12.5.22

Fibonacci régit de noirs labyrinthes

à Wana

  5 mai, 5/5, parution du nouveau Thilliez, Labyrinthes.
  Une des premières choses que je fais en présence d'un livre est de consulter son nombre de chapitres, il est ici de 55, nombre de Fibonacci, et je repère sur la première page de ce chapitre 55 le nom d'un personnage, Marc Fibonacci.
  Il a pour interlocutrice Camille Nijinski, et il m'est immédiat que la valeur numérique de CAMILLE est 55.

  Une autre chose qui m'est importante est le numéro d'un livre dans sa collection, ou, sinon, son numéro ISBN, en 'l'occurrence 9782-265-15555-8, un identifiant unique qui se découpe en:
- 978 indiquant la catégorie livre, 2 le domaine francophone;
- 265: numéro d'éditeur;
- 15555: numéro de publication;
- 8: clé de vérification, calculée à partir des 12 précédents chiffres.

  Ainsi un livre publié le 5/5 a 55 chapitres, le numéro de publication (1)5555, et un personnage essentiel a un prénom de valeur 55... C'est presque le premier mot du livre, dont voici les deux premiers paragraphes du chapitre 1:
  — Comment va-t-elle, docteur ?
  Camille Nijinski avait ôté ses gants fourrés et se massait doucement les mains. La chaleur infernale qui régnait dans l’hôpital contrastait avec les températures à pierre fendre de l’extérieur et tiraillait les crevasses encore à vif sur ses doigts. D’un geste, le docteur Fibonacci lui intima de ne pas s’avancer davantage dans la chambre. Face à eux, la patiente dormait ; le bip lent de l’électrocardiogramme indiquait un sommeil paisible qu’il n’était pas question de perturber.
  Ce n'est au moins pas par hasard que le docteur (un psychiatre) se nomme Fibonacci, car beaucoup de nombres de la célèbre suite apparaissent dans le roman, jusqu'à 2584, son 18e terme. Je ne vais pas en donner le détail, il est plus simple de signaler les manquants, 233, 377, et 987.
  On trouve mentionnée cependant l'année 1987, et il y a peut-être un jeu subtil pour 377, car la dernière ligne du roman est page 375, et le recto suivant, non folioté mais correspondant à la page 377, offre au lecteur de résoudre ce labyrinthe.
 

  Le chemin passe par 10 lettres fournissant le mot de passe (XIPHOPHORE) pour accéder ici à quelques secrets de l'auteur (mais il n'y est pas question de Fibonacci).
  A noter que Labyrinthes est nettement plus court que les romans précédents de Thilliez (498 pages pour 1991, 507 pour Il était deux fois), ainsi le texte a pu être calibré pour que l'énigme figure page 377.

  Ce n'est évidemment pas un hasard si le roman a 55 chapitres, et je reviendrai plus loin sur d'autres chapitrages fibonacciens chez Thilliez.
 Qu'en est-il de la date de parution le 5/5? Depuis quelques années, son roman annuel paraît début mai, et les dates officielles de parution des deux romans précédents étaient le jeudi 6 mai 2021 pour 1991, le jeudi 7 mai 2020 pour Il était deux fois), ainsi la parution ce jeudi 5 mai suit exactement le même schéma. Il est d'ailleurs envisageable que la connaissance de cette parution un 5/5 ait été un déclic pour orienter la construction fibonaccienne.

   En ce qui concerne le numéro de publication, donné plus haut comme 15555, quelques précisions sont nécessaires.
  Ces numéros progressent plus ou moins linéairement, comme on peut le constater avec les numéros des Thilliez depuis son premier opus chez Fleuve, Le syndrome [E], portant le numéro 08729.
   Plus ou moins, car depuis 6 ans, il est attribué des paires de numéros consécutifs aux romans de Thilliez, 11558-11559 pour ceux de 2016-2017, 11780-11781 pour ceux de 2018-2019, 14427-14428 pour ceux de 2020-2021.
Note: le Thilliez suivant en 2023, La faille, a effectivement eu le numéro 15556.
   Quoi qu'il en soit, les autres thrillers parus récemment chez Fleuve ont des numéros débutant par 155, par exemple ce numéro 15534 paru en janvier.
   Il est donc normal que ce numéro de Labyrinthes soit 155XX. Pour le 55 final, soit c'est contingent, soit non. Si c'est un hasard, peut-être Thilliez informé du numéro qu'aurait son prochain roman a-t-il imaginé de lui donner 55 chapitres et d'y jouer avec la suite de Fibonacci.
  Peut-être ce choix était-il prédéterminé, et Thilliez aurait alors demandé à l'éditeur de lui attribuer ce numéro.
   Mais peut-être encore le hasard est-il complet, ce que je n'ai aucune peine à envisager tant je suis habitué à de telles coïncidences autour de la suite de Fibonacci.

CAMILLE = 55 (3+1+13+9+12+12+5)
  Ici je dois commencer à spoiler, et invite donc c.eux.elles qui n'auraient pas lu le roman à commencer par le faire, en signalant qu'il est utile d'avoir lu auparavant Il était deux fois, et peut-être d'abord Le manuscrit inachevé.
   Il n'y a pas de lieutenant Camille Nijinski. C'est l'une des identités endossées par une femme atteint de fugue dissociative, et selon le psychiatre Fibonacci elle aurait forgé ce nom à partir de deux personnalités étudiées dans La folie de l'artiste, Camille Claudel et Vaslav Nijinski. Il n'y a que trois femmes dans cette étude, et le choix était donc limité.
   Bien sûr, Thilliez aurait pu choisir Camille pour sa valeur 55 et forger ensuite cette explication. La gématrie ne lui est pas inconnue, et il l'utilise dans Vertige.

   Il se trouve qu'il y a actuellement 21 romans de Thilliez accessibles sur le marché, 21, 8e terme de la suite de Fibonacci, et ce 21e roman aurait aussi pu être le déclic orientant vers Fibonacci.
   Le terme précédent est 13, et le 13e roman est Angor (2014), une aventure de Sharko-Hennebelle introduisant un nouveau personnage, une Camille qui y a d'abord le premier rôle. Voici les deux premiers paragraphes du chapitre 1:
  [U]ne jeune automobiliste de 23 ans, impliquée dans un accident de voiture, a été retrouvée morte plusieurs heures après le drame, à un kilomètre à peine de son domicile familial, à la sortie de Quiévrain.

  Assise à son bureau, l’adjudant Camille Thibault surligna « a été retrouvée morte » et ne prit pas la peine de lire la suite. Elle referma le journal belge La Province, édition du 28 juillet 2011, avant de passer à l’enveloppe suivante, qui contenait un numéro du quotidien suisse 24 Heures, même date. Elle se rendit directement à la rubrique des faits divers et trouva d’un coup d’œil ce qui l’intéressait.
  Camille Thibault revient dans le roman suivant, Pandemia, dont j'ai parlé ici, pour une belle coïncidence personnelle. Thilliez offre une mort atroce à ce sympathique personnage...
note de mars 23: Je n'avais pas remarqué que
ANGOR = 55 

 
  Ce 5/5 est aussi paru Le plaisir de la peur, où Thilliez donne des conseils d'écriture qui ne m'ont guère intéressé. J'y ai cependant repéré cette curiosité:
Dans mon roman Pandemia, Camille Guérin travaille avec des microbes très dangereux alors que son mari risque la mort en attrapant le moindre rhume.
  Cette scientifique se prénomme en fait Amandine. La confusion pourrait indiquer à quel point le prénom Camille était important pour Thilliez ces derniers mois.

  Labyrinthes est donc le 21e roman de Thilliez, et le premier nombre de Fibonacci qui y apparaît est précisément 21. Le docteur Fibonacci et Camille sont au chevet d'une malade inconsciente au début du chapitre 1, et le docteur invite Camille à s'installer dans la chambre 21, où ils seront au calme pour discuter.
  Comme il est aisé de le vérifier sur une édition numérique, le mot "Camille" apparaît 21 fois dans Labyrinthes, 8 fois dans le chapitre 1, 13 dans le chapitre final 55, 8 et 13 étant les nombres précédant 21 dans la fameuse suite.

   Incidemment, Thilliez a publié en 2002 un premier roman, Conscience animale, épuisé, et une réédition n'est pas souhaitable à mon avis. En conséquence, 21 romans sont parus avant Labyrinthes, 8 chez des petits éditeurs, 13 chez Fleuve.

  Au départ de Labyrinthes, le lecteur est conduit à penser que Camille Nijinski enquête sur une amnésique trouvée à côté d'un cadavre. Le docteur Fibonacci confie qu'elle a pu lui parler avant d'oublier:
Vous devez savoir qu’il y a cinq protagonistes dans le récit que je vais partager avec vous. Toutes des femmes. Écrivez, c’est important pour la suite : "la journaliste", "la psychiatre", "la kidnappée", "la romancière"... (...) La cinquième n’apparaît que plus tard, elle est la clé de tout. Son identité ne pourra vous être révélée qu’à la fin de mon récit.
  5 est aussi un nombre de Fibonacci, le 5e, et c'est important car tous les Fibonacci d'ordre multiple de 5 sont multiples de 5 (plus généralement Fkn est multiple de Fn).  F10 est 55,  F15 est 610 (la journaliste enquête sur un film super 8 de 5'34" composé de 610 plans).
  Par ailleurs, le rapport de deux Fibonacci consécutifs tend vers le nombre d'or, phi, dont l'expression algébrique dépend de 5, (1+√5)/2. Certains transforment cette expression pour n'utiliser que des 5, (5+5√5)/(5+5), ou .5+.5x5.5.

  Le docteur a la jactance aisée, car son récit est supposé représenter les 53 chapitres suivants, alternant les histoires de la journaliste, Lysine Bahrt, la psychiatre, Véra Clétorne, la kidnappée, Julie Moscato, déjà connue des lecteusr de Il était deux fois; elle a été kidnappée en mars 2008 par le romancier Caleb Traskman; son père n'a jamais renoncé à la chercher, et finit par découvrir en 2020 son corps plastinisé en Pologne. 
  Quant à "la romancière", c'est Sophie Enrichz, qui fait partie de l'histoire de Véra, et dont la réalité peut prêter à caution quand il est énoncé, assez tôt, que c'est l'anagramme de "schizophrénie". S'il est aussitôt signifié que c'est un pseudo, le procédé peut induire à se pencher sur le curieux nom Lysine Bahrt, et y découvrir "labyrinthes"...
  Par ailleurs, un lecteur familier du polar sait que Vera Claythorne est l'un(e) des Dix petits nègres, et il y a d'autres indices onomastiques, ainsi un Christian Nolan fait partie de l'histoire de Véra, tandis qu'un Robert Angier apparaît du côté de Lysine. Robert Angier est le personnage principal du film Le prestige, de Christopher Nolan.
  Je suis bien placé pour le savoir, car j'ai imaginé en 2018 dans le chapitre 13 (un Fibo!) de Novel Roman l'artiste Regina (anagramme de "angier") réaliser un tour analogue à celui d'Angier grâce à un appareil inventé par un certain Nolan.

   De fait les indices interrogeant la réelle identité des personnages s'accumulent, et à la fin du chapitre 42 "Lysine" découvre qu'elle n'est pas la journaliste, tuée par le "Minotaure" sur lequel elle enquêtait, mais Ariane, une marginale qui ne connaissait que son prénom.

  L'intrigue se démêle dans les derniers chapitres. Après 8 ans de captivité, Julie parvient à échapper à Traskman en juin 2016. Elle a perdu la mémoire, et une 'araignée pendant au rétroviseur de la voiture qui la recueille la conduit à s'imaginer Ariane.
  L'hiver 2021, un nouvel épisode dissociatif lui fait endosser l'identité de Lysine, pour quelques semaines, et elle devient enfin Véra pour quelques jours. C'est alors que Traskman la retrouve, mais Julie-Ariane-Lysine-Véra parvient à le tuer.
   Julie semble avoir alors recouvré la mémoire pour raconter son histoire au docteur F, avant de partir dans une autre fugue psychique et de s'imaginer être le lieutenant Camille Nijinski.

   Pourquoi cette dernière personnalité serait-elle "la clé de tout", selon le docteur F? Peut-être parce qu'en latin I et J sont confondus, ainsi
C amille
L ysine
A riane
V éra
I  ulie
S ophie
fournissent-elles l'acrostiche CLAVIS, "clé" en latin.
  Ceci donne évidemment une autre dimension au choix du prénom Camille, qui contient en outre les lettres CLE (qu'on trouve aussi dans CaLEb, le Minotaure). Tiens, ces prénoms totalisent 34 lettres, 7-6 et 6-4-5-6 permettant le découpage fibonnaccien 13-21.

   Je remarque que les deux identités de Julie les plus développées, Lysine et Véra, fournissent LV, 55 en chiffres romains.

  Dans ses secrets d'auteur, Thilliez ne dit rien non plus de ce possible jeu CLAVIS, dont il y aurait pourtant lieu d'être fier, et qui s'inscrit dans la lignée des acrostiches du Manuscrit inachevé et de Il était deux fois.  
  J'y remarque quelque chose d'étrange:
  Vous l’avez peut-être remarqué, il y a trois temporalités très différentes dans le livre : la séquestration de Julie qui s’étend sur huit ans, la quête de Lysine qui dure une semaine, et le mystère autour de Véra, qui se passe principalement sur vingt-quatre heures. Ces trois fils sont à peu près équilibrés, en termes de volume, même si le nombre de chapitres diffère légèrement : 20 sont consacrés à Véra, 23 à Lysine, et 16 à Julie. Durant le récit, je ne cite volontairement jamais d’année, sauf à la fin. On ne sait pas précisément quand se déroule l’histoire. En 2008 ? En 2013 ? En 2021 ?
  J'ai procédé à mes propres calculs, et trouvé 18 chapitres pour Véra, 19 pour Lysine (+Ariane), 16 pour Julie, total 53, + les 2 chapitres Camille, 55: le compte est bon.
  A quoi peuvent correspondre les chiffres de Thilliez? Un état antérieur du texte? Je ne me risque pas à conjecturer plus avant, mais si le côté fibonaccien a été décidé en dernier lieu, il se précise que la valeur 55 de CAMILLE serait un hasard.

   Quant aux dates, que vient y faire 2013? Les seules dates précises sont
- le 29 juin 2016 où s'évade Julie, ce qui lui fait constater qu'elle est restée 8 ans prisonnière de Traskman;
- un jour d'avril 2021 où au chapitre 54 Lysine/Ariane décide de partir au hameau du Bout du Croc; elle y arrive en tant que Véra au chapitre 3, et les détails de l'histoire de Véra ne sont guère compatibles avec cette date d'avril.

  Je n'insiste pas sur les incohérences propres au roman, ni sur celles avec Il était deux fois, où Traskman s'était suicidé en pleine rue sous les yeux des passants...
  Je rappelle qu'il y avait déjà du Fibonacci dans ce roman se passant en 2020, où le personnage principal, le père de Julie, est alors âgé de 55 ans. Lorsqu'il découvre que Julie a été emmenée en Pologne (ce qui n'a rien à voir avec son destin dans Labyrinthes), il l'imagine découpée par le plastinicien Kalinine en "89 tranches sérielles", un nombre qui n'a rien d'immédiat, sauf pour les fans de Fibonacci.

  J'ai vu aussi une accumulation fibonaccienne dans Sharko, le roman précédent, avec notamment une structure en 89 éléments: 1 prologue, 87 chapitres, et 1 épilogue (voir ici).
  Mon attention a d'abord été éveillée par Deuils de miel, s'achevant sur un chapitre 34, avec une nette césure à la fin du chapitre 21. Je devais découvrir ensuite que ce chapitrage était erroné, résultant d'un saut inopiné du chapitre 29 au 31 chez le premier éditeur, La vie du Rail, erreur répercutée dans la première édition Pocket, corrigée dans les éditions ultérieures. Le découpage 21-13 pouvait néanmoins être encore considéré car il y avait un court épilogue.

  J'en ai parlé à partir de juillet 2015, dans plusieurs billets, et quelle ne fut ma surprise en découvrant le nouveau Thilliez en juin 2016, s'achevant sur un chapitre 89, mais avec son chapitre 57 explicitement manquant, à télécharger après avoir déchiffré un code. Le livre comptait néanmoins 89 éléments car il y avait un prologue.
  Je me suis alors demandé si ce twist n'avait pas été inspiré par mes commentaires sur Deuils de miel.
note de mars 23: S'il faut compter les éléments, Le manuscrit inachevé a 1 Préface de "J.L. Traskman", 1 Prologue de "Caleb Traskman", et 79 chapitres, soit 81 éléments. Il était deux fois a 83 chapitres et 1 Epilogue, soit 84 éléments.
En tout, cela donne pour les deux premiers opus de la trilogie 165 éléments, soit 3 fois 55, le nombre de chapitres du dernier. CQFD? 

  J'ai déploré à diverses reprises dans mes commentaires de structures de romans les présences de prologues ou d'épilogues, compliquant les analyses, et voici que la cuvée Thilliez 2022 offre 55 chapitres, sans prologue ni épilogue, avec une accumulation de Fibos en sus.
  De fait, je sais que Thilliez a au moins lu mon commentaire sur Rêver, transmis par une connaissance commune. Il n'a pas daigné réagir, peut-être parce que j'y énonce qu'il peut parfois, consciemment ou non, utiliser les idées d'autres auteurs. Ainsi, pour le présent opus, dont le twist essentiel est que ses trois histoires entremêlées se déroulent à trois époques distinctes, autour d'un même personnage central, je constate que ça a déjà été fait, par Michel Bussi dans Nymphéas noirs (2011), que Thilliez a très probablement lu. Je n'ai pas relu le roman en étant informé du twist final, et certains lecteurs ont repéré des incohérences ou tricheries de l'auteur.
  Les jeux avec le temps et l'identité étaient déjà apparus dans le polar, et je me souviens notamment de Un assassin, ça va ça vient (1981), de Siniac, ainsi que de La caverne des idées (2003), de Somoza.

  Thilliez a très probablement vu le film de Manzor Dédales (2003), où trois acteurs incarnent les personnalités multiples d'un même être dissocié, avec parmi ces personnalités le flic qui a enquêté sur le cas, et le psychiatre qui s'en occupe...
  La dissociation originelle a été provoquée par le mythe d'Ariane et du Minotaure, et il me semble que Thilliez aurait trouvé un autre titre que Labyrinthes s'il s'était souvenu de ce détail. J'ai étudié Dédales ici, et ses prodigieux points communs avec un autre film sorti quasi simultanément.












  Il est aussi possible que Thilliez soit l'un de ces auteurs qui s'imaginent maîtriser totalement leur écriture, et qu'il n'accepte pas qu'à ses constructions intentionnelles il puisse se superposer des jeux étranges venus d'ailleurs... C'est une réaction que j'ai déjà rencontrée, et je sais par expérience qu'il est fort difficile de franchir le pas vers ce monde inconnu.

  Je me suis rarement intéressé jusqu'ici aux numéros ISBN (ou EAN), et ce n'est qu'à l'occasion du présent billet que j'ai eu la curiosité de creuser la signification de leurs chiffres.
  Le cas (1)5555 pour le numéro de publication des 55 chapitres de Labyrinthes m'a fait me pencher sur les premières éditions de Deuils de miel, s'achevant sur un chapitre 34. Sa première édition à La vie du Rail avait pour les 8 chiffres significatifs (éditeur+publication) 91503442, avec 34 dans le numéro de publication.
  La première édition Pocket (février 2008) avait pour ces 8 chiffres significatifs 26616634, avec 34 achevant le numéro de publication. Les éditions ultérieures, avec le chapitrage corrigé et de nouvelles couvertures, ont aussi de nouveaux numéros ISBN.
  J'avais commenté le numéro 13121 dans la collection, que je découpais en 21-13 pour la structure des 34 éléments, et 1 pour le chapitre manquant (je remarque la présence du nombre 1321 au chapitre 76 d'Angor, dénombrant des morts).

  Aujourd'hui, je m'ébaubis du nombre 2-266 dévolu à Pocket, ayant réédité les premiers Thilliez, car l'un d'eux est La forêt des ombres, où j'ai repéré l'harmonie fibonaccienne qui m'a le plus étonné chez l'auteur, bien que le roman soit à mon avis indigne de ses réalisations ultérieures.
  Il s'agit en fait d'équivalences gématriques donnant des nombres de la série Bleue du Modulor. Le Corbusier a conçu son système à partir de la suite de Fibonacci exprimée en pouces, et aux mesures en pouces 13-21-34-55-89 correspondent en cm 32-54-86-140-226. Tous ces nombres apparaissent associés au tueur du roman, le Bourreau 125:
BOURREAU 125 = 101+125 = 226
ARTHUR DOFFRE = 86+54 = 140 (son nom réel)
EMMA = 32 (sa complice, connue par ce seul prénom)
NEUN ACHT SIEBEN ACHT VIER = 54+32+54+32+54 = 226 (la litanie de chiffres allemands qu'elle répète quand elle arrive chez Doffre)
  J'ai détaillé cela ici, où je remarquais aussi le numéro dans la collection, multiple de 86, et j'y ajoute maintenant le numéro ISBN de la première édition Pocket, 9782-266-16296-8, avec
- 2-266 correspondant  à Pocket, évoquant la longueur exacte de l'instrument Modulor;
- 16296, numéro de publication, qui peut se scinder en 16-296, deux nombres de la série Rouge (moitiés de ceux de la série Bleue);
- il reste les 4 chiffres 978 (livre), et 8 (clé de vérification), l'ensemble 49788 étant pratiquement équivalent à la litanie 9 8 7 8 4 d'Emma:
NEUN SIEBEN ACHT SECHS ACHT = 54+54+32+54+32 = 226.
  Si je doutais fort de l'intentionnalité de la série 32-54-86-140-226 autour du Bourreau 125, ces nouveaux éléments me confortent dans l'hypothèse synchronistique...
Note du 23/08/24: L'hypothèse est encore confortée car j'ai vu ici que dans les premières éditions de La forêt des ombres "acht" était systématiquement orthographié "archt".

  Lorsque je soupçonne une structure dorée dans un roman, je scrute le phi-point, comme dit John Barth (a-t-il épousé Lysine?), la césure d'or, soit ici le chapitre 34 parmi les 55. Il s'y passe certes des choses notables, c'est là que la pseudo-Lysine (c'est le nom d'une enzyme) entend parler de Traskman, et que le lecteur peut soupçonner qu'il est le Minotaure, le tueur que recherche Lysine. Toutefois il se passe des choses tout aussi notables dans d'autres chapitres, et la principale structure que je discerne dans le roman est les deux chapitres Camille, le premier et le dernier, encadrant les 53 chapitres des trois histoires imbriquées.
  1(53)1, ce peut être significatif quand on connaît les valeurs de
FRANCK THILLIEZ = 53 101,
et qu'on sait qu'il a utilisé ses initiales, F=6 et T=20, pour imaginer les 6 jours et 20 heures qui séparent Stéphane de Stéfur dans L'anneau de Moebius.
  Le nombre 101 a eu de nombreux avatars depuis la chambre 101 de 1984, et j'ai déjà évoqué à propos de Thilliez le manuscrit inachevé de Perec, "53 jours", où il est précisément question d'un manuscrit intitulé 53 jours, dont un personnage est Rémi Rouard, tandis qu'il est question dans Le manuscrit inachevé de Thilliez/Traskman d'un roman intitulé Le manuscrit inachevé, signé Enaël Miraure...

  La fin du chapitre 55 reprend presque à l'identique le chapitre 1, et dans ses Secrets Thilliez emploie l'expression "boucler la boucle" (j'avancerai pour ma part "clavis sans fin"). Mais au début du chapitre 55 le docteur F s'entretient avec un confrère, l'informe que sa patiente, après lui avoir raconté son histoire, est repartie en fugue psychique et s'est identifiée à une flic; il va tenter de la faire revenir à la réalité en jouant son jeu, et en lui resservant son récit.

  Ce billet est le 338e de Quaternité. Comme 3+3+8 = 14, nombre de vers d'un sonnet, et qu'il y a 14 lettres dans Franck Thilliez, j'ai eu envie de composer un sonnet en hommage à Labyrinthes et à Fibonacci, avec un acrostiche.
  Comme 53+101 = 154 = 14x11, j'ai choisi d'utiliser des vers de 11 pieds pour parvenir à ce total.
  Les Fibos 377 ou 610 ne convenant guère comme nombre de lettres pour 154 pieds, j'ai choisi 466, double du Fibo 233. Il y a 110 lettres dans le premier tercet, 68 signes dans le second (lettres+chiffres), avec 110/68 = 55/34. 288 signes dans le huitain, avec 288/178 = 144/89.
  La gématrie totale est 6765, 20e terme de la suite de Fibonacci, et, comme il l'a été dit plus haut, multiple de son 10e terme, 55. Les valeurs du huitain et des tercets réunis sont 4181 et 2584, 19e et 18e termes.
  Les nombres de mots correspondants sont, en comptant chaque nombre pour un seul mot, 54 et 32, nombres de la série Bleue correspondant aux Fibos 21 et 13. Ceci ne faisait pas partie des contraintes que je m'étais fixées, et je suis ravi que ça fasse apparaître deux jeux:
- un chiasme, 6 vers comptent 32 mots (=ACHT=8), 8 vers comptent 54 mots (=SECHS=6);
- un truisme, 86 = ACHT+SECHS = 32+54 = 86.
  Les vers 5 et 14 sont dans une police différente, pour dessiner le motif 4-1-8-1.
  Le premier vers a pour valeur 338, et forme donc le titre de ce 338e billet.
  Le Gématron permet de vérifier ces résultats.


Fibonacci régit de noirs labyrinthes,
Rendant moins virtuelles nos obscures craintes,
Au seuil trouble des oniriques contraintes.

Notons au point 377
Ce mystère pulsé d'un total succès
Kabbalistique en 55 versets.

Toutes nos peurs viendraient d'un trouble inutile,
Huit vers ne suffiraient pour l'anesthésier.
Il faut repousser la terreur érectile,
Les 610 plans de l'affreux charcutier,
Les quatre-vingt-neuf tranches du froid reptile,
Inscrire en nous ce reniement : "L'oublier !",
Et surtout, par quelque occultation subtile,
Zigouiller à tout jamais l'infect Thilliez.


  Je ne suis pas totalement satisfait du résultat, surtout du second tercet, et me réserve le droit d'y revenir...

  Ce billet étant achevé le soir du 11 mai, je le publierai demain 12/5 à 1:01, en hommage au Bourreau (=101=Thilliez) 125.


10 commentaires:

Anonyme a dit…

Tite question qui n’a rien à voir? Comment Julie sait elle conduire la voiture de Lysine?

blogruz a dit…

C'est évidemment une faiblesse du roman, et il y en a bien d'autres, car Lysine est présentée comme un personnage réel, or son nom est tout aussi fabriqué que ceux des autres personnages imaginaires animés par Julie.

Anonyme a dit…

Et les 4 mois à l'hosto de Theobald, torturé quelques jours plus tôt par Lysine?

blogruz a dit…

Bien vu! Mais comme j'ai dit j'ai renoncé à répertorier les incohérences du roman. Dommage car les deux premiers volets Traskman étaient une belle réussite.

Anonyme a dit…

@Blogruz : pour ce qui est du personnage de la journaliste, j'irais plutôt chercher du côté de sa localisation, Rouen (anagramme de "nouer", coïncidence?). Ce n'est pas la première fois que Thilliez utilise une journaliste qui habite (ou déménage) à Rouen. Je crois que la dernière en date était citée dans Atomka.

blogruz a dit…

Intéressant. Effectivement, la journaliste de Rouen Valérie Duprès, qui prend pour pseudo Véronique Darcin, est un personnage essentiel d'Atomka.
ROUEN = NOUER, et la Seine fait des noeuds du côté de Rouen, appelés officiellement les "Boucles de la Seine normande". Et les journalistes, ça boucle des articles...

Anonyme a dit…

C'est amusant, car en lisant vos billets, je réalise que ce n'est d'ailleurs pas le seul élément récurrent dans les différents ouvrages de Thilliez...

- Le duo Minotaure/Taureau-jeune fille prisonnière est présent dans "Syndrôme E"

- Les films 8mm/super 8 sont cités dans 3 ou 4 de ses romans au moins. D'ailleurs, le découpage et/ou remontage des pellicules desdits films dans un ordre non chronologique est quasiment systématique. Cela ferait écho à ses propres histoires ?

blogruz a dit…

Merci cher Anonyme.
A propos de 8 mm, il y a justement le film 8 mm de Joel Schumacher cité dans Le ruban de Moebius, avec son bourreau masqué Machine.
A propos du film 16 mm du Syndrome E, avec le taureau qui va éventrer la petite fille, Lucie pense au film Minority report de Spielberg, Minotority? J'avais vu les deux amis cinéphiles du roman, SZPILman et RotenBERG, faire allusion à SPIELBERG, mais j'avais loupé cette mention explicite d'un de ses films

Anonyme a dit…

Bonjour !
Que penser de la graphie inventée de "Vera Cletorne", dont l'anagramme si on enlève le O et le V est "entrelacer" ? Est-ce que O et V signifient quelque chose ? Changer le AY en E peut-il être une coïncidence ?

blogruz a dit…

" si on enlève le O et le V...", mais il faut les enlever, puisque "V n'est rien" et que "O=zéro", donc l'anagramme est parfaite;-)
On peut faire un peu n'importe quoi avec les anagrammes, et c'est à FT qu'il faut poser les questions.