schémas numériques dans ses oeuvres, sans y trouver d'intérêt, mais en 2012 Robert Rapilly a fait une magnifique trouvaille: avant le fameux premier vers des Contemplations, "Ce siècle avait deux ans, ...", Hugo avait écrit un quatrain, qu'il a biffé, et ce quatrain avait pour valeur 1802.
  Ce quatrain concernait le "guerrier suprême", Napoléon, et c'est évidemment avec cette arrière-pensée que j'avais jadis forgé "éon Napol".

  Ailleurs... J'ai depuis 40 ans Les Yeux géants, de Michel Jeury, dans la collection Ailleurs et Demain, roman d'ailleurs initié par les recherches de Bertrand Méheust (préfacier de Phénomènes).
  J'en ai parlé récemment ici, avec diverses citations dont celle-ci:
C’est que nous ne savons pas encore ce qu’est la réalité; et quand nous le saurons, nous découvrirons sans doute que sa nature nous interdit également toute certitude.
  Je me suis demandé quel était le n° 29 de la collection Ailleurs et Demain. Elle n'était pas numérotée, mais selon les ordres de parution, ce serait Zone Zéro, de Herbert Franke (1973).
  Il n'y en a pas eu d'autre édition papier. J'ai trouvé un e-book en ligne, et c'est un très curieux roman, où la question de la réalité est déjà au premier plan. Quelques citations: 
Le système était sur le point – mais nous ne le savions pas encore à l’époque – de porter l’évolution sur le plan de l’information pure.

Calculs infinitésimaux, simulations, modèles… Le moment vient où ils remplacent la réalité, le présent, l’avenir.

Ce qui vous tient lieu de passé, c’est ce qui est engrangé dans votre mémoire. Les souvenirs qui vous servent de référence dans votre vie présente. La question n’est pas de savoir si les références sont vraies ou si elle sont fausses. En revanche, il importe qu’elles soient efficientes, c’est-à-dire sûres et utiles.

Vous aviez donc perdu tout espoir de retrouver vivants vos camardes ?
  La dernière est évidemment une coquille, la seule que j'ai repérée, peut-être déjà présente dans l'édition d'origine, en tout cas j'ai retrouvé la citation ici (non créditée). L'accolement de "vivants" et "camardes" m'évoque mes récents développements sur mon rêve "1La vie 2mortelle".

  Mon OBE, brièvement. Après avoir marché près d'une heure par une nuit froide, sans doute pendant l'hiver 1969-70, j'ai pris mon pouls qui était curieusement bas. Couché, je me suis senti entraîné à grande vitesse, dans un bourdonnement intense. Puis ça a ralenti, le bruit s'est atténué, jusqu'à mon arrivée dans un lieu noir, où je flottais dans le vide, conscient néanmoins d'une présence. Une voix formidable a retenti, dans une langue inconnue dont je comprenais cependant le sens: "Je ne suis pas ce que l'on croit."
  Ce souvenir est une reconstruction, car j'ai longtemps fait l'impasse sur cette expérience qui me dérangeait profondément, après m'être débarrassé de l'éducation catholique inculquée par mon entourage.




  Lors de la lecture de Cette vie..., j'ai tenté de visualiser ma conscience sortir de mon corps, sans succès...
  J'ai cependant fait un rêve étrange, dans la nuit du 28 au 29 août.

  Une jeune femme, du nom de Eau, disait m’avoir connu dans son « premier caractère », ce qui me semblait signifier sa première incarnation. Elle disait avoir eu une fille avec moi.
  Il était assigné à chacun une image pixellisée, du genre de celles expérimentées alors sur la liste Oulipo, dont j'ai donné quelques exemples dans les billets récents.
   J’ai vu quelque chose fort proche de ceci, sans me souvenir qui ça concernait.

  A peu près réveillé, je me suis dit que character en anglais signifie « personnage », « rôle », mais aussi « lettre », et que FIRST CHARACTER a 14 lettres, de quoi inspirer un sonnet acrostiche.
  Je n’ai pas respecté l’image de départ, devenue ceci, parce qu'il est difficile d'écrire un alexandrin de valeur 256. Il m'a semblé qu'elle pouvait exprimer l'idée d'une âme se ramifiant en plusieurs réincarnations, ce qui est proche du concept du guilgoul.
Follement ramifié par ce songe éphémère,
Il m'est venu le nom de mon ange échu, Eau,
Réceptive jadis, de notre enfant la mère,
Soeur câline ou amie, invitée ou cadeau...

Tu m'eus trouvé dès ton tout premier caractère,
Cabotant de tout temps, tout lieu, tout haveneau,
Hôte inconstant, parfois oison d'une autre Terre,
Audacieuse ou poltronne, archiviste ou pourceau.

Rêver est périlleux, rêver est prophétique,
Aux esprits endurcis dans un délire orphique,
Cela peut entraîner vers un injuste jour.

Tu te révélerais dans ta nouvelle niche...
Eau, je ne rêve pas, je saisis ton retour,
Revenante effective en mon espoir fétiche.
  La 1e version publiée sur la liste Oulipo le 29 août était légèrement différente. Le 5e vers était
Tu m'eus connu depuis ton premier caractère,
plus conforme à mon idée, mais il manquait un pixel à l'image. C'est Gef qui a trouvé l'autre possibilité, permettant de récupérer le pixel manquant.

  J'ai appris ensuite que Christophe Fauré avait publié en 2021 un roman, Mourir n'est pas te perdre, où un couple se reforme au fil des réincarnations. Le premier couple était Inanna et Anzû, en 4700 avant J.-C., en Mésopotamie, ce qui me rappelle l'apparition fortuite de Inanna Mar(duk) dans une colonne de la grille de Cyril.

  Le roman de Sinoué qui a joué un rôle essentiel dans mon intuition sur le 4/4/44, Des jours et des nuits, a aussi une intrigue similaire, et il se trouve qu'une coïncidence concernant Ishtar, autre nom de la déesse Inanna, a joué un rôle dans la genèse (RAShIT en hébreu, IShTAR...) de ce roman.
  Encore pas mal de développements en perspective...

8.9.23

Chi va chiasmo va pazzo

à André & Xavier du Batiscop

  389e billet de Quaternité, 3-8-9 équivaut à C-H-I, Chi ou Khi, la lettre grecque X ayant donné son nom au chiasme.

  L'X a ses lettres de noblesse en littérature, avec de multiples titres, The tragedy of X d'Ellery Queen (1932), X v. Rex de Philip Macdonald (1933), et la liste serait longue jusqu'à X de Davey Davis (2022). 
  La littérature à contrainte y participe, avec L'art du X de Ricardou (1983), hommage à Perec auquel j'ai consacré plusieurs billets.

  Le cinéma n'est pas de reste, et la palme revient probablement à Roger Corman, lequel a choisi Ray Milland pour incarner "X" the man with the X-ray eyes, (1963): le docteur Xavier a transformé sa vision pour pouvoir traverser la matière...
  Comment ne pas citer X-Files, dont la première saison avait 24 épisodes (X est la 24e lettre). En 2022 est aussi sorti le film d'horreur X.

  Le chiasme est une figure de rhétorique, et ses applications sont multiples en littérature. Je pense encore en premier lieu à Perec.
  L'outil récemment mis en ligne par Gef permet de transformer des textes en images pixellisées, selon diverses options. J'ai aussitôt pensé à l'utiliser avec des textes de Perec, comme l'ont fait les brodeuses de Perecofil (ci-dessus le "sonnet" de Métaux avec deux diagonales isogrammes, en M et U).
  Précédemment, Marylin Rolland avait utilisé les textes de Perec pour ses créations, par exemple Alphabets, et l'image ci-contre n'est qu'une petite portion de la représentation des 176 onzains, en lignes de 121 cases colorées correspondant aux 11x11 lettres de chaque onzain. Le flou des couleurs est dû à l'utilisation d'une imprimante avec un ruban usagé.
  Je suis fasciné par Alphabets, et notamment par la formule L'usine à troc qui gouverne la série en C, donnée dans ce billet contenant un poème contraint en hommage au recueil. J'ai aussi imaginé le 11/11/11 une série de 11 onzains basés sur la séquence LUSINECARDO, 11 lettres de valeur 11x11, reprenant les mêmes contraintes que la série de Perec.
  La série de Perec est encadrée par deux onzains, l'un dont la dernière rangée et la dernière colonne forment LUSINEATROC, formule retrouvée dans la première rangée et la première colonne de l'autre.
  Voici ce que ça donne selon l'option "gématries des lettres" avec l'outil de Gef:
 

  J'ai inscrit, entre les dernière et première lignes, identiques, des deux onzains, les correspondances binaires en lettres. Un peu de patience permettrait de reconstituer les poèmes...

  Les onzains en B et C donnent 42 pixels par ligne, ceux en D, F, et G, 43 pixels. Perec a donné en 4e de couv' d'Alphabets le onzain 43 en exemple,

LANGESOURIT   LANGESOURIT
ALORSGEINTU   AL
NGLASTIREOU   N L
GRELOTASUNI   G  L
ERSALUTONGI   E   L
SAITOLURNEG   S    L
OURANTLESIG   O     L
UIGNARTLESO   U      L
RTISANGELUO   R       L
INTEUGRASLO   I        L
TIONASURGEL   T         L

et les tenants de l'hypothèse 11-43 pourraient trouver significative sa traduction en 11x43 pixels:
 

   A ces L de l'ange correspond la valeur binaire 1100.

  De H à M on passe à 44 pixels par ligne, ainsi 4 onzains totaliseraient 44x44 pixels, 1936, année de naissance de Perec, ce qui a peut-être compté pour la décision de composer un recueil de 176 onzains, totalisant 1936 vers.
  Les romans de Gilbert Sinoué et Paul Halter ont joué un rôle certain dans mon intuition sur le 4/4/44 jungien. Je me suis avisé en 2010 que les noms HALTERSINOU(E) formaient un parfait énoncé hétérogrammatique ESARTINULO+H, correspondant aux 121 vers de la série en H d'Alphabets, et qu'il suffisait que l'un de ces vers soit suivi ou précédé d'un E pour avoir une parfaite anagramme.
  Il y a 10 cas, parmi lesquels seuls 2 sont composés de mots complets: le premier vers du premier poème, suivi du E du vers suivant, livre
Hélas ! Ni route (...)
  Ensuite, l'avant-dernier vers du quatrième poème, suivi du E du vers suivant, livre
Sait-on l'heure ?
  Sans Perec, je n'aurais probablement jamais su que, grâce à "Sinoué-Halter", "on sait l'heure" d'un fabuleux événement, l'échange Jung-Haemmerli le 4/4/44 à midi (dont la position aux exacts 4/5es de la vie de Jung m'est apparue  il y a exactement 15 ans, le 8/9/2008).

  Aujourd'hui, je m'avise que les 4 premiers onzains de la série en H, du premier vers où débute Hélas ! Ni route, jusqu'au dernier où s'achève Sait-on l'heure ?, forment avec l'outil de gématrie binaire un carré de 44x44 pixels, que voici (y a-t -il une route pour sortir de ce labyrinthe?):
 
 
  Les autres séries, de P à Z, se traduisent par des lignes de 45 pixels.
  Sachant que mon heure viendra en 2025, 45x45, il m'est venu l'idée de réaliser un centon de "vers" de Perec, tel qu'un même motif 3x3 y apparaisse 15 fois dans les deux diagonales, en X.
  Je ne suis guère satisfait du résultat, il eût certainement mieux valu choisir un motif 5x5, voire 9x9, mais voici:
 

(par facilité, je me suis servi des mêmes vers lorsque la symétrie le permettait)

  Ceci m'a donné envie de réaliser quelque chose de plus net, et je suis arrivé à ce "gag":
gag
X c
je
di
bu
aqa
go

  Bon, ça ne veut rien dire, et je suis parvenu à la même figure selon les gématries par mots, avec

Justement,
X ab-
outit,
magique
encodeur,
à codage
foisonnant.

  Gef est parvenu à représenter cet échiquier par un dizain de disyllabes rimé. Il a obtenu la même figure selon les gématries par lettres, avec un galimatias comparable à ce que je donnais plus haut.

  L'option la plus simple est la gématrie par lignes, mais elle demande des textes bien plus longs, ainsi un alexandrin codera usuellement 9 bits.
 
  J'ai eu l'idée d'un sonnet donnant deux fois ce motif, et, le X étant devenu ce que l'on sait, d'y donner dans le porno.
  Il faut savoir qu'un colistier de la liste Oulipo joue au "serial cocu", ayant entrepris un pot-pourri de 100 sonnets contant les frasques de sa bien-aimée Gabrielle, avec des contraintes diverses. Son site en offre actuellement 71.
  J'ai suivi d'assez près ses contraintes, sauf en ce qui concerne "l'érotisme discret"...
  Chacun de ses sonnets est introduit par une illustration adéquate, et une chanson de Bashung m'a fourni l'identité de l'amant de Gabrielle pour mon plagiat.
---

Comme il osa hurler dans un refrain minable,
Gaby la magnifique est folle de Bashung...
Ce qui la fait gicler, la garce insatiable,
son x* rose est percé d'un anneau de packfung.

L'abdomen affalé sur un divan pliable,
elle fripe bien bas sa jupe de shantung,
exhibant ses deux x* au rocker increvable:
il vante les succès de sa Weltanschauung.

Elle épile sa x*, à ses sept chats de même,
ranime le fier x*, lui dédie un poème,
le digère à nouveau dans son corps épanoui.

Hélas, hélas, hélas ! le pâle tréponème
a trouvé le chemin dans le dédale inouï:
elle regrettera d'avoir à tel point joui.

---
* censuré

  Incidemment, la gématrie des vers 1-7-8-14 est 387 (110000011), et il suffirait de déplacer un bit pour obtenir 389 (110000101), soit C-H-I, ainsi ci-contre le "rocker increvable" est devenu "détestable". J'ai préféré conserver la symétrie.
  Il y a tout de même un 389 dans mon sonnet, où les deux vers d'introduction totalisent 69 lettres. Les autres 24 (X) hémistiches totalisent 389 (CHI) lettres.

  Incidemment encore, la fin moralisante de mon sonnet (Gaby chope la syphilis) m'a fait prendre conscience d'un probable jeu de Ricardou, dans sa nouvelle Supercherie, où les trois sirènes d'une fontaine se nomment
Lison - Tootsie - Philis.

  J'ai tenté un sonnet entier en gématries par mots, et j'ai choisi une nouvelle parodie de Voyelles, un poème où on peut aligner les vocables les plus inattendus sans risquer d'être beaucoup plus abscons que Rimbaud.
  Voici l'image correspondant au sonnet:
 

  Elle n'est pas tout à fait identique à ce qui était prévu au départ, en partie à cause d'erreurs en cours de réalisation, en partie parce qu'il a fallu procéder à des modifications afin de pouvoir inclure E et U. Voici le poème:
---

soit A flux clérical, soit O perçu prouvant,
ç'urgerait récemment, naître astral en voyelles:
A typique, A tension, lu mousquet, ru, camelle,
A classieux, seul frottoir, blé de sable accédant;

cet I jaune gredin, I du Râ rutilant,
(A secours des terreurs, djinn quartzeux à séquelles);
on code envoi magique, E vainqueurs, éternelles,
et l'ivoirin, ci dé, E sulfureux, tringlant;

dû, l'intrant a râlé: « O, tungstique à blâmer,
ode insoucieuse, O, Ha! bel en do décimé,
ce bleu né coactif en aide l'oubliable...

en Eden caduc or, facial O, anel O »;
vil U, lac opalin, un plasma réformable,
je cristallise O, Dieux! je ruse avec, Salop!
 
---
  Certaines couleurs ont été respectées, A de sable, E ivoirin, O bleu, mais I est jaune et U opalin.
  Il a été avancé que la série de l’Alpha à l’Oméga désignait Dieu (remplacé par "bleu" dans les jurons), les majuscules de Ses Yeux le démontrant. C’était peut-être pour Rimbaud un calembour "O dieu" que j’ai actualisé dans le dernier vers.

  J'ai évoqué plus haut Paul Halter, et j'avais relevé dans son roman La montre en or (2019) un chiasme original. On y suit en alternance une enquête en 1911, en Angleterre, concernant Andrew Johanson et sa femme Alice, et une enquête en 1991, en France, concernant André Lévêque et sa femme Célia.
  Le X est la croix de Saint-André, et les auteurs à lire en diagonale ont parfois recours pour les noms de leurs personnages à des mots évoquant la pièce qui se déplace en diagonale, le fou, l'évêque, l'archer. Dans L'adversaire de Queen, il y a un Tom Archer et une Ann Drew, dans The Bishop murder case de Van Dine, il y a un "Bishop Arnesson".
  Le lecteur est donc conduit à imaginer une correspondance entre les couples Johanson et Lévêque, Célia étant l'anagramme d'Alice, mais le réel équivalent d'André Lévêque est Daren Bellamy, amant caché d'Alice dans le récit de 1911 (Daren est l'anagramme d'André).

  Les images pixellisées brutes peuvent sembler un tantinet répétitives pour certains...
  Marylin Rolland a imaginé des techniques de floutage qui adoucissent ces représentations.
  Voici une double image qu'elle a conçue à partir de mon centon perecquien de 2025 pixels donné plus haut: