16.2.23

Sainte Chronicité, ou Santa Ana

à  Migdall & Mandel

    J'avais envisagé pour le précédent billet, 365e de Quaternité, un récapitulatif de mes synchronicités jungiennes, soit des coïncidences entre un état mental et un événement extérieur inhabituel, et puis un autre sujet s'est imposé.
  Je m'y mets maintenant, et c'est une occasion de relire tout le blog, ayant constaté maintes fois les déficiences de ma mémoire.
  Je me suis arrêté à juillet 2013, car j'avais déjà beaucoup de cas, tant qu'il m'a fallu faire des choix. J'ai privilégié des cas offrant des résonances entre eux, la plupart du temps non perçues jusqu'alors, ainsi ce billet n'est pas qu'une compilation, d'autant que certains cas sont inédits.

  Par définition, un état mental est personnel, et il n'y a donc souvent aucune preuve de la réalité d'une synchronicité. Il arrive que cet état ait été partagé avant l'arrivée de l'événement extérieur, mais ce n'est pas un critère que j'ai retenu, car j'ai tant de coïncidences vérifiables par ailleurs que j'estime qu'on peut me faire confiance pour ces cas.

  En général, une synchronicité n'est pas un phénomène miraculeux, contrevenant aux lois supposées régir notre monde. C'est plutôt une rencontre improbable, qu'il peut être tentant de considérer comme signifiante, mais qui peut aussi relever du "pur hasard". Je tends à penser que les coïncidences personnelles sont du même ordre que les autres, et qu'il est impossible de différencier une "vraie" coïncidence du "pur hasard". C'est le nombre des coïncidences et leur degré d'improbabilité qui, pour ma part, me semblent orienter vers la réalité du phénomène.
  J'exclus en principe les cas qui font intervenir les mass media, comme pour moi la radio que j'écoute assez souvent le matin. Je ne prends plus la peine de relever les cas où des mots que j'ai en tête sont émis simultanément par la radio, car je suis tout à fait conscient que des millions d'autres personnes sont à l'écoute, et que chaque mot doit probablement faire coïncidence pour quelqu'un.
  Néanmoins, certains cas restent mémorables, et je ne résiste pas à citer, hors programme, celui du 4 mars 2011 où j'étais en train d'écrire quelque chose rapprochant Perec et Barthes, ce que je n'avais jamais fait jusqu'alors, quand la matinale de France-Inter en sourdine émit "Perec et Barthes".

  Voici donc les cas...

- Kut et Trut -

  En 1971, ma première amante a été une Hollandaise, L, qui avait deux chatons nommés Kut et Trut. 4 ans plus tard, une fille originaire de Lorraine a mentionné un nounours de son enfance, nommé Kut. Je me suis rappelé de Kut et Trut, et, parce que j'étais coutumier des coïncidences, me suis dit que je n'avais aucune chance de rencontrer le mot "trut", mais, le lendemain, feuilletant des partitions, je suis tombé sur une chanson de Clément Janequin dont le refrain était "Laissez, laissez trut avant".

- morpions et poux -

  En 1978, au début de ma longue relation avec AM, nous étions partis camper. Un matin, alors qu'elle était encore endormie sous la tente, j'ai commencé à lire le premier volume de la collection T.N.T., Les sept cercles, de Michaël Borgia.
  Le troisième paragraphe était
  A dix heures quarante-trois Zoulou, le lieutenant-colonel commandant l'Equipe Rouge découvrit qu'il avait des morpions.
  Je ne peux assurer que c'était exactement quand je lisais ces lignes que AM sortit de la tente en disant quelque chose du genre
  J'ai des bestioles dans le zizi.
et évidemment j'en avais aussi, pour la première fois dans ma vie amoureuse (il est vrai peu mouvementée).

  Ce cas est un peu limite, car il doit y avoir pas mal de bouquins où il est question de morpions, et pas mal de pubis colonisés par ces charmants insectes, donc cette coïncidence doit être partagée.
   J'ai choisi d'en parler parce que c'est un peu rigolo, et parce qu'il y a un écho avec le cas précédent. Ma première amante L date de l'époque où j'étais un hippie caricatural,  guitare en bandoulière et cheveux sur les épaules, et justement elle m'avait découvert des poux dans ces cheveux.
  C'était également une première infestation.

- le roux et le blanc -

  En mars 1997 je relus Le parfum de la dame en noir de Gaston Leroux (1909), et m'aperçus que le roman couvrait exactement la semaine de Pâques de 1895, du dimanche des Rameaux le 7 avril à la nuit pascale du 13 au 14, où meurt définitivement Larsan-Ballmeyer, ressuscité alors qu'il était supposé mort à la fin du Mystère de la chambre jaune.
  Je connaissais cette date du 14 avril 1895 qui était celle de la supposée mort d'Armand Belval dans Le triangle d'or de Leblanc (1917), mais celui-ci avait survécu, pour être à nouveau tué par le même assassin le 4 avril 1905, un autre dimanche de Pâques. 
  J'ai passé plusieurs jours à éplucher fiévreusement les deux romans, y relevant les indices des intentions secrètes des auteurs... Et puis j'ai décidé de me détendre en lisant un Ellery Queen qui venait d'être réédité, Et le huitième jour... (1964). Le roman couvre 8 jours, du 2 au 9 avril 1944, soit la semaine pascale de 1944, et il ne fait aucun doute que ce n'est pas par hasard.

  Par la suite j'ai prêté attention aux dates pouvant correspondre à Pâques dans mes lectures, et fait quelques découvertes, mais ce n'est qu'en juin 2008 que j'ai découvert une nouvelle couvrant exactement les 8 jours de la semaine pascale 2001. L'auteur m'a confirmé son intention.
  Peu après, le 30 septembre 2008 m'a fait découvrir Les quatre coins de la nuit de Craig Holden (1999), couvrant exactement la semaine pascale 1996. C'est ici explicite, quoique présenté anecdotiquement, mais l'auteur m'a confirmé la pertinence de mon analyse.
  J'avais à ce stade quatre textes couvrant une semaine pascale, et, comme je venais de découvrir le schéma 4-1 de la vie de Jung, il me semblait s'imposer qu'il en existât un autre, mais une demande sur une liste polar fut infructueuse.
  Le livre de Craig Holden avait une autre particularité, il avait 38 chapitres tandis que les initiales de l'auteur sont C-H, 3-8. Comme une part de mes recherches bachiennes concerne le motif BA-CH, 21-38, je me suis demandé si un auteur d'initiales B-A aurait écrit un roman en 21 chapitres. Je n'ai rien trouvé de tel le 10 octobre à la médiathèque de Digne, mais découvert que Le décorateur de Boris Akounine (1999) couvrait la semaine sainte 1889.

  Détails ici. Depuis je n'ai découvert qu'un seul livre couvrant une semaine pascale, celle de 1932,  Les Pâques du commissaire Ricciardi (2018), un roman où je n'ai décelé aucune intention cachée.

  J'écris cette section le 9 février. Je m'étais interrompu au pénultième paragraphe et avais repris un polar en cours depuis quelques jours, lu sans enthousiasme, Muséum de Véronique Roy (2006). C'est un roman en 7 parties intitulées de Lundi à Dimanche, chaque jour étant marqué par un assassinat au Muséum d'Histoire Naturelle. Arrivé au vendredi, je me suis demandé "et si?"...
...non, car il s'agit de la semaine du 5 au 11 septembre, mais le meurtrier "obéit à la mission que Dieu lui a confiée", et achève sa série un dimanche, "parce que le dimanche commémore la mort du Christ, le Sacrifice suprême" (sic).
  Les différents crimes prétendent constituer une réfutation de la théorie de Darwin, laquelle est aussi utilisée comme plan criminel dans un Ellery Queen, L'arche de Noé (1951). Queen, Roy...

- Marc et Mark -

  Le 24 décembre 2005, une discussion en ligne sur le forum de l'association 813 à propos du roman Le curieux incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon (titre issu d'une aventure de Sherlock Holmes) a fait intervenir MadMarc (Marc Madouraud) et je me suis émerveillé de voir intervenir un Marc à propos de Mark (Haddon).
  Les détails importent peu. Toujours est-il que j'étais en train de rédiger un message pour le forum, à propos de cette rencontre Mark-Marc, lorsque j'entendis passer le facteur. Il s'agissait du "cadeau 813", un polar envoyé aux adhérents, accompagné du numéro 0 d'une nouvelle revue, Shangaï Express (qui n'a duré que quelques numéros), dont la couverture offrait une grossière erreur, Marc (au lieu de Mark) Twain, et à propos de Sherlock Holmes...

  La page de mon ancien site est accessible ici, et il y a eu un autre curieux incident "MARK" le 8 octobre 2007. Ce jour j'étais parti pour une balade, et avant de quitter la route j’avais croisé un camping-car immatriculé MA-RK 251 (le véhicule devait venir de Mannheim).
  J’avais emmené un roman de Tonino Benacquista, Saga (1996), dont j’avais lu les trois premiers chapitres, Louis, Mathilde, Jérôme, introduisant 3 des 4 scénaristes de la série télévisée Saga. Le chapitre suivant était Moi, "moi" qui était Marco, et grâce à MA-RK j'avais pigé que ces 4 correspondaient par leurs initiales aux 4 évangélistes MMLJ (Matthieu Marc Luc Jean), ce qui donnait une clé de lecture constamment utile pour la suite du roman.

  La page où j'en parlais est accessible ici, et j'y rapprochais le fait d'une question que je m'étais posée l'été 1994, en me baignant dans le lac de Castillon. Je venais de rencontrer quelqu'un dont le prénom m'échappait. Je remontai jusqu'à la route, où je vis passer une voiture immatriculée PA-UL ...

  J'avais oublié les initiales MMLJ dans Saga lorsque j'ai vu en juillet dernier que les personnages principaux d'un roman se passant en Islande, Sasha-Ayden-Guðmundur-Arna, formaient l'acronyme SAGA. L'auteur m'a assuré ne pas avoir vu cette possibilité.

- ana -

  En mars 2008 le billet Ana-chronique analysait Le domaine d'Ana de Lahougue, un de mes textes à contrainte favoris.
  Le billet suivant, Santa Ana, était consacré à d'autres coïncidences faisant intervenir "ana", si bien que, à l'instar d'Etienne Perrot qui avait rebaptisé Sainte Chronicité la synchronicité jungienne, j'avais envisagé de nommer le phénomène Santa Ana, en pensant à PK Dick qui avait habité cette ville californienne, et à Jung natif de la Sainte Anne.
  Le 5 mars, j'ai emprunté à la médiathèque de Digne un roman de Brigitte Aubert, Rapports brefs et étranges avec l'ombre d'un ange. J'y ai découvert, au bas de la page 21, cette question dans une langue exotique:
   Je certifie m'être dit alors "Tiens, on pourrait bien trouver ANA dans cette langue", et avoir tourné la page pour trouver la réponse:
  C'était la première apparition de cette langue qui semble inventée, témoin "kojh ito" vraisemblablement allusion au cogito cartésien.

  Précisément, les cas qui suivent concernent le mot ana signifiant "je" ou "je suis" en araméen et en arabe.

  Je signalais plus haut dans Le roux et le blanc ma recherche en octobre suivant de livres de Brigitte Aubert en 21 chapitres, j'avais alors oublié cette page 21.

  Le dimanche 10 août 2008, j'étais en train d'écrire une page sur le Décalogue, débutant en hébreu par le mot anokhi, אנכי, "Je" (suis YHWH ), lorsqu'il m'est revenu que j'avais un livre donnant diverses versions du Décalogue. Le ressortant, j'ai découvert que ce anokhi hébreu devenait en araméen ana.
  Quelques minutes plus tard, je découvris à 9:50 que mon amie Anna m'avait envoyé à 9:39 un mèl me signalant l'émission de Josy Eisenberg en cours sur l'Aleph à la TV.
  L'émission n'était pas finie, et j'ai pu capturer dans ses dernières minutes cette image où le texte du Décalogue apparaît en surimpression, par-dessus le rabbin Adin Steinsalz signalant que sa première lettre est un aleph,  celui débutant le mot anokhi.
  Mieux, le début du Décalogue apparaît au centre du passage biblique affiché, et le mot anokhi semble sortir de la bouche (ou de la barbe) du rabbin.

  Je suis revenu en juin 2008 sur Le domaine d'Ana, ce qui m'a fait évoquer pour la première fois Ricardou, sans encore savoir qu'il avait profondément influencé Lahougue.
  Le billet m'a ensuite conduit à m'interroger sur deux genres de fourmis cités dans un roman, Ana et Atta (le premier était en fait une coquille). Une recherche fourmi "ana" le 6/6 m'a conduit à la nouvelle Dana Khan de Yolande Villemaire, où ana y est l'arabe "je", et où il est question de Atta, et de Ricardou.

- 21 et 13 -

  Le 2 mai 2009, le numéro ISBN du livre en cours de lecture pendant une balade m'a conduit à penser aux nombres de Fibonacci 21-13. Un itinéraire particulier ce jour m'a fait passer quelques instants plus tard devant ce panneau sur un arbre.
  J'y ai lu 21:13, avec le premier 1 presque effacé mais néanmoins lisible, les deux points étant les têtes rouillées des clous fixant le panneau.
  Il s'est avéré ensuite que c'était une surcharge sur une ancienne inscription, et que le panneau délimitait la zone forestière 213.

  En mars 2012, je m'intéressais au nom Nathaniel attribué à Daumal, et constatai que les valeurs de ces noms étaient équivalentes à celles de Haemmerli et Jung, 84/52 se simplifiant en 21/13, avec un écho frappant: le prénom Theodor de Haemmerli est l'équivalent grec de l'hébreu Nathaniel, "don de Dieu".
  Quelques jours plus tard, çoeur dp me signala qu'il venait d'être mis en vente sur eBay un document de la main de Daumal, avec beaucoup de chiffres.
  Je découvris avec stupeur qu'il s'agissait des 9 premiers termes de la suite de Fibonacci, de 1 à 34, accompagnés des fractions entre termes consécutifs, la dernière, à part, étant 21/13 :


Détails ici, et une compilation des cas 21-13, 137 au dernier recensement.
  Je viens d'y ajouter ce 14 février un 138e cas avec un livre achevé hier en 34 chapitres et un climax à la fin du 21e chapitre. On y trouve aussi les valeurs de René Daumal (42/52, moitié de 21/13).

- Ieoh et Leoh-

  Le 25 avril 2009 Arte diffusait B comme Babylone, à l'occasion d'une journée consacrée au Louvre, ce 25 avril clôturant une période commémorant le 20e anniversaire de l'inauguration de la Pyramide de Pei, le 30 mars 1989. Une animation montrait l'image de la Pyramide partir du bas de l'écran à la rencontre de son reflet en blanc, descendant du haut de l'écran, pour finalement former ce losange.
  J'en ai parlé le lendemain 26 dans ce billet, où je remarquais que le prénom de Ieoh Ming Pei, ou la première partie de son nom, pouvait correspondre à une transcription du Tétragramme JHVH.
  Il m'est venu le matin du 27 de regarder sa page Wikipédia qui m'a appris qu'il était né le 26 avril 1917, et que c'était donc son anniversaire la veille, lendemain du jour où Arte célébrait le 20e anniversaire de sa pyramide.
  Autre bizarrerie, la page était intitulée Leoh Ming Pei, erreur compréhensible car "l" minuscule est identique à "I" majuscule en arial, mais chargée de sens pour moi, LEO(H) évoquant immédiatement le lion latin, or j'avais associé les deux triangles de la présentation d'Arte aux deux châteaux triangulaires qui m'occupaient depuis trois mois, dont les noms étaient reliés à Babel et à deux appellations du lion..
  Le 28 avril, il m'est venu de demander à un sinologue ce qu'il pouvait dire des idéogrammes correspondant à Ieoh Ming Pei, et ai alors découvert que la page venait d'être corrigée.
  L'historique indiquait que la modification avait été faite la veille à 19:24 par un prénommé Rémi, comme moi, quelques heures donc après ma consultation. La modification antérieure de Ieoh en Leoh datait de 7 mois.

  Aujourd'hui, je vois que l'utilisateur Rémi était un membre important du conseil d'administration de Wikimédia France, président de 2011 à 2014, auteur de milliers de contributions. Il n'y a aucune raison de penser qu'il ait pu lire mon billet le 27 avril. Une hypothèse vraisemblable pourrait faire intervenir l'émission d'Arte.
  Je suis étonné de n'avoir pas pensé, ayant comparé IEOH au tétragramme JHVH, dans le contexte du losange formé par les deux pyramides, à La mort et la boussole de Borges, où des crimes aux 4 sommets d'un losange sont associés au tétragramme JHVH.

- Strange days -

  Le 19/5/2010, j'ai appris l'existence du film Strange Days (1995) de Kathryn Bigelow, découvert qu'il était disponible en streaming, laissé la fenêtre ouverte sur l'ordi pour le regarder le soir même.
  Puis j'ai consulté ma boîte mail. Un seul message, de la galerie CROUS-Beaux-Arts, envoyé à 15:45, m'informant de l'exposition Strange Days débutant le 25 mai suivant.

  C'est dans ce même billet qu'il a été question de La mort et la boussole pour la première fois sur Quaternité, en partie parce que l'adresse parisienne de Borges était l'immeuble voisin de la galerie CROUS-Beaux-Arts.

- ourobore -

  30 juillet 2013. J'étais plongé depuis quelque temps dans la trilogie cosmique de CS Lewis, à laquelle j'avais consacré les deux précédents billets.
  Ce jour, je scrutais la couverture de l'édition Néo du dernier volet, Cette hideuse puissance, et y remarquais deux triangles pointe en bas et pointe en haut, chacun dans un cercle formé par un serpent ourobore, se mangeant la queue. Je me demandais si c'était inspiré par une invocation maléfique psalmodiée par les mauvais dans le texte,
“Ouroborindra!
Ouroborindra!
Ouroborindra ba-ba-hee!”
  Juste après cette réflexion, AM et moi étions montés à la chapelle au-dessus du village, où nous allions plusieurs fois par semaine depuis bientôt 30 ans que nous habitions Mézel, pour marcher ou courir autour de la butte jouxtant la chapelle, chacun à son rythme (il me plaît d'imaginer que la netteté de ce cercle sur GoogleEarth soit due à nos circumambulations).
  Après environ une demi-heure à tourner autour de la butte, Anne a crié "Un serpent !"   C'était plutôt un orvet, juste sur notre trajet; il semblait mal en point, formant presque un cercle, et j'ai à peine modifié sa position pour prendre cette photo une fois remonté avec l'appareil:
  Le lendemain il était toujours là, bel et bien mort, dévoré par les fourmis.
  J'ajoutais n'avoir aucun souvenir du moindre reptile sur ce parcours, hormis des lézards. Ni Anne ni moi ne pensions avoir pu piétiner par inadvertance la bête, qui aurait par ailleurs logiquement dû fuir ces parages martelés par nos pas. La meilleure explication qui m'était venue était que l'orvet ait été capturé par un rapace - on en voit souvent au-dessus de la colline -, qu'il lui ait échappé en vol pour tomber presque sous nos pas, et ne se soit pas remis de l'aventure.

  Je l'avais probablement à l'esprit lors de l'écriture du billet, mais je crois utile de le préciser. Outre la chute de l'orvet presque sous les pas d'un gars préoccupé par les ourobores, cette chute est survenue sur un circuit formant un cercle assez parfait, alors que le serpent est connu pour se lover en cercle quasi-parfait, de même l'orvet.

- Doumergue et Foenkinos -

  Le 13 juin 2016, j'étais au chevet d'Anne, en observation à l'hôpital de Manosque. Attendant son réveil, je feuilletais un livre que je venais d'acheter, Le secret dévoilé, de Christian Doumergue.
  J'y repérai certaines lettres en gras, et vis qu'elles semblaient former un message cohérent. C'est à cet instant qu'Anne se réveilla et me dit qu'il me faudrait jeter un oeil au livre qu'elle était en train de lire, Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos, où elle avait repéré certaines lettres accentuées.
  Il s'agissait dans son cas de défauts d'impression, alors que le livre de Doumergue contenait bien des messages codés, dont j'ai donné le détail ici.

- Thilliez et Verissimo -

  Le 7 février 2018, j'étais en train de relire Pandemia, Franck Thilliez, sachant que le mystérieux homme noir responsable de cette pandémie était inspiré par le fameux Docteur la Mort, lequel trafiquait au temps de l'Apartheid des virus pour qu'ils ciblent les Noirs.
  Partant en balade, j'ai abandonné le lourd Thilliez pour un livre léger,  Le doigt du Diable, du Brésilien Verissimo, emprunté quelques jours plus tôt. Je découvris dès ses premières pages qu'un de ses personnages était aussi inspiré par le Docteur la Mort.
  Ceci me fit me renseigner sur le docteur, et découvrir qu'il était né le même jour que moi, le 6 juillet 1950. Détails ici.

- Verteuil et Cooper -

  Deux autres cas de livres lus en balade. Le 22 juin 2019, la mention de Châteaurenard dans un roman d'Eric Verteuil, La mémoire rongée, m'amena à vouloir voir si cette commune bucco-rhodanienne existait réellement.
  Je n'ai pu ouvrir mon ordi que le soir. J'ai commencé par regarder mon courrier, et ai été éberlué de ce mèl de FaceBook:
CHATEAURENARD et 13 autres groupes font partie des nouvelles suggestions de groupes pour vous
  Parmi les 14 groupes suggérés 4 concernaient Châteaurenard, commune de 15 000 âmes, proche d'Avignon, code postal 13160. Je sais bien qu'il suffit de taper quelques mots sur un clavier pour être assailli de spams divers en rapport avec ces mots, mais précisément je suis certain de ne pas avoir fait de recherche "châteaurenard" avant l'arrivée de ce mèl FB. C'est au point de se demander si le flicage n'est pas passé au stade supérieur avec le décodage à la source des ondes cérébrales...
  Maintes autres coincs ou syncs sont associées à Verteuil, détails ici.

  Le 13 septembre 2009. j'étais en balade avec La Prophétie des papes de Glenn Cooper. Un terrain un peu accidenté me fit abandonner le roman, et d'autres préoccupations en cours m'amenèrent à me demander si le nombre 868 était de la forme a2+ab+b2, ce qui outrepassait quelque peu mes facultés de calcul mental, et je me promis de résoudre la question dès rentré à la maison.
  Le terrain fut bientôt propice à la reprise de ma lecture, où il était question du Docteur Faustus, de Christopher Marlowe, dont il existe deux versions.
  36 vers de la première version ont été supprimés dans la seconde, dont le second acte a en revanche 676 vers supplémentaires. J'ai été frappé que ces deux nombres soient des carrés, de 6 et de 26, ce qui m'a aussitôt conduit à un petit calcul:
62+6x26+262 = 36+156+676 = 868
  Ainsi, quelques instants après m'être demandé si 868 était un nombre de la forme a2+ab+b2, voici que la réponse me venait de bien étrange façon. Détails ici.

- 14 août -

  En 2018 j'ai finalisé le projet Novel Roman de 1998, dont j'ai terminé le dernier chapitre le 29 novembre.
  J'y ai respecté deux dates clés du projet de 1998, le 16 avril 1908, parce qu'il s'agissait du Jeudi saint, et le 14 août, parce qu'il survenait 120 jours plus tard.
  En 1998 je ne m'intéressais aucunement au nombre d'or, que j'ai commencé à étudier à partir de la fin 2001. Ceci m'a conduit à calculer que la grande section d'or de l'année tombait le 14 août (vers 5 h une année bissextile comme 1908).
  Il m'a semblé devoir inclure ceci dans l'histoire, et le chapitre précédent faisait intervenir le nombre d'or.
  J'ai rédigé le passage correspondant le matin du 25 novembre. Depuis deux jours, je passais du temps sur une toute récente découverte, le roman Letters de John Barth (1979), et dans la soirée j'y découvris qu'il y était question du Phi-point ("le point Phi") de l'année 1969, le 14 août.
  Depuis 18 ans que je m'intéressais au nombre d'or, je n'avais jamais trouvé d'allusion à la section d'or de l'année. Je m'étais efforcé de lire tout ce qui avait trait au nombre d'or, y compris les fictions, mais Letters n'était pas catalogué comme tel, et c'est une autre voie qui m'y a mené.

  C'est aujourd'hui 11 février que j'ai décidé d'inclure ce cas dans le billet, après quelques hésitations car je voulais y limiter les exemples numériques. Deux heures plus tard, mon programme de relecture de Quaternité m'amenait à San Michele de septembre 2012, où j'étudiais Le dernier homme bon de Kazinski. Il s'agissait d'une série de morts mystérieuses de personnes dans le monde entier, survenant chaque vendredi, chaque victime ayant dans le dos des marques étranges, des chiffres correspondant à son rang ordinal. Je remarquai
le roman débute par le récit de la 17e mort le 14 août 2009, le jour où tombe la grande section d'or de l'année.
  Or Novel Roman contait aussi une série de morts mystérieuses, à des dates obéissant également à une loi numérique. Les morts de Kazinski avaient en commun d'être des bonnes personnes, les miens avaient des identités anagrammes de NOVEL ROMAN, du premier V-A Monlorné, le 2 janvier 1908, au 17e et dernier, Néron Volma, le 14 août.

  San Michele mentionnait une synchronicité. J'avais acheté Le dernier homme bon lors d'une balade en vélo le 28 août, et une pluie vers midi m'avait fait m'arrêter pour en lire une centaine de pages.
  De retour à la maison, je découvris que çoeur dp m'avait envoyé un mèl à 12:16, où elle me signalait qu'une étudiante en graphisme avait réalisé une maquette du Mont Analogue.
  Ci-dessus le logo de l'ancien site de l'étudiante, Caroline Bonhomme, qui anime aujourd'hui Le Crayon (anagramme de Carolyne).
   La 35e et dernière mort survenait le 18 décembre 2009, le jour où s'achevait la Conférence de Copenhague sur le Climat, et je remarque aujourd'hui la ressemblance entre son logo, donné dans le billet, et celui de Bonhomme.
  Le dernier homme bon est précisément à Copenhague, et il échappe à la mort le vendredi 25 décembre grâce à une certaine Hannah.

- ararita et TAR-I -

  Le 8 décembre 2021, je me suis avisé que le mot "ararita", jadis concerné par diverses coïncidences, et très récemment revenu au premier plan de mes préoccupations, était composé des mêmes lettres que "tari", un mot qui m'était crucial pour sa présence dans deux textes contraints liés, chaque fois avec la césure "TAR-I".
  Lorsque je m'en suis pleinement rendu compte, en début d'après-midi, je me suis souvenu que Robert Rapilly avait passé quelques instants plus tôt un petit texte sur la liste Oulipo, auquel je n'avais guère prêté attention, or ce carré de lettres

C A N A
L T A R
I C I A
M O R T 


a dans sa lecture horizontale le mot TARI partagé en TAR-I par le milieu du texte, et s'achève dans sa lecture verticale par AIR A RAT, exacte anagramme de ARARITA.

  J'aurais été abasourdi de voir apparaître l'un de ces mots, ou son anagramme, dans un texte quelconque, et ils étaient tous deux présents dans un texte minimal, de 16 lettres, avec la césure TAR-I, et il était dû à Robert concerné par d'autres prodigieuses coïncidences. Détails ici.

- migdal et mandel -

  J'en arrive à ce dernier cas, à nouveau une double coïncidence, et qui cette fois s'est répétée 5 jours plus tard, si bouleversante qu'elle m'a conduit à cette rétrospective des synchronicités
  Le 11 janvier dernier, j'étais encore en balade avec un livre, et d'autres préoccupations en cours m'ont conduit à rapprocher (a)MYGDALE, les initiales des victimes de La mort et la boussole, réarrangées pour former l'amande grecque, et MANDOLINE, l'instrument à la caisse en forme d'amande.
  En reprenant ma lecture, je m'avisai que mon marque-page était un extrait de la bibliographie d'une thèse de physique, avec en première rubrique un article de L. Mandel, et quelques lignes plus bas un autre de A. Migdall.

  5 jours plus tard, le chapitre 7 de La carte postale, d'Anne Berest, m'apprenait que son aïeul, émigré en Palestine à Migdal, avait un frère à Paris, vivant avec Lydia Mandel. Voir le précédent billet (et quelques autres avant).

  J'avais décidé de ne pas parler de la quasi-synchronicité précédente. La révélation d'un lien étymologique entre Hellequin et Arlequin m'avait ramené à La mort et la boussole, et à chercher le 23/12 des occurrences de la forme "MYDAGEL", les initiales des victimes selon leur succession exacte. Parmi les centaines de milliards de pages web, l'une des 7 réponses concernait à la fois La mort et la boussole et le rapprochement Hellequin-Arlequin.
  Je comptais donc ne pas en parler, mais hier 14 février penser à Arlequin m'a évoqué une association avec la mandoline, et une recherche m'a aussitôt confirmé qu'il était souvent représenté jouant de la mandoline, ou de la chitarra (petite guitare).

- Gefro et Gimel -

  Eh non, ce n'était pas le dernier cas, car les formes migdal et Mandel, "amande" en roumain et allemand, m'ont conduit à repenser à un cas étudié ici: le grec ancien Στρογγύλη se prononce Strongulê, avec donc un gamma équivalent à une nasalisation.
  Un processus similaire a-t-il pu mener de amygdalê à Mandel? Je n'en sais rien, mais évoquer gamma m'a fait penser à son ancêtre sémitïque, gimel, et à une synchronicité exemplaire, complètement oubliée lors de ma tentative de récapitulation.
  Il m'a fallu redémarrer un vieil ordi pour éplucher d'anciens mèls. Le 16 décembre 2006, je disais penser beaucoup à cette lettre gimel, mais je ne donnais pas plus de détails, alors je n'essaie pas aujourd'hui d'imaginer plus avant. Toujours est-il que j'étais parti en balade, sans bouquin car en terrain très accidenté, pas du tout un coin pour les promeneurs du dimanche.
  Dans une sente j'ai trouvé ce couteau multifonctions de marque Gimel:
 

  Ma recherche à l'époque m'avait appris que c'était une ancienne coutellerie de Thiers, mais cette page plus récente amène à douter que la production Gimel soit toujours française. Le logo au violon est célèbre (on est pas loin de la mandoline).

  Il y avait un écho, car j'avais trouvé un autre couteau le 9 juillet 2005, dans des circonstances relativement synchronistiques, mais à nouveau les traces écrites sont faiblardes, et mes souvenirs presque inexistants.
  Le matin, je signalais que je venais de finir Les yeux géants, de Michel Jeury (1980), où il relatait diverses coïncidences fort probablement vécues. Ensuite, nous sommes partis voir de la famille à Antibes, par la route Napoléon. Nous nous sommes arrêtés pour pique-niquer. Je me suis un peu éloigné, en pleine garrigue, et ai trouvé un couteau de cuisine, de marque Gefro. Or l'une des coïncidences de Jeury concernait la perte d'un couteau, en pleine nature.
  J'y reviendrai dans un prochain billet.

  Une recherche aujourd'hui m'apprend que Gefro est une firme allemande fondée en 1924, par les frères Frommlet, GEbrüder FROmmlet, d'où GEFRO.


  Le logo de la firme était une lune, pour une raison locale. Ceci trouve maintenant un formidable écho.
  Je citais plus haut Robert Rapilly, et un autre membre historique de la liste Oulipo est Gilles Esposito-Farèse, dit GEF, souvent mentionné dans Quaternité, notamment ici pour une synchronicité mineure.
  GILles FAREse et roBERT rapiLLY ont imaginé le poète Gilbert Farelly, mort en 1960, inventeur du sélénet, poème de 8 vers avec la métrique d'un couplet de Au clair de la lune.

  Robert a fait connaître Farelly et le sélénet sur la liste le 20 février 2007, et le sélénet y est devenu une forme populaire, avec des centaines de compositions

  GEF et RObert auraient aussi pu imaginer GEFRO.

  Je me suis demandé si la littérature avait associé Arlequin et la mandoline. Oui, et un des premiers résultats GoogleBooks a particulièrement retenu mon attention, Marie aux chansons de France, de Roberte Lamury (1960):
Alors Arlequin accorda sa mandoline et se mit à chanter. Le demi-jour faisait briller les soies multicolores de son costume, son visage était céleste, ses yeux rayonnants. D'une voix suave, il appelait son frère : — Au clair de la lune, ...