26.9.18

Le parfum de la dame au tranchoir


Chapitre 16: PUEZ! AR FALL HAG AR MAD
  Ce chapitre a été pour une grande part déterminé par une règle que je m'étais imposée: les titres de mes 18 chapitres devaient tous avoir 18 lettres de valeur 171, valeur se retrouvant dans les deux diagonales, formant des messages, la première colonne, formée de la succession alphabétique de A à R, et la dernière colonne, sans autre contrainte.
  J'ai généralement choisi le premier titre venu, ce qui a parfois déterminé en partie le contenu des chapitres, par exemple le chapitre 11, Képi impec en loucedé, m'a conduit à faire parler un personnage en argot.
  Je me suis trouvé à un moment donné avec 17 titres trouvés, manquait celui du chapitre 16, que je savais déjà être celui de Vernona Ölm, dont le personnage était d'un flou total.
  La contrainte sur la dernière colonne imposait d'avoir un D en dernière lettre, alors que la contrainte diagonale demandait un M deux lettres avant. Il n'y a pas beaucoup de mots qui finissent par M*D en français, aussi j'envisageais de retravailler d'autres titres.

 AVECUNDEBUTCOMMECA
 
BILANLETALEDULCORE
 
CEJEUBRIDELARAISON
 D
OSESDANAGRAMMESLA
 E
LLECHERCHAITNOISE
 FATALEAUBEENEGYPTE
 GRIFFELESAMBIANTES
 HONOREDEVALMONDADA
 I
DEALELAVALENAMOUR
 J
AMAISELMONEDEROGE
 K
EPIIMPECENLOUCEDE
 L
ELUDEPIDUODECIMAL
 M
IRAGEDELAVIEAUMAX
 NORMCEDEADIEUNEANT
 ORPHELINIMPLACABLE
 P E            M D
 QU
EDORANNEEDELAFOI
 R
ICHEDRAMEDHERITER

  Mais MAD était séduisant, par son équivalence 13-1-4 que j'avais très tôt relié au rôle particulier de la lettre numéro 14 parmi 18 dans la nouvelle de Leblanc. Par ailleurs le mot apparaissait dans l'arrangement MAD ARBRE que Ricardou avait vu après coup dans sa diagonale MAADRBRE.
  Je ne m'interdisais pas de recourir à l'anglais, mais j'ai pensé aux biscuits Traou Mad, et me suis demandé ce que ça signifiait en breton: "choses bonnes", avec mad aussi présent dans l'expression ar mad agh ar fall, "le bien et le mal".
  Impec, par sa résonance immédiate avec mon thème amour-haine, mais il fallait encore trouver un mot de 4 lettres de valeur 68 avec P et E aux rangs 1 et 3. Le seul mot français valide est PUEZ. Y avait-il moyen de trouver une histoire correspondant au titre Puez Ar fall agh ar mad ? J'ai essayé...

  Le nom Vernona Ölm est une innovation, due à une curiosité. Il y a environ une trentaine d'années, j'ai été sidéré de découvrir dans une librairie la couverture d'un Livre de Poche, Haute tention à Palmetto, d'Erskine Caldwell. Farpaitement, TENTION avec un T (au lieu d'un S doit-on le préciser), en couverture d'un livre imprimé à des milliers d'exemplaires.
  Cette coquille, peut-être prémonitoire (après tout, pourquoi "tension" alors qu'on a "attention"?), ne m'a pas fait acheter le LP, ce que j'ai quelque peu regretté par la suite, par exemple lorsque j'ai rencontré cette autre énormité, chez un éditeur certes moins prestigieux. J'ai alors cherché en ligne la couverture de Haute tention à Palmetto, sans succès. De telles choses me font parfois envisager que j'ai comme PK Dick des souvenirs d'un monde parallèle.
  Je reprends cette recherche de temps à autre, sans résultat, et dernièrement j'ai vu en diagonale que l'héroïne du roman se nomme Vernona Stevens, jeune enseignante débarquant dans une petite bourgade de Géorgie, éveillant aussitôt la convoitise d'une bonne part des mâles locaux...
  J'ai aussitôt vu que Vernona convenait à mes noms anagrammatiques, d'autant que je manquais cruellement de femmes parmi mes héritiers. De fait, ma liste finale ne compte que 4 femmes pour 14 hommes (mais certains d'entre eux sont ambigus, comme Norma(n) Love, permettant une autre structure 13-1-4, alors que Norman occupe la position 14 du programme mortel).

  Ainsi ma Vernona se trouve devoir trouver des innovations odorantes pour échapper au harcèlement des hommes, ce qui n'était pas prévu lorsque je lui ai donné le prénom de l'héroïne harcelée de Caldwell.
  Je l'ai fait habiter Rennes parce qu'il lui fallait une grande ville bretonne, et j'ai appris ensuite, en lui cherchant une adresse, que la ville se trouve au confluent de l'Ille et de la Vilaine, ce qui permet quelques jeux.
  En consultant le plan de Rennes, il m'a semblé s'imposer de loger Vernona dans l'île formée par ce confluent et le canal, et la plus importante rue de ce quartier est la rue Vaneau. En consultant sa fiche j'ai appris les erreurs sur son nom, pour la Colonne de Juillet du parc Thabor à Rennes, me rappelant d'une part la Colonne de la Bastille prétexte au carré de Cyril Epstein, d'autre part la rue du Mont-Thabor d'une des premières victimes, Van Loornem, et pour la rue d'abord baptisée Vanneau à Paris. La lettre N joue un rôle essentiel dans Novel Roman, notamment son redoublement, et je pensai aux formes VANO et VANNO, ce qui me fit me demander s'il y avait des MOREL rue Vaneau, et ce n'est qu'alors que je me suis aperçu que Vaneau était l'anagramme phonétique de Vona, Vona Mornel victime dans mon chapitre 13.
  Ma recherche Vaneau Morel m'apprit qu'une Régine Morel travaillait à l'agence immobilière Pierres de Paris, 80 rue Vaneau. Régine!, alors que le nom de scène de Vona Mornel était Régina, alors que mon joaillier Van Loornem rue du Mont-Thabor était calqué sur celui de La demeure mystérieuse, où Van Houben courtise l'actrice Régine Aubry.

  Ingrid et Priscilla ont des noms choisis pour leurs valeurs correspondant à NOUVEAU ROMAN,
PRISCILLA TRENCA = 99 61, avec une arrière-pensée pour Priscilla, folle du désert, rôle interprété par Terence Stamp, mais sa description est inspirée par Gertrude Stein.
INGRID HAMUNDSEN = 61 99, avec une pensée pour Rose Knudsen, la flic déjantée d'Adler-Olsen, dont j'ai un peu trituré le nom pour en faire
ROSE CANTUNS = 57 92, valeurs de GOLDEN NUMBERS, dont la description est inspirée par Valerie Solanas, ou plutôt par l'actrice qui l'interprète dans I shot Andy Warhol.

  Ce que déclare Vernona des chromosomes X et Y est tout à fait exact, même si révélé quelques années avant la publication officielle. Voici, colorés pour l'occasion, et avec beaucoup plus de précision que les premières analyses au microscope, à gauche les chromosomes XX de la femme, à droite les XY de l'homme.
   Je m'ébaubis de ce que le chromosome X ressemble à un X, et le Y à un Y, sans intention aucune puisque la raison de cette appellation est qu'on comptait alors 23 paires d'autosomes, numérotées de A à W, et les hétérosomes XX ou XY, restant séparés dans la chromatine. Ce compte était erroné, et s'il avait été exact, les chromosomes sexuels auraient été W et X.
  Par ailleurs, la lettre Y peut effectivement être considérée comme un X auquel il manque un jambage, ce qui a été exploité par Ellery Queen dans The Scarlet Letters, pour un jeu qui a influencé le mien avec N et M.

  Le couple Andin et Mathilde Basnoda évoque le célèbre ambigramme de Perec,
que je n'ai pas tardé à songer à exploiter dès le titre du chapitre trouvé.

  Mathilde et la dame en noir Vernona évoquent l'un des deux feuilletons essentiels dont la parution a débuté en 1908, avec une particularité gématrique:

LE PARFUM DE LA DAME EN NOIR = 212 = 1908/9
dont le premier épisode est paru dans l'hebdomadaire L'Illustration le 26 septembre 1908 (09/1908). J'ai notamment commenté ici ce roman qui couvre exactement la Semaine sainte de 1895.
  L'autre feuilleton est
L AIGUILLE CREUSE = 159 = 1908/12
dont le premier épisode est paru dans le mensuel Je sais tout le 15 novembre, et donc le second le 15 décembre 1908 (12/1908). Bien que l'année de l'action n'y soit pas mentionnée, les dates présentes dans le texte permettent d'identifier 1908.

  J'ai fait naître Vernona à Braunau, le bourg où est né Hitler, parce que je me suis souvenu que Mark Frost exploite dans La liste des sept la proximité de Braunau avec les chutes du Reichenbach, où AC Doyle a voulu faire mourir Sherlock Holmes. Il a dû le ressusciter dans La maison vide, nouvelle qui a grandement inspiré mon chapitre 11.
  Cherchant AC Doyle, personnage de Frost, et Braunau, je tombe sur le roman Infinity Express, dont une bonne partie est disponible en ligne, où un comédien de 1983 est expédié par une machine à temps le 8/8/1888 à Braunau. Son irruption là-bas est comparée à celle de Gaspard Hauser près de Nuremberg, et ce n'est qu'un premier écho à mes préoccupations, puisque Doyle et Leroux sont aussi présents à Braunau, ainsi que Raspoutine, alors jeune agent de l'Okhrana. Raspoutine est l'amant de Frau Schicklgruber, et c'est lui le vrai père de Hitler qui naîtra l'année suivante. Ses chefs l'envoient ensuite à Londres, où c'est lui qui commet les crimes de Jack l'Eventreur...
  Le roman me semble fort mal écrit, mais je note cette réunion de Gaston Leroux, d'un Jack l'Eventreur russe, et de Hitler.
  Comme je le disais plus haut, ma lecture en 1997 du Parfum de la dame en noir m'a fait y découvrir un récit couvrant exactement la Semaine sainte de 1895, avec maints détails évocateurs, sans toutefois que les intentions de Leroux me soient claires.
  Pratiquement dans la foulée, j'ai redécouvert un roman de Queen exploitant la Semaine sainte 1944, mais ceci n'a pas été suffisant pour que j'imagine une catégorie de fiction couvrant exactement une Semaine sainte.
  11 ans ont passé, et puis en juin 2008 j'ai découvert une nouvelle française couvrant exactement la Semaine sainte 2001, et en septembre un roman américain couvrant exactement la Semaine sainte 1996. J'ai pu contacter les auteurs qui ont confirmé leurs "saintes" intentions.
  Ceci se passait au moment de ma découverte de la quaternité-quintessence de la vie de Jung autour du 4/4/44, et je me suis pris à rêver d'une cinquième fiction de la même farine qui viendrait couronner cette quaternité, et je l'ai découverte presque aussitôt dans les circonstances ébouriffantes détaillées ici. C'est donc Le décorateur, où Boris Akounine imagine que Jack l'Eventreur ait été un dément russe, revenu dans son pays où il démarre une nouvelle série de crimes au début de la Semaine sainte 1889. Fandorine le démasque le soir du samedi 20 avril, la nuit de la Résurrection, et le tue froidement, malgré une irresponsabilité manifeste. Il m'a semblé que cette exécution était en rapport implicite avec la naissance de Hitler ce même jour.

  Alors voici ce roman de 2001 (comme la nouvelle exploitant la Semaine sainte de 2001) qui fait apparaître Gaston Leroux, ma première Semaine sainte, et un Jack l'Eventreur russe, ma dernière Semaine sainte, associé explicitement à Hitler. Et le schématique 8/8/88 m'évoque bien sûr "mon" 4/4/44...
  C'est en écrivant ces commentaires que je me suis avisé que la valeur du titre de Leroux était 212, multiple de 106 comme 1908, or
INFINITY EXPRESS = 106+106 = 212.

  Avant d'avoir découvert Infinity Express, j'avais choisi le titre de ce billet, 265e de Quaternité, qui comme tous les commentaires de Novel Roman se doit d'avoir un titre de valeur égale à son rang. Comme la valeur du titre de Leroux 212 est égale à 4/5es de 265, il m'a semblé devoir me baser sur ce titre, et le mot TRANCHOIR est apparu.
  Comme j'écris ces commentaires en même temps que le chapitre, j'y ai fait apparaître un tranchoir, manié par la militante du SCUM, avec une pensée donc pour Valerie Solanas. Lire sa fiche m'a appris qu'elle est née le 9 avril 1936, qui était un Jeudi saint (le jour de l'initiation au grade maçonnique de Chevalier Rose-Croix).

  En fait Priscilla est plus proche de Gertrude Stein, à qui elle emprunte la poésie Rose is a rose... La réelle Gertrude Stein a eu 34 ans en 1908, or plusieurs protagonistes importants de Novel Roman sont nés en 1874, et Gertrude est précisément née le 3 février, qui est le 34e jour de l'année.

  S'il m'était clair que Vernona devait mourir par un parfum, j'avais du mal à trouver des circonstances significatives jusqu'à ce que je songe à exploiter une remarque de Gef à propos du précédent chapitre, où j'avais imaginé le dernier message du pauvre Léon être MLÖ, signature d'un document trouvé après la mort de Gaspard Hauser.
  Gef me rappela (ou m'apprit) que mlö était un mot de tlönien austral signifiant "il luna" ("it mooned" en anglais).
  D'où l'idée que ÖLM pourait être "annulée" à son tour, après un demi-tour. Comme c'est un peu approximatif, j'ai fait intervenir Priscilla avec son inspiration anulla anulle anulli.
  J'avais forgé le nom Fausta Moriselli pour le chapitre 17. Il s'agit de l'anagramme de ut ré mi fa sol la si, mais l'évolution du chapitre en a écarté la présence d'un personnage féminin...
...recyclé ici, ou demi-recyclé car la valeur de ce nom est 180, comme les 180 degrés d'un demi-tour...
  Demi-tour est le titre d'un album de Boilet-Peeters qui m'est crucial pour de multiples raisons, voir notamment ici, où je donnais pour la première fois l'illustration montrant le personnage inspiré par mon ami Jean-Pierre Le Goff, natif du Lion; plus tard je me suis avisé que l'identifiant de cette illustration contenait la séquence LEONA.
  "Il demi-lunait" sur la couverture de l'album...
  J'avais vu alors que ce titre pouvait être vu comme l'anagramme de quatre notes, do-ré-mi-ut.

  Quant à ce que pourrait être l'action présumée de cet hypothétique parfum Demi-tour, je dirais comme Boby Lapointe, Comprend qui peut.

  En 2002, Gef  avait proposé à la liste Oulipo de composer des textes en tlönien austral. Sur cette page consacrée à ses textes d'alors figurent donc sa proposition, mentionnant le mot mlö, "il luna", et sa contribution, au 25 février, mais j'y remarque au 12 décembre précédent une de ses très rares incursions dans le domaine du palindrome phonétique, avec un sonnet que j'ai toujours trouvé très réussi, Chaque mot me cache.
  Au-delà de l'appréciation, je note aujourd'hui que ses vers 5 et 10 jouent avec "lune" et "soleil":
Et sans s'ingénier, l'os - lune en deuil - est venu...(...)
Une veille dans nul soleil, neige insensée, (...)

  Le poème de Priscilla permet d'introduire une nouvelle anagramme anglaise de NOVEL ROMAN, avec une expression qui apparaît d'ailleurs dans des paroles de plusieurs chansons.


No lover man,
no man no more,
no man never no more,
no, no lover man.

  Le poème est en outre formé uniquement des lettres de ROMAN NOVEL, et je me suis avisé après coup de quelques harmonies non préméditées. Il a
4 vers, carré de 2,
16 mots, carré de 4,
49 lettres, carré de 7,
625 comme gématrie totale, carré de 25.

  Puisque Ingrid n'a pas réussi à dévoiler la contrainte de son poème, ses 21 vers épuisent les décompositions de 7 syllabes en mots de 1 et 2 syllabes.
  En règle générale, les décompositions de n éléments en lots de 1 et 2 obéissent à la suite de Fibonacci, mais le cas de 7 éléments est particulier, car
- il conduit à 21 décompositions (2-1);
- ces décompositions conduisent à 71 lots de 1 et 38 lots de 2, or les valeurs des deux premiers nombres latins sont
UNUS = 71 et DUO = 38,
selon l'alphabet latin bien entendu.

  J'ai composé le poème en tercets d'heptasyllabes qui ont donc chacun 21 syllabes, correspondant aux décompositions suivantes:
211111 - 2212 – 121111
111211 – 111112 – 2122
22111 – 12121 - 111121
11221 – 21112 – 112111
12112 - 21211 - 11122
12211 - 1222 - 21121
11212 - 1111111 - 2221

  Plus par hasard maintenant, un premier essai m'a conduit à un ensemble proche de 441 lettres, carré de 21, et de la valeur 5184, carré de 72, et j'ai retravaillé le texte pour y parvenir.
  Après coup, je me suis avisé d'une possibilité en croisant les poèmes de Priscilla et d'Ingrid, qui font donc intervenir par nombres de lettres et gématries les carrés de 7-25-21-72, somme 125, or ces poèmes totalisent 16+109=125 mots.
  Je redonne le poème:

Merzout ar mad hag ar fall,
ainsi disent les Bretons
pour scinder le bien du mal.

Mais le mal contient du bon,
et le bon, on en convient,
offre de fâcheux rebonds.

Comment cerner mal et bien ?
La question se résume à
« le Deux peut-il vouloir Un ? »

Et je réponds « pourquoi pas ? »
puisque le centre est compris
entre un néant et un tas.

Une épouse ou un mari,
jamais le nombre ne nomme
qui prime au genré pari.

La femme serait tout comme?
Tout mâle certes ferait
avec le bien quelque somme.

Mais quand ceci seul serait,
de la femme est né tout homme,
cela sera toujours vrai.

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