4.4.23

la spirale de Turin

à Jacques & Domi

  Le précédent billet m'a fait évoquer La forêt des ombres (2006), certainement pas le meilleur Thilliez, mais j'y avais étudié ici une étonnante prolifération des nombres de la série Bleue du Modulor, culminant avec la suite de chiffres répétés par une femme, Emma, qui vient d'avoir un accident d'auto:
- Neun... acht... sieben... acht... vier...
  Ce serait "le nombre parfait de kilomètres" indiqué par son compteur au moment de l'accident.
  Les valeurs de ces chiffres allemands sont
NEUN ACHT SIEBEN ACHT VIER = 54+32+54+32+54 = 226,
soit la longueur exacte en cm de l'instrument Modulor, ruban gradué avec les séries Rouge et Bleue, car une concession a été faite au système métrique, et les mesures 113 et 226 cm sont les seules exactes du système, les autres nombres en pouces et cm étant des approximations commodes.
  Les nombres de la série Bleue correspondent en pouces aux nombres de la suite de Fibonacci, 13-21-34-55-89, dont les approximations en cm aux entiers 32-54-86-140-226 permettent de conserver une suite additive dans le système métrique.
  Ce croquis du Corbusier est supposé montrer la parfaite adéquation de son système avec les postures courantes d'un homme, pourvu qu'il mesure 6 pieds ou 183 cm:
  On y voit 226 construit à partir des éléments 16 et 27 de la série Rouge, dont les doubles dans la série Bleue sont 32 et 54. C'est pour le moins étonnant de trouver quelque chose d'équivalent "construit" à partir des valeurs des noms de chiffres en allemand, avec d'autres curiosités:
- l'ordre des chiffres permet une quadruple césure d'or de 226 (54-32-54/32-54, 140/86, ou 54-32/54-32-54, 86/140, et 54-32-54 mène à 54-32/54, 86/54 ou 54/32-54, 54/86);
- ils sont donnés par EMMA=32, et elle est la complice de
- ARTHUR DOFFRE = 86+54 = 140, qui n'est autre que le
- BOURREAU 125 = 101+125 = 226 (vérification sur le Gématron).

  J'avais été sidéré de cette accumulation, d'autant qu'elle s'appuyait sur une curiosité en elle-même remarquable: parmi les 10 noms des chiffres allemands, 5 ont des valeurs de la série Bleue (il y a aussi SECHS=54).
  Thilliez utilise explicitement dans plusieurs romans la valeur des lettres (dans Rêver par exemple) ou des mots (dans Vertige par exemple). Nombre d'or et suite de Fibonacci font l'objet de diverses mentions explicites, plutôt négatives car associées à d'abominables psychopathes. Je m'interrogeais sur l'utilisation assez fréquente de nombres de Fibonacci jusqu'à un véritable coming-out, le 21e roman de Thilliez,  Labyrinthes, avec ses 55 chapitres, son docteur Fibonacci, etc. L'édition originale semble avoir été calibrée pour s'achever page 377.

  Bref il m'est venu l'idée de soumettre l'ensemble du texte de La forêt des ombres au Gématron, pour y chercher d'autres occurrences intéressantes des valeurs de la série Bleue, notamment.
  J'ai eu la surprise de ne trouver qu'une seule occurrence de 226 (pour "bourreau 125"), alors que le Gématron donne aussi les totaux par ligne, ainsi le propos d'Emma donné plus haut aurait dû répondre à la demande,
- Neun... acht... sieben... acht... vier...

  Il se trouve que la version que j'avais téléchargée était celle de la première édition, au Passage en 2006. Elle contenait une erreur plutôt "hénaurme": chacune des 9 occurrences du "huit" allemand était orthographiée archt, ainsi la phrase d'Emma devenait
- Neun... archt... sieben... archt... vier...
et bien sûr n'affichait plus 226 au Gématron, mais 262.
  J'imagine que l'erreur est de Thilliez, ce qui implique que tout l'édifice de la série Bleue ne relève pas de son intention, à moins d'une suprême duplicité.
  Quoi qu'il en soit, la nonuple erreur est passée dans le livre imprimé, alors que l'éditeur est censé avoir un service de correction des manuscrits, puis dans la première édition Pocket, en 2007 (ISBN 9782266162968). Elle a été corrigée dans les éditions ultérieures (ISBN 9782266205023).
  Et maintenant vient le plus surprenant. Quelques mois avant La forêt des ombres, paru en août 2006, Thilliez a publié un autre roman à La vie du rail, Deuils de miel, en février, et il y avait aussi une erreur remarquable dans cette édition, le passage du chapitre 29 au chapitre 31, sans chapitre 30 intermédiaire, erreur qui semble cette fois d'abord imputable à l'éditeur (mais en général l'auteur a le dernier regard sur la maquette éditoriale), car il y a d'autres erreurs de numérotation des chapitres dans la collection Rail Noir.
  De même, l'erreur est passée dans la première édition Pocket, en 2008 (ISBN 9782266166348), et a été corrigée dans les éditions ultérieures (ISBN 9782266205009).

  J'ai également vu les nombres de Fibonacci jouer un rôle important dans Deuils de miel, ce que j'ai abordé ici.
  Les premières éditions affichent 34 chapitres et 1 épilogue, mais il n'y a donc que 33 chapitres, 34 éléments en tout. Il s'agit de la vengeance d'un homme contre la famille qui a provoqué la mort de sa grand-mère, ce qui occupe les 21 premiers chapitres, puis contre le village où elle habitait, dans les 13 derniers éléments. Il lâche des milliers de moustiques porteurs du paludisme sur les 55 habitants du village, et 34 vont être infectés.
  L'édition originale avait le numéro 13 dans la collection Rail Noir, et l'édition Pocket porte le numéro 13121, que je suis tenté de lire 13-1-21, avec 21 et 13 pour la répartition des 34 éléments du livre, et 1 pour le chapitre manquant.
  Je me suis avisé récemment que 13-1-21 sont les rangs dans l'alphabet hébreu des 3 lettres mères selon le Sefer Yetsira, homologuées aux 3 éléments Eau-Air-Feu,
Les trois mères sont Alef א (Air), Mem מ (Eau), Shin ש (Feu).
or, la mort de la première victime, la mère dans la famille Tisserand, est accompagnée d'un message cryptique menant les enquêteurs vers les autres meurtres prévus, mais il ne pourront empêcher la mort du père par l'eau, puis celle de la fille par la canicule, à la fin du chapitre 21. Ils sauveront cependant les 34 contaminés par la malaria,  le "mauvais air" en italien.

  Le numéro de La forêt des ombres chez Pocket m'était aussi significatif, 12986, un multiple de 86, l'un des nombres significatifs dans ma lecture, d'autant que 8 et 6 sont en allemand
ACHT SECHS = 32+54 = 86.
  Si mon étude de la version numérisée du roman a ruiné l'idée d'une intentionnalité de Thilliez, elle m'a apporté quelques autres éléments, ainsi il y a 125 occurrences du mot "bourreau", pas une de plus, pas une de moins:


  Ceci pourrait tout à fait être intentionnel, car à partir du moment où Doffre se révèle être le Bourreau 125, Thilliez emploie les désignations "bourreau", "Doffre", ou "vieil homme".

  Le Bourreau 125, devant son nom à ce qu'il obligeait une femme à prélever 125 g de chair sur son mari, tatouait des nombres sur le crâne de son enfant, nombres qui réapparaissent associés au séjour de l'écrivain David Miller dans un chalet de la Forêt-Noire, engagé par Arthur Doffre pour écrire une biographie du Bourreau 125.
  C'est donc le cas du nombre 98784, prétendument indiqué par le compteur kilométrique d'Emma, mais aussi de 101703, car le chalet est construit autour d'un chêne qui porte une inscription semblant très ancienne, Oktober 1703.
  A comprendre 10/1703, mais OKTOBER est encore un mot de valeur 86.
  Il est souvent question du "mystère des nombres" ou "numéros", et
NOMBRES = NUMERO = 86.

  Je m'en tiens aux faits, et ne vais pas chercher à comprendre comment sont apparues en étroite relation les unes avec les autres les valeurs de la série Bleue du Corbusier, dont le nom réel était
CHARLES EDOUARD JEANNERET = 226 (la longueur exacte en cm de l'instrument Modulor).


  Selon Jung, chaque être peut avoir accès à l'inconscient collectif, immense réservoir de toutes les connaissances de toutes les civilisations, et j'imagine que cet inconscient collectif connaît, lui, parfaitement l'orthographe...

  Si archt n'a jamais été une orthographe de "8" en allemand, l'erreur semble assez commune. C'est par ailleurs en anglais une abréviation pour "architecture", ce qui est de circonstance.

  Incidemment, ma principale motivation de départ, trouver des mots de valeur 226 dans le roman, avait peu de chances d'aboutir, car les seuls mots non barbares répertoriés par l'Officiel du Scrabble sont "entourloupettes" et "nutritionnistes".


  Je rappelle qu'il est directement question de Fibonacci et du nombre d'or dans des romans ultérieurs de Thilliez, où deux personnages se nomment Corbusier et Fibonacci.
  La première référence apparaît d'ailleurs dans le roman qui suit Deuils de miel, La mémoire fantôme (2007), toujours au Passage pour la première édition, et le Pocket a reçu un numéro palindrome, 13531, alors que les palindromes joueront un rôle essentiel dans les Thilliez ultérieurs, notamment la trilogie Traskman.
  C'est un roman bien construit, où le "style Thilliez" s'affirme, avec plusieurs énigmes qui s'enchevêtrent, se complexifient, et se résolvent en un dénouement satisfaisant.

  L'énigme principale est celle du Professeur, un tueur en série qui a commis 6 meurtres quelques années plus tôt, et qui semble avoir repris du service en 2007, dans la région lilloise, où c'est Lucie Henebelle qui enquête.
  Les crimes du Professeur sont reliés par un même mode opératoire. Les victimes doivent résoudre sur une ardoise une énigme mathématique, tout en devant avaler des fragments de coquilles de nautile, puis de la strychnine si la réponse est fausse. Aucun point commun n'a pu être découvert entre les victimes, ni entre les lieux et dates des meurtres.
  Au chapitre 18, le lieutenant Hervé Turin, spécialiste de l'affaire, est venu de Paris pour ce nouvel épisode, et le chapitre s'achève ainsi:
— Mais bon sang, quel rapport avec un mollusque vieux de plusieurs millions d’années ?
— Vous aimez les maths ? demanda Turin.
— Je crois que la seule raison pour laquelle je suis devenu flic, c’est pour ne plus jamais en entendre parler.
— Eh bien, vous risquez d’être déçu. Le nombre d’or, ça vous dit quelque chose ?
  Le roman compte 48 chapitres, que la petite section d'or partage en 18-30, et 18-30-48 ne sont autres que des nombres de la suite de Fibonacci, ensuite évoquée, multipliés par 6, 3-5-8. Je rappelle qu'il y a 6 meurtres.
  Et la clé de l'énigme, c'est qu'il y a 6 assassins, 6 étudiants en maths qui ont conclu un pacte. Chacun d'eux avait un proche qu'il haïssait, et dont il serait soupçonné de la mort, à moins qu'il ne soit la victime évidente d'un tueur en série...
  Ces amoureux de la perfection mathématique se réunissaient sur l'île déserte de Rouzic, dépendant de Perros-Guirec. A partir de ce lieu, et de ceux où vivaient trois des étudiants (Caen, Lyon, Rodez), ils ont tracé sur la carte de France la spirale de Jacques Bernoulli, celle qui est formée par la coquille du nautile, et se sont ensuite arrangés pour faire déplacer les autres victimes vers des lieux situés sur la spirale.
 

  J'ai essayé de vérifier la chose, et la ressemblance avec la spirale de Bernoulli est fort peu convaincante, alors qu'en principe Thilliez aurait pu choisir des lieux parfaitement adéquats.
  Mais peut-être faut-il considérer que les 4 lieux choisis au départ ne doivent pas obligatoirement être consécutifs sur la spirale, et ceci pourrait être plus satisfaisant,
 

mais loin d'être parfait tout de même, et je ne vois pas comment mieux faire. Tiens, la spirale débute à Poitiers et finit à Perros-Guirec, et les deux villes contiennent les lettres SPIRE.

  Les crimes en spirale m'ont fait penser à la série Bletchley Circle, où d'anciennes collaboratrices de Turing à Bletchley Park démasquent après-guerre un tueur en série. L'indice essentiel est un fossile d'ammonite, permettant de comprendre que les lieux des crimes forment une spirale, au centre de laquelle se niche le tueur.
  Mais s'il y a plagiat, la série date de 2012 et le roman de 2007...
  A remarquer la ressemblance entre Turin et Turing, passionné par les spirales rencontrées dans la nature. L'expression "Turing spiral" apporte quelques résultats, mais le génial mathématicien est surtout associé au Turing pattern.

  La mémoire fantôme s'achève sur une note de Thilliez à ses lecteurs, où il énonce l'énigme d'Einstein, un problème posé par le Professeur à ses victimes. Puis la note se termine ainsi:
  Vous pourrez également vous amuser à vérifier que jamais dans ce roman le soleil n’éclaire le ciel, livré aux ténèbres tout au long de ces pages. Et parmi la centaine de milliers de mots qui en constituent la trame, jamais vous ne verrez apparaître plaisir, joie ou espoir.
  Parce qu’ils ne se prêtaient pas à une telle histoire. Ou peut-être parce que je me suis laissé prendre aux jeux douloureux du Professeur, allant jusqu’à en inventer un moi-même…
  Le texte numérisé permet de vérifier l'absence des mots indiqués. Il est ainsi établi que Thilliez sait utiliser les fonctions de recherche de son traitement de texte, et qu'il a fort bien pu préméditer les 125 occurrences de bourreau dans La forêt des ombres.
  Mais le "jeu" annoncé va-t-il plus loin que la seule omission de mots, sans commune mesure avec la complexité de l'énigme d'Einstein, dite des "5 maisons"? Une analogie serait envisageable avec les 6 crimes du Professeur, 6 identités des victimes, nom et prénom, 6 identités des assassins, idem, 6 lieux, 6 dates... Peut-être les indices donnés dans le roman permettent-ils de déterminer qui a tué qui, quand et où...
  Mes tâtonnements m'ont conduit à voir qu'en remplaçant Lyon par Turin, et en omettant Caen, on peut se rapprocher d'une spirale logarithmique (il y aurait moyen de mieux faire en élargissant le champ):

 
  J'ai scruté les numéros des départements, soit 22-14-69-12-86-72-94, somme 369? 69 (le premier crime est à Lyon) + 5 fois 60? ou 69 + 6 fois 50?
  Et si l'on prenait non les lieux des meurtres, mais ceux où résidaient les victimes? Je signale à ce stade qu'il y a une 7e victime du Professeur, l'un des membres du sextuor, tué sur l'île de Rouzic parce qu'il menaçait de dévoiler la vérité. C'est Frédéric Moinet, de Lille (originellement "Lisle", "l'île"), et c'est l'occasion de remarquer que le prénom Frédéric revient souvent chez les criminels de Thilliez, de même que Roland chez ceux de Fred Vargas.
  Je n'y insiste pas; les départements des 7 victimes deviennent 14-69-12-87-49-60-59, somme 350, 7 fois 50?
  La 2e victime habitait Beauvais, seule ville à ne pas être une préfecture, département 60, dans l'Oise, initiale O, un cercle. 60° est l'angle du triangle équilatéral, lequel joue un rôle dans une première énigme du roman, ainsi que la constante du cercle, pi.
   Avant d'y venir, pour info, le schéma des 7 lieux où résidaient les victimes, selon l'ordre des assassinats, car ils ont commencé à Lyon en octobre 2001:
 

  La 6e victime était Karine Moinet, la soeur de Frédéric Moinet, en septembre 2003, à Caen. La famille avait une autre soeur, Manon, mathématicienne comme son frère, et Manon se consacre corps et âme à la traque du Professeur.
  Ses capacités intellectuelles la rendent dangereuse pour le sextuor, qui tente de s'en débarrasser en 2004. Elle en réchappe, mais atteinte d'une amnésie antérograde qui ne lui laisse comme mémoire immédiate que les 4 dernières minutes... Elle n'a pas renoncé à sa traque, et se sert d'un ordi pour y noter tous ses progrès, les lire et relire pour les faire entrer dans sa mémoire à long terme...
...mais son frère Frédéric vit désormais avec elle, à Lille. Il l'aime sincèrement, mais ne peut évidemment lui permettre de découvrir que c'est lui qui a fait tuer leur soeur, alors il trafique les données de l'ordi...
  C'est très proche de ce qui a été conté dans le précédent billet, avec la narcoleptique Abi de Rêver, entravée dans sa recherche de la vérité par son ami, un autre Frédéric.

  En avril 2007, Manon est enlevée, semble-t-il par le Professeur, et, dans la cabane à proximité de Raismes où elle a été séquestrée, , un message l'envoie à un endroit de son enfance, la "maison hantée" de Hem. Là, deux messages l'attendent, la formule "Si tu aimes l’air, tu redouteras ma rage.", et des décimales de pi (à partir de la position 112 042 004) correspondant au numéro de sécurité sociale 2280162718069 (je n'ai pas vérifié) d'une criminelle, récemment libérée et habitant Rœux. On la trouve morte, selon le modus operandi du Professeur (sauf qu'un fossile d'ammonite a remplacé la coquille de nautile).
  Manon comprend que "Si tu aimes l’air" doit se lire "si tu M l'R", "si tu transformes un R en M", et que la formule "tu redouteras ma rage" est alors l'anagramme de Eadem mutata resurgo, la formule  figurant sur la tombe de Jacques Bernoulli à Bâle, décrivant sa Spira mirabilis, "Changée en moi-même, je renais." A noter que la spirale ci-dessus n'a rien de logarithmique, comme celle du nautile, mais qu'elle est proche de ma seconde proposition. C'est sur cette spirale de Bâle que les assassins ont noté les lieux de leurs crimes, ce qui permet aux enquêteurs d'arriver à l'île de Rouzic.

  Manon s'aperçoit encore que les trois lieux concernés sont les sommets d'une figure parfaite:
— Ces endroits qui concernent notre affaire… Raismes, Hem, Rœux, eh bien, ils forment un triangle équilatéral, les trois côtés sont strictement égaux. Prenez une carte routière, et vérifiez ! Vérifiez ! Exactement cinquante kilomètres entre l’abri dans la forêt, proche de Raismes, et Hem, entre Hem et Rœux, et entre Rœux et la forêt !
  J'ai bien entendu voulu vérifier, et il n'y a aucune possibilité de parvenir à un triangle équilatéral en restant dans les communes désignées. Et les distances sont toutes inférieures à 45 km.
 

  Ici encore Thilliez avait l'embarras du choix pour choisir des lieux formant un parfait triangle équilatéral, mais je vois une raison ayant pu dicter ces choix.
  Ils seraient liés aux formules "si tu M l'R" et Eadem Mutata Resurgo, car ces communes ont pour seuls phonèmes consonantiques M et R. Leurs phonèmes vocaliques sont Ê et EU, flexions de E.
  Ainsi les deux lieux "obligés" ont pour phonèmes consonantiques R et M, et celui choisi pour aiguiller Manon vers eux réunit R et M... M et R sont encore les consonnes de MéMoiRe.
  Il y a davantage, avec ces trois phonèmes E M R initiales de la formule latine désignant la spirale, or ces lettres ont les rangs 5-13-18 dans l'alphabet, pouvant définir une suite additive de type Fibonacci. Il faut avoir la tête à ça pour le remarquer, mais certains l'ont, par exemple Perec qui avait listé ses adresses parisiennes dans Lieux, édité l'an dernier, et précisément noté ces nombres 5-13-18 comme "Fibonacci".


  Et Perec écrivait: Le R est un M (qui se P le L de la R, in "53 jours"). Le billet précédent envisageait l'influence de Perec sut Thilliez.

  Mieux encore, Hem et Raismes sont dans le département du Nord (59), Rœux dans le Pas-de-Calais (62), or
59+59+62 = 180, la somme en degrés des angles d'un triangle, et un triangle avec des angles de 59°, 59°, et 62° ressemblerait fort à un triangle équilatéral.

  Quant aux prétendus côtés de 50 km du prétendu triangle équilatéral, ils pourraient être mis en relation avec l'énigme posée à la victime:
Un nautile, avec sa coquille, pèse 200 g. Le nautile pèse 100 g de plus que la coquille. Combien pèse le nautile ?
  La réponse n'est pas donnée, c'est 150 qui correspondrait au périmètre du triangle.
  Je rappelle que j'ai vu plus haut les numéros des 7 départements des victimes avoir pour moyenne 50, un nombre auquel il a pu être voué un culte (chez les Esséniens par exemple), parce qu'il est la somme des carrés des côtés du triangle 3-4-5 (9-16-25, autre suite additive).
  Le crime de Rœux n'est pas dû au Professeur, mais je ne vais pas tout spoiler, et laisser le plaisir de découvrir l'étonnant twist final du roman.

  Si tous ces aspects n'ont pas nécessairement été prévus par Thilliez, si d'autres m'ont échappé, il est au moins acquis qu'il a joué avec les lettres M et R, et la seule anagramme "tu redouteras ma rage" est déjà jolie.
  Un autre jeu de lettres est envisageable. Les enquêteurs se rendent à l’IHESB, l’Institut des Hautes Études Scientifiques de Brest, pour y interroger le directeur sur son ancien élève Frédéric Moinet, et c'est là qu'ils apprennent l'existence de la bande qui deviendra le sextuor assassin. Un réel IHES existe, mais il est à Bures/Yvette, à côté du CNRS.
  Toujours est-il que ce directeur se nomme Alexandre Gonthendic, et quiconque a un vague intérêt pour les maths sait qu'une légende en est Alexander Grothendieck, génie absolu qui a effectivement travaillé pour l’IHES, mais l'a quitté en 1970 lorsqu'il a appris que l'institut était en partie financé par les militaires. Il a ensuite mené une vie marginale, puis est  devenu quasi-ermite pendant les 20 dernières années de sa vie (il est mort en 2014).
  Il a partagé son expérience mystique dans des écrits tel que La clef des songes: dialogue avec le bon dieu, qu'on peut trouver en ligne.

  Certains l'ont vu comme le plus grand génie mathématique de la seconde moitié du 20e siècle.
  Celui de la première moitié pourrait être Turing; il fut au moins le plus utile, son rôle dans la victoire contre les nazis ayant été essentiel.
  Le jeu Grothendieck-Gonthendic pourrait confirmer que Thilliez songeait bien à Alan Turing avec son flic Hervé Turin, mais le personnage est fort négatif, et pourquoi ce changement de prénom? Peut-être parce que "Alan" peut s'entendre LN, et "Hervé" RV.
  Chapitre 18, Turin dit avoir eu l'habitude de courir quand il était aux Moeurs, et avoir cessé en passant à la Crim. Ce pourrait être une allusion à Turing, marathonien, condamné pour affaire de moeurs à une castration chimique qui a empâté son corps d'athlète.

  Quoi qu'il en soit, une certaine similitude apparaît entre l'M de la formule latine devenant R dans l'anagramme, et l'R de Grothendieck devenant N. On aurait pu dire de Grothendieck qu'il avait la haine de l'ère actuelle, la N de l'R...
  Une autre piste pourrait être la gématrie.
GONTHENDIC = 99, et l'enquête de Lucie la fait passer par un centre spécialisé dans les troubles de la mémoire, où un certain Damien est obsédé par le nombre 99, et organise sa vie pour l'y faire apparaître par diverses combinaisons:
— Je l’ai vu au bout du couloir, attendre puis se précipiter vers nous, afin de nous croiser à cet endroit précis… Pour que la somme des quantités qu’il nous a énoncées soit égale à quatre-vingt-dix-neuf… Damien est obsédé par ce nombre, et nul ne sait pourquoi. Même pas lui.
  Damien est dit passionné de Sudoku, peut-être parce que le jeu utilise une grille 9x9.
  Ceci me rappelle que mon précédent billet étudiait l'influence d'ARSENE LUPIN sur Thilliez, et qu'une recherche jadis sur l'anagramme "SPIRALE NEUN" m'avait mené à cette photo, dont je n'avais pas compris immédiatement la pertinence.
  La valeur de NEUN faisait précisément partie des éléments qui m'avaient conduit à l'hypothèse sur La forêt des ombres, et celle 80 de SPIRALE (99 au pluriel) m'amène à constater que
QUATRE-VINGT = 82+72 = 154 (en principe il faut un S)
FRANCK THILLIEZ = 53+101 = 154.

  Avec son prénom, la valeur du matheux devient
Alexandre Gonthendic = 84 + 99 = 183,
soit la taille idéale de l'homme selon Le Corbusier, probablement choisie parce qu'elle correspond à 144 demi-pouces, et que 144 est un nombre de Fibonacci, permettant d'immédiates approximations des mesures du Modulor.
  C'est très probablement un "hasard" si le ruban Modulor a pour mesure exacte 226 cm, valeur du nom réel du Corbusier, mais il avait d'abord en 1945 construit son système à partir d'une taille idéale de 175 cm, ce qui était précisément sa taille. Il a dès cette première conception utilisé une double spirale pour représenter l'intrication des séries Rouge et Bleue.

  La valeur 84, d'ALEXANDRE par exemple, m'est importante, et elle était au premier plan de ma lecture des deux premiers volets de la trilogie Traskman. Reprenant ce billet, j'ai la surprise d'y trouver que j'avais orthographié le tueur de Rêver Jacques Larbier, alors qu'il s'agit de Jacques Lambier. Comment avais-je pu commettre cette erreur, alors que le changement d'un M en R joue un rôle dans La mémoire fantôme, à propos de la spirale d'un autre Jacques?
  En relisant Le manuscrit inachevé, donné pour écrit par Caleb Traskman, j'ai dernièrement vu que son flic Vic, hypermnésique, avait utilisé son don pour participer à un jeu télé, dans le but de renouer le contact avec sa famille:
Après ses quatre-vingt-trois victoires d’affilée qui l’avaient porté au jour de ses 40 ans, il n’avait toujours pas reçu de coup de fil. Il perdit la partie suivante et retourna à ses cadavres.
   83+1, or le volet suivant, Il était deux fois, a 83 chapitres + 1 épilogue, considéré au même titre que les chapitres car les 84 lettrines initiales égrènent le message
  Le romancier Caleb Traskman est vivant, vous l'avez peut-être croisé entre ces pages, c'est cela la magie.
    Le manuscrit inachevé s'achevait sur une phrase livrant en acrostiche
C'EST LEANE (= 84 avais-je souligné).

  3 avril. Je pensais avoir achevé ce billet hier, dimanche des Rameaux 2 avril, le premier depuis 1950, le second depuis 1944 et la "résurrection" de Jung survenue pendant la semaine sainte.
  Et puis avant de m'endormir, j'ai repensé aux erreurs des deux Thilliez de 2006. La première ajoutait un élément aux possibilités de lecture fibonaccienne du roman, ainsi découpé en 21-13 chapitres, tandis que la seconde voilait une formidable harmonie, les valeurs de chiffres allemands 54-32-54-32-54, équivalentes en cm à 21-13-21-13-21 pouces.
  Il m'est venu que ACHT=32 devenu ARCHT=50 amenait une autre relation dorée:
(3 chiffres exacts)/(2 chiffres faux) = (3x54)/(2x50) = 162/100,
soit 1,62, approximation courante du nombre d'or 1,618033...
  Et ceci a tant d'échos qu'un autre billet y sera très bientôt consacré.

Note du 5/4: Ma première étude de La forêt des ombres m'avait fait constater que 54-32-54-32-54 était de la forme B-A-B-A-B,  satisfaisante, mais limitée car des formes du mot infini de Fibonacci sont BABBA, puis BABBABAB, puis BABBABABBABBA, etc.
  Je viens de m'apercevoir que le héros David découvrait à la fin du roman qu'il était le fils de l'avant-dernière famille victime du Bourreau 125, son crâne étant tatoué du numéro 97878, qui lui traduit en chiffres allemands correspond à une forme BBABA:
neun sieben acht sieben acht = 54 54 32 54 32 = 226.
  La scène finale réunit David, Arthur Doffre (=140) le "Bourreau 125" (=226) et Emma qui est la fille de la troisième famille, tatouée du nombre 98784 (=226). Doffre veut qu'Emma tue David, mais celui-ci retourne la situation et ce sont Emma et Doffre qui meurent.
  Cette confrontation 226-140-226 produit un autre nombre de la série Bleue, 592. Il se trouve que les 7 familles victimes de Doffre(=54) sont
Dumortier, Lefebvre, Potier, Pruvost, Cliquenois, Aubert, Böhme,
de somme des valeurs 626, soit 592+54.
  Vertigineux... Il va encore falloir y revenir...






Aucun commentaire: