8.9.23

Chi va chiasmo va pazzo

à André & Xavier du Batiscop

  389e billet de Quaternité, 3-8-9 équivaut à C-H-I, Chi ou Khi, la lettre grecque X ayant donné son nom au chiasme.

  L'X a ses lettres de noblesse en littérature, avec de multiples titres, The tragedy of X d'Ellery Queen (1932), X v. Rex de Philip Macdonald (1933), et la liste serait longue jusqu'à X de Davey Davis (2022). 
  La littérature à contrainte y participe, avec L'art du X de Ricardou (1983), hommage à Perec auquel j'ai consacré plusieurs billets.

  Le cinéma n'est pas de reste, et la palme revient probablement à Roger Corman, lequel a choisi Ray Milland pour incarner "X" the man with the X-ray eyes, (1963): le docteur Xavier a transformé sa vision pour pouvoir traverser la matière...
  Comment ne pas citer X-Files, dont la première saison avait 24 épisodes (X est la 24e lettre). En 2022 est aussi sorti le film d'horreur X.

  Le chiasme est une figure de rhétorique, et ses applications sont multiples en littérature. Je pense encore en premier lieu à Perec.
  L'outil récemment mis en ligne par Gef permet de transformer des textes en images pixellisées, selon diverses options. J'ai aussitôt pensé à l'utiliser avec des textes de Perec, comme l'ont fait les brodeuses de Perecofil (ci-dessus le "sonnet" de Métaux avec deux diagonales isogrammes, en M et U).
  Précédemment, Marylin Rolland avait utilisé les textes de Perec pour ses créations, par exemple Alphabets, et l'image ci-contre n'est qu'une petite portion de la représentation des 176 onzains, en lignes de 121 cases colorées correspondant aux 11x11 lettres de chaque onzain. Le flou des couleurs est dû à l'utilisation d'une imprimante avec un ruban usagé.
  Je suis fasciné par Alphabets, et notamment par la formule L'usine à troc qui gouverne la série en C, donnée dans ce billet contenant un poème contraint en hommage au recueil. J'ai aussi imaginé le 11/11/11 une série de 11 onzains basés sur la séquence LUSINECARDO, 11 lettres de valeur 11x11, reprenant les mêmes contraintes que la série de Perec.
  La série de Perec est encadrée par deux onzains, l'un dont la dernière rangée et la dernière colonne forment LUSINEATROC, formule retrouvée dans la première rangée et la première colonne de l'autre.
  Voici ce que ça donne selon l'option "gématries des lettres" avec l'outil de Gef:
 

  J'ai inscrit, entre les dernière et première lignes, identiques, des deux onzains, les correspondances binaires en lettres. Un peu de patience permettrait de reconstituer les poèmes...

  Les onzains en B et C donnent 42 pixels par ligne, ceux en D, F, et G, 43 pixels. Perec a donné en 4e de couv' d'Alphabets le onzain 43 en exemple,

LANGESOURIT   LANGESOURIT
ALORSGEINTU   AL
NGLASTIREOU   N L
GRELOTASUNI   G  L
ERSALUTONGI   E   L
SAITOLURNEG   S    L
OURANTLESIG   O     L
UIGNARTLESO   U      L
RTISANGELUO   R       L
INTEUGRASLO   I        L
TIONASURGEL   T         L

et les tenants de l'hypothèse 11-43 pourraient trouver significative sa traduction en 11x43 pixels:
 

   A ces L de l'ange correspond la valeur binaire 1100.

  De H à M on passe à 44 pixels par ligne, ainsi 4 onzains totaliseraient 44x44 pixels, 1936, année de naissance de Perec, ce qui a peut-être compté pour la décision de composer un recueil de 176 onzains, totalisant 1936 vers.
  Les romans de Gilbert Sinoué et Paul Halter ont joué un rôle certain dans mon intuition sur le 4/4/44 jungien. Je me suis avisé en 2010 que les noms HALTERSINOU(E) formaient un parfait énoncé hétérogrammatique ESARTINULO+H, correspondant aux 121 vers de la série en H d'Alphabets, et qu'il suffisait que l'un de ces vers soit suivi ou précédé d'un E pour avoir une parfaite anagramme.
  Il y a 10 cas, parmi lesquels seuls 2 sont composés de mots complets: le premier vers du premier poème, suivi du E du vers suivant, livre
Hélas ! Ni route (...)
  Ensuite, l'avant-dernier vers du quatrième poème, suivi du E du vers suivant, livre
Sait-on l'heure ?
  Sans Perec, je n'aurais probablement jamais su que, grâce à "Sinoué-Halter", "on sait l'heure" d'un fabuleux événement, l'échange Jung-Haemmerli le 4/4/44 à midi (dont la position aux exacts 4/5es de la vie de Jung m'est apparue  il y a exactement 15 ans, le 8/9/2008).

  Aujourd'hui, je m'avise que les 4 premiers onzains de la série en H, du premier vers où débute Hélas ! Ni route, jusqu'au dernier où s'achève Sait-on l'heure ?, forment avec l'outil de gématrie binaire un carré de 44x44 pixels, que voici (y a-t -il une route pour sortir de ce labyrinthe?):
 
 
  Les autres séries, de P à Z, se traduisent par des lignes de 45 pixels.
  Sachant que mon heure viendra en 2025, 45x45, il m'est venu l'idée de réaliser un centon de "vers" de Perec, tel qu'un même motif 3x3 y apparaisse 15 fois dans les deux diagonales, en X.
  Je ne suis guère satisfait du résultat, il eût certainement mieux valu choisir un motif 5x5, voire 9x9, mais voici:
 

(par facilité, je me suis servi des mêmes vers lorsque la symétrie le permettait)

  Ceci m'a donné envie de réaliser quelque chose de plus net, et je suis arrivé à ce "gag":
gag
X c
je
di
bu
aqa
go

  Bon, ça ne veut rien dire, et je suis parvenu à la même figure selon les gématries par mots, avec

Justement,
X ab-
outit,
magique
encodeur,
à codage
foisonnant.

  Gef est parvenu à représenter cet échiquier par un dizain de disyllabes rimé. Il a obtenu la même figure selon les gématries par lettres, avec un galimatias comparable à ce que je donnais plus haut.

  L'option la plus simple est la gématrie par lignes, mais elle demande des textes bien plus longs, ainsi un alexandrin codera usuellement 9 bits.
 
  J'ai eu l'idée d'un sonnet donnant deux fois ce motif, et, le X étant devenu ce que l'on sait, d'y donner dans le porno.
  Il faut savoir qu'un colistier de la liste Oulipo joue au "serial cocu", ayant entrepris un pot-pourri de 100 sonnets contant les frasques de sa bien-aimée Gabrielle, avec des contraintes diverses. Son site en offre actuellement 71.
  J'ai suivi d'assez près ses contraintes, sauf en ce qui concerne "l'érotisme discret"...
  Chacun de ses sonnets est introduit par une illustration adéquate, et une chanson de Bashung m'a fourni l'identité de l'amant de Gabrielle pour mon plagiat.
---

Comme il osa hurler dans un refrain minable,
Gaby la magnifique est folle de Bashung...
Ce qui la fait gicler, la garce insatiable,
son x* rose est percé d'un anneau de packfung.

L'abdomen affalé sur un divan pliable,
elle fripe bien bas sa jupe de shantung,
exhibant ses deux x* au rocker increvable:
il vante les succès de sa Weltanschauung.

Elle épile sa x*, à ses sept chats de même,
ranime le fier x*, lui dédie un poème,
le digère à nouveau dans son corps épanoui.

Hélas, hélas, hélas ! le pâle tréponème
a trouvé le chemin dans le dédale inouï:
elle regrettera d'avoir à tel point joui.

---
* censuré

  Incidemment, la gématrie des vers 1-7-8-14 est 387 (110000011), et il suffirait de déplacer un bit pour obtenir 389 (110000101), soit C-H-I, ainsi ci-contre le "rocker increvable" est devenu "détestable". J'ai préféré conserver la symétrie.
  Il y a tout de même un 389 dans mon sonnet, où les deux vers d'introduction totalisent 69 lettres. Les autres 24 (X) hémistiches totalisent 389 (CHI) lettres.

  Incidemment encore, la fin moralisante de mon sonnet (Gaby chope la syphilis) m'a fait prendre conscience d'un probable jeu de Ricardou, dans sa nouvelle Supercherie, où les trois sirènes d'une fontaine se nomment
Lison - Tootsie - Philis.

  J'ai tenté un sonnet entier en gématries par mots, et j'ai choisi une nouvelle parodie de Voyelles, un poème où on peut aligner les vocables les plus inattendus sans risquer d'être beaucoup plus abscons que Rimbaud.
  Voici l'image correspondant au sonnet:
 

  Elle n'est pas tout à fait identique à ce qui était prévu au départ, en partie à cause d'erreurs en cours de réalisation, en partie parce qu'il a fallu procéder à des modifications afin de pouvoir inclure E et U. Voici le poème:
---

soit A flux clérical, soit O perçu prouvant,
ç'urgerait récemment, naître astral en voyelles:
A typique, A tension, lu mousquet, ru, camelle,
A classieux, seul frottoir, blé de sable accédant;

cet I jaune gredin, I du Râ rutilant,
(A secours des terreurs, djinn quartzeux à séquelles);
on code envoi magique, E vainqueurs, éternelles,
et l'ivoirin, ci dé, E sulfureux, tringlant;

dû, l'intrant a râlé: « O, tungstique à blâmer,
ode insoucieuse, O, Ha! bel en do décimé,
ce bleu né coactif en aide l'oubliable...

en Eden caduc or, facial O, anel O »;
vil U, lac opalin, un plasma réformable,
je cristallise O, Dieux! je ruse avec, Salop!
 
---
  Certaines couleurs ont été respectées, A de sable, E ivoirin, O bleu, mais I est jaune et U opalin.
  Il a été avancé que la série de l’Alpha à l’Oméga désignait Dieu (remplacé par "bleu" dans les jurons), les majuscules de Ses Yeux le démontrant. C’était peut-être pour Rimbaud un calembour "O dieu" que j’ai actualisé dans le dernier vers.

  J'ai évoqué plus haut Paul Halter, et j'avais relevé dans son roman La montre en or (2019) un chiasme original. On y suit en alternance une enquête en 1911, en Angleterre, concernant Andrew Johanson et sa femme Alice, et une enquête en 1991, en France, concernant André Lévêque et sa femme Célia.
  Le X est la croix de Saint-André, et les auteurs à lire en diagonale ont parfois recours pour les noms de leurs personnages à des mots évoquant la pièce qui se déplace en diagonale, le fou, l'évêque, l'archer. Dans L'adversaire de Queen, il y a un Tom Archer et une Ann Drew, dans The Bishop murder case de Van Dine, il y a un "Bishop Arnesson".
  Le lecteur est donc conduit à imaginer une correspondance entre les couples Johanson et Lévêque, Célia étant l'anagramme d'Alice, mais le réel équivalent d'André Lévêque est Daren Bellamy, amant caché d'Alice dans le récit de 1911 (Daren est l'anagramme d'André).

  Les images pixellisées brutes peuvent sembler un tantinet répétitives pour certains...
  Marylin Rolland a imaginé des techniques de floutage qui adoucissent ces représentations.
  Voici une double image qu'elle a conçue à partir de mon centon perecquien de 2025 pixels donné plus haut:
 




4 commentaires:

fox a dit…

Salut Rémi!

L'X me fait aussi penser au nouveau nom du réseau social Twitter. Elon Musk semble attaché particulièrement à cette lettre : Un extrait d'un article que je viens de lire sur le site de Ouest france :


"D’autres, comme le cite Numerama, penchent vers l’amour de la science : « Elon Musk aime la science, et X est souvent associée à l’inconnu. C’est aussi une lettre utilisée dans la science-fiction, comme dans X-Files. »
Une hypothèse souvent reprise. D’autant qu’Elon Musk a poussé plus loin encore sa passion en baptisant toutes ses entreprises avec la lettre X. Patron de Tesla, il a sorti son modèle X. Il dirige également de SpaceX, officiellement Space Exploration Technologies Corporation, entreprise américaine spécialisée dans le domaine de l’astronautique et du vol spatial. Et tout récemment dirigeant de xAI, entreprise américaine spécialisée dans l’intelligence artificielle, créée en juillet 2023.
Le milliardaire visionnaire ne s’arrête pas là puisqu’en 2020, il baptise son fils X Æ-12. Ce n’est pas une blague"

blogruz a dit…

Heureux de te voir toujours lecteur, cher Fox, et ta référence à l'oiseau bleu (Jay, J) devenu X fait coïncidence avec un truc récent.
Tu étais intervenu en 2009 ici à propos du rond-point de mon gendre Seb, et le 29 juin dernier j'ai conduit Seb chez le concessionnaire du 13 pour qu'il y prenne sa Tesla, mais c'était une Model Y et pas X.
Quelques jours plus tard, j'ai appris que c'était ce jeudi que Tesla avait vendu sa 100000e voiture en France.

Anonyme a dit…

Rémi, anecdote amusante, la même année que le film de Roger Corman (que je ne connaissais pas) apparaissait le professeur Charles Xavier chez Marvel (X-men)

blogruz a dit…

Faut dire que quand on veut un personnage d'initiale X, le choiX est limité. Ainsi, le docteur Xavier dirige une clinique perdue dans les montagnes dans Le Mystère des frères siamois de Queen (1933), et c'est un autre docteur Xavier qui dirige la prison-hôpital en montagne dans Glacé de Bernard Minier (2011), ce qui m'a permis de prédire qu'un incendie allait ravager la prison, comme chez Queen.
En googlant "Xavier" "Minier", je découvre, à propos de Xavier Dupont de Ligonnès:
Le 15 avril 2011, en quittant l'hôtel Formule 1 de Roquebrume-sur-Argens, il avait le livre Glacé de Bernard Minier sous le bras.