2.7.21

"Résipiscence", lis "pisse en ce récit"


    Le précédent billet m'a conduit à une avancée majeure dans l'élucidation des deux textes symétricologiques de Ricardou, ouvrant ses deux derniers ouvrages de fiction, publiés simultanément en 1988, Révélations minuscules, en guise de préface, à la gloire de Jean Paulhan, dans Révolutions minuscules, que j'appellerai maintenant la Préface, et Le lapsus circulaire dans La cathédrale de Sens, que je nommerai désormais le Lapsus.
  J'ai appris deux choses depuis. Plusieurs état des tapuscrits de ces deux livres sont conservés à l'IMEC, avec de multiples corrections successives, montrant probablement comment Ricardou est parvenu à calibrer Préface et Lapsus pour qu'ils occupent 100 et 80 pages, mais permettant aussi de voir quelles structures sont invariantes, et donc recèlent des codages essentiels. Je compte aller consulter ceci prochainement.

  Par ailleurs, j'ai appris que ce ne sont pas les seuls inédits de ces volumes. Le second offre Supercherie et Résipiscence, deux textes liés, mais j'avoue mal cerner pour l'instant la logique de leur appariement.
  Résipiscence utilise massivement la symétricologie, et je vais tenter de décortiquer ce texte, tâche plus simple que pour Préface et Lapsus, car il est court, 24 pages, et un seul corps typographique y est utilisé.

  Le sujet en est simple aussi. C'est une histoire de strip-tease, sujet déjà présent dans les trois romans de Ricardou, et dans les trois versions d'Improbables strip-teases.
  Ici une jeune femme, nommée tour à tour Super Chérie, Tootsie, Irène, Isa, est vêtue de 16 pièces d'habillement, qu'elle retire selon un ordre déterminé par les jets de dés de ses clients, le dé principal étant appelé "dé à jouir".
  Les pages du récit livrent les détails de la cérémonie, des particularités des vêtements, car certains préparatifs sont nécessaires pour, par exemple, retirer un bas sans enlever une chaussure.
  Avant la cérémonie, la demoiselle ingurgite l'eau contenue dans une urne. A la fin, nue, elle la restitue dans la même urne. Ce délicat exercice illustre probablement l'obsession de Ricardou pour les lettres I et O. L'O de l'urne devient ur-I-ne.
  D'où l'hypothèse que le titre de la nouvelle se lise, circulairement, "pisse en ce récit". Si le liquide est nommé "isabelle liqueur", la syllabe le désignant populairement apparaît à trois reprises dans la dernière phrase, "propice", "suspicion", et "résipiscence", dernier mot de la nouvelle. La demoiselle est installée sur une fidèle réplique de la "cathèdr(e épiscop)ale" (c'est moi qui souligne).
  Ou encore, dans l'autre sens, "Sens, y pisser", "sans six, pisser"...
  L'urne et le dernier nom de la luronne, Isa, peuvent encore évoquer la rune Isa, , signifiant "glace". Un miroir est utilisé dans la cérémonie, une psyché ovale, face à la cathèdre, la haute chaire de l'évêque. Entre les deux, l'urne au large col. Le commanditaire de la cérémonie est installé dans un confessionnal.

  L'un des modes d'effeuillage étant alphabétique, on peut songer que certain alphabet runique compte 16 runes:
(à remarquer les "pattes d'oiseau" des dernières runes, évoquant la signature de Ricardou)

  Le nombre 16 offre une particularité peut-être exploitée par le texte. C'est le carré de 4, nombre de lettres du prénom JEAN, et son écriture en toutes lettres donne
SEIZE = 64 (19+5+9+26+5), carré de 8, nombre de lettres du nom RICARDOU, et celui-ci revendique à de multiples reprises le rôle des nombres 4 et 8 dans la composition de ses textes.
  Divers indices étaient l'idée que cette propriété ait été vue et mise en oeuvre. Le nombre 16 apparaît 4 fois dans le texte, chaque fois sous la forme "seize", et chaque fois à un rang multiple de 4 dans la phrase. C'est le
4e mot de la 15e phrase, comptant 29 mots;
24e mot de la 51e phrase, comptant 38 mots;
16e mot de la 64e phrase, comptant 60 mots;
32e mot de la 72e phrase, comptant 64 mots.

  La phrase 64 avec "seize" en 16e position semble très significative, de même les 64 mots de la 72e phrase. Ces nombres 64 et 72 trouvent un écho dans la Préface, où le "rond" des arènes de Lutèce est en fait un ovale, dont les axes sont évalués à 72 et 64 pas.

  J'ai compté 114 phrases en tout dans la nouvelle. Le seul point problématique est la présence d'éléments de dialogue enchâssés dans trois phrases, comme dans cette 56e phrase:
Refusant les détours, qu’ils se dispensent alors plutôt desdits alinéas et, pourquoi non, s’ils ne l’ont encore fait et, décidément, ne peuvent en contenir davantage,

        - Est-ce toi, revenue sur la pointe des pieds, à l’improviste, sereine, toute silencieuse, en finesse ?

        qu’ils sautent soudain, sans davantage de suspicion, tout simplement au fin mot de l’histoire.
  Je ne compte ici qu'une phrase, couvrant trois alinéas. J'y reviendrai, ainsi que sur sa signification.

Note d'août: En fait, après consultation des tapuscrits de l'IMEC, il s'avère que le tapuscrit n'avait pas ce bizarre retrait, qui est probablement une erreur de la mise en page définitive, non repérée par Ricardou.

Note de septembre 2023: Erica Freiberg est décédée en février dernier, et il m'est désormais loisible de révéler qu'elle a été, bien plus qu'une "collaboratrice", la compagne de Ricardou pendant près de 50 ans.
  L'art du X s'inspire de leur rencontre, le 26 mai 1967, initiée par Jeanne Hersch.
  Elle est aussi la "Noëlle Riçoeur", prétendue soeur de Jean, prétendue signataire de la Préface de Révolutions minuscules.
  A la lecture de ce billet, elle a compris que la phrase "Est-ce toi..." paraphrasait un propos de Ricardou qui l'avait marquée. Elle ne s'en était pas aperçue lors de la lecture de la nouvelle, dont le thème ne lui plaisait guère.
  Au revoir, Erica...


  Cette phrase fait partie d'un paragraphe, d'où l'absence de retrait à son début. Il est curieux de trouver un retrait pour sa dernière partie, alors qu'aucun retrait n'apparaît dans la Préface, lorsqu'une citation y est enchâssée dans une phrase.
  Résipiscence compte 69 alinéas, un nombre aussi présent dans Lapsus, avec l'adresse du père du narrateur, 69 rue Louis Braille, puis 9, puis 6.
  La famille Ricardou habitait au 6 rue Louis Braille, à Cannes.

  Je me suis abstenu jusqu'ici d'aborder le côté scabreux du nombre 69. Tiens, l'auteur du roman 69, Ryū Murakami, est actuellement âgé de 69 ans.
  Le billet précédent m'a conduit à rapprocher les nombres 66 et 99 d'une part, 16 et 61 d'une autre. La bizarre correspondance dans Lapsus des lettres E-R-U-T avec les rangs alphabétiques 5-17-20-19, avec 19 devenant ensuite 16, m'avait amené à envisager 16=Q, lettre évocatrice...
  Ricardou a semble-t-il joué à s'autocensurer dans ces textes. Ainsi La cathédrale de Sens reçoit-elle d'autres noms dans la Préface, La cathédrale de censure, La cathédrale de sans, La cathédrale de    ...
  Il me souvient que, si "69" désigne la pratique sexuelle que l'on sait, "61" était employé pour une simple fellation. C'est certainement moins courant, et je n'en trouve pas trace sur le web, mais je ne l'ai pas inventé.

  Ricardou a joué avec les subjonctifs "susse", "conçusse", jusqu'à les censurer, ainsi page 103 de la Préface Noëlle Riçoeur écrit "comment vouliez-vous que je ( )", le mot absent étant aisément identifiable.
  Si les phrases explicitement codées de Lapsus sont aux pages 16 et 61, les plus longues phrases de Résipiscence sont la 16e et la 61e, avec respectivement 341 et 248 mots.

  La phrase 16 détaille les 16 pièces habillant la strip-teaseuse, ce qui peut confirmer que les rangs des phrases sont minutieusement calculés.
  Il n'y a que 12 rubriques, séparées par des points-virgules, car 4 sont doubles, bas, bijoux d'oreille, chaussures, et gants. C'est très probablement encore dû aux nombres fétiches 4 et 8 des lettres du prénom et du nom. Incidemment, Résipiscence est un mot de 12 lettres.

   Les 248 mots de la phrase 61 pourraient procéder du même fétichisme, puisqu'à 4 et 8 est aussi associé le rapport 1/2. Je rappelle que la nouvelle est suivie dans le recueil par L'art du X, où il est assuré que Ricardou a compté ses 284 phrases de 12 mots.
  J'ai repéré un jeu subtil dans cette phrase, contenant trois doubles parenthèses, voici par exemple la première:
...(si profuses que d'éventuelles mellifluences eussent pu sourdre (peu à peu) en secret, dessous)...
  Les trois expressions doublement enchâssées ont chacune trois mots, ce sont (peu à peu), (on le comprend), et (mot à mot). Ceci peut former une proposition cohérente, "peu à peu, on le comprend mot à mot", et la phrase symétricologique demande parfois quelque persévérance pour en saisir le sens, mais il y a un autre degré. Les mots centraux de chaque triplet sont "à-le-à", formant ALEA, "dé" en latin, "dé" qui est l'un des maîtres mots de la nouvelle.

  16 et 61 me font aussi penser que les points du dé vont de 1 à 6. Un dé usuel est tel que la somme des faces opposées est 7, 1-6, 2-5, 3-4. Cette phrase 61 termine un paragraphe de trois phrases, le 34e alinéa, presque au centre des 69 alinéas de la nouvelle. Les deux autres phrases ont 52 et 34 mots.
  Le mot "alinéa", présent dans la phrase en trois alinéas vue plus haut, se réarrange en in alea, "dans le dé".
  Les 4 occurrences du mot "seize" apparaissent aux alinéas 14, 28, 35, et 42, multiples de 7. La somme de ces nombres est 119, valeur de JEAN RICARDOU.

  J'en viens à la symétricologie. Les 12 premières phrases, ou 12 premiers alinéas, de Résipiscence ne sont pas symétricologiques, en probable référence aux 12 lettres du prénom et du nom, mais je ne vois pas de raison impérieuse de répartir ces phrases en 4 et 8 (mais la 4e phrase s'achève sur "cathèdre épiscopale", tandis que la suivante évoque "la place de chaque mot, au millimètre relue").

  Le jeu symétricologique débute à partir de la 13e phrase, avec essentiellement un écho immédiat entre la première syllabe de la phrase et sa dernière.
  La première exception apparaît pour la 30e phrase, débutant par "Maladroite" et finissant par "main gauche". L'intention est évidente, et il y a de multiples cas de ce type dans la Préface, mais ici la nouveauté incite à approfondir.
  La phrase compte 149 mots, découpés ainsi par deux parenthèses: 34-(59)-22-(1)-33.
  Ricardou invite dans la Préface à considérer à part les parenthèses, et cette phrase 30, valeur de JEAN, a 89 mots sans les parenthèses, valeur de RICARDOU. Celui-ci a envisagé dans Oui et non (1983) l'utilisation de la suite de Fibonacci dans ses écrits, et le calcul de la valeur de son nom l'aurait aisément conduit à reconnaître en 89 le 11e terme de cette suite (1-1-2-3-5-8-13-21-34-55-89-...). Précisément, la phrase examine le cas où le jet des dés aurait conduit au résultat 11, soit la lettre K, déterminant la première pièce que doit ôter la demoiselle (ses lunettes en l'occurrence, aucune pièce ne débutant par K).
  Le découpage des 89 mots en 34-55 peut souligner la propriété additive de la suite de Fibonacci.

  L'anomalie suivante est pour la phrase 69 (tiens...), débutant par "Je" et finissant par ""le dé d'y voir"...".
  Il n'est pas impossible d'y envisager une intention subtile, puisque le dé est un "jeu", et le "dé d'y voir" un "jeu de mots", mais cette sophistication semble unique dans la nouvelle.
  La phrase compte 99 mots, nombre clé de la Préface, et son mot central est "dé" (in "ce rose dé d'ivoire"). Ce serait le cas le plus immédiat où le mot central d'une phrase aurait un écho avec début et fin, à mon sens du moins, car je ne prétends pas comprendre toutes les finesses ricardoliennes.
  Ces anomalies des phrases 30 et 69 peuvent suggérer l'addition 30+69, résultat 99; l'addition des nombres de mots, 149+99, donne 248, rencontré pour la phrase 61.

  Les autres bizarreries viennent juste ensuite, pour les phrases 70-71 et 72-73, couplées par le procédé. Il y en a d'autres exemples dans la Préface, où l'écho symétricologique en début d'une première phrase survient à la fin de la suivante, avec une suture entre les deux. Bref, voici comment se présentent les phrases 70-71, en 46 et 30 mots,
La seconde... ...complaisance. Cependant... ...çà et .
et les phrases 72-73, en 64 et 41 mots (la phrase 72 est la dernière avec "seize" (en position 32)),
Dès longtemps... ...autre. Trésor secret... ...se scinder.
  Quelle est la signification de ces curiosités? Peut-être que, du point de vue symétricologique, chacun de ces couples ne compte que pour un élément symétricologique, et l'on aurait donc, puisque le total de 114 phrases débutait par 12 phrases non symétricologiques, un compte rond de 100 éléments symétricologiques, sinon 99 en laissant de côté la litigieuse phrase 69 (en 99 mots).
  Le jeu 99-100 semble essentiel dans la Préface, comptant 100 pages dont une vierge, et où le mot "centre" en position centrale 99 page 99 avait en fait la position 100 dans la phrase originale page 47, reprise légèrement modifiée page 99.

  Mon billet de février m'avait fait étudier les phrases et paragraphes 48 et 84 de la Préface, avec des résultats encourageants.
  Voici la phrase 48 de Résipiscence:
Du coup, ce pli étant pris (et selon un progrès sans limite sur l'inépuisable voie des extravagances), toutes sortes d'efforts variés pouvaient concourir à ce que croissent (et se multiplient) d'innombrables sinuosités intercalaires, de telle façon (en regard de la partie succincte, déjà évoquée, réduite à zéro avec le malheureux candidat prématurément éconduit en certaine parmi les impasses peu connues) que se déploie au contraire, avec un prétendant cette fois trop choyé, l'inverse préparation infinie, laquelle, par la vertigineuse pléthore de ses circonlocutions inextricables, conduisait l'exécution de ma docile découverte à demeurer une éventualité sans cesse suspendue...
  Elle totalise 102 mots, répartis ainsi par les parenthèses : 6-(12)-11-(3)-7-(24)-39.
  Soit 63 mots, plus 39 dans les parenthèses. 63/39 se simplifie en le rapport fibonaccien 21/13. On peut aller plus loin en réunissant les 5 premiers groupes, soit 39-24-39, double partage d'or du total 102.
  Corollairement, les 39 premiers mots se répartissent en 24, plus 15 dans les parenthèses, se simplifiant en le rapport fibonaccien 8/5.

  On trouve une équivalence remarquable pour la phrase 84:
Reliquat concédé au système, l'inévitable extrémité détenue par l'empeigne, c'est, autour de la chaussure, comme un ornemental liseré, hexagonal parfois, qu'en toute simplicité elle se voyait enfin citée à comparaître.
  Elle totalise 34 mots, le tiers de 102, 9e terme de la suite de Fibonacci, et le double partage 13-8-13 (équivalent à 39-24-39) est cette fois dessiné par les virgules.
  Il y a une virgule centrale, partageant les 8 mots en 4-4, et les deux propositions de 4 mots finissent par la syllabe "re" ou "ré" présente en début et fin de phrase.
  Cette phrase 84 achève l'alinéa 48, et il y avait un jeu analogue dans la Préface, où le 84e paragraphe était une phrase de 48 mots.
  Les deux premières phrases de l'alinéa 48 totalisent 144 mots (sans les parenthèses), triple de 48, et 12e terme de la suite de Fibonacci. Les propriétés de cette suite font que la moyenne entre le 9e terme et le 12e terme est le 11e terme, 34+144 = 178 = 2 fois 89, valeur de RICARDOU.
  Faut-il aller jusqu'à compter les lettres? La phrase 84 en dénombre 178.
  Qu'en est-il des parenthèses dans les deux premières phrases de l'alinéa 48? J'y compte 47 mots, mais ce pourrait être 48 si Ricardou voyait deux mots dans "au-delà". Selon ses propres dénombrements dans la Préface, un mot composé ne compte que pour un mot, et il supprimait parfois les traits d'union pour éviter toute ambiguïté (pour les chiffres écrits en toutes lettres notamment).

  Un autre degré dans la complexité peut conduire à prendre pour total des phrases 112 au lieu de 114, en considérant que chaque couplage (70-71 et 72-73) équivaudrait à une seule phrase.
  Et alors? Il y a toujours 69 alinéas, or 69 et 112 sont les 7 et 8es termes d'une suite additive de type Fibonacci débutant par 1-8-9, ainsi le nombre moyen de phrases par alinéa approche au mieux le nombre d'or, phi. 
  Le bégaiement est convoqué à diverses reprises, par exemple pour le jeu "concon-féfesse dans la caca-thédrale" dans Supercherie, et la fille de Résipiscence est aussi appelée "phi-phille".
  Linéairement, la césure d'or des 112 phrases tombe sur la phrase 69, précisément la seule phrase dont la symétricologie pose problème, hormis les 12 premières phrases de la nouvelle, lesquelles ne relèvent clairement pas du procédé.

  C'est séduisant, mais Ricardou n'a ouvertement manifesté d'intérêt que pour la suite de Fibonacci elle-même, et pour le Modulor, l'échelle de mesures que Le Corbusier a utilisée pour diverses créations, d'ailleurs basée sur la suite de Fibonacci exprimée en demi-pouces et pouces.
  Ainsi les nombres de Fibonacci 13-21-34-55-89-144 correspondent dans la série Rouge à 16-27-43-70-113-183 cm, et dans la série Bleue à 32-54-86-140-226-366 cm (à noter 16 premier nombre significatif de la série Rouge). Le Corbusier était si imprégné par sa théorie qu'il a terminé sa vie dans le cabanon Modulor, carré de 366 cm de côté.
  J'ai vu une possible importance dans la Préface des nombres 113 et 226, correspondant donc au nombre de Fibonacci 89, valeur de RICARDOU, et la proximité entre 112 et 113 peut amener à se demander s'il n'y aurait pas moyen d'arriver à ce nombre plus significatif.
  Peut-être, car la symétricologie invite à se reporter au centre, soit, 112 étant le double de 56, la 56e phrase déjà donnée plus haut (que je rectifie en tenant compte de la note):
Refusant les détours, qu’ils se dispensent alors plutôt desdits alinéas et, pourquoi non, s’ils ne l’ont encore fait et, décidément, ne peuvent en contenir davantage,

        - Est-ce toi, revenue sur la pointe des pieds, à l’improviste, sereine, toute silencieuse, en finesse ?

qu’ils sautent soudain, sans davantage de suspicion, tout simplement au fin mot de l’histoire.
  J'avais choisi de n'y voir qu'une phrase, mais le cas des phrases couplées peut faire remarquer qu'ici, au sein de la phrase 56 débutant par "Re" et finissant par "re", l'alinéa tireté est lui-même une phrase symétricologique, débutant par "Est-ce" et finissant par "esse ?".
  Ce n'est pas le cas des autres alinéas tiretés signalés plus haut, qui ne sont pas enchâssés dans une phrase mais la terminent, la symétrie étant aussi donnée par couplage.
  Est-ce à dire qu'il faudrait découpler cette phrase 56, l'alinéa tireté devenant la phrase 57 ? Corollairement, le texte compterait 113 phrases, et la fameuse phrase litigieuse deviendrait la phrase 70, 70 et 113 étant deux mesures essentielles de la série Rouge, la première significative en étant 16 (cm).
 
  La phrase 57, enchâssée dans la 56e phrase, serait aussi au milieu des 113 phrases de la nouvelle, d'où, si cette démarche est pertinente, il s'impose de considérer le mot au centre de ses 17 mots, soit "pieds".
  Et alors? Peut-être faut-il considérer la décomposition de ce mot en "dé", lequel est la source de toute cette jactance, et en "pis", la syllabe médiane de Résipiscence correspondant au mot prohibé.

  Ou peut-être faut-il remarquer que trois phrases ont pour centre "main":
- la 16e phrase, la plus longue avec ses 341 mots, a pour centre "maints", elle ne compte aucune parenthèse;
- la 42e phrase a 75 mots, avec au centre "main" (mais elle compte trois expressions entre parenthèses, totalisant 20 mots, et les omettre conduirait au centre "concise");
- la pénultième phrase, soit la 113e ou la 112e selon les décomptes, a 114 mots dont 53 entre parenthèses; celles-ci omises, les 61 mots auraient pour centre "main".
  Ceci pourrait avoir un rapport avec l'expression "jouer des pieds et des mains", peut-être mutée en "jouer dés pied ou dés main", signifiant que la belle doit enlever une chaussure ou un gant.

  Serait-ce une allusion au premier quatrain d'un sonnet de Mallarmé, constamment cité dans la Préface?
M’introduire dans ton histoire
C’est en héros effarouché
S’il a du talon nu touché
Quelque gazon de territoire
  La dernière phrase de Résipiscence cite un vers du sonnet en X, mais en l'attribuant à La Fontaine (de même est attribué à La Fontaine le dernier tercet du sonnet d'Oronte (dans Tartufe), cité en exergue de Supercherie).
  A remarquer que l'alinéa tireté qui pourrait constituer la 57e phrase débute par "Est-ce-toi, re...", assonant avec le dernier mot de la 56e phrase dans laquelle il est enchâssé, "histoire".

  Ou encore faut-il songer que les 226 cm du bonhomme Modulor vont de ses pieds à sa main levée, avec au centre exact le nombril.

  Ou le nombre IL = 21, nombre de points du dé. Les alinéas 14-28-35-42 où apparaît le mot "seize" peuvent inviter à examiner l'alinéa 21, le multiple de 7 sauté. Il est formé de deux phrases de 99 et 127 mots, 226 en tout, la longueur de l'instrument Modulor. Il pourrait y avoir écho entre le 86e mot, "de", correspondant à la main droite du bonhomme Modulor, et le 226e et dernier mot, "dé", correspondant à sa main gauche.
  Cet alinéa 21 est formé des phrases 26 et 27, sans aucune parenthèse, et j'ai étudié plus haut la phrase 30 (JEAN) achevant l'alinéa suivant, subdivisée par les parenthèses en 34 et 55 mots, 34 et 55 pouces correspondant à 86 et 140 cm, le total 89 pouces (RICARDOU) aux 226 cm du Modulor.
 
  Ce n'est qu'en écrivant ce 89 qu'il me revient que Sens est un chef-lieu de l'Yonne, département numéro 89 (RICARDOU).
  Ceci me remémore un cendrier de mon oncle Maurice, faisant lire ceci,
J'avais une soif de lionne (l'Yonne)
Sachant à quoi l'eau sert (Auxerre)
En homme de sens (Sens)
J'y joignis (Joigny)
Un peu de vin et je dis: Tonnerre ! (Tonnerre)
Avalons (Avallon)
ou quelque chose d'approchant, car je ne me souviens pas du texte exact, et il y en a plusieurs versions en ligne.
 O sert à autre chose chez Ricardou, mais il n'est pas dit que l'autre chef-lieu ne trouve pas sens ici...

  Bon, ça commence à partir dans tous les... sens, et il en va souvent de même dès qu'on plonge dans la complexité. Ricardou assurait que ses textes contenaient toutes les clés nécessaires à leur pleine compréhension, mais peut-être a-t-il sous-estimé les capacités de ses lecteurs, comme la propension des écrits à échapper à la maîtrise du scripteur. 

  Je crois que ce court texte livre de bons arguments étayant l'idée que Ricardou y ait utilisé les valeurs numériques de SEIZE, JEAN, et RICARDOU, soit 64, 30, et 89, dont la somme est 183, la taille idéale en cm de l'homme selon Le Corbusier, essentiellement choisie parce qu'elle correspondait à 144 demi-pouces, six pieds, 144 12e terme de la suite de Fibonacci et aussi carré de 12. Ceci pourrait venir appuyer l'utilisation des carrés 16 et 64 de 4 et 8, nombres fétiches des lettres du prénom et du nom, entraînant fatalement leur somme 12 à jouer un rôle structurel important dans les textes.

  J'achève ce billet le 2 juillet, le 2/7 qui est aussi le 183e jour de l'année, ainsi que son exact milieu, à midi (ou minuit si l'année est bissextile). Il y a quelques jours, j'ai remarqué que la concaténation 27 était aussi un nombre de la série Rouge (16-27-43-70-113-183).
  Il y a quelques mois, j'ai remarqué une autre coïncidence similaire: le 11 mars, ou 11/3, ou 113, est le 70e jour de l'année. J'ai envisagé d'utiliser cette date pour publier un billet consacré à la disparition d'Anne, ma compagne pendant 43 des 70 années de mon existence, mais je n'y étais pas encore prêt, et ai principalement centré le billet sur Arnaud Delalande, dont venait de paraître un roman dont le personnage principal se nommait Jeanne Ricoeur; la Préface est signée Noëlle Riçoeur, prétendue soeur de Ricardou (avec "coeur" pour "cardo", et le prénom alternatif de Ricardou dans Lapsus est Noël).

  Hier, une recherche tout à fait indépendante m'a conduit à une découverte ahurissante. Je me demandais si le locatif du latin Roma était Romam; non, c'est Romae, mais la recherche m'a fait découvrir le premier tome de la série BD Ad Romam, Le Trophée d'Auguste, dont Arnaud Delalande est le scénariste.
  Il se trouve que j'étais exactement une semaine plus tôt devant ce Trophée d'Auguste, à La Turbie, lors d'un périple sur les traces de Ricardou, ce qui m'a fait passer par sa maison natale dont j'ai donné une photo plus haut.
  Les mots "monument", "monumental", "monumentalement", sont extrêmement importants dans la Préface et Lapsus. Explicitement, il s'agit de la cathédrale Saint-Etienne de Sens, aussi présente dans Supercherie et Résipiscence, mais Ricardou a confié à sa collaboratrice Erica Freiberg que le principal monument l'ayant influencé était ce Trophée d'Auguste, qu'il retournait voir régulièrement.
  Sur le site qu'elle lui consacre, elle donne en Prologue (signé Noëlle Riçoeur) à un article sur Ricardou et l'architecture, les confidences que celui-ci lui a faites à propos de ce monument. C'est essentiellement l'agencement des mots de la dédicace avec les moellons sur lesquels elle était inscrite qui l'intéressait.
 

  Il faut voir sur place cette inscription "monumentale", d'une largeur de près de 10 mètres.
 
  Le Trophée était une ruine informe au 19e siècle, tiens, une anagramme d'urine. Les architectes Formigé ont mené un travail de fourmi pour lui redonner un début de dignité. Ils ont réuni autant que possible les pierres originales, allant jusqu'à détruire une partie des maisons du village pour les récupérer (sans trop nuire, car le monument païen avait servi à l'édification de l'église).
 
  Il n'est pas anodin que cet Auguste soit Octave-Auguste, un "huitième"...

  Ad augusta per angusta.

9.6.21

circulez, il y a tout à craindre ici


  J'ai terminé le précédent billet le 4 juin. J'avais d'abord prévu de le publier le 6 juin, le 6/6, car je chéris les dates géminées, mais j'ai choisi le 1/6 à 9 h 9, en pensant aux pages autoréférentes des deux volumes de nouvelles publiés simultanément par Ricardou en 1988, la page 99 de Révolutions minuscules, dans sa préface Révélations minuscules..., et la page 61 de La cathédrale de Sens, dans sa première nouvelle, Le lapsus circulaire.
  J'en ai parlé à diverses reprises depuis 2018 où j'ai découvert ces livres, en explorant diverses approches de ces nombres 99-61, mais l'écriture de ce billet m'a conduit à une nouvelle découverte: la phrase de la page 66 qui invite à se reporter à une phrase de la page 61 est elle-même construite à partir de cette phrase de la page 61, et ce nombre 66 est lui-même important.

  Dans la première heure du 6/6, je me suis éveillé avec une autre intuition sur cette phrase, si riche que j'y consacre ce billet.

  Voici la phrase de la page 66:
  Ainsi, par exemple, entre autres, si mes tristes pensées du moins ne m'en ôtent pas la mémoire (ce qui, j'en conviens, sauf à en revenir sans tarder à la page 61, n'est point des plus faciles), quand j'ai noté qu'"Adieu", les ultimes syllabes, quasiment, de mon conducteur, au terme de l'itinéraire, reflétaient, en quelque façon, l'endroit à partir duquel, "la monumentale maison de Dieu", je m'étais soumis aux digressions de son véhicule, j'ai procédé moi aussi (ce dont, pour éviter de perdre plus de temps, il me faut apparemment ici m'accorder dispense), selon un discours plus symétrique encore, peut-être, que le sien.
et celle de la page 61:
  "Adieu", par exemple, les ultimes syllabes émises, avec un air plutôt rêveur, par le trop sagace amateur de physionomies, et sur lesquelles mon voyage en automobile venait à l'instant de s'achever, nul doute, selon la symétrie secrète d'un clandestin renversement, qu'elles n'aient eu pour mission de refléter son début, vous ne l'avez pas oublié, lecteur, j'espère, vers l'angle du parvis, devant, presque, la monumentale maison de Dieu.
  Le narrateur a pris un taxi à côté de la cathédrale, lequel l'a mené rue Louis Braille, à un numéro variant au fil du récit, 69, puis 9, puis 6. La famille Ricardou habitait au 6 rue Louis Braille à Cannes (06), détail donné dans Le théâtre des métamorphoses (1982).
  A partir de la page 66 débute l'analyse symétricologique de la phrase de la page 61, et il va être plus facile de la vérifier avec cette version numérotée, selon les exemples proposés par Ricardou dans la préface ouvrant l'autre volume:
(1) "Adieu", (2) par (3) exemple, (4) les (5) ultimes (6) syllabes (7) émises, (8) avec (9) un (10) air (11) plutôt (12) rêveur, (13) par (14) le (15) trop (16) sagace (17) amateur (18) de (19) physionomies, (20) et (21) sur (22) lesquelles (23) mon (24) voyage (25) en (26) automobile (27) venait (28) à (29) l' (30) instant (31) de (32) s' (33) achever, (34) nul (35) doute, (36) selon (37) la (38) symétrie (38) secrète (37) d' (36) un (35) clandestin (34) renversement (33), qu' (32) elles (31) n' (30) aient (29) eu (28) pour (27) mission (26) de (25) refléter (24) son (23) début (22), vous (21) ne (20) l' (19) avez (18) pas (17) oublié (16), lecteur (15), j' (14) espère, (13) vers (12) l' (11) angle (10) du (9) parvis (8), devant, (7) presque (6), la (5) monumentale (4) maison (3) de (2) Dieu (1).
  Les mots sont donc comptés à partir du début et de la fin, à partir de "Adieu" et "Dieu" donc, dont les échos sont immédiat. La phrase a 75 mots, et les comptes se rejoignent au centre sur le 38e mot, "symétrie", le maître mot du procédé.
  Ricardou note en outre la correspondance aux positions 12 entre "rêveur" et "vers", soit un renversement de la syllabe "REV" qui ouvre et ferme la nouvelle.
  Aux rangs 24 apparaissent "voyage" et "refléter", ce qui laisse entendre (toujours au narrateur) que le voyage s'est accompli sous le signe du miroir.
  Aux sites 33 (mais le texte indique 38, erreur peut-être volontaire), ce sont "achever" et "renversement", dont il tire quatre conclusions:
- puisque le but a reconduit à son début, c'est bien sur un renversement que le phrase s'est achevée;
- si l'on renverse les lettres sur lesquelles "achever" s'achève, c'est le mot "rêve" qu'on obtient;
- si l'on achève en renversant le centre du mot "renverser", c'est le son "rêve" qui résonne;
- c'est sur la syllabe du mensonge que s'achève le mot "renversement", ce qui atténue quelque peu les trois points précédents.

  Lors de ma première analyse de ce passage, j'avais pointé que cette phrase de la page 61, constituant un seul paragraphe, était immédiatement suivie d'un paragraphe constitué de deux phrases, s'interrogeant en partie sur les deux sens du mot "terme", tantôt "vocable", tantôt achèvement". En considérant le paragraphe comme un tout, ses termes étaient "Revérifier" et "achever.", à nouveau un renversement de "REVE", et son mot central était "terme".
  Sans commentaires du narrateur.

  J'avais alors analysé la plupart des phrases dans cette zone des pages 61-66, sans rien y trouver d'aussi immédiat. Contrairement à la préface de l'autre volume, où toutes les phrases sont réglées par le procédé (328 phrases, dont la plus longue compte 285 mots), certaines phrases seulement du Lapsus circulaire sont concernées, et elles ne respectent pas toujours la règle de base de la symétricologie, l'écho entre début et fin.
  Avant cette phrase de la page 61, les seules phrases explicitement symétricologiques étaient les trois phrases de la page 16 attribuées à Noël Ryvéla (Valéry, imaginé dans l'autre texte avoir été un promoteur du procédé dans Le cimetière marin). Je m'étais émerveillé dans le billet susmentionné de la façon dont Ricardou avait joué des symétries dans la phrase intégrant les trois phrases de Ryvéla, puis dans les paragraphes suivants de commentaires, tous ces jeux étant offerts à la sagacité du lecteur.

  J'avais donc notamment scruté la phrase appelant à se reporter à la page 61, sans rien y déceler. Elle avait 112 mots, sans échos symétriques immédiats.
  En rédigeant le précédent billet, je me suis dit que, plutôt que de simplement parler du report à la page 61, il me fallait donner la phrase complète, et la recopier m'a aidé à prendre conscience que les syllabes "si-mé-tri" apparaissaient dans "si mes tristes pensées", et qu'elles étaient symétriques du mot "symétrique".
  Depuis mes premières approches, j'ai appris que les parenthèses pouvaient jouer un rôle particulier dans les phrases de Ricardou, lequel donnait des indices en ce sens dans Révélations minuscules. Omettre les expressions entre parenthèses laisse 74 mots, le milieu tombant après le mot "reflétaient", dont la position entre deux virgules est intrigante.
  La découverte que les mots "Adieu" et "Dieu" étaient équidistants de "reflétaient" m'a conduit à penser que cette phrase était effectivement très travaillée, et qu'il pouvait être imaginé une erreur soit de la part de Ricardou, soit de la suite de la chaîne éditoriale.
  Il y a de multiples possibilités d'erreurs dans la composition de ces phrases, dont les brouillons ont hélas été détruits. La solution la plus simple est l'oubli d'un mot, ou un mauvais compte, dans la première partie, car ceci conduirait à 75 mots, le même total que la phrase de la page 61.

  Ci-dessous, j'ai repris la phrase sans les parenthèses, en numérotant les mots, et en imaginant le mot absent au rang 10, car il y aurait alors écho aux rangs 12 entre "moins" et "moi", mais il y a bien d'autres possibilités, pourvu que ce soit avant le rang 25.
  Il n'est par ailleurs pas exclu que Ricardou ait ici faussé la règle, estimant peut-être avoir par trop facilité la tâche au lecteur en affichant d'emblée l'indice des mots "par exemple" aux mêmes rangs que dans la phrase de la page 61, et en déclarant ouvertement "un discours plus symétrique encore"...

  Quoi qu'il en soit, l'étude approfondie de la phrase montre non seulement qu'elle est extraordinairement travaillée, mais qu'elle joue un rôle essentiel dans l'ensemble de la nouvelle, sinon dans l'ensemble des deux textes symétricologiques, sinon peut-être dans l'oeuvre entière...
  Bref, voici:
(1) Ainsi, (2) par (3) exemple, (4) entre (5) autres, (6) si (7) mes (8) tristes (9) pensées (10) ??? (11) du (12) moins (13) ne (14) m' (15) en (16) ôtent (17) pas (18) la (19) mémoire, (20) quand (21) j' (22) ai (23) noté (24) qu' (25) "Adieu", (26) les (27) ultimes (28) syllabes, (29) quasiment, (30) de (31) mon (32) conducteur, (33) au (34) terme (35) de (36) l' (37) itinéraire, (38) reflétaient (38), en (37) quelque (36) façon (35) , l' (34)  endroit (33)  à (32)  partir (31)  duquel (30), "la (29) monumentale (28) maison (27) de (26) Dieu (25) ", je (24) m' (23) étais (22) soumis (21) aux (20) digressions (19)  de (18)  son (17)  véhicule, (16 ) j'  (15) ai (14)  procédé (13)  moi (12)  aussi (11) , selon (10)  un (9)  discours (8)  plus (7)  symétrique (6)  encore (5) , peut-être (4) , que (3)  le (2)  sien (1).
  Dans les premières minutes du 6/6, j'ai émergé du sommeil avec des pensées se bousculant dans ma tête. Sans trop pouvoir en retrouver le fil exact, il m'est enfin apparu que ce n'était peut-être pas par hasard si les symétries entre les syllabes "si mes tristes" et "symétrique" survenaient aux sixièmes rangs, et ce page 66.
  A plusieurs reprises, Ricardou nomme ces rangs "sites", ou "situations".

  Je n'avais jusqu'ici considéré que l'écho entre la syllabe initiale "Ain(si)" et celle finale "(si)en", mais il m'est apparu que les mots complets pouvaient livrer 1-6, et 6-1.
  Peut-on désormais considérer comme un hasard que les phrases données comme explicitement symétricologiques dans la nouvelle se situent pages 16 et 61? Je précise tout de même que les deux premiers mots de la première phrase de Ryvéla sont page 15, ces phrases en italiques étant incluses dans la première phrase du paragraphe 15 qui se poursuit par une autre phrase, en 61 mots.

  Est-ce donc à dire que le récit aurait été minutieusement pesé pour permettre les occurrences des passages codés à des numéros de pages choisis dans le final objet livre? Il semblerait bien, et les infos dont je dispose sur l'établissement du tapuscrit destiné à l'éditeur vont dans ce sens. Peut-être chez l'éditeur se trouvera-t-il quelqu'un se souvenant si des modifications sur épreuves ont été nécessaires pour peaufiner cette entreprise...

  Il semble bien en aller de même pour la préface ouvrant l'autre volume, Révélations minuscules, en guise de préface, à la gloire de Jean Paulhan, un titre en 12 mots, avec une césure 6-6, comme un alexandrin.
  Page 99 y est reprise, avec ses mots numérotés, une phrase de la page 47, et page 100 un premier commentaire souligne que le mot "centre" est au centre de cette phrase, à la position 99, en remarquant que "cent" est contenu dans "centre". Il y a aussi ici un double jeu, avec la page référée, et avec la page où se fait la référence.

  La phrase de la page 66 du Lapsus circulaire recèle probablement d'autres signes. Elle contient 6 fois la syllabe "si", avec les deux couples symétriques, "Ainsi-sien" et "si-symétrique", et les mots "syllabes" et "aussi", aux sites 28 et 11.
  "syllabes" y est symétrique de "monumentale", un mot essentiel des deux textes, où il est diversement découpé selon ses syllabes. Révélations minuscules débute par "Monumentalement" et s'achève par "divers vagues demi-mots, nus, mentalement". Le narrateur du Lapsus circulaire y cherche la signification du distique holorime
Délaissez des lits qu'ornent, mots nus, mentalement,
Des laies et des licornes, monumentalement.
  "aussi" serait symétrique de "du", à moins que ce ne soit de "moins", si l'éventuel mot manquant était plus loin dans la phrase. On pourrait le réduire à ses phonèmes O-S-I, avec I-O couple de lettres complémentaires pour Ricardou, ainsi utilisées comme symétriques dans diverses phrases de Révélations minuscules, où elles sont vues en outre équidistantes dans son nom.
  Quant à S, c'est aussi une lettre symétrique, et l'initiale du mot Symétrie. Elle est essentielle dans la nouvelle pour ses deux prononciations, car le distique n'est holorime que lorsqu'il est zézayé.
  OSI se renverse en ISO, préfixe dont le sens est proche de "aussi".

  Si S a deux prononciations, le mot "si" a deux valeurs grammaticales:
- adverbe, en anglais so, I y devient O donc;
- conjonction, en anglais if, formé des lettres de rangs 9 et 6, se renversant l'une en l'autre. If six was nine, chantait Hendrix.
  Précisément, je donnais dans le billet précédent plusieurs cas d'échanges entre 6 et 9, dans la nouvelle elle-même, et au verso de la couverture le prix du livre, 96 tout court, alors que l'autre volume affiche au même emplacement 98 F.
  Ceci me conduit maintenant à regarder ce qui se passe page 69, où se détache un paragraphe central débutant par une phrase que je n'avais pas décortiquée jusqu'à présent. L'eussé-je fait que je n'aurais probablement pas remarqué son harmonie.
  La phrase décrit la gravure à laquelle se rapporte le distique holorime, lié au mystère de la naissance du narrateur:
  Au milieu de l'image, adossées croupe à croupe, jusqu'à former un monument unique, les deux vastes cavales au front armé, chacune, de la fabuleuse torsade, émettent sans pitié les flammes de leur vue, de part et d'autre, contre, aux extrêmes, les deux vivaces sangliers: celui de gauche, et qui regarde à droite; celui de droite, et qui regarde à gauche.
  Si la gravure est totalement symétrique, la phrase l'est bien moins immédiatement, avec 63 mots, de "Au" à "gauche", avec au milieu "flammes". Mais ce semble loin d'être un hasard si "deux vastes cavales" et "deux vivaces sangliers" occupent les mêmes rangs, 17-18-19, à l'égard des deux bords, les épithètes débutant par V invitant peut-être à former un X.
  Car ces bêtes flamboyantes semblent issues du Sonnet en X de Mallarmé,
Des licornes ruant du feu contre une nixe,
auquel il est fait nettement allusion dans le paragraphe suivant, avec un interne du lycée de Sens, prénommé Etienne ou Stéphane. Ricardou voit dans Révélations minuscules ce sonnet relever de la symétricologie (début "Ses purs", fin "septuor").
  Sans doute aurait-il été plus significatif que la phrase comptât 69 mots, plutôt que 63, mais je me demande si Ricardou n'a pas considéré l'addition 63+6, avec un compte double pour ces deux expressions symétriques comportant "deux"...
  Je pense souvent à celui dont se réclame souvent Ricardou, Roussel qui disait avoir appelé l'une des faces de son dé "l'ai-je eu?" parce qu'il craignait que "dé l'eus-je" eût été trop clair pour ses lecteurs. Ces surdoués du bulbe ont tendance à imaginer que les lecteurs sont aussi intelligents qu'eux, mais les lecteurs, ils se contentent essentiellement de lire, et si ça les emmerde, ils lisent autre chose, les lecteurs.

  Mon billet de février étudiait la numérotation des phrases et paragraphes dans Révélations minuscules, avec des résultats prometteurs. Il n'est pas aussi simple de dénombrer les phrases dans Le lapsus circulaire, mais le dénombrement des paragraphes (279 en tout) livre un résultat immédiat.
  Les trois phrases symétricologiques de Ryvéla sont données dans le paragraphe 15, pages 15 et 16. C'est dans le paragraphe 16, entièrement page 16, qu'apparaît une phrase symétricologique du narrateur, ouvertement donnée comme telle dans le paragraphe suivant, où elle est reprise au centre d'une phrase analysée dans le billet déjà mentionné, offrant 6 fois la syllabe "il", en 3 couples symétriques. J'y soulignais que le début et la fin de la phrase reprise étaient les syllabes "san" et "tre" formant "centre".
  J'étudiais aussi les symétries au sein du paragraphe 17 entier, mais j'avais négligé d'approfondir le paragraphe 16, composé de 6 phrases totalisant 167 mots, le mot central tombant dans la phrase avec "centre" formé par ses extrémités, et c'est le mot "fin", 84e mot (Ricardou est mort à 84 ans).
  J'évoquais plus haut le paragraphe de la page 61 qui compte 111 mots avec en position centrale le vocable "terme". 16 et 61 encore...

  C'est probablement dans la même optique du renversement que la phrase de la page 69 débute par "Au milieu", nullement au milieu, et finit par "à gauche", indubitablement à droite.

  Tiens, je suis du signe du cancer, , né le 187e jour de l'année, prédestiné peut-être pour étudier Ricardou dont le QI a été évalué à 187.
  Je me sens d'ailleurs limité dans cette étude, par mes immenses lacunes littéraires notamment. Je crois en avoir assez fait pour démontrer que ces derniers textes de fiction de Ricardou sont vertigineux, et qu'il serait peut-être temps de passer la main aux universitaires, par exemple.
  Je me hasarde à avancer que c'est parce que ces derniers textes, ces "champs du signe", n'ont pas été compris, que Ricardou a cessé d'écrire de la fiction.

  Il y a tout de même un point où j'ai quelques compétences, Perec, et les nouvelles découvertes peuvent venir appuyer une hypothèse déjà émise, un hommage à La Vie mode d'emploi (LVME).
  Je rappelle que le dernier texte de La cathédrale de Sens est L'art du X, offrant en exergue
En ses calculs, que ce texte rende hommage au travail de Perec.
tandis que l'exergue du Lapsus circulaire, le premier texte, est
En ses calculs, que ce texte rende hommage au travail de mon père.
  Je le redis, L'art du X, auquel j'ai consacré plusieurs billets, dernièrement ici, est bien plus lisible que ces ultimes textes, et il est accessible en ligne.

  Je crois n'avoir pas mesuré toute la portée d'un détail de Révélations minuscules. Un lecteur arrivé à sa page 100, après la reprise de la phrase de la page 47, avec ses mots numérotés, y apprend que le mot central de cette phrase est "(99) centre (99)", page 99, et que le mot "centre" contient "cent".
  Ce lecteur aurait-il la curiosité de se reporter à la phrase originale, il constaterait que cette phrase a trois mots de plus, 200 en tout, et que les mots centraux en sont "(100) juste centre (100)".
  Un cent(re) (100) qui devient (99) évoque fortement LVME, conçu en 100 chapitres, mais qui s'achève sur un chapitre 99 parce que Perec a décidé de ne pas écrire le chapitre 66.

Note du 10/6: Le texte de Révélations minuscules couvre exactement 100 pages, de la page 9 à la page 108, mais la page 10 est blanche, au revers de la citation en exergue:
Vous tournez la page et le nom écrit d'un côté ne l'est plus de l'autre.
Chateaubriand, Vie de Rancé
Comme chez Perec, il est utile d'aller étudier la citation dans son contexte. Rancé est mort à 75 ans, en 1700, mais un moine s'est trompé de 100 ans.
100 pages donc, mais seulement 99 imprimées... Le texte est présenté en quatrième de couverture comme "un inédit capital d'une centaine de pages". Les mots en gras pourraient livrer les capitales IC, 99.  Il y a également un clinamen dans L'art du X, où un mot du sonnet n'est pas codé, de part et d'autre duquel se trouvent 36 et 82 mots, éventuelle allusion à la vie de Perec (1936-1982).
Il y a 80 pages dans
Le lapsus circulaire, toutes imprimées, soit en tout 180 pages, dont une blanche. Ceci évoque encore LVME, avec les 180 lignes prévues pour le Compendium du chapitre 51, la dernière étant restée blanche. La diagonale était une contrainte de L'art du X, avec peut-être le souvenir que Ricardou avait inauguré le procédé dans Les lieux-dits.
Il est suggéré page 96 (!) de
Révélations minuscules que la place de cette préface devrait être au milieu des nouvelles. Je comprends maintenant qu'il s'agit d'un autre jeu entre cent (pages) et cent(re).


  La conception de LVME a de quoi émerveiller les amateurs de complexité. On y visite tour à tour les 100 (ou 99) parties de l'immeuble du 11 rue Simon-Crubellier vu comme un damier de 10 fois 10 cases, selon la polygraphie du cavalier.
  Le chapitre 66 aurait été le coin inférieur gauche sur le diagramme ci-dessus, mais Perec a choisi de cacher ce trou par une continuité des numéros de chapitres, le 67 devenant 66, jusqu'au 100 devenant 99.
  Les rangées du damier sont numérotées de 1 à 10 (devenant 0) de haut en bas, de même les colonnes de gauche à droite (comme une grille de mots croisés). Les deux chiffres juxtaposés forment un nombre identifiant la case, nombre que Perec s'est imposé de faire apparaître dans le chapitre correspondant. C'est ainsi qu'il apparaît un domino double-six dans le chapitre 1, que Bartlebooth meurt au chapitre 99, laissant 61 puzzles irrésolus.
  Les exégètes se sont penchés sur diverses curiosités, l'achèvement sur 99 du fait de la suppression du chapitre 66, son renversement (tiens, "achever" et "renverser" symétriques page 61 chez Ricardou), le fait que ce chapitre 66 aurait eu l'indicatif 01, alors que le chapitre 1 à l'indicatif 66. (Note du 10/6, comme il y a une case 00, la case 01 est la seconde selon l'ordinalité, et la page blanche de Révélations minuscules est la seconde des 100 pages que couvre le texte; incidemment, le manque d'un mot dans la phrase de la page 66 pourrait être lié au chapitre 66 manquant)
  La case 66 correspond au palier de Bartlebooth, dont l'appartement couvre 5 pièces, les cases 61 à 65. Est-ce par hasard si la phrase de la page 66, supposée en 75 mots, invite à se reporter à la phrase de la page 61, en 75 mots?
  Bartlebooth est né en 1900, et c'est en ce chapitre 99 qu'est donné l'exact moment figé où se passe la visite de tous les lieux de l'immeuble, le vingt-trois juin mille neuf cent soixante-quinze à huit heures du soir: Bartlebooth a donc 75 ans.

  Perec a choisi ce moment exact parce que c'est celui où il a fait la rencontre décisive de celle qui resterait à ses côtés jusqu'à la fin, Catherine Binet.
  L'art du X est également inspiré par la rencontre de celle qui accompagnerait Ricardou jusqu'à la fin.

  L'accident de la circulation du Lapsus circulaire a un fondement biotextuel. Ricardou a été renversé par une motocyclette en 1986, ce qu'il exploite dans la nouvelle en l'assimilant à la chute d'Icare, et plus généralement au mythe crétois, avec plusieurs références à Dédale et Ariane.
  L'un des 10 tableaux fournissant des éléments à 10 chapitres de LVME est La chute d'Icare.

  Lorsque je me suis intéressé à la phrase de la page 47 de Révélations minuscules, où "cent" est le 100e mot à partir de la fin, j'ai pensé à Perec, car
PEREC = 47,
mais je me suis gardé de le mentionner, n'y soupçonnant aucune intention. Je n'en suis plus si sûr, sachant qu'il s'agit de la 160e phrase, et que
LA VIE MODE D'EMPLOI = 160.
  Que se passe-t-il à la page 47 du Lapsus circulaire? Le narrateur déduit étrangement de la formule Renverse-moi, je suis ta créature le numéro de téléphone de ladite créature. Les 4 premières lettres donnent 4, puis le renversement des 4 autres en E-R-U-T correspond aux rangs alphabétiques 5-17-20-19 (il est utilisé ici une correspondance particulière, probablement issue de l'équivalence de O à zéro avancée dans La prise de Constantinople).
  Après cette fine déduction, le narrateur découvre que la créature avait aussi écrit Renverse la série 16-20-17-45, chéri, et tu lambderas de l'i grec. Ce 19 devenant 16 m'avait fait envisager une erreur, je suis bien plus circonspect aujourd'hui.

  Quel rapport avec Perec? Le 23 juin à 8 heures est en chiffres le 23/6, 8:00, et taper ces chiffres 2-3-6-8 sur un cadran de téléphone équivaut à taper les lettres C-E-N-T, 100 qui aurait du être le numéro du chapitre où est donné 6 fois ce moment précis du 23 juin 1975, 8 heures.
  Que ç'eût été intentionnel ou non chez Perec, Ricardou était tout à fait capable de découvrir cette possibilité, et ceci pourrait rendre compte de la bizarre correspondance entre lettres et numéro de téléphone à la page 47.

  J'étais bien plus certain d'une bévue pour la position 38 donnée pour la symétrie "achever-retournement" de la phrase de la page 61. Ceci aurait pu mettre la puce à l'oreille d'un lecteur venant de voir ce 38 aussi attribué au rang central de "symétrie". Les réels rangs 33 pouvaient, pourquoi non, inciter à scruter plus avant la phrase de la page 66, et s'apercevoir que les expressions entre parenthèses totalisaient précisément 38 mots.
  Si c'est bien par erreur que cette phrase sans parenthèses compte 74 mots au lieu de 75, alors la phrase complète totaliserait 113 mots, et j'ai été conduit à voir dans les nombres 113 et 226 des signatures équivalant à la valeur 89 de RICARDOU, lequel appréciait le Modulor, où les mesures 226 et 113 cm correspondent à 89 pouces et demi-pouces.
  Cette phrase de la page 66 est aussi le paragraphe 178 du récit, deux fois 89.

  Dans la note du 6/6 ajoutée au précédent billet, je prévoyais que ma découverte 6-6 aurait des suites que j'envisageais d'aborder dans un billet titré 6-6 face à son dessin.
  Lorsque je me suis avisé que ce billet serait le 314e de Quaternité, évoquant pi, Le lapsus circulaire y étant au premier plan, il m'a semblé devoir l'exploiter, et j'ai trouvé ce titre de valeur 314
circulez, il y a tout à craindre ici
qui s'offre le luxe d'une symétrie ci-ci.
  Je prévoyais de publier le précédent billet le 6/6, non seulement parce que c'est une date géminée, mais aussi parce que c'est le 157e jour de l'année, et que ceci m'évoque la valeur des 18 premières lettres, 171, moins le N de valeur 14.
  Je ne pensais aucunement alors que si 314 évoque pi, 157 évoque pi/2.

Note le soir du 9/6: je n'avais même pas pensé que ce 9/6 est le 160e jour de l'année,alors que la suite 061-99-160 m'est essentielle (voir notamment le précédent billet).