24.2.12

Consonnantisations

A Blandine

Je suis revenu à maintes reprises sur le sonnet Vocalisations, sur l'harmonie de sa valeur 6272 = 4 x 14 x 112 qui m'a frappé il y a bientôt 16 ans par sa correspondance avec les 4 strophes, 14 vers et 112 mots du poème.
J'y ai aussitôt pensé quand j'ai découvert le 8 septembre 2008 que la vie de Jung se répartissait en 4 et 1 fois 6272 jours autour du 4/4/44, mais il m'a fallu quelques mois pour mesurer pleinement la portée de la coïncidence, car mon obsession de ce sonnet composé par Perec en 1968 m'en avait fait composer une anagramme plus idéalement équilibrée en 2006, or le sonnet avait fait l'objet d'un exercice en avril 2001 sur le forum Anagrammy, où 3 différentes anagrammes en avaient été proposées. Ainsi moi, qui avais découvert le schéma 4+1 fois 6272 dans la vie de Jung, avais aussi complété un schéma de 4+1 arrangements des mêmes lettres de valeur 6272, mon statut étant privilégié par la conscience de l'harmonie de ce nombre qui avait guidé ma composition.

J'ai pensé à composer d'autres anagrammes de Vocalisations, mais diverses idées ont été abandonnées, sauf une donnée ici le 20/10/2010, limitée aux 13 premiers vers présentant une harmonie particulière.
Quelques mois plus tôt, j'étais venu à bout d'un autre projet, une anagramme du sonnet Prisme de Daniel Marmié donnant des couleurs aux 21 consonnes que j'avais transformé en 5 tercets consacrés aux 5 voyelles, chacun de gématrie 1111 (parce que le sonnet original avait la séduisante gématrie 5555, bien sûr).
Une idée complémentaire m'est venue en janvier, à partir du constat qu'il manque une seule consonne à Vocalisations, W, lettre sensible dans l'univers de Perec. Ce manque du W n'a rien d'extraordinaire, c'est plutôt la présence d'autres lettres rares en français qui l'est, comme K, J, Y, Z.
Bref il m'est venu de transformer Vocalisations en Consonnantisations, hommage aux 20 consonnes avec une allusion au W disparu. Restait à trouver une répartition élégante des 20-21 consonnes sur 14 vers, et l'idée d'un parallèle avec Alphabets m'a séduit. Je rappelle qu'il s'agit d'un ensemble de 16 séries de poèmes utilisant les 10 lettres les plus courantes en français ESARTULINO + 1 lettre parmi les 16 autres. L'obsession de Perec pour le 11 l'a conduit à traiter différemment les 11 premières séries, obéissant à un réglage particulier, tandis que les 5 autres, utilisant les lettres VWXYZ, obéissent à un autre réglage (détails ici). Je ne m'étais pas avisé jusqu'ici d'une harmonie gématrique pour les 11 premières séries, chacune de 11 poèmes de 11 x 11 lettres, qui n'utilisent que les 21 premières lettres de l'alphabet dont la valeur numérique est 231 = 21 x 11.
Donc mes tercets seraient consacrés aux lettres VWXYZ, avec un double vers pour le double V disparu, et les 16 premières consonnes seraient traitées à raison de 2 par vers dans les quatrains.
Comme pour mes récentes compositions anagrammatiques, j'ai opté pour des vers isocèles en répartissant les 497 lettres du sonnet en 7 couples de vers de 35+36 lettres, soit en comptant blancs et ponctuation, 44 espaces typographiques par vers (ce que j'avais également fait pour l'anagramme des 13 vers).
Les 16 premières consonnes B-T ont pour valeur numérique 180, soit 4 fois 45. Je me suis demandé s'il n'y aurait pas moyen d'en faire une sorte de carré magique, et j'ai été étonné d'y parvenir très facilement, en quelques minutes, à partir de la première combinaison trouvée de 4 séries de 4 consonnes de somme 45, propice à un arrangement vertical. Je suis souvent revenu sur les curiosités de Melencolia, pouvant pointer vers une répartition des colonnes du carré régulier en 4 partages fibonacciens 13-21, l'ensemble présentant une remarquable correspondance avec les valeurs 52-84 de Jung-Haemmerli.
Mon carré n'est pas magique au sens mathématique, ce qui impliquerait que les diagonales donnent aussi la constante des rangées et colonnes, mais ce premier résultat était si satisfaisant que je décidais de ne pas chercher plus avant.
J'y reviendrai, mais je crois qu'il est temps de donner le sonnet :
T voilà transfixions quand D damans nandous,
M maux Nanon nonnain, H aux laquais vaudous,
K coquin au blouson, G faisait croupion pur,
J jour Carl disparu Q soudain pris d'Arthur,

L lourdaud irlandais au P plain du voussoir,
C cours induit. N nord dur nobliau saouloir,
B blanc dit noircissant R roux lors infinis,
S soins pour clinicat, F foison aux choisis,

V vibrant un vassal forfait. Toi mi-moirant,
moirant l'ourson Armin d'un amaigri courant,
l'ouubli, n'ouïra-t-il ta consonnantisation?

X chiasma non moisi d'un froussard mordicus,
Y faillait un six, vrai flicard trois sinus,
Z soupir d'un poignard racial par incursion.


Le Gématron permet de vérifier les principales contraintes:
Chaque vers a la gématrie 448 (et presque toujours 8 mots, mais je me suis permis un clinamen entre les vers 1 et 4 qui ont 7 et 9 mots);
Petite et grande sections d'or répartissant
- 168 pieds en 64-40-64;
- 112 mots en 43-26-43;
- 497 lettres en 190-117-190;
- 6272 gématrie en 2396-1480-2396.

Quelques commentaires :
J'ai commencé par composer les tercets, prévoyant de remplir ensuite tant bien que mal les courtes propositions associées aux 16 consonnes des quatrains.
Je me suis attaché particulièrement au W, la lettre omise, en utilisant beaucoup de M son renversement vertical, et le lien avec le souvenir d'enfance, avec la "mi-moire".
L'un des rares premiers souvenirs de Perec est de descendre en courant la rue des Couronnes en criant "Les oursons ! les oursons !", d'où mon ourson "moiré", d'un "amaigri" car le petit Jojo n'était guère épais, et aussi parce qu'en hébreu "oublier" est l'anagramme de "maigrir", ce qui est probablement à l'origine d'un pataquès biblique dans le Psaume 137.
J'ai hésité avec cet ourson que j'ai imaginé "marin", puis "Romain" (avec "mirant"), et j'ai opté pour Armin en pensant à l'extraordinaire carte de Kos envoyée à Jung par Armin Haemmerli, frère de Theodor.
J'ai écrit "ouubli" car en anglais le double V est un double U.

Le tercet XYZ me rappelait Queen, qui a écrit trois Tragédies de X, Y et Z dans les années 30, bien avant d'envisager la retraite d'Ellery après deux enquêtes alphabétiques, Lettres sans réponse où il résoud l'énigme des lettres de sang XY tracées par un agonisant, Le mot de la fin où un mystérieux alphabet est égrené jusqu'à la lettre Z matérialisée en poignard assassin, zayin en hébreu.
Pour moi le signe du Z est bien plus celui de Zorglub que celui de Zorro, d'une aventure de Spirou qui a marqué mon enfance, à tel point que j'avais aveuglément accepté que les agents de police étaient des ex-zorglhommes... "Poignard" était donc un mot incontournable du dernier vers, bien qu'il utilisait un rare G, et il me vint d'y associer le mot "soupir", en pensant d'abord au signe musical proche d'un Z.
Ce n'est qu'ensuite qu'il m'est venu que soupir était l'anagramme de Spirou.
Y faille (scinde) le SIX en 3+3 avec un sinus associé, ce qui constitue une allusion plutôt obscure aux tercets qui comptent chacun 36 pieds, 72 en tout donc. Les sinus de 36° et 72° sont en rapport d'or.

Voici donc pour les tercets. L'élément fondamental des quatrains était pour moi le carré magique des 16 consonnes, facilement découvert avant de parvenir à cet arrangement des lignes et colonnes qui m'émerveille au plus haut point.
Au centre il y a les lettres GP et JC pouvant correspondre aux initiales de Georges Perec et Jung Carl.
Cette version avec les rangs des lettres permet de constater que colonnes comme rangées ont pour somme 45, et que les lettres centrales ont pour somme quintessentielle 36, le 5e de l'ensemble. Il y a d'ailleurs moyen de répartir les 12 autres lettres en 4 ensembles de somme 36 (TNB, SMD, RLF, QKH).
Je m'émerveille encore de cette harmonie découverte en assignant à chaque lettre son rang en tant que consonne, de 1 à 16. On obtient ainsi quelque chose qui ressemble au carré de Dürer, avec les 4 colonnes présentant la constante 34, avec répartition en deux couples de somme 17 (en orange et jaune). Seules les deux dernières rangées offrent la constance 34 (les deux autres 35 et 33), et il est remarquable que la seule combinaison offrant une correspondance exacte avec le carré de Dürer soit celle utilisée pour dater son tableau, avec un 15-14 central, encadré par 4 et 1 éventuelle signature, par sa correspondance avec les lettres DA, Dürer Albrecht.
J'ai placé comme Dürer cette rangée au bas du carré, et le hasard a voulu que les nombres qui lui avaient permis de dater sa gravure correspondent aux rangs consonantiques de mes initiales, RS. Je me suis avisé alors que les deux autres lettres, B et F, pouvaient correspondre à Blandine, qui allait fêter ses 40 ans le 24 Février, alors que 24-40-64-104-168 correspondent à la suite d'or des pieds du sonnet, répartis en 64-40-64. J'avais composé un poème tautogramme acrostiche en 24 vers de 24 lettres, pour ses 24 ans, sur les mots BLANDINE FEBRUARY ESRIMARB (24 en hébreu).
Voilà pourquoi son nom se trouve hypographié au vers 7 (blanc dit n...), parmi les 40 pieds formant le coeur doré du sonnet.

De part et d'autre de ce coeur, il y a les 5 vers 1/3 correspondant aux lettres
TDMHKGJKLPC = 121
et les autres 5 vers 1/3 correspondant à
XYZ = 75 (en admettant qu'il n'y a qu'une allusion à W).
Non seulement 121 et 75 sont en rapport d'or, mais (121+75)/121 = 142/112, le premier rapport doré de deux carrés, sachant encore que 11x14 est le format de Melencolia (et 14/11 la pente de Khéops).

J'ai tenu à faire figurer Carl dans le poème, qui à la suite de quelques nécessaires permutations finales (car il n'a pas été simple d'arriver à trouver et juxtaposer des mots obéissant à toutes les contraintes demandées), s'est trouvé associé au jour J, bien venu puisque le jour J ou D Day est le 6/6/44, et que Jung miraculé du 4/4/44 est finalement disparu le 6/6/61.
Je rappelle que, si le 4/4/44 partage exactement la vie de Jung selon le motif 4-1, le 6/6/44 partage de même les 1740 jours de la guerre de 39/45.

Je m'émerveillais sur le billet Theo d'or des valeurs du frère de Haemmerli, en exact rapport d'or avec les prénom-nom de Jung :
ARMIN HAEMMERLI = 55 84 (139)
CARL JUNG = 34 52 (86)
Il m'a semblé devoir mentionner le prénom de Rimbaud, ARTHUR = 86, et je n'ai pas pensé à la valeur 139 d'ELLERY QUEEN, lequel me semblait s'imposer pour le tercet XYZ.
C'est encore après coup que je m'aperçois d'une harmonie indépendante du choix du carré magique, bien que ce choix la souligne. Additionner 86 et 139 conduit à 225, ou 5 x 45, or si les 16 premières consonnes de l'alphabet ont pour valeur 180 = 4 x 45, les 2 suivantes VW sont étroitement associées (en français du moins) et totalisent 22+23 = 45. J'étais loin d'y penser en décidant de consacrer le premier tercet à VW.

Une autre harmonie imprévue résulte de mes choix. En examinant les colonnes centrales, à cause des initiales pour moi signifiantes GP et JC (ou CJ l'antichrist), je me suis avisé que le carré bleu supérieur totalisait 34, tandis que le carré rouge inférieur totalise 56, et 56/34 est le partage d'or de la somme 90.
Corrélativement, les mêmes totaux 56 et 34 apparaissent pour les 8 autres cases du carré, et on obtient un schéma identique à celui du carré de Dürer, plus parfait puisque le rapport doré 21/13 y est présent dans chaque colonne, alors qu'ici il est nécessaire de considérer les colonnes deux à deux.
On peut minimiser la coïncidence en avançant que j'ai choisi une dernière rangée calquant celle de Dürer, mais je rappelle qu'il s'agit d'un carré tout à fait irrégulier, issu des fantaisies de l'évolution de l'alphabet au cours des millénaires.
Cette irrégularité se précise en examinant les rangées; chez Dürer on a 1 répartition 15-19 dans chaque rangée (ou 16-18), alors qu'ici la répartition 17-28 (dorée) dans les 3 premières rangées est impossible à réaliser dans la dernière. On trouve encore 3 répartitions 21-24 dans les rangées 1-2-4, et je me permets de conjecturer qu'aucun meilleur arrangement n'est possible (on a cependant une répartition 22-23 dans chaque colonne, mais très hétérogène).

La répartition séquentielle 28-17 (12-16-3-14) est intéressante, car elle survient dans la paire de vers où j'ai placé ma "clé de voûte" à la petite section d'or, ainsi suis-je tenté d'interpréter le P plain du voussoir qui n'a rien de voulu au départ, et résulte des accommodations finales pour caser des lettres difficiles et en récupérer de plus favorables.
J'ai veillé à utiliser des rimes plates pour les paires de vers correspondant à une rangée du carré, et cette paire de vers spéciale, perturbée par un point, est donc la seule offrant une division d'or entre les consonnes visées, permettant par exemple un schéma
2 vers 3-4 = KGJQ = 45
1 vers 5 = LP = 28
1 vers 6 = CN = 17
Les régularités de ce carré irrégulier sont décidément étonnantes, mais je m'arrête ici et aborderai dans le prochain billet quelques coïncidences survenues pendant l'écriture du sonnet.

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