Le 5 août dernier, une chaîne de la TNT rediffusait Des jours et des nuits, le téléfilm adapté du roman de Gilbert Sinoué, dont la lecture le 31 août 08 était intimement liée à ma découverte du 8 septembre 08, comme je l'ai exposé ici.
J'avais vu la première diffusion, le 1er janvier 2005 selon IMDb, que j'avais appréciée, sans plus. J'ai pu mesurer en le revoyant la distance prise par rapport au roman. Ce blog donne un résumé du scénario, qui a déplacé l'action de l'Argentine de 1930 à la France contemporaine. L'analyse jungienne y est limitée à une très courte scène, et l'indice essentiel du roman, l'île ronde qui permet à Ricardo de trouver Dora, l'inconnue qui hante ses rêves, est bien présent, mais il n'a pas la même importance, car Richard sait avant d'atterrir à Athènes que Dora travaille avec un archéologue, grâce à un article de journal lu dans l'avion; de plus il la rencontre dans le hall de son hôtel dès l'arrivée !
C'est l'énigme de "l'île ronde" qui m'avait évoqué Le géant de pierre de Paul Halter, où la même formulation permet d'identifier Théra-Strongylé, l'île jadis ronde ravagée par une explosion volcanique. J'avais pensé aux deux autres polars "minoens" de Halter, notamment Le chemin de la lumière, où une formidable coïncidence réunit en Crète Michel à son amour de jeunesse Andrée, devenue archéologue, et le "chemin" qui les réunit est un disque magique, un autre mandala.
Certaines innovations de l'adaptation du roman de Sinoué renforcent les liens avec ce Chemin, où c'est dans l'avion vers la Crète que Michel se remémore son ancienne aventure avec Andrée, qui l'attend à l'arrivée, tandis que Richard découvre dans l'avion la réalité de la femme de ses rêves, et la rencontre effectivement dès son arrivée à Athènes, puis la retrouve en Crète. Dans le roman Ricardo ne trouvait Dora en Crète que dans les derniers chapitres.
Dans le roman la malédiction qui avait poursuivi les amants dans plusieurs existences les frappait à nouveau : après que Dora avait admis qu'elle avait bien vécu jadis à Théra, le couple mourait dans le naufrage du paquebot les menant en Argentine.
La fin du téléfilm est ouverte : Richard et Dora viennent ici de se remémorer leur vie passée à Théra à l'époque minoenne, et ils descendent vers le canot qui les a amenés.
La scène suivante montre la femme de Richard enquêter au même endroit, interrogeant un berger qui a trouvé la montre de Richard, étrangement disparu en compagnie de Dora.
A la fin du Chemin de la lumière, Michel et Andrée sautent ensemble d'une falaise au-dessus de la mer, en Crète, pensant que le pouvoir magique du Chemin les fera passer dans un autre monde, et effectivement le récit parallèle contant les aventures d'une certaine Andréa à l'époque minoenne voit la brusque apparition d'un jeune homme à ses côtés...
Une minuscule différence entre le roman et le téléfilm a eu pour moi de grandes conséquences. L'indice permettant à Ricardo/Richard d'imaginer que la femme de ses rêves vit actuellement en Grèce est qu'il la voit en vêtements modernes lire un journal grec, dans le roman Eleftheria Vima ("Tribune libre"), journal aujourd'hui disparu que les scénaristes du téléfilm ont eu à coeur de remplacer par un titre actuel voisin, To Vima ("La Tribune").
J'ai regardé attentivement cette rediffusion, et j'avais encore cette image en tête quelques jours plus tard lorsque, toujours préoccupé par Saint Antoine et son tau, au premier plan du billet du 2 août, il m'est venu l'idée de consulter Lettres, chiffres et dieux, de Guy Trévoux (1979), un livre original sur l'origine de l'alphabet, pour voir ce qu'il disait du T-taw-tau.
J'y vois que, selon lui, Tau correspondrait à Vénus, ou Ishtar, ayant donné son nom à l'Esther biblique. Ce qui m'intéresse au plus haut point, car maints spécialistes supposent que les exécutions contées dans le livre d'Esther, le plus souvent traduites par "pendaisons", aient été en fait des crucifiements, ce qui resserrerait encore les liens entre mes billets explorant l'histoire d'Esther et celui voué à la croix de Saint Antoine, le Tau.
Trévoux donne la correspondance du Tau dans le BOIBEL-LOTH, l'alphabet des arbres selon Robert Graves, et ça me donne envie d'en savoir plus sur ce nom rappelant Babel.
Je reprends le livre à son début jusqu'à ce que je trouve ce BOIBEL-LOTH, qui apparaît page 30; ce sont les 15 consonnes d'un alphabet celte que Robert Graves imaginait mémorisé sur les phalanges d'une main, en relation avec 5 voyelles symboliques, où BHMA correspond au pouce, les lettres que j'avais encore en mémoire du journal TO BHMA. TO est l'article défini en grec, et c'est un autre TAU grec qui m'a mené à ce BHMA !
L'illustration ci-dessus est extraite de La Déesse blanche, de Robert Graves (traduit par Trévoux et reparu sous le titre Les Mythes celtes). La page 30 de Lettres, chiffres... donne le tableau à gauche ci-dessous, comparé page 31 à un autre système mnémonique imaginé par Trévoux lui-même :
Je reproduis aussi sa conclusion, que je ne partage pas car la coïncidence essentielle entre les deux tableaux est la première colonne BHMA-BHiMa, or j'arrive à ce tableau avec un exact BHMA en tête qui n'a avec lui aucun rapport logique que je puisse imaginer.
Je crois pouvoir l'assurer sans avoir parfaitement compris le raisonnement qui a conduit Graves à ce tableau, en une longue démarche qui n'est guère partagée par la plupart des linguistes, voir La Déesse blanche pour plus ample information. Le tableau de droite donné par Trévoux est plus immédiat, il s'agit du découpage syllabique des noms des 5 Pandavas, demi-dieux du Mahabharata, Bhima, Arjuna, Yudhisthira, Nakula et Sahadeva, fils des femmes du roi Pându engrossées par des dieux.
Etrangement, dans le tableau comme dans ses commentaires, Trévoux omet de souligner la correspondance centrale entre T (du médius FTNgU), qu'il relie au sacrifice et au Tau de la crucifixion, et iTH, de Yudhisthira qu'il relie à la Judith biblique, où th est un Taw. Je suis particulièrement frappé par le fait, qui semble avoir été remarqué antérieurement à Graves, que cet alphabet des arbres ait une séquence centrale HDTCQ, correspondant aux initiales des nombres de 1 à 5 en gaélique, hoine duou ttri ccetuor qquenque, cette séquence centrale formant donc un mnémonique numérotant les doigts dans le système de Graves (cette numérotation est incidemment la même que celle notant les doigtés au piano).
Si je n'ai pas d'avis sur la pertinence de ces correspondances, je suis ébahi d'apprendre qu'il existe un roi Pându (ou Paandu), alors que mes Pendus bizarres du livre d'Esther m'avaient mené à cet arcane 12 du tarot, à l'orthographe singulière, et que c'est la correspondance de la lettre Tau avec Vénus-Esther qui m'a conduit à approfondir la question du BOIBEL-LOTH.
Parmi ces fils de Pandu, seul le nom d'Arjuna m'est familier, et curieusement à cause du livre d'Esther, où un ministre du roi se nomme Karshena (Es 1,14), ce qui s'écrit en hébreu en 5 lettres usuellement translitérées KRSNA (כרשנא), or c'est exactement la translitération du sanskrit Krishna, popularisée jadis par les prosélytes Hare Krishna.
J'avais appris alors que Krishna signifiait "noir", et qu'il était étroitement associé à Arjuna, signifiant "blanc".
Noir et blanc, et c'est le téléfilm Des jours et des nuits qui m'a conduit à relier ces deux coïncidences alphabétiques sur les noms de deux personnages du Mahabharata, Bhima ("terrible" en sanskrit) et Krishna. Bien que je ne trouve pas trace de cette dernière correspondance sur la toile, elle me semble trop immédiate pour être "due au hasard", et la Perse est tout de même plus proche de l'Inde que le pays de Galles.
Il m'est venu que le mot "aryen" pourrait être liée à arjuna, "blanc", mais l'étymologie le fait venir du sanskrit arya, "noble".
La programmation de Des jours... présentait une curiosité dans mon journal TV (TéléZ édition TNT n° 1403):
Le résumé pour la 2e partie n'a rien à voir avec l'histoire. Il ne m'a pas fallu longtemps pour découvrir qu'il s'agissait du début du résumé d'un autre téléfilm en deux épisodes diffusé dans l'après-midi sur la même chaîne, Marie-Tempête, adaptation d'un roman de Janine Boissard paru le 6 juin 1998 (37e anniversaire de la mort de Jung).
Le résumé ci-dessus se poursuit par
Ainsi, à peu près au moment où j'envisageais ces anagrammes paraissait un roman mettant en scène un personnage au nom idéal, que j'ai d'ailleurs pu envisager parmi diverses combinaisons. La lecture du roman m'a appris que ce Noël Morvan était surnommé l'Indien, à cause de ses manières furtives, et que son père possédait un bateau nommé l'Honoré, en hommage à son aïeul Honoré Morvan, humble ramasseur de goëmon. Or Noël Navrom était le narrateur de mon intrigue, secrétaire du détective Honoré de Valmondada, également assisté de son fils adoptif Dom, issu d'une tribu indienne d'Amérique du Sud.
Le narrateur n'était connu jusqu'au dénouement que sous le nom d'Alban Lenoirc, qui aurait été le nom de l'auteur en couverture, nom calqué par antiphrase sur Maurice Leblanc. Blancs et noirs encore...
Le titre du roman de Janine Boissard n'était pas inédit, car il y avait eu en 1997 un roman Marie-Tempête de la canadienne Dominique Demers, et de 1990 à 94 quatre tomes d'une série BD de Cothias et Wachs.
Le nom d'un autre personnage du roman de Janine Boissard m'a frappé, Antonin Labbé. C'est le Tau d'Antoine, abbé (comme est souvent appelé Saint Antoine), qui m'a mené vers Bhima-Arjuna-Krishna. Je rappelle mon billet Sain Antoine où il était question de l'auteur de polar Anthony Abbot et du personnage Antoine Habt, anagramme de l'auteur Tobie Nathan.
Une dernière coïncidence est effarante, bien qu'il soit encore nécessaire d'en écourter la présentation. A la base de La Déesse blanche, il y a des séries d'énigmes posées dans des poèmes gallois, dont Graves a imaginé les solutions décrire un alphabet secret... Mon oeil a remarqué l'une de ces énigmes du Hanes Taliesin,
Une autre énigme du Hanes Taliesin est
Je n'essaierai pas de donner l'explication de Graves, qui me reste impénétrable, et ne ferai que résumer cette séquence ahurissante :
- 1996: Une lecture d'une nouvelle de Leblanc me fait découvrir le jeu N-AMOR.
- 1998: Je désire magnifier le jeu dans un Novel Roman écrit par Noël Navrom, alter ego de Morvan Léon, ignorant qu'il paraît cette année-là un roman avec le personnage Noël Morvan.
- 2009: Je découvre ce roman de Janine Boissard grâce à une erreur d'un programme télé, touchant un film où le mot BHMA me fait lire La déesse blanche, où une énigme à base de LLEON aurait pour réponse MORVRAN.
Par ailleurs l'énigme MORVRAN ne vaut que pour l'initiale M (de Muir, la vigne) et son inscription dans la matrice 3x5 des phalanges pour former le "mot" BHM(A). Je suis effaré de voir que chacune des "consonnes" de BHMA (dans l'alphabet oghamique car en grec H est une voyelle) s'est trouvée illustrée par mon enquête sur cet alphabet des arbres :
- C'est BOIBEL, "bouleau", qui a excité ma curiosité, et l'énigme proposée par Taliesin appelle la réponse, pour une fois évidente, BABEL.
- Le tremble, HESU, serait désigné par HUR, personnage biblique, mais c'est la correspondance avec HOINE, "un", qui me sidère, les 5 lettres de chaque séquence de l'alphabet oghamique étant notées par 1 à 5 traits.
Les lettres surnuméraires dans LLEON MORVRAN sont les liquides LR, qui s'échangent volontiers en passant d'une langue à l'autre, si bien que Trévoux considérait comme des coïncidences effectives les correspondances 'R-L et La-R dans les deux tableaux.
Je suis conscient de la fragilité de ces coïncidences onomastiques reposant en grande partie sur une théorie de Graves qu'il est impossible de comprendre sans avoir des connaissances approfondies en mythologie celte, mais la théorie, vraie ou fausse, demeure une réalité en elle-même, émanant d'une personnalité présentée comme "sans doute le plus grand écrivain anglais du 20e siècle".
Il me semble que Graves a puisé au moins une part de sa conviction communicative dans ce qu'il appelle des "chaînes de plus-que-coïncidences", qui ont marqué ses premières découvertes, lui imposant en quelque sorte de se consacrer entièrement à ce sujet, alors qu'il était en train d'écrire un roman, La Toison d'or. Dans la postface de l'édition de 1960 de La Déesse blanche (ici en anglais), il date cette première approche de Pâques 44, ce qui m'a fait réagir puisque le 4/4/44 de Jung était un Mardi saint, mais Graves démontre ici qu'il est faillible, car, La Toison d'or étant paru en janvier 44, ce serait plutôt à Pâques 43 qu'il faudrait situer l'événement.
L'année 44 a cependant son importance, puisque c'est en janvier 44 que Graves a écrit la première version de son oeuvre, sous le titre Le chevreuil dans le fourré, ensuite remaniée pour devenir La Triple Déesse, et enfin La Déesse blanche, proposée aux éditeurs en janvier 46 (et publiée en mai 48).
Note : J'ai depuis lu Robert Graves and The White Goddess, de Richard Perceval Graves, neveu de Robert qui comme son oncle donne pour date cruciale la semaine sainte 44, avec des détails très précis. Il demeure cependant des contradictions que je ne vois pas comment résoudre.
Pour revenir à ces "plus-que-coïncidences", ou synchronicités jungiennes, il me semble aventureux de leur attribuer du sens au-delà du phénomène lui-même.
Je m'explique, en prenant pour exemple un cas non personnel (bien qu'il ait de multiples composantes personnelles détaillées dans de précédents billets), l'identité numérique entre Elie-Enoch (ou Hénok) et Jung-Haemmerli.
On peut évidemment décréter qu'il s'agit d'un pur hasard, auquel cas il n'y a plus rien à dire, sinon "Jusqu'à quand cela restera-t-il un pur hasard ?"
Sinon, l'esprit qui, peut-être forcé par d'autres circonstances, aura franchi ce premier pas, demeure malgré tout un esprit rationnel, binaire, pour lequel les choses sont ou ne sont pas, tenté de voir cette synchronicité valider des propositions tranchées telles que :
- Les histoires d'Elie et de Hénok ne sont pas des fabulations.
- Jung et Haemmerli se sont réellement rencontrés dans un autre monde.
Pour la première, il faut rappeler que de multiples générations ont considéré les dires bibliques comme des vérités intangibles, et que cette croyance n'est pas totalement éteinte... Pour l'autre, si Jung ne décrit son expérience de 44 que comme une "vision", il lui a accordé une telle "réalité" qu'il a tenté de prévenir Haemmerli du danger qui le menaçait.
Fantastique pour fantastique, qui peut assurer que, si Jung avait considéré ses visions comme du pur délire, le sort de Haemmerli eût été le même ? et surtout que sa maladie ait été si exactement symétrique à la convalescence de Jung ?
Je n'en sais strictement rien, et Jung lui-même professait qu'il s'agissait d'un mystère ultime, que comme Rudolf Otto il appelait volontiers tremendum, "terrible"...
... et je me sens au bord d'un terrible abîme en me souvenant que c'est aussi le sens du sanskrit bhima...
T'as vu ce Bhima
Wow !
Il est Terrible !
PS Les nouvelles pistes ouvertes depuis la décision d'écrire ce billet m'ont fait oublier un point important. La trame du Mahabharata est une guerre entre les Pandavas et leurs cousins les Kauravas, qui, en trichant aux dés, ont gagné l'unique épouse commune aux 5 Pandavas, Draupadi.
Il est probable que j'ai jadis su cela, ayant au moins commencé à regarder jadis l'adaptation du Mahabharata par Peter Brook et JC Carrière, toutefois je n'y pensais pas en concoctant mes personnages anagrammes de Novel Roman., faisant souvent écho à des personnes réelles ou fictives. Ainsi j'avais pensé à LORd carNArVON, devenu LOR MENAVON pour les besoins de l'anagramme. Pour justifier le passage de Lord à Lor, j'ai imaginé que ce Lord ait jadis joué sa femme bien-aimée aux dés, certain que la chance allait enfin tourner dans une partie qui l'opposait à un repoussant Egyptien. Hélas... Apprenant trop tard que sa défaite était due à une tricherie de son adversaire, Menavon avait développé une phobie des dés et de la lettre D, dont un effet avait été la transformation officielle de son nom en LOR MENAVON.
J'avais vu la première diffusion, le 1er janvier 2005 selon IMDb, que j'avais appréciée, sans plus. J'ai pu mesurer en le revoyant la distance prise par rapport au roman. Ce blog donne un résumé du scénario, qui a déplacé l'action de l'Argentine de 1930 à la France contemporaine. L'analyse jungienne y est limitée à une très courte scène, et l'indice essentiel du roman, l'île ronde qui permet à Ricardo de trouver Dora, l'inconnue qui hante ses rêves, est bien présent, mais il n'a pas la même importance, car Richard sait avant d'atterrir à Athènes que Dora travaille avec un archéologue, grâce à un article de journal lu dans l'avion; de plus il la rencontre dans le hall de son hôtel dès l'arrivée !
C'est l'énigme de "l'île ronde" qui m'avait évoqué Le géant de pierre de Paul Halter, où la même formulation permet d'identifier Théra-Strongylé, l'île jadis ronde ravagée par une explosion volcanique. J'avais pensé aux deux autres polars "minoens" de Halter, notamment Le chemin de la lumière, où une formidable coïncidence réunit en Crète Michel à son amour de jeunesse Andrée, devenue archéologue, et le "chemin" qui les réunit est un disque magique, un autre mandala.
Certaines innovations de l'adaptation du roman de Sinoué renforcent les liens avec ce Chemin, où c'est dans l'avion vers la Crète que Michel se remémore son ancienne aventure avec Andrée, qui l'attend à l'arrivée, tandis que Richard découvre dans l'avion la réalité de la femme de ses rêves, et la rencontre effectivement dès son arrivée à Athènes, puis la retrouve en Crète. Dans le roman Ricardo ne trouvait Dora en Crète que dans les derniers chapitres.
Dans le roman la malédiction qui avait poursuivi les amants dans plusieurs existences les frappait à nouveau : après que Dora avait admis qu'elle avait bien vécu jadis à Théra, le couple mourait dans le naufrage du paquebot les menant en Argentine.
La fin du téléfilm est ouverte : Richard et Dora viennent ici de se remémorer leur vie passée à Théra à l'époque minoenne, et ils descendent vers le canot qui les a amenés.
La scène suivante montre la femme de Richard enquêter au même endroit, interrogeant un berger qui a trouvé la montre de Richard, étrangement disparu en compagnie de Dora.
A la fin du Chemin de la lumière, Michel et Andrée sautent ensemble d'une falaise au-dessus de la mer, en Crète, pensant que le pouvoir magique du Chemin les fera passer dans un autre monde, et effectivement le récit parallèle contant les aventures d'une certaine Andréa à l'époque minoenne voit la brusque apparition d'un jeune homme à ses côtés...
Une minuscule différence entre le roman et le téléfilm a eu pour moi de grandes conséquences. L'indice permettant à Ricardo/Richard d'imaginer que la femme de ses rêves vit actuellement en Grèce est qu'il la voit en vêtements modernes lire un journal grec, dans le roman Eleftheria Vima ("Tribune libre"), journal aujourd'hui disparu que les scénaristes du téléfilm ont eu à coeur de remplacer par un titre actuel voisin, To Vima ("La Tribune").
J'ai regardé attentivement cette rediffusion, et j'avais encore cette image en tête quelques jours plus tard lorsque, toujours préoccupé par Saint Antoine et son tau, au premier plan du billet du 2 août, il m'est venu l'idée de consulter Lettres, chiffres et dieux, de Guy Trévoux (1979), un livre original sur l'origine de l'alphabet, pour voir ce qu'il disait du T-taw-tau.
J'y vois que, selon lui, Tau correspondrait à Vénus, ou Ishtar, ayant donné son nom à l'Esther biblique. Ce qui m'intéresse au plus haut point, car maints spécialistes supposent que les exécutions contées dans le livre d'Esther, le plus souvent traduites par "pendaisons", aient été en fait des crucifiements, ce qui resserrerait encore les liens entre mes billets explorant l'histoire d'Esther et celui voué à la croix de Saint Antoine, le Tau.
Trévoux donne la correspondance du Tau dans le BOIBEL-LOTH, l'alphabet des arbres selon Robert Graves, et ça me donne envie d'en savoir plus sur ce nom rappelant Babel.
Je reprends le livre à son début jusqu'à ce que je trouve ce BOIBEL-LOTH, qui apparaît page 30; ce sont les 15 consonnes d'un alphabet celte que Robert Graves imaginait mémorisé sur les phalanges d'une main, en relation avec 5 voyelles symboliques, où BHMA correspond au pouce, les lettres que j'avais encore en mémoire du journal TO BHMA. TO est l'article défini en grec, et c'est un autre TAU grec qui m'a mené à ce BHMA !
L'illustration ci-dessus est extraite de La Déesse blanche, de Robert Graves (traduit par Trévoux et reparu sous le titre Les Mythes celtes). La page 30 de Lettres, chiffres... donne le tableau à gauche ci-dessous, comparé page 31 à un autre système mnémonique imaginé par Trévoux lui-même :
Je reproduis aussi sa conclusion, que je ne partage pas car la coïncidence essentielle entre les deux tableaux est la première colonne BHMA-BHiMa, or j'arrive à ce tableau avec un exact BHMA en tête qui n'a avec lui aucun rapport logique que je puisse imaginer.
Je crois pouvoir l'assurer sans avoir parfaitement compris le raisonnement qui a conduit Graves à ce tableau, en une longue démarche qui n'est guère partagée par la plupart des linguistes, voir La Déesse blanche pour plus ample information. Le tableau de droite donné par Trévoux est plus immédiat, il s'agit du découpage syllabique des noms des 5 Pandavas, demi-dieux du Mahabharata, Bhima, Arjuna, Yudhisthira, Nakula et Sahadeva, fils des femmes du roi Pându engrossées par des dieux.
Etrangement, dans le tableau comme dans ses commentaires, Trévoux omet de souligner la correspondance centrale entre T (du médius FTNgU), qu'il relie au sacrifice et au Tau de la crucifixion, et iTH, de Yudhisthira qu'il relie à la Judith biblique, où th est un Taw. Je suis particulièrement frappé par le fait, qui semble avoir été remarqué antérieurement à Graves, que cet alphabet des arbres ait une séquence centrale HDTCQ, correspondant aux initiales des nombres de 1 à 5 en gaélique, hoine duou ttri ccetuor qquenque, cette séquence centrale formant donc un mnémonique numérotant les doigts dans le système de Graves (cette numérotation est incidemment la même que celle notant les doigtés au piano).
Si je n'ai pas d'avis sur la pertinence de ces correspondances, je suis ébahi d'apprendre qu'il existe un roi Pându (ou Paandu), alors que mes Pendus bizarres du livre d'Esther m'avaient mené à cet arcane 12 du tarot, à l'orthographe singulière, et que c'est la correspondance de la lettre Tau avec Vénus-Esther qui m'a conduit à approfondir la question du BOIBEL-LOTH.
Parmi ces fils de Pandu, seul le nom d'Arjuna m'est familier, et curieusement à cause du livre d'Esther, où un ministre du roi se nomme Karshena (Es 1,14), ce qui s'écrit en hébreu en 5 lettres usuellement translitérées KRSNA (כרשנא), or c'est exactement la translitération du sanskrit Krishna, popularisée jadis par les prosélytes Hare Krishna.
J'avais appris alors que Krishna signifiait "noir", et qu'il était étroitement associé à Arjuna, signifiant "blanc".
Noir et blanc, et c'est le téléfilm Des jours et des nuits qui m'a conduit à relier ces deux coïncidences alphabétiques sur les noms de deux personnages du Mahabharata, Bhima ("terrible" en sanskrit) et Krishna. Bien que je ne trouve pas trace de cette dernière correspondance sur la toile, elle me semble trop immédiate pour être "due au hasard", et la Perse est tout de même plus proche de l'Inde que le pays de Galles.
Il m'est venu que le mot "aryen" pourrait être liée à arjuna, "blanc", mais l'étymologie le fait venir du sanskrit arya, "noble".
La programmation de Des jours... présentait une curiosité dans mon journal TV (TéléZ édition TNT n° 1403):
Le résumé pour la 2e partie n'a rien à voir avec l'histoire. Il ne m'a pas fallu longtemps pour découvrir qu'il s'agissait du début du résumé d'un autre téléfilm en deux épisodes diffusé dans l'après-midi sur la même chaîne, Marie-Tempête, adaptation d'un roman de Janine Boissard paru le 6 juin 1998 (37e anniversaire de la mort de Jung).
Le résumé ci-dessus se poursuit par
Elle accueille pourtant Madeleine, sa maîtresse, et Maxime, son fils, tous deux menacés par la violence de Loïc Labbé. Marie se rapproche bientôt de Maxime mais c'est en mer qu'elle retrouve la paix de l'esprit. A bord, Noël Morvan, 17 ans, fait office de second.Ce dernier nom m'a fait emprunter le livre à ma médiathèque, pour une nouvelle coïncidence onomastique, car un de mes projets romanesques, en 1998 précisément, était basé sur ma lecture en octobre 96 d'une nouvelle de Maurice Leblanc, où j'avais vu le jeu LOVE-N AMOR-N sous-entendre les anagrammes NOVEL ROMAN (novel signifie "roman" en anglais). Ceci m'avait conduit à envisager de multiples anagrammes de ces lettres, notamment les personnages Morvan Léon et Noël Navrom (palindromes).
Ainsi, à peu près au moment où j'envisageais ces anagrammes paraissait un roman mettant en scène un personnage au nom idéal, que j'ai d'ailleurs pu envisager parmi diverses combinaisons. La lecture du roman m'a appris que ce Noël Morvan était surnommé l'Indien, à cause de ses manières furtives, et que son père possédait un bateau nommé l'Honoré, en hommage à son aïeul Honoré Morvan, humble ramasseur de goëmon. Or Noël Navrom était le narrateur de mon intrigue, secrétaire du détective Honoré de Valmondada, également assisté de son fils adoptif Dom, issu d'une tribu indienne d'Amérique du Sud.
Le narrateur n'était connu jusqu'au dénouement que sous le nom d'Alban Lenoirc, qui aurait été le nom de l'auteur en couverture, nom calqué par antiphrase sur Maurice Leblanc. Blancs et noirs encore...
Le titre du roman de Janine Boissard n'était pas inédit, car il y avait eu en 1997 un roman Marie-Tempête de la canadienne Dominique Demers, et de 1990 à 94 quatre tomes d'une série BD de Cothias et Wachs.
Le nom d'un autre personnage du roman de Janine Boissard m'a frappé, Antonin Labbé. C'est le Tau d'Antoine, abbé (comme est souvent appelé Saint Antoine), qui m'a mené vers Bhima-Arjuna-Krishna. Je rappelle mon billet Sain Antoine où il était question de l'auteur de polar Anthony Abbot et du personnage Antoine Habt, anagramme de l'auteur Tobie Nathan.
Une dernière coïncidence est effarante, bien qu'il soit encore nécessaire d'en écourter la présentation. A la base de La Déesse blanche, il y a des séries d'énigmes posées dans des poèmes gallois, dont Graves a imaginé les solutions décrire un alphabet secret... Mon oeil a remarqué l'une de ces énigmes du Hanes Taliesin,
Je fus l'instructeur d'Elie et d'EnochPeu importe ici la solution qu'en donne Graves, mais j'indiquais dans un récent billet la correspondance numérique entre ces deux personnages de l'Ancien Testament, seuls montés de leur vivant aux cieux, avec Jung et Haemmerli, qui se seraient rencontrés dans l'autre monde en 1944, et ceci m'a conduit à tenter d'approfondir, d'autant que l'année 1944 est celle qu'indique Graves pour le début de ses recherches.
Une autre énigme du Hanes Taliesin est
J'ai été barde harpiste à Lleon de Lochlinet la réponse qu'y donne Graves est Morvran (c'est le nom gaélique du cormoran, et c'est aussi un personnage mythologique).
Je n'essaierai pas de donner l'explication de Graves, qui me reste impénétrable, et ne ferai que résumer cette séquence ahurissante :
- 1996: Une lecture d'une nouvelle de Leblanc me fait découvrir le jeu N-AMOR.
- 1998: Je désire magnifier le jeu dans un Novel Roman écrit par Noël Navrom, alter ego de Morvan Léon, ignorant qu'il paraît cette année-là un roman avec le personnage Noël Morvan.
- 2009: Je découvre ce roman de Janine Boissard grâce à une erreur d'un programme télé, touchant un film où le mot BHMA me fait lire La déesse blanche, où une énigme à base de LLEON aurait pour réponse MORVRAN.
Par ailleurs l'énigme MORVRAN ne vaut que pour l'initiale M (de Muir, la vigne) et son inscription dans la matrice 3x5 des phalanges pour former le "mot" BHM(A). Je suis effaré de voir que chacune des "consonnes" de BHMA (dans l'alphabet oghamique car en grec H est une voyelle) s'est trouvée illustrée par mon enquête sur cet alphabet des arbres :
- C'est BOIBEL, "bouleau", qui a excité ma curiosité, et l'énigme proposée par Taliesin appelle la réponse, pour une fois évidente, BABEL.
- Le tremble, HESU, serait désigné par HUR, personnage biblique, mais c'est la correspondance avec HOINE, "un", qui me sidère, les 5 lettres de chaque séquence de l'alphabet oghamique étant notées par 1 à 5 traits.
Les lettres surnuméraires dans LLEON MORVRAN sont les liquides LR, qui s'échangent volontiers en passant d'une langue à l'autre, si bien que Trévoux considérait comme des coïncidences effectives les correspondances 'R-L et La-R dans les deux tableaux.
Je suis conscient de la fragilité de ces coïncidences onomastiques reposant en grande partie sur une théorie de Graves qu'il est impossible de comprendre sans avoir des connaissances approfondies en mythologie celte, mais la théorie, vraie ou fausse, demeure une réalité en elle-même, émanant d'une personnalité présentée comme "sans doute le plus grand écrivain anglais du 20e siècle".
Il me semble que Graves a puisé au moins une part de sa conviction communicative dans ce qu'il appelle des "chaînes de plus-que-coïncidences", qui ont marqué ses premières découvertes, lui imposant en quelque sorte de se consacrer entièrement à ce sujet, alors qu'il était en train d'écrire un roman, La Toison d'or. Dans la postface de l'édition de 1960 de La Déesse blanche (ici en anglais), il date cette première approche de Pâques 44, ce qui m'a fait réagir puisque le 4/4/44 de Jung était un Mardi saint, mais Graves démontre ici qu'il est faillible, car, La Toison d'or étant paru en janvier 44, ce serait plutôt à Pâques 43 qu'il faudrait situer l'événement.
L'année 44 a cependant son importance, puisque c'est en janvier 44 que Graves a écrit la première version de son oeuvre, sous le titre Le chevreuil dans le fourré, ensuite remaniée pour devenir La Triple Déesse, et enfin La Déesse blanche, proposée aux éditeurs en janvier 46 (et publiée en mai 48).
Note : J'ai depuis lu Robert Graves and The White Goddess, de Richard Perceval Graves, neveu de Robert qui comme son oncle donne pour date cruciale la semaine sainte 44, avec des détails très précis. Il demeure cependant des contradictions que je ne vois pas comment résoudre.
Pour revenir à ces "plus-que-coïncidences", ou synchronicités jungiennes, il me semble aventureux de leur attribuer du sens au-delà du phénomène lui-même.
Je m'explique, en prenant pour exemple un cas non personnel (bien qu'il ait de multiples composantes personnelles détaillées dans de précédents billets), l'identité numérique entre Elie-Enoch (ou Hénok) et Jung-Haemmerli.
On peut évidemment décréter qu'il s'agit d'un pur hasard, auquel cas il n'y a plus rien à dire, sinon "Jusqu'à quand cela restera-t-il un pur hasard ?"
Sinon, l'esprit qui, peut-être forcé par d'autres circonstances, aura franchi ce premier pas, demeure malgré tout un esprit rationnel, binaire, pour lequel les choses sont ou ne sont pas, tenté de voir cette synchronicité valider des propositions tranchées telles que :
- Les histoires d'Elie et de Hénok ne sont pas des fabulations.
- Jung et Haemmerli se sont réellement rencontrés dans un autre monde.
Pour la première, il faut rappeler que de multiples générations ont considéré les dires bibliques comme des vérités intangibles, et que cette croyance n'est pas totalement éteinte... Pour l'autre, si Jung ne décrit son expérience de 44 que comme une "vision", il lui a accordé une telle "réalité" qu'il a tenté de prévenir Haemmerli du danger qui le menaçait.
Fantastique pour fantastique, qui peut assurer que, si Jung avait considéré ses visions comme du pur délire, le sort de Haemmerli eût été le même ? et surtout que sa maladie ait été si exactement symétrique à la convalescence de Jung ?
Je n'en sais strictement rien, et Jung lui-même professait qu'il s'agissait d'un mystère ultime, que comme Rudolf Otto il appelait volontiers tremendum, "terrible"...
... et je me sens au bord d'un terrible abîme en me souvenant que c'est aussi le sens du sanskrit bhima...
T'as vu ce Bhima
Wow !
Il est Terrible !
PS Les nouvelles pistes ouvertes depuis la décision d'écrire ce billet m'ont fait oublier un point important. La trame du Mahabharata est une guerre entre les Pandavas et leurs cousins les Kauravas, qui, en trichant aux dés, ont gagné l'unique épouse commune aux 5 Pandavas, Draupadi.
Il est probable que j'ai jadis su cela, ayant au moins commencé à regarder jadis l'adaptation du Mahabharata par Peter Brook et JC Carrière, toutefois je n'y pensais pas en concoctant mes personnages anagrammes de Novel Roman., faisant souvent écho à des personnes réelles ou fictives. Ainsi j'avais pensé à LORd carNArVON, devenu LOR MENAVON pour les besoins de l'anagramme. Pour justifier le passage de Lord à Lor, j'ai imaginé que ce Lord ait jadis joué sa femme bien-aimée aux dés, certain que la chance allait enfin tourner dans une partie qui l'opposait à un repoussant Egyptien. Hélas... Apprenant trop tard que sa défaite était due à une tricherie de son adversaire, Menavon avait développé une phobie des dés et de la lettre D, dont un effet avait été la transformation officielle de son nom en LOR MENAVON.
1 commentaire:
Absente des blogs pour des raisons familiales je reviens lire les amis. les textes ici sont toujours aussi riches de culture et de recherche sur la quaternité.
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